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jeudi 14 décembre 2023

États-Unis, silence on destitue!

https://www.youtube.com/watch?v=XOBBNztXk5Q

L'idée n'est pas de faire de la géopolitique de café du commerce. Mais j'avais trouvé cette info hier matin en alerte du réveil du "Courier international." Et puis dans la journée, pas un mot sur cette enquête du Congrès américain.

Au-delà du "Deux poids deux mesures" (si ça avait été Trump, ç'aurait été l'info du jour!), il faut tout d'abord se rappeler que Trump avait excipé de cette affaire dans le débat lamentable entre les deux candidats improbables. Et Biden avait évacué d'un revers de mains: "On ne va pas se renvoyer dos à dos les malversations de nos familles", je ne garantis pas l'exactitude du verbatim.

Hunter Biden s'est systématiquement dérobé:

-pour commencer dans un livre où il faisait pleurer misère sur sa toxicomanie, faisant ainsi diversion au moment de la "campagne tranquille" de son père;

-et puis tout récemment en ne se rendant pas à la convocation du Congrès.

-Enfin loin de moi d'idéaliser la figure de Donald Trump. Mais force est de constater qu'il n'a pas provoqué de conflit majeur au cours de sa présidence, même si on n'est pas passé loin, aussi bien avec l'Iran dont il a rompu l'accord patiemment négocié quant au développement maîtrisé du nucléaire iranien, dont la puissance perse nous assurait dans sa takiyah zoroastrienne qu'il serait civil et dont on s'est aperçu qu'il était militaire. Il a également fait une frappe en Syrie en s'associant à la France d'Emmanuel Macron, le président qu'il époussetait en conférence de presse. Il a dégommé le général iranien Qassem Soleimani, s'attirant les foudres de la rue et des nations arabes. Il a surtout provoqué "little Rocket man" en répétant dans un combat de coq de cour de récré qui aurait été amusant ou ridicule s'il ne s'était pas agi de nucléaire, que son bouton nucléaire était plus puissant que celui de son adversaire. Les deux personnages étaient des primaires, Dieu sait ce qui serait advenu s'ils s'étaient pris au mot!

La santé mentale de Trump est une énigme, il ne se contrôle pas, il est toujours le meilleur, il asystématiquement gagné quand il a perdu selon leconseil de son avocat qui a fini par le lâcher. Qu'il n'ait pas provoqué de conflit majeur tient peut-être d'un hasard qui ne se renouvellerait pas forcément en cas de nouveau mandat.

Reste que Biden avait prévenu comme Clinton en son temps: "L'Amérique continuera de guider le monde", avait dit le premier le jour de son investiture. Variante du second par rapport au slogan trumpiste ("Make America great again": "America is back". Sous-entendu: "C'est reparti pour le leadership américain." Le sous-texte était que les États-Unis passaient de nouveau à l'offensive. Et le fait que le mandat de Biden ait été marqué par la guerre en Ukraine de Poutine peut tenir du même genre de hasard auquel il a tenu que Trump n'ait pas pété un câble autrement que diplomatique au cours de sa présidence déjentée .

Biden lui n'a pas lésiné sur les provocations de l'ours russe, tant en termes d'envoi d'armes à l'Ukraine aspirant à faire partie du bloc occidental contre son appartenance naturelle à l'ère de civilisation slave ou russe, qu'en se rendant en personne à Varsovie, autant dire sous le nez de Poutine. Mais surtout l'Ukraine, dont la corruption est de notoriété publique, est, non seulement le théâtre des opérations militaires des prémices d'une Troisième guerre mondiale, mais aussi le théâtre des opérations financières d'Hunter Biden. Le même genre de hasard, vous redis-je.

Biden fait un peu oublier son bellicisme de démocrate américain, parti marqué par le néo-conservatisme, en fin de mandat, en adoptant une position plus équilibrée dans la guerre opposant Israël au Hamas après le massacre de celui-ci ayant entraînée la riposte disproportionnée d'Israël que je qualifie dans un néologisme de onze-septembriste. Mais il oppose systématiquement le veto américain quand les résolutions de l'ONU appellent au cesser-le-feu.

L'exercice du mandat de Biden a été marqué par des absences qui nous rappellent celles de Chirac révélées après coup à ceux qui ne voulaient pas les voir par Bruno Le Maire dans son livre "Jours de pouvoir". Ces absences se sont manifestées dès le soir de son élection, lorsqu'il présentait sa petite-fille Nathaly en disant que c'était son fils Beau, décédé depuis quelques années, et dont le grand-père disait que c'était un brillant sénateur exerçant actuellement un mandat dans cette chambre. Trump a presque souligné avec magnanimité que Biden n'était pas en état de devenir président des États-Unis en l'appelant "Sleepy Joe", mais dans son entourage on n'hésitait pas à employer le mot sénilité.

L'alternance qui se dessine en 2024 entre les deux candidats de 2020 présente aux Américains le choix de la carpe et du lapin. Mais Renaud était prophétique en chantant que ce genre de gouvernants mettait le monde entre les mains de "vieux malades" menaçant dangereusement de tout faire exploser au Napalm ou à la bombe atomique, car ils allaient bientôt mourir.

"Bal à l'ambassade
Quelques vieux malades
Imbéciles et grabataires
Se partagent l'univers."

https://www.youtube.com/watch?v=8ygpbGfsEuc 

Réaction à chaud après ma première lecture intégrale de la Légende du grand inquisiteur

A Peter Henri (ou plutôt Henri Peter).

J'ai bien pensé à vous ce matin, tombant, dans la suite logique de ma lecture, sur la "Légende du grand inquisiteur" dont vous me parliez si souvent.

L'avoir lue pour la première fois en totalité me fait y réagir ainsi, pour ainsi dire à chaud:

-Elle montre qu'il y a un universalisme russe alors qu'il n'y a pas d'universalisme chinois, sauf le confucianisme que je connais mal, mais dont je me suis laissé dire qu'il enfilait les perles du bon sens.

-Cet universalisme russe jette une lumière crue sur le catholicisme, j'y reviendrai sans doute bientôt dans un post dédié.

-Si Jésus revenait pour saluer les priants de cette terre et leur offrir le cadeau merveilleux de sa visite, la sainte Inquisition qui a "corrigé son oeuvre" ne manquerait pas de le crucifier à nouveau et il n'est pas certain qu'elle ferait preuve de la même mansuétude que le grand inquisiteur sévillan du "mystère" inventé par Yvan Karamazov (mais les romans de Dostoïevski sont pleins de mystères, un "coup de théâtre par page" avez-vous écrit vous-même, dans une succession de récits qui donne le vertige, mais ne sont emboîtés ainsi que pour faire apparaître un fait brute, si on prend comme archétype de l'intrigue du romancier russe la trame de "l'Idiot". De sorte que Nathalie Sarraute, théoricienne du nouveau roman, pouvait dire à bon droit que les personnages de Dostoïevski échappent à la typification balzacienne.

-Pour Dostoïevski (alias Yvan Karamazov), l'homme est ivre d'une liberté dont il ne sait que faire, car il a été créé rebelle. Et pourtant le Christ a préféré la liberté dans la foi que l'assujettissement de ses fidèles. (Dans le chapitre précédent, DostoÏevski parlait d'Alexandre II qui avait aboli le servage en Russie comme du "libérateur du peuple").

-Les croyants capables de suivre le Christ autrement qu'au rythme trè imparfait du troupeau dont il faut faire de la vie "un jeu d'enfants" ne sont pas tant opposés à l'orgueil qu'ils ne sont nécessairement des orgueillieux, car leur âme est forte et puissante, mais le Christ ne les aime pas à l'exclusion des faibles et des médiocres.

-Dostoïevski fait des trois tentations de Jésus les questions d'une raison éternelle qui n'ont mystérieusement pas été perdues par les Evangiles bien que leurs auteurs n'aient pas entendu résonner de l'intérieur les trois tentations du Christ qu'ils restituent comme des narrateurs omniscients dans un mystère exégétique. Yvan Karamazov reformule ces questions à l'usage des masses pour ouvrir à une sorte d'adhésion générale au Christ malgré l'incapacité de chacun en particulier à choisir "dans la connaissance du bien et du mal", sauf s'il fait partie de l'élite des très rares disciples de Jésus-Christ.

-Dans sa manière d'universaliser les questions qu'il déroule, Dostoïevski est bien le maître de René Girard dont il n'est pas étonnant que ce soit en lisant "l'Eternel mari" qu'a commencé son propre cheminement littéraire auquel je reproche de ne pas être suffisamment opératoire, mais aussi de trop réduire le Royaume à ce qu'il en pense, en lit et en voit incomplètement dans les evangiles, avec ce sens de la synthèse exégétique hérité d'un Dostoïevski chez qui tout personnage, le plus plongé dans les bas-fonds soit-il, peut être un exégète.

-Pour ce qui est de la conversion personnelle, je crois qu'il faut garder le conseil du starets à ses moines à son dernier matin: être pécheur, ne pas avoir peur de ses péchés, se repentir tous les jours et si l'on pèche de rechef, ne jamais désespérer.

-Car vous avez raison, on est très mauvais juge de soi-même. Et cela, un prêtre pourtant réputé très fermé l'avait dit en chaire un jour que je l'accompagnais.

-Et enfin, me concernant, même si c'est tout à fait accessoire: je me sens beaucoup plus proche du romantisme russe de Dostoïevski que du romantisme allemand de mes origines germaniques et en un sens, cela me rassure plus qu'à moitié. 

lundi 4 décembre 2023

Bertrand Vergely et "la puissance de l'âme"

Les élèves du lycée de Vendôme auxquels Bertrand Vergely était venu parler de l’âme n’avaient jamais entendu prononcer le mot d’ »âme ». Pour ma part, la première personne à m’avoir parlé de l’âme et m’y avoir sensibilisé est mademoiselle Berthe, ma maîtresse du jardin d’enfants et de CP. Elle nous disait qu’il n’y avait pas seulement le corps, mais que l’âme était comme un halo. Elle n’employait pas ce mot, peut-être parlait-elle plutôt de l’âme comme d’une espèce de robe du corps. Ce qui est drôle bien qu’anecdotique, c’est qu’elle fut la première aussi, en s’émouvant de la mort de Paul VI, à nous apprendre que nous avions une âme et que nous avions un pape. Je sentis immédiatement la vérité de l’âme sans comprendre spontanément l’utilité du pape…

 

Plus tard, je fus incommodé par le dualisme de saint Paul parlant de « la chair » et de « ’ esprit » que je confondais assez naturellement avec le corps et l’âme. Je trouvais une première respiration en classe de philo, dans la pensée de Descartes parlant de l’union de l’âme et du corps.

