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mercredi 9 février 2011

Nicolas dupont-aignan?

(suite du dialogue entre le Torrentiel et le croissant de lune, herméneutique 5)

Envoyé par le Torrentiel le 8 février à 5h17

Mon cher croissant de lune,

Tu m'interroges sur Nicolas dupont-aignan, je crains d'avoir à te décevoir une fois encore. L'homme se dit gaulliste, on peut bien lui en faire le crédit. Il a commencé par adopter des positions très "à droite" et très anti-immigrationnistes, au moins autant que souverainistes. Il a aussi brigué la Présidence de l'UMP contre sarkozy en étant conscient de donner un coup d'épée dans l'eau, mais en prétendant combattre pour l'honneur, ce que je veux bien encore lui concéder. On a souvent estimé que c'était un villiers (light), mais qui avait la faveur des médias, ayant sa carte d'invitation chez Thierry ardisson, entre autres bateleurs-débatteurs de la "société du spectacle", qui ne saurait concevoir le débat qu'il ne soit ponctué d'"amusettes". Le Pen a toujours fustigé comme antidémocratique le fait que les médias ne le recevaient pas, ne le traitaient pas, lui et son parti, à égalité avec ses concurrents, la moindre des choses qui devrait être de rigueur en démocratie. Etrangement, sa fille a été invitée, est devenue une espèce de chouchou, d'icône, des agents de transmission de l'information, pour le maintien et la perpétuation de la survie de l'épouvantail, comme tu sais que c'est ma thèse, et l'opération a réussi, Marine le Pen a recentré le front National sur l'antiislamisme plutôt que sur l'anti-immigrationnisme, ce qui a fait qu'on a trouvé son discours passable, en quel honneur ? Un discours antiimmigrationniste avait au moins le mérite d'être plus franc, et de ne pas stigmatiser la pratique ou la foi religieuse de personnes qu'on prétendait accueillir de tout son coeur sur notre sol. Le spectre politique des années où Nicolas dupont-aignan était un Viliers invité par les médias, lequel était lui-même plus invité que le Pen, était le suivant : à gauche de la droite, on avait les cassiques de l'UMP classique ; un peu plus à droite était dupont-Aignan ; ensuite, venait de villiers qui, à son souverainisme, joignait l'islamophobie, montrant le chemin à Marine le Pen, à droite de villiers, venant le père de cette dernière.

Les cartes se sont un peu redistribuées après la présidentielle de 2007 :Philippe de Villiers est "mort politiquement" de son opération d'antiislamisme primaire qui lui a fait dire, durant toute la campagne présidentielle que, cette fois, il était bel et bien sorti du système et que plus rien ni plus personne ne l'y ferait rentrer. Tout cela pour accepter, à peine six mois plus tard, la main tendue de Sarkozy. Dupont-Aignan, qui avait toujours été un ersatz de villiers, a fait le raisonnement suivant qu'il avait déjà amorcé avant la campagne : il faut que je reste sur une ligne gaulliste, mais que je supprime de mon discours comme une gangrenne, tout anti-immigrationnisme et jusqu'à toute trace d'antiislamisme, ce qui lui vaut d'être un invité récurrent et bien aimé de "beur FM". Ainsi fut fait dans son discours, et jusqu'à expulser de son mouvement la curieuse dirigeante de "riposte laïque", christine Tasin qui, issue des mouvements de la gauche, s'est lancée dans des opérations antiislamistes du plus mauvais goût, comme celle d'organiser des "apéros géant" saucisson-pinard dans le quartier de la goûte d'or. Je ne dis pas qu'on n'ait pas le droit d'organiser de telles réunions ; mais pourquoi ne pas prévoir des boissons non alcoolisées et autre chose que du saucisson pour ne pas exclure, avec une hypocrisie qui rend l'opération agressive, les populations musulmanes devenues majoritaires dans ce quartier et dont on insulte, non seulement à la croyance, mais aux personnes, en les proscrivant de fait de telles manifestations ? Cela étant, je me suis aussi senti mal à l'aise quand, me rendant dans une fête turque (qui n'était pas fermée aux autochtones), il m'a été impossible de trouver une bière à boire.

