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vendredi 27 septembre 2019

MON TOMBEAU DE CHIRAC

"Qu’est allé faire cet esthète attendri à l’ENA, puis dans la politique ?" (Olivier Seutet dans son "portrait aimable" de Jacques Chirac, qui fut suivi de près par un "portrait vachard")

Il ne convient pas de dire du mal des morts et j'ai trouvé indécente la réaction laconique de Jean-Marie Le Pen: "Mort, même l'ennemi mérite le respect."

Je me souviens d'où j'étais quand Jacques Chirac fut victime de son AVC. Nous revenions d'un déjeuner dans une crêperie près de Mortagne-aux-perches. Comme presque tous les Français excepté mon meilleur ami qui faisait bonne chère avec nous (parfaitement, on peut faire bonne chère avec des crêpes), ma compagne et moi fûmes très attristés par cet accident de santé. Je n'ai pas éprouvé la même émotion à l'annonce de la mort de l'ancien président, peut-être parce qu'on s'y attendait, peut-être parce que c'était pour lui la délivrance, paisible nous dit-on, mais qui a mis sur les genoux son ancien majordome qui en est mort lui-même, a raconté Jean-Louis debré, d'une longue agonie. Chirac pressait tellement le citron qu'il a épuisé tout le monde. Il avait une forte personnalité, nul n'est maître d'en avoir une faible ou forte.

Arrivé à Paris en 1986, je prenais le maire de cette capitale pour un grand bourgeois démonstratif et indifférent et pour un faux dévot fanfaron, tandis que je m'étonnais du silence qu'on faisait sur sa "bourgeoise", qui bientôt s'imposa comme une épervière politique, martelait-on dans tous les canards, alors qu'elle se contenta, outre son soutien à son mari, d'étaler de façon balzacienne, dans un livre écrit avec Patrick de Carolis, son mariage arangé avec un aventurier qui lui avait promis de devenir préfet de Corrèze et qui lui devait son élection présidentielle, à elle ainsi qu'à sa famille car la Chaudron avait de la branche, tenait-elle à nous faire savoir. Quant au maire de Paris, qui était aussi premier ministre de cohabitation de Mitterrand à l'époque, je fus prié de croire qu'il était bon et humain et j'y suis tout disposé, n'ayant aucune expérience personnelle à opposer à tous les témoignages positifs que j'en ai reçus depuis deux jours et depuis toujours.

De Gaulle dut sa renommée à avoir fui deux fois, d'abord en angleterre pour battre les Allemands, puis en Allemagne par peur d'un monome étudiant. Chirac, qui fut lui-même victime d'un monome étudiant dont je fus un des idiots utiles, commença sa carrière par fuguer, la poursuivit en agité du bocal, et redouta au pouvoir de bouleverser les équilibres sociaux d'un pays dont il mesura la fragilité après avoir fait l'erreur de le confier à la gouvernance d'Alain Juppé plutôt qu'à celle de Philippe Séguin à qui il l'avait promise, mais qui faisait peur aux banquiers comme en 1981 les socialistes inspiraient la psychose des chars russes.

Attaché à Juppé, Chirac préféra dissoudre l'Assemblée nationale plutôt que de se séparer de son premier ministre, révélant Lionel Jospin, qui fut à mes yeux le meilleur gouvernant de l'ère post-mitterrandienne."Si j'avais su, j'aurais pas dissolu", croqua Jacques Faizan. Cette dissolution fut la troisième fugue de Chirac, après sa fugue de jeune homme et son inexplicable démission du poste de premier ministre qu'il avait conquis sous Giscard sans vraiment l'avoir ambitionné.

Chirac se "[méfiait] des idées générales", avoua-t-il à Paul-Marie Coûteaux. Que faisait-il en politique?

La communauté juive lui fut reconnaissante d'avoir prononcé un discours où il reconnaissait, outre la complicité "des Français" (lire: de certains français) de mêche avec l'occupant dans la rafle du Veld'hiv, la responsabilité de l'"État français". Qui a jamais dit le contraire? Et aurait-il sied à un gaulliste de sous-entendre que la France était l'"État français" incarné par les collaborateurs de Vichy?