 

L’existence du livre de Laura Bossi, Histoire naturelle de l’âme, qui me fut révélée dans une émission For intérieur d’Olivier Germain-Thomas, me rassura sur le fait qu’il n’était pas nécessaire de renoncer à être matérialiste pour être spirituel. Au contraire, « tout ce qui est réel contient du spirituel et tout ce qui est spirituel est réel. C’est comme la lumière qui est à la fois corpusculaire et ondulatoire. Tout ce qui vit pense et tout ce qui pense vit, il faut faire vivre l’existence. » (Bertrand Vergely, BV) « Cest tout un que de vivre et de penser », disait Parménide. Penser, c’est savourer et découvrir la chair des choses. » (BV)

 

Platon fait l’unité du matériel et du spirituel en rejoignant Parménide et décrivant l’existence d’une « âme appétive, sensitive et spirituelle » et Bertrand Vergely rejoint Platon quand il fait émerger l’âme de la sensibilité. « L’émotion est le moteur, le moteur se transforme en sensibilité, la sensibilité va dans l’intimité, l’intimité nous amène dans le cœur, où l’âme apparaît à travers une série de transformations. La transcendance de l’âme lui permet de nous faire percevoir l’immortalité. « L’âme, c’est Dieu en l’homme », idée qui radicalise l’intuition d’Elisabeth de la Trinité qui s’exclame : « Je crois que j’ai trouvé mon ciel sur la terre, car le ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme. »

 

« Dieu ne sortira pas de nous pour nous faire face » (Isabelle Prêtre) et nous ne verrons le visage du Christ qu’en tant qu’il est le Fils. « Mais comme Dieu est en nous, nous sommes dans le cœur de Dieu et non en face deLui. »

 

L'âme vivante se rencontre dans la sensibilité et se réfléchit au moyen des sens. La dynamique des sens permet de passer de l'extériorité vers l'intériorité. La sensualité est un plaisir qui commence sexuellement et s'affine pour passer de la sensualité aux sens à partir de notre corps de plaisir qui se spécifie dans sa relation au monde, corps d'un "moi" qui peux toucher parce que je peux être touché.

 

« La satisfaction est la fin d’un manque. Ëtre prêt à vivre, c’est le début d’une aventure. » (BV)

L’âme n’est pas dans le corps, mais le corps est dans l’âme, car l’esprit est le « cœur profond » comme le dit Simone Pacaut dans l’Évangélisation des profondeurs.  

 

Il est fascinant de se voir devenir insensible et totalement indifférent. C’est l’expérience que fait l’Étranger de Camus ou du sujet de la Vie sexuelle de Catherine Millet. Et c’est le démoniaque, dont la possession est une dépossession dont on ne peut plus se déposséder, au contraire du diabolique qui est une emprise dont on ne veut pas se déprendre, au risque d’y « perdre son âme ». Pour la retrouver, il faut passer par la volonté qui est un exorcisme personnel ; l’épreuve de la correction fraternelle qui est la catharsis et l’intelligence qui permet de passer de l’émotion au langage sur l’émotion.

 

L’expulsion de sa mauvaise part est « le deuil d’une absente » (Marie-Odile Lazareff), mais on est sauvé quand on entre dans le langage.

 

Tout être vivant connaît le combat intérieur. Mais on peut sortir vivant ds émotions qui nous dévorent en inspectant ses émotions avec son âme et en trouvant à l’intérieur des éléments positif pour pouvoir se construire. Il faut pouvoir transformer ses opposés en plénitude. 

Qu'est-ce que le synode?

Le document de synthèse du synode est intéressant et trop mal diffusé et méconnu,  mais hier matin, sans doute pris de culpabilité de ne pas en avoir achevé la lecture, une formule s'est imposée à moi: "Au fond le synode, qu'est-ce que c'est? C'est "bavardez, bavardez, il en sortira toujours quelque chose."


Plus prosaïquement, le synode, c'est de la "démocratie participative" façon "Désir d'avenir" de la non encore morte en politique Ségolène Royal. Et plus loin de nous, le synode sur la synodalité, c'est le référendum sur le référendum avec lequel François Mitterrand fit un enterrement de première classe à deux sujets dont le second ne le menaçait pas encore autant qu'il s'est montré dangereux pour Emmanuel Macron. Ces deux sujets de crainte  du socialiste à l'antique étaient la battue du pavé par la bourgeoisie confessionnelle pour que ses rejetons sortent en tête de gondole de ses boîtes à bac et l'aspiration à la démocratie directe chère à tous ceux qu'on n'appelait pas encore des populistes et que Mitterrand faisait  d'ailleurs monter en neige dans le débat public pour couper les jambes de la droite après avoir neutralisé le parti communiste.


Mais je m'égare et je vous perds. Le synode, c'est l'inquiétude de l'Eglise de ne pas avoir de relève et son désir d'avoir un avenir et c'est, pour s'en assurer un, la déconstruction par le bavardage. Là, je cède à ma veine caricaturale, mais il faut parfois écrire par provocation pour donner à penser sur les lignes de crête où les dérapages sont presque toujours incontrôlés. 


Donc je continue dans la même veine. Le synode, c'est le bavardage, pardon le dialogue et peut-être même le dialogue inter-religieux, mais c'est le dialogue considéré comme fin en soi. Ce n'est pas le dialogue socratique dont la maïeutique était un procédé rhétorique pour faire accoucher de réponses celui qui ne  se posait pas de questions avant que Socrate ne l'interroge en le conduisant dans son raisonnement comme un gourou corrupteur de la jeunesse et de la religion, chefs sous lesquels on le condamna à boire la ciguë. 


Le synode définit le dialogue de belle manière comme une "conversation dans l'Esprit". J'ai essayé d'élaborer une "théorie de la musique" avec un ami musicien qui définissait le contrepoint comme une conversation qu'il distinguait du dialogue en ce que les différentes voix qui constituent l'accord (qui  n'est pas une fin en soi, mais une conséquence et un concept d'après le contrepoint), que ces voix, dis-je,  se confondent, monologuent sans soliloquer, ne s'écoutent pas, mais elles s'entendent.  Avec le synode, "on va bien s'entendre", c'est déjà ça. 


Mais un dialogue ou une conversation peuvent-ils être au service d'une parole , a fortiori quand cette parole se pose comme la Parole de Dieu?


Jean Madiran craignait avec raison si l'on doit craindre pour la perte d'autorité du magistère de l'Église catholique, apostolique et romaine, que la réception du Concile ne débouche sur la synodalité où ressurgirait l'idée que le concile (des évêques)  est supérieur au pape et sa prétendue infaillibilité, même limitée à des déclarations émises ex cathedra sur la foi et les moeurs. Dès lors que les synodes sont progressivement devenus une conversation très courante, pour ne pas dire occupationnelle, dans les diocèses (je n'ai pas dit que le synode, c'est de l'occupationnel), j'ai perçu sans nécessairement en prendre ombrage que le synode, ce n'était pas seulement le concile qui prévaudrait désormais sur le pape, mais ce seraient les fidèles qui auraient une voix prépondérante sur les évêques comme avant eux, les évêques auraient renfermé le pape dans un silence arbitral et hiératique. 


Le synode renverse donc la pyramide ecclésiale, il la met cul par-dessus tête. Or nous avions quelque chose à gagner à ce que l'Église s'offre à nous comme une triple pyramide, qui nous donnait la solution du monde et nous racontait son histoire depuis sa création jusqu'à l'apocalypse, qui nous mettait en rapport avec tous les vivants et les morts qui avaient jalonné l'histoire de l'humanité et qui nous donnait un toit hiérarchique sous lequel nous pouvions reposer notre tête de façon rassurante,  étagé qu'elle était depuis la dame pipi des sacristies jusqu'au ministère pétrinien, qui tirait son infaillibilité de ce que Jésus ait pu lui dire: "Arrière Satan!" et son autorité de ce que lui-même ait rétorqué aux membres du Sanhédrin qu'il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.


Le synode ne renverse pas la table, mais il renverse la pyramide pour que le Fils de l'homme n'ait plus une pierre où reposer sa tête et que  l'Église soit une maison à ciel ouvert où l'homme puisse vivre sans toit ni loi, rassemblé sous le Symbole des apôtres. Mais pour opérer ce renversement, on doit aller jusqu''à dire que "le synode est la forme propre de l'Église". On atteint là au comble de la métonymie et de l'autoréférentialité. Le synode, c'est la partie Eglise qui se prend pour le tout du Christ en se mettant hors d'état de porter sa Parole puisqu'une conversation est adogmatique par définition, mais l'Église peut porter le regard du Christ. Et l'homme qui promeut cette autoréférentialité de la partie est celui-là même qui ne veut plus que l'Église soit autoréférentielle. Or le synode, c'est l'Église qui se parle d'elle-même à elle-même.


Le synode, c'est le "verus Israel" qui, dans le sentiment d'avoir failli, se prépare à vivre un nouvel exode et une traversée du désert sous la motion et la conduite de l'Esprit qui ira alternativement, comme la nuée, en avant et en arrière du "peuple de Dieu". Car c'est trop peu pour l'Église d'être Corps du Christ: il faut qu'elle se saisisse de ce privilège exorbitant d'être "peuple de Dieu", non pas à l'exception, mais en représentation du genre humain. Mais dans le peuple de Dieu, on n'est pas populiste, on pratique la démocratie indirecte et le référent suprême reste l'Esprit qui nous conduit.

 

samedi 18 novembre 2023

S'émerveiller d'être chrétien

Même si ce n'est plus très à la mode, je ne dirai jamais assez mon émerveillement, non pas d'avoir la foi (car la foi n'est pas mesurable pour une raison que je vais évoquer), mais d'appartenir à l'Église.

Dans mon enfance, ce n'était pas "sexy". Il y avait un catholicisme sociologique que je trouvais insupportable. Les gens allaient à l'église pour montrer leur belle bagnole. Aujourd'hui, quand même certains le font encore, ça ne les empêche pas de ne pas aller à la messe sans savoir pourquoi. Plus personne ne va à la messe sans raison.

Et puis surtout, l'Église est une famille où l'on fait l'expérience d'une amitié fraternelle et spirituelle. L'Église est "le corps du Christ où nous sommes tous membres les uns des autres" (sr Nathalie de Taulignan citant st-Paul)

Une famille où il y a des prêtres dont un invité de "Radio courtoisie" disait ce soir: "Je demande à un prêtre d'être un saint." Moi aussi, pas moins. Et je le lui demande parce que, s'il l'est, il me montrera un chemin de sainteté qui m'engagera et sera contagieux.

Trois paroles entendues aujourd'hui par des prêtres accompagnés ce jour:

André Piette qui ne m'a pas dit cela aujourd'hui, mais nous sommes revenus sur cette question que je lui posais de façon lancinante sur une affirmation qu'il fit un jour: "Nous sommes trop facilement passés d'un Dieu dur à un Dieu mou." "Mais quel est le vrai Dieu?" "Ni un Dieu dur, ni un Dieu mou, mais un père. Le Dieu de Jésus-Christ est un père et Jésus-Christ nous apprend à dire "notre Père". Car (extrait d'un échange avec ma Nathalie ce matin au téléphone) il faut commencer par s'approprier cette paternité divine avant de pouvoir dire "Notre Père".

Du P. Bernard Schlotter sur la respiration chrétienne: "Nous inspirons la grâce de Dieu et nous expirons nos péchés."