Ce qui est le plus reproché à Nicolas dupont-Aignan est d'avoir, dans sa jeunesse, participé à une réunion des "young leaders" repérés par les observateurs américains, au cours de laquelle il aurait appris la stratégie et la communication politique et qui lui aurait donné à la fois son bagout et une espèce de passe-partout pour être invité, où qu'il souhaite exprimer ses opinions. Donc il n'est pas improbable que Nicolas dupont-Aignan, qui se rêve en alternative, d'un rêve réel ou de galeriste, ne soit en réalité qu'une créature.

Abstraction faite de ce personnage politique, je ne suis pas surpris que tu te sentes plus de connivence avec des personnalités de droite qu'avec des partisans d'une gauche qui caresse la population arabe dans un sens purement électoraliste. Cette réaction m'a été plusieurs fois signifiée par des arabes, soit de l'intérieur, lesquels me disaient ne pas détester le Pen, soit du Moyen Orient, disant qu'il était parfois plus facile de traiter avec des gouvernants israéliens de droite, pourvu qu'ils ne fussent pas affairistes, qu'ils s'appellent Sharon plutôt que Netanyaou,, car ils faisaient des concessions sur lesquelles on pouvait espérer qu'ils ne reviendrait pas, qu'avec des travaillistes, les avatars locaux des socio-bourgeois que tu dénonces, qui n'avouent jamais leur hostilité, mais n'ont aucune parole . J'avais senti dès la première réponse que tu me fis qu'il en allait ainsi de toi, car je te trouvais une communauté d'écriture avec la force polémique des littérateurs de droite ; et sans cette "famille d'écriture" si ce n'est de pensée, il est probable que nous n'ayons rien pu entamer, toi et moi, en matière de joute ou de dialogue. Car je me crois à peu près sur la même ligne que toi : je ne me sens pas de droite à proprement parler, mais je ne supporte pas le flou que se plaît à entretenir la gauche. J'aime à l'occasion prendre mon bain dans la voix saoulante, mais maternelle, coulé avec un robinet d'eau tiède de Ségolène royal. Mais je ne suis pas dupe que c'est de l'eau tiède, une simple variation de température, mais la même politique en pire, si la gauche ne cède jamais à pratiquer la politique du pire. En résumé, la droite est ma famille de pensée (dans le mode de penser), mais elle n'est pas (ou pas toujours, ou pas souvent) ma famille de pensée dans les opinions et conclusions auxquelles elle aboutit. Mettons que la droite soit ma famille d'esprit, mais que, pour ce qui est de me classer politiquement, je ne saurais m'y prendre moi-même.

Concernant Julie Clarini que tu fustiges depuis deux ou trois messages parce qu'elle aurait regretté dans sa chronique que "la France (n'ait) plus besoin de héros", je crois que tu n'as pas bien saisi la nuance de regret qui perçait dans sa "sociologie de l'héroïsme". Ce qu'on peut lui reprocher, comme à tous les représentants de la "boboïtude" dont il n'est pas faux que notre société crève, comme à tous ces agens du non sens qui font du "grand n'importe quoi" le nec plus ultra de l'expression devant précéder l'agonie du langage et des certitudes, c'est précisément qu'elle se livre à une "sociologie de l'héroïsme" plutôt que d'engager ceux qui l'écoutent à en retrouver le sens; qu'elle discute de l'héroïsme comme d'autres discutent de la faim dans le monde au cours des colloques où sont invités à s'asseoir autour d'une "table ronde" les représentants de peuples qui crient famine ou devant les clochards qu'on plaint en ne leur donnant pas la pièce quand on les rencontre ici ou là. Ainsi a-t-on reproché à Michel rocard de s'être souvent gobergé dans des "think tanks" mondiaux, tiersmondistes, mondains et très sérieux où l'on "discutait de la faim". Je trouve assez dérisoire la brochure ""Indignez-vous" de l'onctueux stéphane Hessel, mais il a raison sur un point : mieux vaut se trouver un sujet d'indignation que de regarder la vie passer en se la coulant douce. Le problème, c'est qu'on doive se chercher un sujet d'indignation. Notre coeur et notre sentiment ne seraient-ils pas de bons guides pour que nous puissions les trouver sans avoir à les chercher ? De plus, l'indignation est-elle un ressort suffisant quoiqu'il soit nécessaire pour agir en politique?