Chirac vendit Ozirak à Saddam Hussein avant d'approuver la première guerre du golfe et de refuser la seconde. Les Palestiniens lui ont conçu obligation d'avoir réagi lestement contre la soldatesque israélienne qui l'empêchait de les saluer à Jérusalem Est. Il fut constant envers Yasser Arafat, qu'il fit soigner en france et qui l'appelait "docteur Chirac".

Chirac fut réélu face à Le Pen en 2002 avec la baraka d'un arriviste. Mais pourquoi cet homme proche du peuple, qui faisait tellement de cas des destinées individuelles, refusa-t-il de débattre avec son adversaire, voire même de le désigner autrement qu'en en faisant le parangon de l'"extrémisme", ce qu'il faut croire, il était?Dès lors, Chirac put accomplir un des rêves de sa vie. Il rêvait d'être gall (gardien de but, ce qui est différent d'être deux galls (De Gaulle, jeu de mots laid!)), il fut un président arbitre.

Chirac avait un tropisme profondément anti-européen. Il définit un jour l'Union européenne, au sortir d'un sommet harrassant, comme le lieu où la politique s'établit toujours à force de "compromis" insatisfaisants pour tout le monde. Ça n'avait pas l'air d'enthousiasmer Chirac l'enthousiaste. Comment un aventurier comme lui, sans revenir à l'Appel de Cochin, a-t-il pu enkyster la France dans un "machin" pareil? Et lui que cette machinerie n'enthousiasmait guère, ne sut que dire aux jeunes avec qui il débattait en 2005 et qui exprimaient toutes leurs réserves sur le traité constitutionnel européen: "Vous me faites de la peine."

On lui sait gré de n'avoir pas engagé la France dans la seconde guerre du golfe en 2003. Mais que n'opposa-t-il le veto de la France contre George Bush plutôt que de laisser Dominique de Villepin prononcer un beau discours, tandis que l'Américain continuerait sa guerre mondiale contre la guérilla terroriste, ferment d'autant plus puissant de totalitarisme orwellien que c'est une réaction disproportionnée contre un ennemi tellement indéterminé qu'il en devient invincible et la guerre infinie. À cette question jamais posée dans ces termes d'abstention du droit de veto, des diplomates ont répondu ces derniers jours que la France pouvait se permettre une posture de non alignée, mais non pas de jouer contre son allié de l'Alliance atlantique.

Chirac termina ses jours dans deux appartements prêtés, le premier par l'ancien premier ministre et homme d'affaires libanais Rafiq Hariri, le second par le milliardaire français François Pinault. Le propriétaire du château de Bitty était-il trop pingre pour payer un loyer parisien?

Chirac, ceux qui l'aimaient comme Jean guitton ou Bernard billaud lui prédisaient un grand deestin. Il eut en effet un grand destin personnel. Mais que vaut le charisme d'un homme face au sacré méthodique de l'Histoire, qui n'est pas que circonstantielle, tribulations et péripéties?

Reposez en paix, Monsieur Chirac!

dimanche 22 septembre 2019

Les convictions ne sont pas intimes

Pascal aurait dit que l'hérésie, ce n'est pas le contraire de la vérité, mais l'oubli de la vérité contraire. L'abbé de tanoüarn, grand pascalien devant l'Eternel autant qu'un aussi grand publiciste peut l'être (il m'a promu son "meilleur ennemi" dans une dédicace (personnelle) de son meilleur livre ("Délivrés"), je peux bien le piquer un peu), a mis régulièrement cela en évidence dans les écrits de Pascal concernant l'"hérésie", mot qui désigne le choix. Et le commentateur de Pascal d'appuyer cela sur une théorie non seulement du pari ("nous sommes tous embarqués"), mais du choix, qui, pour moi, est indépassable. Selon lui, il n'y a que trois choix possibles: le choix du non choix, majoritaire et médiocre; le choix du moi, romantique, égotique et courageux; et le choix de dieu qui mène à la sainteté. "Décider dans le doute et agir dans la foi", recommandait Jean Guitton.

