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mercredi 20 octobre 2021

Le roi s'amuse

Le problème n'est pas que "le roi s'amuse", mais que le roi s'amuse souvent. Je me souviens d'un voyage dans je ne sais plus quel pays d'Afrique où, dans une discothèque tenue par un bandit notoire, impliqué dans les réseaux de la drogue, crois-je savoir, il demandait qu'on laisse ce qui se passait dans cette discothèque  à l'intérieur de cette discothèque. Pourquoi avait-il choisi cette boîte de nuit comme étape de son voyage officiel? Au regard d'une sortie aussi provocatrice, ce que montre la vidéo mise en ligne par le "Parisien" paraît bien innocent. Rien à voir non plus avec la fête de la musique très idéologique très genrée promouvantun leader de groupe musical qui se revendiquait "noir et pédé" et qui sortait de son identité et de son genre comme une promesse d'avenir de dépersonnalisation à tous les étages qui, à en croire Frédéric Daby, prend dans la jeunesse: la théorie du genre qui était censée ne pas exister fait des ravages  de déréalisation et de déconstruction. J'aurais aimé que Sandrine Rousseau sortît vainqueur de la primaire écologiste, car son franc-parler aurait montré l'alliance contre nature entre le refus de la nature qui rêve d'un "homme déconstruit"et l'allégeance à la nature qu'on ne connaît que dans un contexte urbain qui croit que l'agriculture est la plus grande des pollutions, cet agriculture industrielle-là bien sûr, mais qui l'a réclamée? 


Ce qui est moins innocent que le déhanché présidentiel chantant à tue-tête la holà des victoires footballistiques est que le match ait opposé le "Variété club de France" à une équipe de soignants dans le cadre de l'"Opération pièces jaunes", dont je m'étonne toujours qu'elle n'ait jamais gêné personne, d'autant qu'elle fut organisé par la femme de Jacques Chirac, qui s'inscrivait dans le précédent de la fondation Claude Pompidou,  pour renflouer un hôpital public que c'est la responsabilité de l'Etat de ne pas réduire en pelote et dont messieurs nos présidents confient à leurs dames patronnesses le soin de montrer qu'elles s'en occupent de l'extérieur de  l'Etat dont le chef a nommé premier ministre un de ses fossoyeurs en la personne de Jean Castex, sans doute pour le récompenser de l'avoir mis dans la situation où l'a trouvé la covid, il faut le répéter sans cesse. L'Etat financeur joue les tendeurs de sébile en la personne de ses plus hauts  dignitaires, comme on s'est habitué à ce que, pour donner moins d'argent à la recherche, il organise annuellement le grand raout caritatif du téléton,  diffusé en boucle pendant 48 heures sur les chaînes du service public complice. 


Autre indécence symbolique, bien caractéristique du mépris de classe dont Emmanuel Macron a fait preuve pendant toute sa campagne et tout au long du quinquennat qui court encore et risque d'être couronné par la réélection du plus cynique de nos présidents, Emmanuel Macron joue contre les soignants canonisés, puis mis à l'amende de l'obligation vaccinale avant tout le monde sous peine d'être suspendus et de n'être plus payés, pour faire rapporter de l'argent à un hôpital auquel, avant la pandémie, il a refusé de donner de l'argent qu'on n'avait plus, disait-il (il aurait pu dire que l'hôpital nous coûte "un pognon de dingue"), on se souvient de sa conversation avec une infirmière dans un hôpital qu'il visitait, avant  de se rendre à la Légion d'honneur pour y entendre une chorale le soir même avec son épouse. 


Emmanuel Macron n'a même pas imaginé de jouer aux côtés des soignants contre le Variété Club. Si indécence il y a dans ce divertissement de  notre roitelet, c'est de ces côtés-là qu'elle se situe.