Concernant la "révolution égyptienne", il est certain qu'elle traverse un mauvais pas. Ces palabres sur la "place de la libération" traduisent un certain immobilisme bien connu et apprécié des occidentaux, parce qu'il lui rappelle leur mode de gouvernement, où la "manifestation", ou les râleries dans la rue sont intégrés dans l'établissement de prétendues réformes pour rendre le pays précisément irréformable et la politique apolitique et stationnaire. Il est certes vain de s'interroger sur le moment où cette révolution égyptienne a lieu, car le propre d'une révolution est de ne jamais choisir son heure. Mais elle arrive à l'expiration du dernier mandat de Moubarak. Qu'elle ait voulu signifier à celui-ci qu'il n'était pas question que son fils en prenne la relève, on peut le concevoir. Mais dès lors que le peuple a obtenu gain de cause à ce sujet, pourquoi veut-il précipiter son départ ? De notre temps, il se trouve en effet qu'un événement qui dure lasse très vite, et il en va ainsi dans tous les pays, c'est un effet cumulé de l'accélération de l'histoire, facteur que je crois très important dans l'appréciation des événements, et du décérébrage organisé en zapping, qui fait par exemple que les oreilles musicales occidentales ne sont plus aptes à goûter un morceau qui dure plus de trois minutes, à trouver que n'est pas fioriture le motif beethovenien qui développerait le thème d'une symphonie. Le temps perdu en "sit-in" joue contre ce mouvement social.

D'autre part, il faut reconnaître, même si on ne peut approuver cette ingérance, que l'administration américaine joue plutôt bien. Cela serait le fait d'une ligne choisie par Obama contre sa secrétaire d'Etat Hilary clinton, qui me paraît l'incarnation du cynisme en politique. Obama a exhorté le régime à négocier avec les "frères musulmans" qui, dès lors qu'ils font partie du pour-parler censé résoudre la transition entre le régime moribond et celui qui doit lui succéder, a l'air de se croire quittes de continuer une révolution à laquelle ils n'ont que trop peu participé, preuve que la composante religieuse n'est pas nécessairement aussi importante que l'on croit dans ces mouvements et que la lecture occidentale d'une rechercheh d'amélioration par le peuple de ses conditions de vie matérielle, n'est peut-être pas aussi fausse qu'on le souhaiterait, même si la réduction d'un mouvement social d'une telle importance, qu'on l'a assimilé à un "printemps des peuples", à n'avoir un coeur qui ne serait que matérialiste, est terriblement décevante. Le peuple estime peut-être encore avoir été entendu s'il a mené cette révolution pour que les "frères musulmans" soient intégrés à la "transition démocratique" devant mettre en place un nouveau régime. Les "frères musulmans" auraient-ils suggéré au peuple cette attitude ? Je n'incline pas à le croire, d'autant que je suis prêt à parier que les mouvements islamistes préféreraient accéder au pouvoir par des voies démocratiques ou par un appel au peuple, afin que leur accession au pouvoir ne souffre pas du même défaut d'origine en légitimité que ne l'aura été le régime qu'ils auront renversé. La démocratie ne doit pas avoir peur de l'islamisme, ou elle a peur d'elle-même et prouve par là qu'elle ne tient pas à grand-chose.

Il faut reconnaître enfin que Moubarak a fait preuve d'un certain panache en refusant de céder au déshonneur personnel de se démettre et de s'enfuir comme ben ali, comme si une lâcheté en entraînait nécessairement une autre. La seule manière de mettre fin à l'ambiguïté serait d'organiser, le plus tôt possible, une "marche millionnienne" vers le palais présidentiel, je ne vois pas comment on pourrait en sortir autrement, et je ne pense pas non plus que l'essoufflement de ce mouvement serait de bonne augure, ni puisse a fortiori redonner du moral au peuple, dont il a grand besoin pour se ressaisir de son destin. En tout état de cause et quelles qu'en soient les conséquences, même si Hubert védrine dit qu'on est un apprenti sorcier quand on néglige les conséquences d'un tel soulèvement-relèvement, un "peuple libre" est préférable à un peuple asservi, et qui passe son temps à devoir céder au chantage. Le chantage est l'antonyme de la liberté.

Torrentiel, l'improvisateur, qui voudrait que soit réhabilité le mot de Liberté, pourvu qu'on ne dérive pas comme sous notre terreur à commettre "combien de crimes en (son nom"), ce nom que Paul Eluard écrivait sur tous les frrontispices de l'oppression et de l'occupation.

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