L'hérésie est un choix dans le doute, le choix d'une idée de Dieu ou le choix d'une idole. Platon disait qu'il y a un ciel des idées. Les phonèmes sont les amis du poète. Pour moi les idées sont des stalactites, elles descendent de la surface du moi dans les archétypes oùprend racine la doctrine. Le pape François, qui manque de profondeur quoiqu'il faille se méfier des apparences, dit ne pas craindre les chismes, car ils sont le fait de personnes "qui mettent de l'idéologie dans la doctrine". La doctrine est unstalacmite, au contraire de l'idéologie. Elle monte des racines du "ça" et du surmoi, de la caverne, du tréfond, vers le mythe, avec sa goutte d'eau au supplice chinois, toujours à la recherche d'une pierre, de préférence calcaire plutôt que granitique, qui vienne y trouver l'imperméabilité indispensable à la sédimentation.

La doctrine monteau ciel du mythe, l'opinion va au ciel des idées. Quant aux convictions, elles s'apparentent aux "vérités de foi" -et la foi n'est pas de l'ordre de la certitude- comme l'opinion hisse son outrecuidance jusqu'au ciel des idées, donc de l'idéologie, qui est d'autant plus croyante qu'elle se croit sachante et connaissante. La foi est reconnaissante, mais elle ne connaît rien. La Révélation n'est pas du tout un livre de science, disait le Père Varillon, ancien ami de Rebattet, que j'ai eu longtemps la bêtise de prendre pour un théologien de second ordre. Les ésotéristes fidéistes ont le tort de vouer un culte à la connaissance et de croire que la connaissance est un horizon de foi alors que ce qui a perdu l'homme, que ce soit mythologique ou non, n'est pas d'avoir transgressé un interdit moral, mais d'avoir voulu manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, obligeant Dieu à se situer négativement par rapport à Sa Création et à connaître le mal, Lui qui n'avait trouvée que bon tout ce qu'Il avait fait, car Il était sans malveillance, et si "sapience n'entre point en ame malivole" disait Rabelais, à plus forte raison malivolence n'entre point en sapience. D'où l'on déduit que la pudeur ne vient pas de la nudité qui serait un mal, mais de la honte devant la nudité que la conscience affolée finit par prendre à mal. La nudité est un mal de conscience, qui n'aime pas se voir nue dans sa psyché déformée en miroir. La conscience est la psyché de l'âme, elle n'en est pas le miroir. "Où est le président Félix Faure?" "Il est avec sa connaissance."

L'austère saint Paul apporte de l'eau à mon moulin de conteur fidéiste et mytholâtre, lui qui non seulement fait du christianisme un alégalisme, mais est l'inventeur du slogan de mai 68, "il est interdit d'interdire", quand il proclame: "Tout est permis, mais tout ne convient pas." "La loi met en évidence le péché", il n'y a de morale que conséquentialiste.

Les convictions ne sont pas intimes. Quant à Ludo, (NDLR: Ludovine de la rochère), cette ancienne collaboratrice ou correctrice de la revue "Commentaires" qui avouait ne guère en lire les auteurs, c'est "Brigitte ou le devoir joyeux" (Patrick Rambaud). Pour les sociologues bien-pensants, "La manif pour tous", c'est "les affreux." "Tout est culturel, me disait l'un d'entre eux. Un enfant a appris à s'asseoir sur une chaise." Il n'empêche, la PMA est antibiologique et n'est pas un acte médical. Mais voilà que j'assène des convictions que je crois fondées sur une certaine expérience de la déduction d'un petit d'homme d'une certaine manière de procréer.

Les conservateurs me fascinent parce qu'ils doivent faire du vivant à partir de leur pensée close et presque morte. Les relativistes ont le vivant pour axiome, donc ils bâtissent sur le sable mouvant. Les conservateurs savent qu'on ne bâtit qu'en apprivoisant ce qui paraît résister au mouvement, la fondation du rocher. Il n'y a pas de "mystique du flottement", comme j'en rêvais naïvement dans un poème qui portait pourtant un beau titre, il s'intitulait "Alliance". Dans le plus beau roman de Jean d'Ormesson, "L'amour est un plaisir", qui était aussi le premier qu'il publia après avoir éphémèrement grapillé sa femme à son cousin, Jean d'O se félicitait, à travers le héros qui l'était en miroir de Philippe, son personnage fétiche, d'être "quelqu'un sur qui on ne peut pas compter". Ce qui provoqua le suicide de Gilles -mes deux frères s'appellent Philippe et Gilles, il n'y a pas de hasard, le hasard est la logique de Dieu-, levéritable amant de Bénédicte, la fille qu'il emporta dans des jeux d'eau d'un érotisme sans pareil. On ne peut pas compter sur ce qui flotte, mais on doit compter avec les opinions des autres et on peut compter sur sa foi.