Quant à la fausse proximité désormais établie entre les français et leur président, d'un côté on réclame un cloisonnement de la sphère publique et de la sphère privée, comme si la petite histoire n'avait pas toujours guetté les secrets d'alcôve et été friande de l'étalage des favorites ou des mignons. Et de l'autre on tape sur l'épaule du président, dont on attend qu'il soit moins respecté qu'un directeur d'école. Dans un des établissements scolaires que j'ai fréquenté, le bureau de Monsieur le censeur et de Madame la directrice se situait derrière des portes capitonnées. On y accédait après avoir g rimpé un escalier d'honneur où était déroulé un tapis rouge. Cela installait une distance que ne permettent pas les actuels bains de foule, réclamés par la politique spectacle qui veut de l'empathie et des selfys, et des serrages de louche où l'hôte de l'Elysée demande aux Français "comment allez-vous", sans se souvenir qu'à l'origine de cette expression, les courtisans voulaient savoir comment le roi était allé à la selle.

lundi 18 octobre 2021

Le miracle

Le miracle est l'exception qui confirme la règle.

Les remarques sur la toute-puissance de Dieu doivent être assorties de ce qu'en disait François Varillon: "L'amour ne fait que ce qu'il peut" et il ne peut qu'aimer. Mais ce n'est pas une raison pour réduire Dieu à l'impuissance sous prétexte qu'Il serait tout-puissant en amour. Comme ce n'est pas une raison de réduire le désir à l'impuissance parce que nous sommes des insatisfaits permanents, et que nous papillonnons faute de savoir ordonner nos désirs au bon usage de la vie qui est Dieu et qui nous veut du bien.

Je rêve d'une Eglise qui croit au miracle parce que le miracle est le premier signe de la foi. Peut-être croire au miracle est-il romantique, mais la foi est romantique comme une aventure irrationnelle ou comme l'aventure rationnelle de la lutte avec l'ange, où la raison ne s'incline que quand elle est acculée.

Je crois au miracle jusqu'à croire qu'un aveugle peut avoir recouvré la vue sans nerf optique comme cela pourrait m'arriver, ce que je désirerais d'autant plus que je n'en éprouve aucun besoin.

La question à se poser n'est pas: "Pourquoi ne sommes-nous pas tous miraculés?" mais: "De quoi le miracle est-il le signe?", et la réponse est que "Le salut éternel fait irruption dans nos vies comme un miracle" de transformation du désir. Mais le salut, ou bien est second, ou bien prolonge la foi qui est première, et qui est moins confiance que conscience d'une relation inouÏe, improbable, théoriquement impossible, d'une relation miraculeuse entre un Dieu miraculeux et l'homme qui est le miracle de Dieu.

Si le miracle peut être suspension d'un processus de dégénérescence, cela dispense de se poser la question: "Pourquoi devrait-on guérir si l'on ne peut mourir guéri?".

Dieu n'intervient dans la nature que par miracle. Teilhard suppose que c'est parce qu'Il a laissé la liberté à la nature comme Il a laissé l'homme à sa liberté, et la nature s'est donnée ses règles, puis a été laissée à ses lois qu'a édictées sa liberté, dont c'est peu dire qu'elles ne sont pas conformes aux lois de Dieu, "la lumière éclairant tout homme" et animant tout ce "qui vient en ce monde". Jésus ne peut pas approuver  cette loi de la nature: "Celui qui a recevra encore, mais à celui qui n'a rien, on prendra même ce qu'il a". Mais cela ne l'empêche pas de l'énoncer comme s'Il la reprenait à Son compte.

Il est enfin stimulant de penser que Dieu est "cause libre" plus que "cause rationnelle". Le miracle est la sortie du déterminisme.