Du même: "Tous autant que nous sommes, nous avons beaucoup plus de cinq talents. Comme tout ce qui a été créés, Dieu a vu que nous étions très bons. Nous avons reçus le baptême que nous devrions fêter comme notre anniversaire. Nous avons la foi. La messe est la concentration de tout le mystère du Christ. Nous avons une vie pour porter du fruit au service de nos frères. Nous avons le talent de prier. Nous avons reçu la Confirmation qui signe l'entame de notre quête de Dieu et de notre quête de l'Esprit."

De l'abbé Guillaume de Tanouarn en conversation avec Paul-Marie Couteaux en première partie de son "Libre journal de chrétienté":

"Nous vivons des temps apocalyptiques, non pas en ce sens que nous approchons spécialement de la fin du monde, mais parce que l'apocalypse est la révélation des pensées des coeurs" (lui) "sans limitation de ses passions et sans compréhension des passions d'autrui."(PMC)

"Toutes les religions sont porteuses d'un messianisme et le messianisme est dangereux. Le christianisme échappe au messianisme parce qu'il introduit un doute et ce doute est la foi." [Il n'introduit pas comme à un donné dans une relation à Dieu évidente.] "Le Christ s'est appelé "Salut" et non "Mashia". Il a préféré porter le nom grec de Christos, non pas porteur des solutions de tous les problèmes humains, mais oint de Dieu."

Et enfin, mon éternel ami Hervé que j'ai tant disputé, provoqué, coléré. Je lui expose mardi matin pour la énième fois que je ne comprends pas la condition de fils comme horizon de la condition humaine. "Mais le père est celui qui veut notre bonheur. Seulement pour le comprendre il ne faut pas le coréller à la paternité humaine, il faut contempler le mystère de la paternité selon la paternité divine."

Quand je reçois toute cette lumière, je suis émerveillé d'être chrétien. 

jeudi 16 novembre 2023

Vincent Bolloré, un téléévangéliste à la française

Je ne serais pas malheureux si Vincent Bolloré n'existait pas. Et pourtant, j'étais très bien disposé à son égard: il admirait quelqu'un que j'aimais beaucoup, le Crabe tambour, le commandant Guillaume, dans l'émission duquel il s'était invité sur "Radio courtoisie" par pure et simple désir de rendre hommage à ce héros, à ce soldat, à ce corsaire. 


Je fantasmais et connaissais si peu cet entrepreneur que, quand il a offert quelques jours de vacances sur son yacht à Nicolas Sarkozy en guise de retraite monastique pour recoller les morceaux de son couple, je me suis couvert de ridicule en affirmant sur "Radio ici et maintenant", un médium-forum où il m'arrivait d'intervenir, que Vincent Bolloré n'avait pas un grand poids médiatique. C'était bien peu de diriger "Direct matin" et "Direct soir". Peut-être alors détenait-il déjà le canal 8 de la TNT, mais à part le fait que Jean-Marc Morandini en était le Deus ex machina et y jouait à bas bruit le rôle qu'y joue aujourd'hui Cyril Hanouna, cela n'influençait pas grand monde.


Je ne pouvais pas m'imaginer que sa puissance montante absorberait un jour "Vivendi" et reprendrait "Canal" dans cette opération. Lorsque c'est arrivé, "France inter" le dépeignait en investisseur influenceur qui, avant d'évincer les Guignoles, écrivait des sketchs de sa propre main pour leur montrer quel genre d'humour ils voulait les voir pratiquer s'ils voulaient rester ses employés. C'était à n'y pas croire et pourtant rétrospectivement, à voir en effet "la reprise en mains" qu'il a exercée sur les médias qu'il a rachetés, que Bolloré écrive les sketchs de ses propres mains était un sketch, mais  un sketch probable et concevable à défaut d'être convenable. 


Je n'allais tout de même pas m'alarmer pour "Canal". Après tout ce n'était qu'une création de François Mitterrand qui ouvrit cette unique chaîne privée pour la donner à son ami André Rousselet qui, quand il n'exploitait pas les taxis de sa compagnie la G7 dont il était l'actionnaire principal et à qui il demandait des commissions exorbitantes, appartenait à la gauche de la dérision permanente. "L'esprit Canal" était le nom donné à cette dérision qui employait certes quelques humoristes vraiment drôles, mais qui avaient la fâcheuse habitude de cracher dans la soupe en ne mettant jamais leur courage au bout de leurs idées. Preuve en était que quand Vivendi fut racheté par "TF1" bien avant que Bolloré ne l'acquît, ces humoristes courageux manifestèrent pour nous prévenir qu'on allait voir ce qu'on allait voir et ils sont finalement restés des employés modèles du nouvel acquéreur qui, il est vrai, eut l'intelligence de ne pas changer grand-chose à l'"esprit Canal" en gage de leurs fonds, ni beaucoup intervenir dans la politique éditoriale de la chaîne. On allait voir ce qu'on allait voir et on n'a rien vu. 


Bolloré retournant "l'esprit canals" et faisant  une OPA idéologique sur cette chaîne, c'était drôle comme une ironie du sort. Ou comment un abus de pouvoir mitterandien pouvait-il être retourné par une simple fusion-absorption. Le Florentin n'aurait pas détesté la subversion conservatrice, lui qui, un an après avoir donné cet os à ronger à sa gauche dérisoire, prit langue avec Sylvio Berlusconi, entrepreneur de spectacle qui voulait faire une télévision de westerns spaghetti avant de se lancer en politique sur les pas de Reagan, autre ancien comédien de série B.


Vincent Bolloré "n'est pas seul" dans son empire. Il y a ses fils. André Rousselet n'était pas seul à "Canal". Il y avait Alain De Greef, Rodolphe Belmer ou Pierre (de) Lescure. C'est une façon différente de savoir s'entourer. 


Vincent Bolloré n'est pas seul à être conservateur. Nous pouvons l'être aussi, même moi. Seulement le vrai conservateur est une espèce de traditionaliste qui aime l'histoire, les moeurs

, le patrimoine et la foi. Le conservatisme avait tellement été banni de la sphère publique qu'il attendait sa revanche et qu'on pouvait se satisfaire du pluralisme qu'allait nous offrir Vincent Bolloré. Mais le conservatisme taiseux de Bolloré est à sa sauce. Bolloré a "ses croyances" et il tient à les imposer. On peut diffuser "des messes" sans les teinter d'un parti pris judéophile et systématiquement islamophobe. 


Les écrivains de Brive-la-gaillarde ont du souci à se faire après le rachat (sic) d'Achette par Bolloré. N'a-t-il pas repris en mains tous les titres qu'il a acquis? Avec lui, le commanditaire n'a pas besoin de parler pour se faire entendre. La reprise en mains du "JDD" par Geoffroy Lejeune devait confier l'hebdomadaire à un journaliste  professionnel qui savait lever des fonds et retrouver des recettes pour un organe de presse en mauvaise posture financière. Geoffroy Lejeune  n'a pas mis longtemps à imprimer sa marque et à transformer l'hebdomadaire en la voix de son maître. On ne pouvait pas non plus oublier le précédent d'"E-télé" dont les journalistes n'avaient pas tort, dans une longue grève, de signer une motion de défiance à leur nouveau patron qui allait presque tous les remercier.


On connaît désormais trop bien Bolloré pour savoir qu'il ne déçoit jamais dans son rôle de commanditaire qui n'a pas besoin de se montrer pour être obéi. Il n'investit jamais à fonds perdus, jusqu'à fabriquer de toutes pièces un candidat présidentiel à sa botte en la personne d'Éric Zemmour, qui ne  se cachait pas d'être la créature de Bolloré dans "la France n'a pas dit son dernier mot". Bolloré avait fait son chemin depuis le marquage de son territoire par le voyage offert à Nicolas Sarkozy.   C'était un cadeau clinquant offert à charge de revanche à ce président blingbling. Martin Bouygues qui était l'ami historique de celui-ci n'aurait jamais agi de la sorte. Et pour cause: c'était un professionnel du soft power entreprenarial et il était de la vieille école, celle d'un Édouard de Rothschild faisant la charité  à "Libération" en le rachetant, sans infléchir ostensiblement la ligne éditorial de ce journal en quête de lecteurs et emblématique  d'une gauche qu'il valait mieux avoir pour soi que contre soi, en plus de mettre quelques annonceurs dans sa poche. Martin Bouygues n'avait d'autre ambition que d'offrir à ses propres annonceurs du temps de cerveau disponible de ses téléspectateur. 


Martin Bouygues n'était pas seul et savait s'entourer de professionnels de la télévision. Vincent Bolloré n'a cure d'être seul, d'être mal entouré ou de ne pas être un professionnel de l'audiovisuel. Ce qu'il veut, c'est faire de sa chaîne "Cnews" un "Foxnews" à la française et d'en faire la vitrine de ses idées, pas de son sens de l'humour. Bolloré père doit être trop fin pour goûter les saillies de Cyril Hanouna. Mais Hanouna sait se montrer aussi intelligent qu'il est vulgaire. Il peut alterner d'insupportables séquences sur la pétomanie supposée de Benjamin Castaldi et des débats politiques ou sociétaux de bon niveau. Cette inflexion à 180° dans les talkshows est une marque de l'esprit du temps, où toutes les libres antennes radiophoniques destinées aux jeunes et animées par des boomers roués comme Maxou comme Arthur alternaient une extrême vulgarité à des réflexions psychologiques de haute volée pour une génération qui mettait  sur le même plan tous ses affects, des ébats sexuels au engagements sentimentaux, politiques ou sociaux. 


En 2002, au début de la téléréalité, la production et Benjamin Castaldi ont fait sortir du loft 2 et de leur réserve les candidats forcément groggys à l'idée que Jean-Marie Le Pen puisse accéder au pouvoir. Cette perspective n'était pas celle  de la France des lofteurs,  c'est devenu celle de Bolloré, dont le mélange des genres des émissions de Cyril Hanouna est la concession à l'esprit du temps, sa "petite blague" et son "en même temps" à lui, ou la part de l'esprit potache que consent  ce téléévangéliste à la française pour installer les crédules dans sa foi du charbonnier tout en suscitant un Trump qui croiserait les intérêts des catholiques, des judéophiles et des capitalistes. Un conservatisme à l'hameçon duquel on n'est pas obligé de mordre, surtout en plein avant-guerre mondiale et civile. 

Pourquoi pas moi?


@Michel Deluré | 16 novembre 2023 à 10:24
"Certes, n'importe qui peut très bien dire « je suis moi».

J'avais une amourette qui, chaque fois qu'elle me téléphonait, me disait "c'est moi" d'un air triomphant en me dérangeant presque à chaque fois, car j'en aimais une autre beaucoup plus qu'elle, tellement idéale que je trompais mon idéale avec elle qui était amoureuse de l'amour, mais qui ne savait pas qu'elle était vide et que c'était peut-être ce vide qui faisait son charme d'idole.

Elle savait qu'elle était vide, mais elle ne voulait pas le savoir et quand elle vous disait "c'est moi", elle croyait vous apporter le monde alors qu'elle ne vous apportait rien.

Mais le monde était peut-être encore plus vide qu'elle qui se prenait pour le centre du monde et qui en effet l'était, quand on vivait avec elle.