Commentaire posté au pied de ce billet de Philippe Bilger:

https://www.philippebilger.com/blog/2019/09/les-convictions-sont-un-poison.html

mercredi 11 septembre 2019

Une autre page d'amour

@Denis Monod-Broca | 11 septembre 2019 à 13:22 « - l'amour sublime le sexe. Quelle belle "invention" ! Encore faut-il que les mots - "amour" bien sûr, mais aussi "fidélité", "constance", "responsabilité" et quelques autres - aient un sens..."

J'avais écrit dans une chanson:

"Vivre ne laisse riein à désirer,

Aimer est une affaire de volonté."

C’était une chanson qui décrivait l'amour de ma vie que j'avais rencontré, ce qui est rare dans une vie d'homme. Je croyais être à jamais préservé du"Ne me quitte pas." "Oui le bonheur, ça n'arrive pas qu'aux autres" comme disait une publicité pour le loto. Pas plus que le malheur, comme ne le disait pas une non publicité pour l'accidentde parcours ou de voiture.

Deux de mes chansons ont raconté mon histoire avant qu'elle ne n'arrive. Tel est le mystère de la prémonition comprise dans l'écriture. J'avais écrit une chanson facile intitulée: "Des naufrages d'or", où je me félicitais d'être un naufragé. À la fin, j'avais écrit que je ne doutais pas que "d'horribles drames payent nos folies." Je pensais à une de mes ex que j'avais à peine touchée, mais dont je me souviendrai toute ma vie du soupir surle le lit en-dessous de mon lit superposé dans un studio du dix-huitième arrondissement: "Je voudrais être mère. » Soupir. « Tu ne peux pas comprendre." Elle devint mère, ne buvait pas, mois beaucoup, et elle mourut d'un cancer du foie en laissant deux orphelins. Histoire évidemment véridique, car de tels drames ne s’inventent pas.

Lorsque je commençai de me mettre au métier qui tissa l'art de Brassens, j'écrivis une autre chanson facile intitulée: "La fêlure". Je m'y dépeignais comme le romantique dont je ne sais plus quel auteur a dit: "Heureux les fêlés, ils laissent passer la lumière." J'étais fêlé, moi qui voulais emprisonner toutes les peines du monde pour les offrir à mon premier amour quiétait une grande indifférente, étant née sous une bonne étoile, et les consoler dans la musique que j'aurais écrite. Et puis je ne sais pas quelle mouche m'a piqué. J’écrivis un deuxième, puis un troisième couplet où je disais : "

« N'as-tu pas honte, quand il est tard,

Quand tout s'éteint, quand tout se pare

De l'ombre, des nuits le miroir,

Qui te fait voir

Tous ceux que tu as écrasés

Pour te trouver plus haut placé,

Tous ceux que tu as fait souffrir,

Un peu mourir ?

N’as-tu pas honte de tes méfaits,

Du reflet d'un être imparfait,

Qu’as-tu donc fait de ta beauté,

Etre à demi satanisé ?"

Je me disais que ce troisième couplet, c’était pour les autres. Et puis, à 46 ans révolus, il m'arrive ce que je ne croyais pas qu'il pouvait m'arriver. Je me retourne sur ma vie et y découvre un bilan globalement négatif, l'exact contraire de ce que j’aurais voulu faire et de ce que Georges Marchais – je fus le collaborateur musical de son dernier confesseur - croyait déceler dans le communisme, « un bilan globalement positif ». Oh certes,il m'était arrivé dans ma vie d'avoir mauvaise conscience, mais c'était une mauvaise conscience du réveil ou pour examen de conscience, une mauvaise conscience qui s’enfuyait dès le premier café, ce n’était pas une mauvaise conscience panoramique. Tout d'un coup, moi dont mon meilleur ami m’avait dit que, pour bien se connaître, il faut s'apprécier dans sa plus grande qualité, moi qui croyais bien me connaître et qui m'en piquais, moi qui croyais que, de la connaissance de soi, on pouvait déduire Dieu comme le promettait l'oracle de Delphes, moi qui avais envisagé en écrire un mémoire de maîtrise intitulé "Montaigne, platonisme et christianisme" où j'aurais montré comment l'auteur des "Essais" découvrait le Christ dans une vision optimiste et sceptique de lui-même et dans sa connaissance du monde, comme auraient dit les époux Kraft, vulcanologues, moi, le volcan, je me découvrais dans des coins où il n'aurait jamais fallu balayer.