MetaBlog (ab2t.blogspot.com) 

samedi 16 octobre 2021

Nouvelles réflexions sur le rapport Sauvé



-Doit-on considérer que le rapport Sauvé est parole d'Evangile? Statistiques estimées à la louche, mais surtout entre-soi assumé par le président de la commission, qui l'a présidée à condition de nommer tous ses commissaires, a fonctionné "à budget ouvert", a produit des statistiques à la louche, par des méthodes d'estimation, a fait parler M. devaux en tête de sa conférence de presse pour expliquer à ses commanditaires qu'ils étaient "la honte de l'humanité" et a pris la tête, sous le prétexte d'agissements moralement indéfendables, d'une contestation portant les revendications de "Wir sind die Kirsche" en Allemagne, et dans le monde francophone de "Golias", de la CCBF et de tous les progressistes pour exiger un "Vatican III" de l'Eglise (il ne le dit pas tel quel, mais ceux qui prennent le rapport Sauvé pour parole d'Evangile le font pour lui), comme s'il fallait se parer des vertus du néo-puritanisme en vogue (et je ne dis pas que les abus dont il est question sont dénoncés par une conception puritaine de la relation amoureuse) pour saper la morale chrétienne, ce dont je me fiche, mais pour détruire l'eglise en la ruinant, ce dont je ne me fous pas du tout.


-Car il s'agit bien de savoir pourquoi l'Eglise catholique est "la seule internationale qui tienne" comme le dit Guillaume de Tanouarn; pourquoi elle a survécu à tous ses crimes (et Périco Légasse a peut-être raison de dire qu'elle est la plus grande tueuse de tous les temps, opinion qui me scandalise), ce qui ne s'explique pas à moins qu'elle ait en effet les promesses de la vie éternelle et que les péchés incommensurables de ses membres n'atteignent pas sa sainteté ontologique.

"Moi, quand j'aurais commis tous les crimes possibles...", s'exclame sainte Thérèse, l'apôtre de la voie d'enfance...

   Comment l'Eglise peut-elle survivre, non seulement aux abus sexuels de ses clercs et de ses laïcs, mais aussi à son indifférence envers tant de prochains malades, handicapés, isolés, affamés ou démunis,  en priant pour que des gens se dévouent à son service dans les prières universelles, en leur envoyant le Secours catholique ou la Conférence Saint-Vincent de Paul pour les soutenir d'une tape sur l'épaule, d'une bonne parole qui ne mange pas de pain ou d'une aide ponctuelle; tout en ayant les yeux de Chimène pour les migrants ("tu aimeras ton lointain comme toi-même et l'homme in abstracto"), jusqu'au jour où des coutumes différentes viennent déranger ses habitudes? 


-Et j'irai plus loin. Ce qui interpelle ma foi en Jésus à l'heure actuelle après avoir douté de son historicité (et le doute n'est pas levé en moi), cru que c'était un egregor qui existe par l'appel à l'existence que lui lancent les croyants (et il m'arrive encore de le penser); un paranoïaque qui se prenait pour le Fils de Dieu et que tout le monde a cru; après avoir pensé tout cela non sans l'aimer, je me demande comment on peut dire qu'Il n'a pas péché alors qu'Il S'est mis en colère, a rabroué Ses apôtres, a maudit le figuier sec, a menacé les sarments secs d'être jetés au feu et dit aux vierges folles qu'Il ne les connaissait pas. Comment peut-Il être doux et humble de coeur et en même temps si âpre? Comment peut-Il ne pas pécher et contrevenir à nos conceptions les plus évidentes de la relation humaine qui reconnaît l'autre et ne le rudoie pas? Pourquoi dit-on de Jésus qu'Il n'a jamais péché sauf si c'est vrai et dans ce cas, qu'est-ce que cela dit de la manière dont nous devons concevoir la relation humaine? Jésus ne nous blesse-t-Il pas d'amour autant qu'Il nous aime inconditionnellement, ce qui ne transparaît pas dans les Evangiles au premier coup d'oeil?