Elle s'annonçait en me disant: "C'est moi." Et j'avais envie de lui dire: "Ah bon, ce n'est que toi?" Or elle était sublime et je ne pouvais pas la sublimer en l'estimant, car elle n'était qu'elle, toute centrale qu'elle était.

"Mais vous conviendrez que ces mots ont une résonance autre, qu'ils soient prononcés dans un contexte particulier par un humoriste, en l'occurrence Pierre Dac dans ce cas précis":

Pour rappel: "Je suis moi. Je viens de chez moi et bientôt j'y retourne."
Un psychanalyste que je consultais pour comprendre qui j'étais me dit un jour: "Personne ne quittera ce monde en pouvant répondre à la question: "Qui suis-je?" Je laissai tomber sa cure et son cabinet s'il ne pouvait pas m'en dire davantage.

" ou qu'ils le soient par le commun des mortels."
Je ne crois pas dans la banalité du moi? Je ne connais que "la banalité du mal" et je ne crois pas aux anonymes, non pas dans le sens de Patrice Charoulet qui n'aime pas l'anonymat de la pseudonymie: mais je crois qu'il n'y a pas d'anonymes, il n'y a que des noms propres dont certains sont connus et d'autres inconnus. Tel être distingué ou célèbre peut être aussi propre que le nom qui l'a fait sortir du lot et du commun pour devenir une personnalité, mais il y a beaucoup de personnalités sordides bien qu'elles aient un nom propre.

Pourquoi, hormis la postérité, Pierre Dac serait-il moins le commun des mortels que moi? Pourquoi pas moi? Quand on me fait une proposition quelle qu'elle soit, j'ai tendance à répondre: "Pourquoi pas?" je préfère le "pourquoi pas" serviable ou qui ne veut pas mourir idiot au "pourquoi" des enfants dont j'aime les questions sans réponse, mais qui en posent d'aussi stériles que celle que j'ai posée à Thierry Piras, psychanalyste chamane: "Pourquoi avons-nous deux yeux et notre front ne serait-il pas le point d'intersection de notre bilatéralisme psychique à propos duquel Freud et Fliess se sont disputés, chacun s'attribuant la paternité du concept et le premier l'ayant en réalité volé au second?" "Pourquoi avons-nous deux yeux? Vous n'avez qu'à demander à Dieu." "Papa bon Dieu, c'est mon surmoi."

Tu me sollicites et je te réponds: "Pourquoi pas?", c'est le contraire du "pourquoi moi?" que hurlent à part soi tous les dolents et tous les valétudinaires qui ont un tel mal de ventre qu'ils se disent qu'ils n'ont pas mérité ça. Le "moi" qui est banal prend à mal d'avoir mal. Pourquoi? Ou pourquoi pas?

Rien ne saurait "[différencier] le "moi" célèbre de celui de "monsieur tout le monde" du moment qu'Ulysse a dit qu'il n'était Personne et qu'avant Jean Gabin, Socrate a dit que tout ce qu'il savait, c'était qu'il ne savait rien. Science paradoxale du connaisseur inconnaissant, inscience qui me paraît le faux-fuyant du faux monnayeur ou du banquier universel!

Je préférerais un homme qui me dirait: "Tout ce que je sais en tant que moi et en tant qu'homme, c'est que je ne vaux rien, car je suis un vaurien. Seigneur, dans ton Royaume, souviens-toi du vaurien que je suis."

 

mercredi 15 novembre 2023

Vincent Peillon n'a pas refondé l'école

Vincent Peillon n'a pas refondé "l'école de la République" qui, selon le mot pour une fois bien inspiré de  Gilles Kepel, est devenue "l'école de la pseudo-bienveillance et du relativisme moral".


Vincent Peillon avait écrit un livre intitulé: "La Révolution n'est pas terminée." Il avait un compte à régler avec l'Église catholique. Il accuse aujourd'hui les catholiques de s'être mis en travers de son chemin et d'avoir entravé son action avec une agressivité qui n'est pas entièrement fantasmée de sa part.


Avant de devenir à son tour ministre de l'Éducation nationale, Najat Valaud Belkacem, quipromouvait "les ABC de l'égalité" sous les hourvaris de "la Manif pour tous", mentait en déclarant que "la théorie du genre n'existe pas", elle qui venait de commander à l'IGAS (je le découvre dans cet article de Didier Desrimais:


Révélations de Vincent Peillon: les cathos lui ont fait vivre l’enfer! - Causeur) "un rapport sur l’égalité entre les filles et les garçons à l’école en proclamant que « la cible des enfants de moins de trois ans se doit d’être au cœur des politiques publiques dans la mesure où les assignations à des identités sexuées se jouent très précocement ». 


"M. Peillon, désireux de complaire à sa jeune collègue et d’être dans l’air du temps, rédige dans la foulée une circulaire destinée aux recteurs d’académie. Ces derniers sont invités à favoriser « les interventions en milieu scolaire des associations qui luttent contre les préjugés homophobes » et à « relayer avec la plus grande énergie la campagne de communication relative à la “Ligne Azur”, ligne d’écoute pour les jeunes en questionnement à l’égard de leur orientation sexuelle ou de leurs identités sexuelles. » C'était le tremplin de l'encouragement à la "transition de genre" dès le plus jeune âge.


» Quelques parents et enseignants ont alors la curiosité d’aller jeter un coup d’œil sur le site de l’association “Azur”. En plus d’un glossaire expliquant les nouveaux mots issus de la novlangue sur le genre, le lesbianisme y est vivement encouragé dans un livret numérique comportant, à la rubrique “Tombe la culotte”, des photos ne laissant aucun doute sur l’orientation sexuelle de damoiselles tout de cuir vêtues et armées de godemichets, tandis que les garçons, eux, sont invités à user de drogues « festives » et désinhibitrices pour combattre leur homophobie en expérimentant des pratiques homosexuelles." 


Le Conseil d'État abroge la circulaire Peillon sur la base du rapport de M. Rémy Keller qui commente: « La brochure (du site Azur) fait l’éloge du sado-masochisme, de l’échangisme et du libertinage, et décrit en détail des pratiques sexuelles diverses, dans des termes crus que nous serions fort gênés de reprendre dans cette enceinte et qui sont manifestement inadaptés aux élèves – et pas seulement les plus jeunes. […] Plus grave encore, le site encourage des pratiques interdites par la loi, et encourage à des comportements sexuels particuliers. Comment ne pas comprendre que des parents – et des enfants – soient choqués à la lecture des contenus que nous avons évoqués ? […] Ce n’est pas faire preuve d’une pudibonderie excessive que de constater que la présentation quasiment pornographique de certaines activités sexuelles est manifestement inadaptée aux élèves et qu’elle n’a certainement pas sa place dans les établissements d’enseignement secondaire. On ne peut que s’étonner de la légèreté du ministre qui a encouragé des enfants – parfois âgés de dix ans à peine – à consulter ce site. » 

Les AFC, mais plus encore Farida Belghoul auraient-ils eu raison? (L'initiative de cette dernière dite des "Jours de retrait" a été honteusement pillée par Éric Zemmour, coutumier du recelle de titres et d'idées, son association des "Parents vigilants"qui doit tout aux "Jours de retrait".


-Vincent Peillon ambitionnait, rien de moins, que de "[refonder] l'école".  Je me préparais alors à devenir professeur et j'ai démissionné avant d'enseigner faute de talent d'acteur et parce que les programmes séquentiels de l'enseignement du Français me semblaient dépourvus de toute cohérence disciplinaire et ne pas être de nature à construire une tête bien faite.


Pour refonder l'école, il ne misait pas sur une inflexion programmatique, mais sur l'introduction de l'éducation à tout et n'importe quoi en lieu et place des contenus disciplinaires. Il s'agissait de « désanctuariser la classe » en entérinant la diminution des heures d’apprentissage de la lecture et du calcul pour les remplacer par du temps passé en « ateliers » abordant, par exemple, le tri des déchets" ou la prévention contre les conduites à risque. 


-Il se fendit aussi d'une "Charte de la laïcité" en quelque vingt points mal écrits qu'il s'agissait d'afficher partout et si possible d'apprendre par coeur et qui cette fois ne visait pas les catholiques, mais visait sans les nommer les élèves issus de l'islam prosélyte, l'islam étant, selon ma formule, la diabolique surprise de la gauche laïciste qui donnait raison aux analyses de leur pire ennemi Jean-Marie Le Pen, même si cette gauche persécute à tort les jeunes filles pudiques ou qui veulent porter une belle robe ou plutôt que leurs grands frères qui les surveillent ou les malmènent, leurs pères qui les forcent à se marier et les idéologues qui trompent les uns et les autres à grands coups d'alerte Internet.


J'ai connu Vincent Peillon député, comme auteur d'un indigeste rapport sur le handicap. Dans un Français indigne d'un philosophe,  il faisait assaut d'"inclusivisme", concept  qui fait toujours illusion auprès des associations de personnes dites "en situation de handicap" et de leurs soutiens et proches qui souffrent de l'infirmité des gens qu'ils aiment, mais qui aboutit à empiler sur la tête des handicapés des milliers de dispositifs qui font que pour comprendre les mécanismes de la "compensation du handicap", il faut être un juriste rompu à l'usage d'une langue étrangère et non pas une personne concernée qui recherche une solution pour élever ses enfants ou bénéficier de droits élémentaires.


Mis au rancard du ministère de l'Éducation nationale où il se serait bien vu avoir la longévité de Jean-Michel Blanquer (et aurait peut-être été moins nocif que ce ministre gesticulateur de l'inégalité des chances qui voulait repérer dès l'école maternelle les enfants irrécupérables), Vincent Peillon commença par enseigner à Genève, puis prétendit se refaire une virginité politique en présentant sa candidature (pas nulle du tout) à la primaire socialiste de 2017. Battu, il ne se comporta ni comme un renégat ni comme un salaud, c'est-à-dire qu'il ne soutint pas Manuel Valls, mais il se mit au service de Benoît Hamon, qui disparut corps et biens quand il vit qu'il n'avait plus d'avenir politique en dehors d'un recentrage sur la famille qu'il formait avec ses enfants et sa femme LVMH. 


Mais comme "on ne meurt jamais en politique" ou qu'on est toujours reclassé quand on fait partie du personnel politique, "Vincent Peillon a été nommé, en 2021, conseiller maître expert en service extraordinaire à la Cour des comptes. Fort de cette éminente fonction, l’arrogant pérore sur les plateaux de télé. Il y livre des argumentations consternantes avec le même ton condescendant que celui qu’il maniait lorsqu’il était ministre." 

samedi 11 novembre 2023

De la finitude

Échange avec le frère Norbert-Marie Sonnier (OP) autour du thème de la finitude à partir de ma question un peu obsessionnelle: Pourquoi Dieu qui est l'amour infini nous a-t-il créés finis plutôt qu'illimités? "Je ne sais pas, me répond-il. Il y a des philosophescomme Heiddeger qui nous aident à réfléchir à la question, et ill y a deux manières de transcender la finitude: le désir qui peut s'étendre à l'infini et le fait d'essayer de capter, d'intégrer et de s'intéresser à l'universel de l'homme. 

Humanisme ou mystique?