Qu'Est-ce que le purgatoire? Selon François brune, l’auteur des « Morts nous parlent » que j’ai découvert grâce à mon ami Franck et que j’ai brièvement rencontré à la fête de « radio courtoisie » parce qu’il était un sulpicien maudit qui n’avait les faveurs que de Julien Green, selonFrançois Brune donc, ce prêtre qui a « [cartographié] l’au-delà », le purgatoire, c'est de souffrir de la manière dont on a fait souffrir. C'est donc le supplice du miroir. J'en suis au premier stade: moi, l'auteur de "La fêlure", qui n'est pas qu'un ébréchage personnel qui ouvre le cœur, j'en suis à savoir que j'ai fait souffrir et que j’ai fait du mal, bien que me croyant un homme de bonne volonté. Je connaîtrai le second stade du supplice du miroir ou le complet purgatoire le jour où je souffrirai comme j'ai fait souffrir, avant de "connaître comme je suis connu" (Saint Paul, commentant notre condition humaine d'"énigme dans le miroir"). Mais le purgatoire est l'antichambre du ciel. Lepurgatoire est un état, situé dans un temps donné? François Varillon, auteur que je sous-estimais, le Régis des "Deux étendards", complète son homonyme François Brune: "Non. Le temps quantique et relatif admet la succession encore moins que l'éternité. La lumière est toujours du passé qui nous revient. La nature du souvenir est de survenir. La mémoire est toujours involontaire. L'enfer, lepurgatoire et le paradis sont trois états simultanés qui se résoudront, pour ceux qui voudront de la lumière et que Dieu reconnaîtra, dans la Lumière de Dieu et dans la béatitude en Dieu.

"Tout ça, c'est bien joli", me disait mon père, brandissant le te-shirt qu'il m'offrait et où il était écrit: "Je sens que je vais conclure". "Mais ce qui me désole, c'est que tu ne sois pas, comme moi, porté sur le mont de Vénus. Un homme, il baise comme il fume une cigarette." et mon père fumait beaucoup. L'amour et le sexe. Je suis le fils de ce père-là et j’aime qu’il ait séparé les deux.

P.S.:

Je crois que la philosophie d'ensemble de mon père était:

-Il faut amier les gens, mais s'en méfier terriblement.

-Leur faire confiance à condition qu'ils ne mentent pas.

-Et leur mentir, mais jamais sur l'essentiel.

UNE PAGE D'AMOUR

Mon ex devenant mon confident signifierait donc le passage de la passion à la compassion. Cette déperdition vaut mieux que le maintien de la chaleur passionnelle transformée en haine.

Je préfère votre expression "écrire un autre livre" à celle, infiniment rebattue, de "tourner la page" ou de "refaire sa vie". Pas de fin d'un amour sans un chagrin d'amour, au moins pour celui qui souffre le plus de la rupture, peut-être pour l'avoir provoquée, à défaut de l'avoir déclenchée.

La modernité aime la précarité. Elle n'aime pas les institutions et introduit "le contingent au sein de l'absolu", le temps d'une éphémère "éternité". Mais la condition humaine est sinueuse, qui rend la "séparation inéluctable" et parfois nécessaire, malgré nos rêves d'indissolubilité du mariage auxquels s'accrochent les institutions pour consolider les patrimoines. C'est bien le seul exemple où les institutions s'accrochent à nos rêves afin d'en profiter.