-Et enfin les victimes doivent-elles s'enfermer dans leur statut de victime? Il n'est nulle enceinte judiciaire où la justice est rendue au nom des victimes, sans quoi ce n'est pas une réparation, c'est une vengeance. Un procès reconstruit rarement une victime et la justice doit être rendue au nom de la société. La justice. On doit faire réparation aux victimes, mais la réparation ne leur rendra pas ce qu'on leur a pris à tout jamais. La vie, écrite à l'encre indélébile, est faite de ces deuils irrémédiables et de ces pertes irréparables, dont il n'est pas écrit qu'on ne doive pourtant pas s'en remettre. Pourquoi être une victime serait-il la seule condition dont on ne doit jamais se remettre? Pourquoi s'enfermer dans le statut de victime? Est-ce que la résilience n'est pas l'ultime ambition d'une victime qui ne nie pas son trauma, mais refuse de s'y laisser enfermer pour le reste de ses jours? 

samedi 9 octobre 2021

Par amour de la liberté

                Par amour de la liberté


N'est-on jamais aussi libre qu'on le voudrait? 


La chère hôtesse de mes villégiatures tourangelles me disait à l'instant: "Il ne faut pas toujours être contre, il faut être avec." L'extrême droite d'il y a trente ans se mettait constamment en porte-à-faux et se posait en contre-société qui voulait changer la société. On était tellement contre elle qu'elle était tout le temps contre le monde entier. C'est un changement peu négligeable que ce "contre" se soittransformé en "avec". Il a fallu pour cela que quelques commanditaires forcent le pluralisme et que les plus radicaux se civilisent. Zemmour n'a pas une gueule d'ange, mais de petit garçon inoffensif. La radicalisation française adopte la gentillesse française dont parlait Claude Guéant, mettant au ban la radicalité islamiste, en guerre ouverte avec ses moeurs pacifiques. La droite n'est plus le pays "où l'on n'arrive jamais" comme l'écrivait Yves-Marie Adeline, il y a un espoir d'y arriver si elle continue de se montrer aussi aimable et civilisée. Le discours d'Alain Finkielkraut était sur une double défensive de la France et d'Israël. Le discours de Zemmour garde le silence sur Israël et défend la France avec le sourire. N'était #Meto et le néo-puritanisme que charrie ce refus du baiser volé, des avances et des regards adipeux, on pourrait croire au retour de la galanterie française.

Quant à la liberté, j'ai une très belle histoire sur elle. Je fus pendant vingt-cinq ans l'ami de l'ancien économe du séminaire saint-Sulpice sis au six, rue du regard où j'ai vécu pour vivre le comble d'un aveugle, habiter rue du regard. Cet homme était assez guindé et je ne sais pourquoi, a lâché toute bride à son verbe durant les quinze dernières années de sa vie, si bien que sa table était un lieu où se déchaînait la liberté à propos de tout. Il me faisait souvent l'honneur de m'y inviter en face de lui parce que nous avions tous les deux le goût de renverser les autorités morales qu'on gobait sans discernement. Nous eûmes ainsi la joie mauvaise de chahuter soeur Emmanuelle et quand ce fut fait, nous nous sommes dits: "Nous avons fait un excellent dîner" en nous frottant les mains, au grand dam de mon frère, qui était de la partie, mais n'avait pas la même tournure d'esprit anarco-catholico-conservatrice.

La semaine avant sa mort, je lui ai téléphoné et je lui ai dit: "Vous me faites irrésistiblement penser à Michael Lonsdale lançant, dans le film "Des vivants et des dieux" où il interprète le frère Luc, médecin, à qui il est indifférent de partir ou de rester et qui déclare vouloir se plier à la décision de la majorité des moines: "Laissez passer l'homme libre." Et le Père dugué de me répondre: "C'est incroyable, ce que vous me dites, car à l'instant même où vous me le dites, je vois passer sous mes fenêtres (il a fini ses jours chez les petites soeurs des pauvres avenue de Breteuil) Michael Lonsdale en personne, qui va prendre son déjeuner au restaurant le Vauban."

Au lendemain du 21 avril 2002, le Père Dugué me raconta que beaucoup de gens se confessaient d'avoir voté Le Pen.

"Et que leur répondez-vous?