Discussion stimulante avec Jean-Pierre Gosset sur le blog de René POujol. Merci à lui de la permettre.


"Jean-Pierre Gosset10 novembre 2023 at 12 h 01 min

Merci à René et à tous deux.

Ton billet René m’a conduit à questionner de prime abord ce qui distingue l’humanisme du mysticisme. J’ai trouvé un seul texte clair: « Mysticisme et humanisme – Autour du tombeau vide » de Jan Miernowski * () que l’auteur résume ainsi « Mysticisme et humanisme sont inversement proportionnels [comme des vases communicants plus on a de l’un et moins on a de l’autre, dans le sens où l’humanisme vise une parole grosse d’une présence, tandis que le mysticisme se résigne à la parole travaillée par l’absence. Cette thèse générale est soumise au jugement de quatre auteurs, échelonnés dans la longue durée : Erasme de Rotterdam et Marguerite de Navarre, respectivement, un humaniste et une mystique prémodernes ; Michel de Certeau, un anti-humaniste et un mystique postmoderne ; et enfin Bruno Latour, une sorte de néo-humaniste qui clame hautement son « amodernité ». Chacun de ces écrivains met la parole humaine – et particulièrement la parole religieuse – face au sépulcre vide du Christ, au lendemain de la Résurrection. »

Vos remarques sur les mots, Michel et Julien rejoignent ma question « humanisme et mysticisme? ». Les mots vivent et sont objet de « jeux » plus ou moins sains, de manipulation au long cours. De même que gnose a signifié parler avant connaitre, hérésie a qualifié le débat avant l’erreur; et païen désignait le paysan sans doute un peu frustre et non le mécréant et l’impie. Ah, comme on l’aime le prochain!

Plus dans l’actualité, bien qu’il y ait près de 500 millions de sémites, dont une large majorité d’arabes, le mot antisémite a pris le signification actuelle sur la base d’idées médiocres voire nauséeuses ravivées à la fin du 19ème.

Ah, comme on l’aime le prochain! Et puis, il y a aussi, un peu d’humour, « l’ordre mis par Dieu », ce seul mot français du langage informatique qui surnage sur l’océan anglais: ordinateur inventé par Jacques Perret philologue théologien, auteur aussi en 1968 de « inquiète Sorbonne »).

Ce billet m’a surtout rappelé 1969, et cet échange avec un des dirigeants du pôle logements d’Emmaüs (Camus, Henri je crois?) qui m’a dit avoir quitté avec d’autres l’abbé Pierre pour fonder « un autre Emmaüs » exclusivement logement quelques années plus tôt, sur fond d’autoritarisme, de manque de professionnalisme et de mauvaise gestion. Je viens de lire que, selon Axelle Brodiez-Dolino** l’époque de cette scission a correspondu à l’éviction de l’abbé Pierre par l’establishment politico-catholique pré-conciliaire à cause de ce que l’auteur nomme « L’incapacité du « père » à arbitrer ». Chaque aventure humaine est singulière et complexe car vivante.

* https://books.openedition.org/pup/48150?lang=fr

** https://laviedesidees.fr/Les-trois-ages-du-conflit.html

Répondre à Jean-Pierre Gosset

etudestorrentielles.blogspot.f…

JULIEN WEINZAEPFLEN10 novembre 2023 at 22 h 19 min

Votre commentaire est stimulant, Jean-Pierre.

Je me souviens d’un vendredi saint très tourmenté où je me sentais pris à mon propre piège et où mon ordinateur se mit à tourner sans s’arrêter tandis que j’inventai la maxime: « On est souvent le dindon de la farce que l’on a soi-même écrite. » Comme j’essayais en vain d’arrêter mon ordinateur, j’entenddis le Père Raniero Cantalamessa, chapelin de la maison du pape, qui disait ce que je pris pour une maxime définitive: « On a souvent imaginé de reconstituer le mouvement de la pensée humaine, mais on n’a jamais imaginé une machine qui puisse aimer comme un être humain. » Je m’étais forgé cette définition atomiste de la pensée humaine à laquelle je souscris encore, car on peut être atomiste et croyant, matérialiste et spiritualiste: « La pensée humaine est la rencontre électriquement organisée entre deux infinitésimaux universels présents dans le cerveau. » Cette définition était tributaire de ma lecture de Bergson qui s’oppose absolument à toute localisation cérébrale de l’esprit (pas moi), mais que je rejoins quand il pense que tous nos souvenirs sont présents à notre mémoire.

Pour en revenir à l’ordinateur, l’intelligence artificielle s’est longtemps contentée de nous poser des questions auxquelles nous étions sommés de répondre par oui ou par non. C’était enfin pour nous le moment de choisir, ce que nous différons si volontiers de faire, abouliques jusqu’à la neurasthénie. Mais il fallait être aussi naïf que moi pour croire que l’intelligence artificielle s’arrêterait là et s’en tiendrait à nous poser des questions ou à répondre aux nôtres. La poésie ou la musique assistées par ordinateur semblaient relever du hasard, elles n’étaient pas dangereuses. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle montre, si j’ose dire, son vrai visage: elle ne se contente plus de nous poser des questions, elle singe notre création. La machine singe l’homme come le diable est le singe de dieu. À moins de croire à l’homme-machine, ce que je crois être une option: j’ai déjà dit que j’étais matérialiste.

Passons au choix. Un homme dont je m’honore d’être ou de me croire l’ami, l’abbé Guillaume de Tanouarn dont j’ai souvent parlé ici, m’a appris le peu de choses que je sais sur le choix. (Un des grands malheurs de ma vie a été de ne pas savoir poser un seul choix positif ni prendre un tournant qui ne serait pas négociable. or on construit sa vie sur l’ensemble de ses choix positifs, faute de quoi on est condamné à traîner une valise de regrets qui deviennent une montagne devant notre conscience accablée. Toute décision est bonne à prendre et déclarerait-on forfait face au combat spirituel, on n’échappera jamais au combat contre soi-même. L'existentialisme comme la spiritualité ignatienne sont des écoles de choix).

Dans son livre « Délivrés », l’abbé de Tanouarn dit qu’il existe trois types de choix: le choix du non choix, majoritaire ; le choix du moi, égoïste, rare, mais pas médiocre et le choix de Dieu, héroïque.

Si je sais bien mes étymologies, l’hérésie vient du mot choix. Pascal la définit non pas comme « l’oubli de la vérité, mais comme l’oubli de la vérité contraire. » Car, dès que l’on s’adresse à l’esprit et à moins de faire de la vérité une idole, on doit tendre à la coïncidence des opposés ou encore à l' »union des contraires » dont parle Simone Weil, à défaut de l’union des contradictoires qui est impossible, en vertu (peut-être, mais pas exclusivement) du principe de non contradiction logique.

Est-ce que Bruno Latour était encore un humaniste? Et est-ce que notre époque est encore humaniste? Michel foucault ne s’est-il pas réjoui de la mort de l’homme? Nous y sommes. Le paradigme écologique s’est substitué au paradigme humaniste. C’est pourquoi j’ai une dent contre l’écologie politique qui n’a jamais dénoncé que très marginalement ces deux maux infligés à la terre que sont l’esclavage des animaux auquel les végans nous ont rendu sensibles et compatissants, et l’agriculture industrielle qui détruit plus certainement les labours que, s’il y a réchauffement climatique, il est d’origine anthropique ou que l’homme ne détruit la couche d’ozone.

On ne parle plus de la faim dans le monde, on parle du déréglement climatique. Il ne faut plus sauver nos âmes, il faut sauver la planète. Nous ne portons plus notre espérance au ciel ni ne voulons plus mettre du ciel dans notre vie, mais le salut de la planète nous inquiète. La subversion écologique est autant une subversion à l’égard de l’homme qu’elle l’est à l’égard de Dieu.

Souvent, je me suis demandé comment définir la mystique en me demandant accessoirement si j’étais un mystique. Quelqu’un qui m’a quasiment servi de secrétaire m’a répondu un non sans appel. La définition la plus convaincante que j’ai trouvée de la mystique est que le mystique est celui qui ne parle plus en son nom, mais qui fait parler Dieu comme s’Il s’adressait à lui-même, soit que ce soit un procédé littéraire, soit que Dieu lui parle vraiment. Je saurais faire parler Dieu en écrivant, je l’ai déjà fait. Mais Dieu ne m’a pas parlé de telle sorte que ma lettre ait la voix de Dieu. C’est pourquoi je ne suis pas un mystique et j’en reste à ne pas savoir ce qu’est la mystique, préférant me ranger parmi les humanistes, peut-être parce que je manque de profondeur ou de réalité, comme Gisors, père de Kyo, en accusait le baron de Clapique dans « la Condition humaine ». J’ai toujours pris pour moi cet anathème de Gisors. « Il boit, car il n’a pas de réalité. » 


J'ajouterai que le mystique est celui qui a répondu "oui" à la question: "y a-t-il quelqu'un au centre de cette conscience que je tutoie?"  Mais il a reçu cette réponse affirmative de celui-là même qui le tutoie au sein de sa conscience. Celui qui lui a apporté la preuve de l'existence d'un autre en lui qui le surplombe est son surmoi ou son surnaturel.

Antisémitisme, pourquoi je ne défilerai pas!

Si j'en crois les chaînes infos que j'écoute d'une oreille distraite depuis quelques heures, la marche contre l'antisémitisme qui aura lieu ce dimanche sera le dernier endroit où il faut être. Y serai-je? Non. Et pourquoi? 
Parce que la question n'est pas de savoir si je défilerai avec le RN ou je ne sais quel autre parti plus ou moins respectable. Et pourquoi n'est-ce pas la question? Parce quIsraël n'invective plus l'extrême droite depuis que la coalition à sa tête comprend  des PARTIS d'extrême droite. Il faut déplacer la question qui est désormais: saisirai-je l'occasion de la séquence formée par la barbarie du Hamassuivie par le blocage punitif de Gaza pour dire aux juifs que je les aime comme j'aime l'État qui se veut leur emblème? Je n'aime pas les agissements de cet État, donc je me contenterai de ne pas être antisémite à la maison. Je me contenterai d'être un non antisémite de salon. 
Mais il faut que je poursuive mon introspection. Le dernier endroit où il fallait être était la manifestation pro Charlie. Je n'y suis pas allé. Ma mère chez qui je déjeunais était à fond en soutien de cette manifestation. Elle a allumé la télé et je dois dire que ça avait de l'allure. C'en était même émouvant. Il flottait un parfum de fraternité dans cet unanimisme, tellement contagieux que Renaud a embrassé un flic et en a fait une chanson. 
Regretté-je de ne pas m'être rendu à la manif en soutien de Charlie et de ne pas avoir participé à ce moment de fraternité française? Non, car derrière l'unanimisme, je crains le tous contre un. Et je n'aime pas du tout le slogan d'une banderole où j'aurais dû m'approprier: "Je suis Charlie". Non, je suis moi. (En l'occurrence, "je suis juif" serait un slogan plus vrai puisque je suis chrétien). 
Je n'aimais pas que l'on dise que les morts de Charlie n'étaient pas responsables. Au contraire, ils sont morts en responsabilité et en martyrs de leurs idées. Mais l'Occident a  perdu le sens du martyr. Différence entre le martyre chrétien et le martyre islamique: le chrétien donne sa vie, l'islamique prend la vie des autres en même temps qu'il donne sa vie dans une mort contagieuse. 
J'ai trouvé enfin qu'il y avait un indice compromettant à participer à cette grande liesse de la fraternité française: c'est que le bon peuple de France était soutenu par le gratin des dirigeants internationaux au milieu duquel s'était invité Bibi Netanyahou. Je n'aurais pas voulu manifester avec Bibi. Je comprends encore mieux pourquoi.

vendredi 10 novembre 2023

Le Likoudistan israélien. Réponse à deux commentateurs insignifiantsdu blog de Philippe Bilger

@Serge HIREL | 08 novembre 2023 à 14:33

« Likoudisés », « Palestiniser », « Onze-septembriste », « Bataclanistes », « Treize-novembristes », « zemmourisation »...