Les commandements de Dieu sont impraticables. Quiconque a nécessairement commis l'adultère car il a aimé plusieurs fois. Ces éternités successives ne sont peut-être qu'un seul amour, et pourtant si nous composons avec nos images de l'amour, nous n'aimons pas des images et tout amour est singulier, même une aventure d'un soir. Nous n'avons qu'un seul amour et chaque amour est singulier, comme nous écrivons toujours le même livre dans des ouvrages différents, déployant la même intuition dans une recherche qui s'affine. "Regarde là", nous dit le livre ou la recherche. Et soudain c'est une nouvelle percussion sur notre cœur ou sur notre intelligence. Nous nous répétons, nous tournons en boucle, et pourtant la boucle nous dénoue. Nous dé-nous, au fil de ces répétitions qui nous dé-soi-vent.

Pourquoi l'amour qui naît quand nous sommes en chaleur nous fait-il vivre nos chagrins d'amour dans l'espoir du "retour d'affection"? Pourquoi l'ocytocine vaut-elle mieux que la testostérone? Pourquoi la loi de l'entropie vaut-elle même en amour? Pour que nous nous couvrions de cendres avec un cœur brisé, ébréché, où la brècheaura pratiqué une ouverture bien plus propre à la compassion que la flèche de cupidon. Comme toutes les choses graves, l'amour est soumis à la loi de la gravitation. "Rien n'est grave, mais tout est important", et rien n'est plus sérieux que l'amour.

Écrit en commentaire de ce billet de Philippe Bilger:

Quand les ex sont toujours là...

philippebilger.com

mardi 10 septembre 2019

Le Brexit ou les manoeuvres parlementaires en illusions référendaires

"Cela n’a pas empêché Boris Johnson de réitérer son opposition farouche à un tel ajournement, sous peine d’infliger un «dommage permanent» à la confiance des Britanniques envers la démocratie."

http://www.lefigaro.fr/international/brexit-boris-johnson-persiste-seul-contre-tous-20190910

Boris Johnson n'est pas ma tasse de thé. Son élection par les conservateurs pour réaliser le Brexit particiipe de la trumpisation des dirigeants du monde, qui intervient après l'émergence des dirigeants ambigus (comme le pape François ou Emmanuel Macron), qui fait elle-même suite à celle des dirigeants abdicateurs (Benoît XVI ou François Holllande, lequel était aussi sans relief comme Barak Obama).

Toutefois on peut se poser deux questions:

-Pourquoi les torys, sous l'égide de David Cameron, ont-ils organisé un référendum sur le Brexit si c'était pour freiner des quatre fers si le Brexit était voté? Les partis de gouvernement croient-ils pouvoir lutter longtemps contre le populisme en trompant les peuples par des illusions de référendum?

-Qu'est devenu le Parlement britannique, modèle du régime bicamériste, lui qui a successivement refusé l'accord que lui proposait Teresa May, puis voté contre le "no deal" (la sortie de l'UE sans accord), puis refusé l'organisation d'élections législatives anticipées qui seules auraient permis de sortir de l'impasse? Le Parlement britannique ne serait-il plus à la hauteur?

http://www.lefigaro.fr/vox/monde/le-regime-parlementaire-britannique-serait-il-depasse-20190906

La seule réponse un peu cohérente que ce roi des parlements a apportée à la mauvaise manière de Bojo de vouloir le suspendre a été de le forcer par une loi de demander un nouveau délai de trois mois pour le Brexit à l'Union européenne. Ce dont bojo pourrait s'acquitter en "demandant à un pays ami" de "refuser tout report" comme le suggère le premier article du "Figaro" mis en lien.

Les Britanniques sont des insulaires qui ont une excroissance de l'autre côté de l'Atlantique, l'Empire nord-américain. En quoi le Brexit leur serait-il défavorable? Et en quoi nous le serait-il, nous qui demeurons siassujettis aux Etats-Unis au point de nommer Sylvie Goulard comme notre commissaire au marché intérieur? À force de ne pas tenir leur promesses parce qu'ils ont peur de la politique que les peuples leur font faire, les gouvernements dits respectables des soi-disants démocraties vont jeter lesdits peuples dans les bras des populistes façon Trump, Bolsenaro ou Salvini, qui sont de mauvais bergers.