-Que ce n'est pas forcément un péché, cela dépend. Si vous avez voté pour lui par xénophobie, cela va contre l'Evangile, mais si vous l'avez fait à la suite d'une analyse politique, ce n'est pas un péché. J'étais dans le second cas, lui-même était gaulliste.


Justice au Singulier: On n'est jamais aussi libre qu'on le voudrait ! (philippebilger.com)

vendredi 8 octobre 2021

Le rapport Sauvé, la révélation des abus sexuels sur mineurs, le secret de la confession, où sont les hommes?

Billet posté en commentaire sur le blog de René Poujol au pied d'un billet traitant de la question. 


Cher René,

 

Il est symptomatique que le premier dérapage épiscopal ait porté sur le secret de la confession. Quand je parle de dérapage, je prends date, estimant qu'en plein emballement d'effroi où chacun y va de son sac de cendres et verse des larmes de crocodile au lieu d'affronter le problème structurel et culturel des abus sexuels de façon globale, virile et théologique,  mais cela nécessiterait de vastes développements que je  ne ferai pas ici, tout n'a  pas encore décanté en moi, on cherche le dérapage mitré et on s'en voudrait de ne pas tenir une énormité comme le célèbre: "La plupart des faits sont prescrits grâce à Dieu" maladroitement prononcés par le cal Barbarin,  propos qui ont valu le tournage du film éponyme de François Ozon et l'éviction du collège épiscopal de ce prince de l'Eglise.

 

La focalisation du débat sur le secret de la confession est symptomatique à plus d'un titre, d'abord parce que le fond anticlérical de notre gouvernement civil et de la classe politique qui le forme a fait que ce n'est pas d'hier que l'Etat est venu chercher l'Eglise là-dessus. Je me souviens de Ségolène Royal interpellant mgr Pâtenôtre (le bien nommé) pour qu'on le lève, lequel ne voulut pas se coucher et répondit comme il put en essayant de rester patelin face à l'hostilité de la ministre de l'enseignement scolaire qui avait organisé la distribution des pilules avortives par les infirmières scolaires, et d'accomplir les promesses conciliantes et superstitieusement inquiètes contenues dans son nom de Patenotre, mais cette guerre clochemerlesque entre l'Etat et l'Eglise qui ne cessent de se chercher depuis plus de 200 ans est un symptôme périphérique.

 

Il y a plus profond: c'est que l'Etat traque les religions pour savoir si elles considèrent que la loi civile est supérieure à  la loi religieuse. Elles voudraient leur faire prononcer que oui et ceci est impossible en rigueur de foi, pour une raison que Jean Madiran a définitivement tranchée selon moi: il y a des lois non écrites supérieures à la lettre de la loi et prétendre le contraire est prendre le parti de Créon contre Antigone. Comme tous les croyants sincères s'y refusent et affirment par là la supériorité que revêt à leurs yeux la religion qui les relie au ciel sur le monde dans lequel ils font société, on les accuse de séparatisme. A cela s'ajoute un sentiment d'appartenance affectif qui fait que, personnellement et par exemple, je me sens plus catholique que Français et non seulement je comprends la position d'un musulman qui préfère la communauté des croyants à la nation française, mais je ne vois pas pourquoi on le lui reproche. J'irai plus loin, je ne vois pas en quoi l'oumma diffère fondamentalement, au sentiment des musulmans, de la communauté des croyants, c'est-à-dire de l'Eglise, au sentiment d'un catholique.

 