« Nous vivons des temps alarmants », concluez-vous... Oui, pour la langue française !"

Il est vrai que votre prose ne brille pas par la fabrique du  néologisme. Pour tout dire, elle est un peu ennuyeuse, prévisible, attendue et je passe souvent outre.


Vous partagez l'essentiel du commentaire de Marcel P me concernant.? M'étonne pas. L'ancien policier et l'ancien policier de la pensée sans succès me défouraillent de concert, j'en conçois presque de l'honneur. Je vous lis un peu plus que je ne le lis lui, car vous écrivez mieux. Vous avez du métier quand même, mais vous resassez beaucoup.


_____________________________________"


@Marcel P | 08 novembre 2023 à 11:39

J'écrivais (et je le maintiens):

"Il [Éric Zemmour] voudrait palestiniser notre pays en montant les chrétiens contre les musulmans qui sont une minorité trop forte et trop importante pour qu'un dissensus majeur avec cette communauté soit sans conséquence. L'impossibilité d'une opposition de néo-croisés occidentaux et de musulmans fanatisés est claire à mes yeux depuis la première guerre du golfe. Rester sur une position équilibrée est donc autant un gage de sagesse que de prudence. "

Je le maintiens, car prudence est mère de sûreté.


Vous me répondiez:

"Belle prudence. Vous ne voyez ainsi pas que le dissensus existe depuis bien longtemps ?"

Le dissensus, non, la division communautaire, oui.  

"Depuis quand le voile islamique pose-t-il problème en France ?"

Depuis qu'on en a fait un problème, 1989, Ernest Chénière.

" Jusqu'à quel degré êtes-vous prêt à l'accepter pour que n'existe pas de dissensus ?"

Je ne suis pas comptable du fait que la France ait accepté que ses ex-colonisés viennent travailler dans ses usines. Mais à partir du moment où cela était fait avant ma naissance et où j'ai toujours connu cette coexistence avec les populations immigrées, je suis prêt à accepter les compromis dans la mesure où ce changement de peuplement a eu nécessairement une influence sur l'idéologie française et donc sur sa diplomatie, car la guerre civile est la plus terrible des guerres.


La population arabo-musulmane était déjà trop importante en 1991 pour que nous nous permettions de participer à  l'opération "Tempête du désert", opération qui plus est illégitime, à laquelle nous n'aurions point perdu notre âme de n'y point prendre part, mais c'était sans compter avec l'américanisme reaganien de François Mitterand, dont François Asselineau nous explique aujourd'hui qu'il déplorait la guerre que nous livraient secrètement les Américains en commandant leurs alliés et en les inféodant pieds et poings liés à leur politique, puisqu'ils sont dans l'Otan.


"On peut lister à l'infini les français juifs qui se sont battus et qui se battent pour la France, sans équivoque, sans exception.

On peut aussi cataloguer les musulmans dans l'armée française qui annoncent explicitement qu'ils refuseraient de se battre contre un adversaire musulman."

Et on peut aussi  honorer l'héroïsme des soldats que le film "Indigènes" a fait revenir dans la mémoire française.  Des allogènes "français par le sang versé".


"Apaiser les tensions avec l'envahisseur, ça s'appelle collaborer."

L'envahisseur n'a pas manifesté l'intention de hisser son drapeau comme emblème de notre nation. L'envahisseur n'a pas manifesté l'intention d'envahir. Au contraire du colonialisme britannique qui était une conquête sans influence, l'immigration européenne est une influence sans conquête et cette influence ne s'exerce que dans la mesure où nous l'avons permise et encouragée. Je ne suis pas comptable de cette réalité que j'ai toujours connue, je fais avec, car une patrie n'est pas une abstraction, ne vous en déplaise.



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Et que se passe-t-il à Gaza? Israël n'a pas bombardé un hôpital, oh non! Mais il tire sur des ambulances (sic) et son blocus fait en sorte qu'aucun hôpital n'est approvisionné, pas même en antalgiques ou en produits anesthésiants. Israël avait prévenu les Gazaouis d'avoir à s'en aller pour éviter le massacre, mais il avait bloqué l'arrivée du pétrole et de l'eau. Comment s'en aller sans carburant? 


Comme d'habitude, les Palestiniens sont livrés à eux-mêmes. Les médicaments sont à disposition, mais Israël n'ouvre passa frontière avec l'Égypte qui réduit les couloirs humanitaires à moins que de besoin pour éviter l'immigration arabe au sein d'un pays arabe sous prétexte du précédent palestinien au Liban ou en Jordanie. 


Alors je veux bien qu'on entende me faire manifester contre l'antisémitisme. Mais certainement pas sous le prétexte(je reprends le terme de "la France insoumise") de collaborer avec les Israéliens dans leur génocide palestinien en vengeance contre les exactions terroristes du Hamas à leur encontre.


Vous voyez, Marcel P.? Je n'ai pas peur des mots. Je reprends le mot "prétexte" aux insoumis et contre eux, je qualifie le Hamas de "terroriste". Je fais mien leur appel au "cesser-le-feu", mais je n'ai pas aimé leur discours pendant les émeutes urbaines consécutives à la mort de Naël après une course poursuite qui a mal tourné, avec  des collègues à vous plus courageux et plus intelligents que vous. C'est comme ça, les gens ne peuvent pas être classés dans vos petites cases et je ne vous ferai pas l'avanie de vous dire qu'il vous en manque une. Prétérition.


Mais je vais témoigner de deux choses à votre intention, car j'imagine que vous n'avez jamais mis les pieds en Israël-Palestine, ce qui ne vous empêche pas de pérorer. Je m'y suis rendu en 2011 avec mon frère et ma belle-soeur. Chacun de nous faisait un voyage différent: mon frère faisait un voyage religieux; je faisais un voyage politique pour vérifier si ce qu'on  m'alléguait de  la situation des Palestiniens était exact; et ma belle-soeur, artiste contemporaine, s'interrogeait sur la notion d'appartenance.

Mon frère est beaucoup plus bien-pensant que moi. Il n'aime pas les idées qu'il me suppose avoir. Il m'a pourtant dit l'autre jour qu'on n'aurait jamais dû créer l'État, car il n'était pas porteur d'une paix viable. Je ne dirais pas qu'il ne fallait pas accéder à la demande des sionistes qu'une entité voie le jour(pour reprendre cette fois la rhétorique des pseudo-antisionistes qui sont de vrais antisémites qui s'ignorent). Mais on aurait dû faire de la Palestine mandataire un Etat binational sans partition, avec une surveillance internationale de la manière dont les deux juridictions et les deux administrations étaient capables de travailler ensemble ou, si vous préférez, de collaborer... Faute de quoi on était parti pour autant d'années de guerre que durerait l'État juif d'Israël, la "solution à deux États" ne réglant pas du tout le problème.


Je terminerai par ce double témoignage. Les trois pieds nickelés que nous étions si vous tenez à nous injurier (j'ai quand même failli me noyer dans la mer morte et ma belle-soeur m'a sauvé...) avons poussé jusqu'à Béthanie en Palestine. Je voulais pouser jusqu'à Damas, mais mon frère redoutait les assurances israéliennes qui nous interdisaient de passer les chck points. Quand nous arrivons dans la ville en début d'après-midi, nous voyons un cortège d'enfants endimanchés qui se rendent à l'école, comme si leurs parents considéraient que l'école était leur avenir et leur seul trésor pour de meilleurs lendemains. Nous avons vu aussi des écoliers israéliens, mais il y avait une grande différence de traitement entre les petits Ashkénases que leurs éducateurs gardaient comme la prunelle de leurs yeux, un pistolet à la ceinture, et les petits Falashas que leurs éducateurs gardaient aussi arme au point, mais beaucoup moins soigneusement conservée, comme si ces Falashas n'étaient jamais que de la pègre israélienne. Donc je ne dirai pas: Israël, État raciste, mais Israël, société d'apartheid? Je n'entrerai pas dans le débat de savoir si c'est une société esclavagiste. Je me souviens que l'identité juive naît de ce que Dieu libère les Hébreux de l'esclavage de Pharaon. Sous la conduite de Moïse, ils quittent l'Égypte pour "coloniser" le pays des Cananéens, terre promise bien qu'elle ne leur appartienne pas et qu'il  y ait des habitants à fort potentiel sur ce territoire, nous apprend le livre des Nombres après l'exploration qu'en ont fait douze éclaireurs dont deux défaitistes redoutant la conquête furent châtiés et punis de mort.


À Béthanie, nous nous sommes arrêtés dans un restaurant tenu par un Palestinien chrétien. Le hasard faisait bien les choses, nous aussi, ma belle-soeur exceptée, étions des  chrétiens. Le patron du restaurant à l'enseigne de "1941" et qui se vantait d'être le plus vieux restaurant de Palestine nous a raconté qu'une frontière soudainement apparue, un peu comme le mur de Berlin en 1961, l'avait séparé de son frère et qu'il avait été emprisonné, comme 45 % des Palestiniens, avec ou sans raison. 


Alors il faudrait que je manifeste pour soutenir un État pareil sous prétexte de prouver que je ne suis pas antisémite et que je ne confonds pas tous les juifs avec le Likoudistan isrélien? Non merci. 

mercredi 8 novembre 2023

La likoudisation de l'électorat juif de France

Pour qui, sans prétendre avoir l'expertise de Jérôme Fourquet ni croiser comme lui autant de données statistiques ou sondagières, se contente d'être un observateur, il n'est pas difficile, comme je l'ai déjà écrit, de relever que l'"archipel français", si on intègre les divisions communautaires à notre sociologie politique traditionnelle, se divise aujourd'hui entre bloc centriste ou bourgeois, islamo-gauchisme et israélo-droitisme.

Gérard Miller a moralement raison de rappeler les juifs français à leur "boussole morale", mais ils ne ressemblent pas aux juifs américains qui continuent de peser idéologiquement sur le parti démocrate, tandis que les juifs français se sont likoudisés, en quoi ils ont fait comme les juifs israéliens. Le parti travailliste, berceau de la "démocratie israélienne", s'est réduit comme peau de chagrin et n'est plus qu'un lointain souvenir. Le destin de ce parti ressemble à celui de nos partis de gouvernement, droite et gauche mis dans le même sac. La droite LR et le parti socialiste réduit à ses seules forces ne sont plus que les ombres d'eux-mêmes. Les juifs français n'ont pas viré vers la droite française traditionnelle, ils ont au bas mot viré vers le Likoud et parfois un peu plus à droite, ils ont viré vers la droite israélienne.