lundi 9 septembre 2019

Une certaine idée de la start-up nation

Je lis dans le second Davet-Lhomme sur le hollandisme comme autodestruction, à la fin minée par Macron : « Un texte publié par Guillaume Liegey, le petit prince de la data technologie appliquée à la politique, lui sert [à Macron] de référence : Si les partis étaient des start-up, édité par la revue Policy Network. Le chef fixe la ligne, les troupes s’y conforment, et surtout pas l’inverse. La start-up En marche ! doit supplanter ce PS décidément trop vermoulu. »

On ne dit pas assez que la start-up est une déviance de l’idée de projet, telle qu’elle est apparue dans l’existentialisme sartrien, idée elle-même déviante en ce que le projet n’est pas une orientation de la vie discernée, guidée et vérifiée par la volonté à chaque étape, mais le projet vaut pour lui-même, et chacun doit avoir un projet, serait-il grabataire, aurait-il la maladie d’Alzheimer.

Dans une start-up, l’idée compte plus que sa réalisation, le faire-savoir plus que le savoir-faire, et celui qui a une idée peut certes convoquer des brainstorming pour approfondir son idée, mais il est le seul responsable de l’idée qui domine la start-up, donc il ne s’agit pas que la start-up mette des idées aux voix, car il faut qu’une seule idée soit dans la lumière, et qu’elle émane de l’ingénieur en chef, de celui qui l’a eue. - De fait, en littérature, il n’y a pas eu un seul chef-d’œuvre qui soit sorti d’une intelligence collective. C’est pourquoi je ne crois pas à la vieille lune historico-critique des Évangiles rédigés par les communautés auxquelles ils ont été annoncés et non pas par un seul auteur inspiré. Au mieux les communautés peuvent avoir contribué à les collecter et avoir rafraîchi ou accru la mémoire de l’auteur inspiré. Sans uni(ci)té de l’auteur, pas d’unité littaraire, le texte se disperse. Mais revenons aux biens et aux services. -

Dans la start-up, il faut que l’idée soit un projet qui coure indépendamment de la réalisation de l’idée, dont la réalisation est facultative sans être interdite ni absolument proscrite. Le projet, l’idée, doivent vivre du story telling.

La start-up, c’est du flan. On n’a jamais géré une entreprise en se moquant de ce qu’on y produit. On gère un fonds d’investissement comme ça. Ou unemultinationale, qui peut à loisir acheter et vendre pour produire successivement ce qu’elle vient d’acheter.

La start-up, c’est du flan. Et la start-up nation, c’est du flan au carré.

Un second Davet-Lhomme: un président ne devrait pas provoquer la mort du parti qui l'a porté au pouvoir

Une série en six épisodes a paru dans "Le Monde" sous le titre "PS, sept ans de trahison."

Un second Davet-Lhomm sur la mort du parti socialiste, provoquée par la nullité du quinquennat Hollande et par l'incapacité de celui qui devait le porter. Je me suis souvent demandé pourquoi les socialistes, si prompts au "droit d'inventaire", n'ont jamais voulu l'exercer pour Hollande qui a tué cette mouvance constitutive de la société française. Davet et Lhomme l'ont fait pour eux en se demandant : "Qui a trahi?" tout au long de cette série dont les six épisodes méritent d'être lus, car leur récit, sans être étincelant, est haletant. (Davet-Lhomme, c'est du journalisme à la Giesberg en plus documenté, du journalisme de vidange de carnets, qui ne dit pas tout, pratique un peu trop la rétention d'informations, maise en lâche quand même suffisamment pour être instructif et ne pas dissimuler l'essentiel.)

Mitterrand a enfoncé la France dans un atlantisme sans jovialité. Jospin a redonné du lustre et de l'honneur à l'idée socialiste. Valls qui "veut vivre" s'est exilé ou enfui à Barcelone où il file le parfait amour avec une riche héritière -c'est presque lui qui sort le plus grandi de cette photo de classe-. Hollande et Cazeneuve rêvent d'un "come back". Macron n'est que la prolongation du hollandisme en version méchante à l'intérieur (car Hollande était néocon et méchant à l'extérieur). Macron est l'hologramme du messianisme transhumaniste qui mène la France dans le mur social, sinon économique, malgré (ou à cause du) le Cercle dela Rotonde.