C'est pour ne pas a voir soutenu le point de vue d'Antigone et ne pas avoir affirmé courageusement qu'en tout état de cause, l'appartenance à l'Eglise l'emportait, au moins  pour un catholique affectif ou normalement constitué, sur l'appartenance à la République qui n'est  qu'une appartenance et une alliance de seconde zone, que mgr de Moulins Beaufort se voit aujourd'hui chercher des poux sur la tête à propos du secret de la confession par ceux du camp de Gabriel Attal qui pensent que "rien n'est supérieur à la République", secret qui prête à fausse polémique puisque la République a déjà établi une exception (bienvenue) au secret professionnel pour des abus commis sur des mineurs ou des personnes vulnérables, qu'elle fait obligation de dénoncer. Je sais bien qu'énoncer cela fait courir le risque d'horizontaliser toujours un peu plus l'Eglise (nos élites ne seront satisfaites que le jour où l'Eglise sera devenue une démocratie élitaire aux idées larges et à l'esprit ouvert sur les grandes abstractions imperméables aux personnes), avec des sacrements équivalant à l'exercice d'une profession garantie par le secret professionnel, limité par le risque et les délits pénaux, mais le fait est, le problème est réglé, l'obligation de dénoncer est devenue la norme, ce qui d'ailleurs est problématique.

    Mais à l'intérieur même de l'Eglise, il existait une pratique, merveilleusement et pittoresquement relatée par Maupassant dans "Une vie", d'après laquelle le prêtre pouvait offrir une absolution suspensive ou sous condition (Maupassant allait jusqu'à évoquer des "demi pardons" donnés par le prêtre "antiphysique" qui avait succédé à l'abbé Picot dans le village de Jeanne et de Julien). Autrement dit, le canon de l'Eglise pourrait tout à fait intégrer (ou l'Eglise pourrait recommander comme une bonne pratique) que le prêtre à qui un pénitent aurait avoué un abus sexuel sur mineur accorde une absolution si et seulement si le pénitent s'engage à se dénoncer, puis revienne le voir, faute de quoi le prêtre ne serait pas tenu par le secret de la confession et pourrait dénoncer lui-même la faute qui lui a été avouée.

 

Que le débat fasse diversion sur ce secret  est symptomatique en quatrième lieu parce qu'on a aujourd'hui tellement peur de la promiscuité des enfants et des adultes qu'il est devenu impossible à un enfant de confier porte fermée un secret à un adulte. Je l'ai souvent fait enfant et m'en suis trouvé consolé. Je ne sais pas à combien de maltraitances, de ravages et d'abus cette impossibilité pour un enfant de confier un secret à un adultes expose les enfants d'aujourd'hui.  C'est un peu comme pour la Covid: un jour on comptera les morts colatéraux de cette pandémie et des décisions  qui ont fait qu'en fait de protéger les personnes vulnérables, on les a livré à elles-mêmes, on les a abandonnées, on les a laissé seules, comme on a laissé se développer les maladies aux soins déprogrammés. 

 

Mais j'en viens à ce qui constitue pour moi le fond de l'affaire et au cinquième symptôme que la focalisation du débat sur ce secret nous expose et celuicelui-ci va très loin, vous l'exposez vous-même dans votre billet. Notre credo croit en "la rémission des péchés",  en "la résurrection de la chair", donc en la reconstruction du pécheur, en une seule victime qui a donné sa vie pour nous, "tous coupables", victime offerte qui a pris sur elle la responsabilité de nos actes pour sauvé nos âmes, qui devra nous juger et qui ne pourra pas le faire puisqu'elle répond de tout et tout est pardonné, ce qui est une manière de traduire le "Tout est accompli" qui est une des dernières paroles  du Christ en croix.

    Une institution, l'Eglise, qui repose sur un tel transfert de responsabilité, est-elle armée pour reconnaître sa responsabilité dans des abus structurels et culturels autrement que dans un emballement d'effroi qui retombera, passé le déballage des exactions,  une fois venu le déballage émotionnel qui suit tout emballement médiatique?

    Et à l'inverse, que dire de la tendance de notre société à ne voir partout que des victimes? Tous victimes, haro sur les coupables! Chasse à l'homme! Ce sont des monstres, qu'on les sorte de l'humanité! Ne prions pas pour ceux qui nous persécutent! Punissons-les avec la dernière sévérité en y mettant l'ardeur des primitifs. "Tous victimes", jamais coupables; tous blessés, jamais blessants; tous joués, jamais acteurs; tous mineurs, jamais adultes, majeurs et vaccinés, résilients; tous discriminés.  Où sont les hommes?