Tout à sa stratégie de dédiabolisation, Marine Le Pen ne se ferait plus pincer à danser au bal de Jörg Haider, mais mendierait un carton d'invitation à Bibi Netanyahou. Parallèlement, maintenant que l'extrême droite est arrivée dans le gouvernement israélien pour protéger Netanyahou des poursuites judiciaires qui le menaçaient, la communauté juive à travers le monde n'exerce plus aucune vigilance contre l'extrême droite telle qu'Edwy Plenel rêverait qu'elle se perpétue.

Parmi les "juifs médiatiques" qui ont joué un rôle dans la politique française, l'évolution de Julien Dray est symptomatique et à mon sens affligeante. En 2002, les bras lui en tombaient parce que le restaurateur Joe Goldenberg avait osé dire à propos de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, qu'en tant que Français, il comprenait ce vote. Julien Dray fustigeait "TF1" comme étant "TF haine" pour avoir fait la courte échelle à JMLP. Aujourd'hui, il est un débatteur régulier de "CNews" à côté de qui "TF1" en 2002 était un tout petit joueur en matière de souffler sur les braises, ce que la chaîne de Vincent Bolloré fait toute la journée. Ses dissensions avec Gilles-William Goldnadel sont de pure forme. Il faut que l'antiracisme n'ait pas valu bien cher à ses yeux pour qu'il se soit renié à ce point et l'ait jeté aux orties.

Rien d'étonnant à ce qu'Éric Zemmour ait rencontré un franc succès en se rendant en Israël. Il voudrait palestiniser notre pays en montant les chrétiens contre les musulmans qui sont une minorité trop forte et trop importante pour qu'un dissensus majeur avec cette communauté soit sans conséquence. L'impossibilité d'une opposition de néo-croisés occidentaux et de musulmans fanatisés est claire à mes yeux depuis la première guerre du golfe. Rester sur une position équilibrée est donc autant un gage de sagesse que de prudence.

Mais le devoir d'un Français qui n'a que cette nationalité est de discerner ses vrais amis parmi tous les binationaux, et on peut dire que la ligne de démarcation entre nos vrais amis et nos ennemis déguisés ou de l'intérieur, entre ceux qui utilisent le nom de France et le titre de Français pour parler d'autre chose et ceux qui aiment vraiment la France, entre les loyalistes et ceux qui n'ont pas la France chevillée au coeur comme leur nation prépondérante et de premier choix, est égale dans les communautés juives et musulmanes. La propagande est des deux côtés. Les musulmans ne la distillent pas sur les médias officiels qui les insultent à bas bruit toute la journée. Ils communiquent à coups d'alertes Internet et de vidéos qui véhiculent une lecture paranoïaque (on dit aujourd'hui complotiste) d'à peu près tout ce qui se passe.

Mais la double défense qu'ont prétendu incarner Alain Finkielkraut sur le plan culturel et Éric Zemmour sur le plan politique, double défense de la France et d'Israël comme si leurs intérêts étaient communs ou, osons le jeu de mots, comme s'ils étaient croisés, est une autre imposture qui ne vaut pas mieux.

C'est pourquoi la candidature d'Éric Zemmour était vouée à l'échec, non parce qu'elle divisait ce que cette mouvance appelle le "camp national" comme le fit en son temps Bruno Mégret qui pourtant se rallia au panache belliqueux et souriant de Zemmour, mais parce que, n'étant pas faite au nom de la nation, elle ne représentait ni la droite ni la France. S'il en fallait une confirmation, nous avons ce voyage de Zemmour en Israël, à peine la guerre éclatait-elle sous la forme catastrophique et sans lendemain de cette riposte onze-septembriste aux attaques barbares et treize-novembristes ou bataclanistes du Hamas.

La zemmourisation de la droite française la ciottise en sa sottise: celle de vouloir palestiniser la France et exacerber une tension communautaire en affirmant que la police française doit s'inspirer des méthodes de la police israélienne, ce qui était un des arguments de campagne d'Éric Ciotti. Argument misérable et surtout régressif. Nous vivons des temps alarmants. 



Billet écrit sous le prétexte de cet autre billet:


Justice au Singulier: "L'électorat juif vote à droite" : un honneur et une responsabilité... (philippebilger.com)    

mercredi 25 octobre 2023

Emmanuel Macron a-t-il réussi son voyage en Israël?

Réponse à Philippe Bilger.


Justice au Singulier: Le président a su quitter le "en même temps", bravo ! (philippebilger.com)


"Bravo"? "Brillamment", applaudissez-vous, cher Philippe Bilger. Parce qu'Emmanuel Macron aurait "réussi" son voyage en Israël? Si réussite il y a, c'est une réussite à l'instar de son voyage au Liban ou de ses entretiens avec Vladimir Poutine, celui-ci snobant son visiteur en l'asseyant à l'autre bout d'une table de cinq mètres de large pour bien prendre ses distances. 


Voyage réussi en quoi? "Les Etats-Unis n'ont pas prêté la moindre attention à l'idée française" de "coalition internationale" contre le Hamas" à laquelle aucun pays arabe [ne] participerait, ce qui enlèverait à l'initiative toute sa vigueur et son intérêt, même si le président a précisé qu'il ne s'agirait pas d'opérations militaires à Gaza." Donc élargissement d'une coalition sans intérêt militaire ni symbolique, initiative mort-née, morte et enterrée, donc réussite réduite à néant, d'autant que le seul plan symbolique où elle aurait pu signifier quelque chose rappelle malencontreusement la proposition de guerre contre le terrorisme de George Bush au moment même où Joe Biden, de retour d'Israël où il nous a assuré que le Pentagone avait des preuves qu'Israël n'avait pas attaqué l'hôpital Al-Ahli -ce qui nous rappelle avec émotion Colin Powell assurant, des petites fioles à la main,  que les États-Unis avaient des preuves irréfutables sur la détention d'armes chimiques par l'Irak de Saddam Hussein-, mettait en garde Israël contre une réplique onze-septembriste dont le président des États-Unis disait qu'elle avait provoqué des "erreurs" pour ne pas avouer qu'elle avait été une erreur; et le mot est faible pour qualifier la destruction d'un pays, l'Afghanistan, et sa remise aux mains des Talibans. Belle victoire, aussi belle que l'échec de l'opération Barkane et des interventions françaises en Centrafrique ou au Mali. 


Emmanuel Macron n'a donc pas emporté l'adhésion de ses partenaires sur l'élargissement de sa coalition internationale qui n'aurait fait que creuser le fossé entre Proche et Moyen-Orient et Occident, entre "croisés" et anti-croisés,ou contre-croisés, pour employer la rhétorique islamiste et non tiers-mondiste du bloc occidental qui, dans une géopolitique bourdieusienne, réduit le monde à être un affrontement de dominateurs à dominés. 


Au moins son voyage est-il réussi pour ce qui est de recréer "l'union nationale"? Pas plus. "On doit constater qu'il a été peu suivi dans ce souhait. Il me semble même que l'intensité belliqueuse sur le plan politique augmentait à proportion de ses désirs d'apaisement." (PB) 


La faute à Mélenchon? "Malheureusement on ne peut que regretter l'obsession de Jean-Luc Mélenchon de faire bande à part dans une sorte de trotskisme échevelé, sa volonté de dissidence à tout prix le mettant sans précaution sous le risque de l'antisémitisme, avec une impérieuse domination sur un petit cercle condamné à d'effarantes arguties pour suivre le "maître"." 

Peut-être bien que Mélenchon a pris de grandes distances avec son désir d'union sacrée depuis les attentats de Charlie dont les morts étaient ses vrais copains. Mais pour aboyeur et violent que soit le langage de Mélenchon, il a raison de ne pas céder au chantage à l'union sacrée que le président de la République fait au pays, plus il gouverne mal, et ce depuis la Covid. "Debout, assis, couché, tous vaccinés, tous protégés, tous confinés, tous déconfinés, il faut "faire bloc" dans le bunker. On dirait que plus absurdes sont les raisons d'une guerre mondiale (et l'escalade de la Grande guerre devrait nous avoir donné des leçons), plus le gouvernement essaie de la résoudre en appelant à l'union sacrée, en réprimant les mutineries et en fusillant pour l'exemple  les nouveaux mutins de 14 que sont, dans la circonstance, les soignants suspendus après avoir été applaudis, suspendus sans jamais être payés, suspendus parce que non vaccinés, alors que l'hôpital est au plus mal. (Cf la chanson "le Bon berger" de Jean Guidoni:


https://www.youtube.com/watch?v=EEg1M6P8B3Q


Alors  le voyage d'Emmanuel Macron serait-il réussi parce que "pour une fois, dans le fond et la forme il a échappé avec une sobriété remarquable à cette légère touche de narcissisme qui souvent a altéré ses propos en France, même les plus émouvants, à la suite des tragédies ayant endeuillé notre pays. Comme s'il s'écoutait pleurer et parler en même temps !"?

L'enjeu du voyage présidentiel aurait donc été une simple bataille contre lui-même et vous  mettez ce que vous considérez comme une victoire psychologique à son crédit international. Si nous en sommes là, c'est que l'équilibre de notre monarque républicain est tombé bien bas.  


Mais cette victoire psychologique a-t-elle eu lieu? Non, si l'on considère que la seule réussite de notre président a consisté comme d'habitude à lui permettre de voir  beaucoup de monde comme il adore le faire en confondant le fait de voir du monde et d'être un grand de ce monde. 


Ah certes, il a sorti Mahmoud Abbas de sa léthargie. Il l'a ressuscité pour pouvoir se montrer et montrer qu'à la différence de Joe Biden qui en est une autre, Macronimo est reçu par "la momie" de Palestine, ainsi que les Algériens surnommaient Bouteflika au crépuscule de son règne. "La démocratie israélienne" favorise jusqu'à plus soif le règne de Mahmoud abbas, qu'elle a d'abord installé à la tête de l'autorité palestinienne en tempêtant partout qu'il n'était pas normal que la Palestine n'organise pas d'élection présidentielle. Puis l'autorité palestinienne a organisé des élections municipales dans la bande de Gaza, le Hamas les a gagnées, Israël a fait de Gaza un ghetto et Mahmoud Abbas a été confiné à Ramallah sans qu'Israël ne songe plus jamais à remettre son mandat en jeu. 


"Le président de la République va rencontrer le roi de Jordanie et le président égyptien", vous voulez dire le putschiste du Caire, "ce que le président Biden n'avait pu faire", la belle affaire! Le narcissisme d'Emmanuel Macron, loin d'avoir faibli, a réussi à lui faire voir du monde pour exercer sa conception très particulière du bilatéralisme ou du multilatéralisme: parler à tout le monde sans aucun résultat, mais pour le plaisir de dire que l'on parle à tout le monde, qu'on doit le faire, qu'on peut le faire, qu'on est cap, qu'on en est capable, car on est capable, on est le plus capable des présidents du monde, donc on devrait être le chef d'État du monde entier, Joe Biden peut craindre pour sa succession, Macron va la briguer, Trump ne fera pas le poids, personne ne résistera et Poutine a beaucoup apprécié de voir ses entretiens divulgués par la diplomatie française. Il aurait mieux fait de rester dans sa salle de sport.