lundi 2 septembre 2019

La tourmente de Moix ou la chute d'un Proust

Je ne suis pas chic, n'appartiens pas au "tout Paris mondain" et pourtant je savais pour Moix. Mais quelque chose me gêne dans tout ce déballage. C'est que peu importe aux yeux des médias que l'histoire familiale de Moix, sur laquelle il a récemment bâti sa réputation de grand écrivain victimaire, soit vraie ou fausse. Il peut à l'envi cracher sur sa famille, tout le monde s'en fout, ça ne défrise pas la presse parisienne ni le service public, à peine cela fait-il les choux gras dans l'Orléanais où habite la famille de l'écrivain qui la perd de réputation, à tort ou à raison. Mais ce qui est impardonnable, même aux yeux de Moix et sauf aux yeux de BHL pour qui l'antisémitisme est impardonnable à la seule exception de Moix, ce sont les "abjections" et les "erreurs de jeunesse" d'un jeune homme de 21 ans qui a continué à fréquenter des écrivains antisémites jusqu'en 2013 pour "failloter" et qui a complètement retourné sa veste au point de défendre inconditionnellement l'Etat d'Israël sur le service public, ou encore de parler d'"universel juif" après avoir éténégationniste et accusé les juifs de nécrophilie.

Moix évacue son frère de son roman, qu'à cela ne tienne, c'est une licence autofictionnelle. Pour défendre son ami dans la panade et à qui BHL ne veut pas qu'on réserve le sort de Brasillach car c'est lui qui l'a fait, Ruquier donnera une leçon de journaliste au rubricard de la PQR et des "chiens écrasés" de "La Nouvelle République du Centre" (le Centre, qu'Est-ce que c'est?): il n'aurait pas dû prendre la parole du père de Moix pour argent comptant. Pas faux. Mais ledit José Moix avance deux faits. "Si j'avais été un père aussi horrible que mon fils le raconte depuis quelques années pour lancer sa carrière, je ne lui aurais pas payé des études jusqu'à trente ans." Cela ne prouve rien. Ruquier ne vérifie pas. "Et Yann ne m'aurait pas demandé de venir lui faire des travaux dans son appartement parisien il y a cinq ans avant, du jour au lendemain, de refuser de me parler." Cela prouve quelque chose et Ruquier ne vérifie pas.Il ne demande pas à Yann Moix si la chose est exacte. Pourtant si elle est avérée, elle est révélatrice.

Yann Moix nous a expliqué dans un livre précédent combien les djihadistes étaient des nihilistes, des ratés et des impuissants. Le négationniste de 20 ans qu'il était et dont il a faitun procès sans appel dans "On n'est pas couché" n'avait rien à leur envier. Pour que sa leçon porte, il aurait dû en parler à l'époque dans son livre et nous présenter ce contre-exemple.

Moix n'écrit pas sans talent. "Orléans" est le deuxième livre censé être "La recherche" de l'enfant battu de ce Marcel Proust en herbe et qui prenait pour modèle le poursuivant de la mémoire involontaire, même si le chemin de Moixcomme écrivain se voulait entièrement chronologique au contraire de celui de Proust, bâti sur les réminiscences. Si Moix n'a pas été battu, il a beaucoup d'imagination dans une époque qui n'en a plus du tout. Quoi qu'il en soit, la valeur du roman de Moix est démonétisée par rapport à celle du roman mondain à clefs de Proust, car les personnages du roman sont sortis du bois et en ont appelé à la justice, sous l'égide d'Emanuel Pierrat, grand avocat littéraire qui joue ici le rôle d'Ernest Pinard poursuivant "Madame Bovary". (Le victimisme est un bovarysme.) Christine Angot n'est pas Marguerite Duras. Mais que se serait-il passé si Pierre Angot, l'incestueux présumé, ou bien son fils Philippe éclaboussé par l'écrivain, avait ainsi crié au loup? Le genre autofictionnel aurait rempli les colonnes d'un "Paris match" d'un nouveau genre qui reste encore à inventer et dans lequel les happy few auraient étalé leurs blessures d'enfance, tellement plus scabreuses et irrémissibles que nos bobos si banals d'anonymes en mal de reconnaissance.