Reste le sujet principal que vous avez de vous réjouir: Emmanuel Macron a réussi à sortir du "en même temps". Encore une victoire sur lui-même qui n'emporte que lui-même et à quel prix? "Une balance subtile et surtout pas égale." "Un soutien inconditionnel" contre "une commisération simplement humaine". Même Yaël Braun-Pivet est sortie de son "soutien inconditionnel à Israël" qu'elle a ramené à un soutien inconditionnel à l'existence d'Israël. Cette "balance subtile mais surtout pas égale" prouve qu'aux yeux de la France qui n'en finit pas de se sentir coupable de sa défaite de 1940 et de s'être livrée au maréchal Pétain qui lui avait fait don de sa personne jusqu'à se laisser condamner à mort et laisser commuer sa peine en exil, une vie israélienne vaudra toujours dix fois plus qu'une vie palestinienne? De même qu'une vie américaine vaut sans comparaison davantage qu'une vie afghane puisque la dérive onze-septembriste est la même que la riposte israélienne et que Joe Biden, dont le pays ne s'est pas mouillé dans la collaboration, peut dénoncer la vigueur de la riposte israélienne. La France, elle, ne le peut plus. Elle dit qu'elle ne le peut plus, car elle refuse de parler de sa voix, de prononcer son message et d'articuler celui-ci selon sa vocation. On tombe toujours du côté où l'on penche et le voyage d'Emmanuel Macron est raté parce que ce président déséquilibré n'a jamais songé à retrouver la position équilibrée de la France dans le conflit israélo-palestinien et à y tenir une balance égale et non subtile entre Palestiniens et Israéliens. 

mardi 24 octobre 2023

Avoir un enfant

Faut-il encore engendrer dans un monde en guerre et sur uneplanète qui menace la saturation? Philippe Bilger qui la pose sur son blog (Justice au Singulier: L'enfant : à éviter ou à vouloir ? (philippebilger.com) m'a donné envie de réfléchir à la question.


Dans mes moments de déprime, je me suis souvent dit que mes parents avaient fait preuve d'une grande irresponsabilité en m'engendrant pour me livrer à une telle tourmente et ma vie a été plus que tourmentée. Pourtant je leur sais gré de m'avoir mis au monde (j'étais l'enfant d'un dernier raccord, la dernière chance de leur couple qui malgré moi n'a pas tenu). Je leur en sais gré parce qu'ils m'ont aimé, ils m'ont bien éduqué. Ma mère qui entre dans les difficultés du grand âge m'a appris à apprivoiser la cécité et à ce que je n'en conçoive pas un complexe. Ce n'était pas rien et j'ai vu peu de mères faire aussi bien. Elle m'a mis devant un piano pour m'apprendre à improviser et c'est grâce à cela que je suis devenu musicien. Donc mon procès en irresponsabilité est surplombé par une infinie gratitude qui est ma façon d'honorer mes parents.

Je regrette que le versant négatif de la psychanalyse, si utile par ailleurs (et mon frère qui en est un zélote a fini par me convaincre de devenir un pratiquant) soit de nous avoir appris à déshonorer nos parents. Je fais à cette discipline un autre reproche qui est une forme de stoïcisme pratique, masqué derrière la promesse de connaissance de soi et de sublimation de ses tendances, alors qu'elle est plutôt une manière de nous apprendre pourquoi le refoulement est nécessaire et que le principe de réalité l'emporte nécessairement sur le principe de plaisir, lequel a partie liée selon Freud à la pulsion de mort. Mais c'est un autre débat.

Je n'ai pas eu d'enfant, mais j'aurais bien voulu. Dans ce désir, je ne me suis pas un instant interrogé sur ma responsabilité de mettre au monde. Car le monde sera ce que les enfants en feront et il est peu probable que les générations futures retiendront les leçons des échecs des générations passées, l'actualité est là pour nous le démontrer.

Dans mon désir d'enfants qui n'ont pas vu le jour, Je me disais que je m'efforcerais d'être un bon père (je crois que je n'y serais pas parvenu) et de les aimer, ce qui m'aurait été facile, même si je prévoyais que je ne m'intéresserais à eux que du jour où ils auraient acquis la faculté de la parole et cessé d'être des "infantes" , des êtres sans parole. Je suis un homme de parole, un aveugle auditif. C'est l'autre raison pour laquelle je ne souffre pas beaucoup de ma cécité.

Mon père répétait souvent qu'un bébé était un tube digestif, ce n'est pas très gentil. Personnellement, j'ai peur des bébés. Ce sont des petites choses (sic) trop fragiles dont je ne maîtrise pas les réactions, d'autant que je ne les vois pas. Beaucoup de gens à qui j'expose cette peur et cette conviction me répondent qu'aimer s'occuper d'un enfant vient tout seul. Ma phobie des chiens que je n'ai jamais pu guérir me fait croire qu'ils sont bien optimistes et que la relation aux petits d'homme est chose singulière. Élisabeth Badinter dit que l'instinct maternel n'est pas naturel, l'instinct paternel ne l'est pas non plus, pour autant que je le sache.

Je n'aime pas que l'enfant soit devenu un roi, mais je constate que l'enfant pose aujourd'hui à ses parents et à ses maîtres la question de l'anarchiste: "Qui t'a fait roi sur moi?" Autrefois, l'acceptation de l'autorité était plus naturelle. Nous avons changé. La dérive de l'enfant roi a également un versant positif: c'est que les parents aiment aujourd'hui beaucoup plus leurs enfants qu'ils ne les aimaient autrefois. C'est peut-être parce qu'eux-mêmes sont restés des enfants et que la relation est moins verticale qu'une relation horizontale où les parents sont des enfants comme les autres, sont des enfants comme leurs enfants. L'enfant du divorce que je suis les trouve irresponsables de divorcer pour un oui, pour un non. Mais ils suivent le conseil de Françoise Dolto et expliquent leur mésentente à leurs enfants et leur besoin de "refaire leur vie" à une exception près: l'amour pour leurs enfants qui n'est pas négociable.

Les parents ont peut-être tort d'être les frères de leurs enfants, mais qu'y faire? Tony Anatrellla diagnostiquait à raison que le trait principal de "la révolution 68" tenait à ce que la morale des frères se soit substituée à la morale des pères. C'est un fait qui interdit aux fratries de nos sociétés qui ne sont plus des "hordes primitives" d'absorber leur père dans un "repas totémique" comme Freud en émettait l'hypothèse délirante dans "Totem et tabou".

Les "parents-frères" permettent à la relation parents-enfants d'échapper à ce qui en était le drame: les deux parties étaient condamnées à se décevoir mutuellement, ce n'est plus une fatalité.

Simone de Beauvoir, que je tiens pour la plus grande mémorialiste du XXème siècle avec une écriture à la fois acérée, à la serpe et très spirituelle ce qui est un tour de force tout à fait remarquable et paradoxal, dénonce à raison que le désir de se perpétuer et de se reproduire "[rabâche]" à l'infini une même ennuyeuse ritournelle", mais c'est une ritournelle instinctive. Le désir d'enfant ne s'interroge pas vraiment sur lui-même. C'est pourquoi il est vain de le qualifier de responsable ou d'irresponsable. De même que c'est un plus d'avoir été un "enfant désiré", mais la chance d'être né l'emporte sur le désir dont on a fait l'objet ou pas. La chance d'être né, oui, car c'est une chance de pouvoir faire quelque chose de sa vie. Et si j'en fais n'importe quoi, je n'ai à m'en prendre qu'à moi-même.

Un mot pour terminer sur la position de l'Église. Si j'adhère sans équivoque à son refus de l'avortement et de sa banalisation sociale qui tourne à l'inversion, qui a fait d'un délit dépénalisé "une loi fondamentale de la République" (on se croirait revenu en monarchie), je pense en revanche que, dans la mesure où l'Église est ouverte à la question aristotélicienne du contrôle des naissances, elle ne devrait pas s'opposer à la contraception. La lecture d'"Humanae vitae" est instructive à cet égard, car après avoir exposé toutes les raisons qui devraient plaider en faveur de la contraception, Paul VI conclut par un "non possumus" absurde au terme de son argumentation.

mercredi 11 octobre 2023

Olivier Faure ou le fort de la gauche

La politique est une question de caractère et Jean-Luc Mélenchon n'en manque pas, mais c'est un caractériel. Jean-Luc Mélenchon est un aboyeur qui nous casse les oreilles et les bourses et tous les députés LFI aboient pendant que la caravane passe. Car le premier commandement d'un insoumis, c'est d'imiter le chef. 


L'union de la gauche  qu'il a pourtant eu le génie de ressusciter en faisant des moulinets pour se faire élire premier ministre au lendemain de sa défaite à la présidentielle, était impossible sous sa bannière alors que la gauche plurielle a réussi sous celle de Lionel Jospin qui se définissait comme un "austère qui se marre", mais était un homme plein de hauteur et de retenue, bien que son hyper-thiroïdie lui ait fait quelquefois perdre le contrôle de lui-même dans des incidents parlementaires que la véhémence d'aujourd'hui, qui renoue avec les beaux jours du tribunicialisme d'assemblée, nous fait voir comme de la petite bière, comme ce jour où il s'est dit fier de compter des communistes dans son gouvernement, malgré les précédents totalitaires de ce parti qui refusait de changer de nom. 


Jean-Luc Mélenchon se proposait de séduire les "fachos pas fâchés", mais il ne croit que dans la "conflictualité". Il prend acte à juste raison que la démocratie n'est pas le consensus, mais le clivage; mais c'est pour en déduire que le clivage  se résout dans la conflictualité, et non dans la discussion qui est l'art de la démocratie par excellence (Edwy Plenel la définit joliment comme une "conversation"). Or le conflit  accentue le clivage et ouvre la porte à la violence. "L'humain d'abord" qui devrait réparer notre société fracturée selon Jean-Luc Mélenchon, est une humanité conflictuelle et donc violente. Or la violence ouvre les fractures et ne les ferme pas.


François HOllande a anéanti le parti socialiste à force de ne pas avoir les épaules pour trancher et en choisissant l'inventeur du concept des "deux gauches irréconciliables" comme premier ministre. Il voulait réparer la société soi-disant fracturée par Nicolas Sarkozy et il a choisi pour ce faire un premier ministre plus clivant que ce président transgressif. Il disait que son ennemi était la finance et il nous a présenté le candidat de la finance pour être son successeurs. Il a détruit la sociale démocratie en la transformant en social-libéralisme sous l'impulsion des Gracq. 


Manuel Valls a été le fossoyeur de la gauche, Emmanuel Macron est celui de la France et Jean-Luc Mélenchon est celui de l'union de la gauche. Il a démontré, en la réunissant sous sa férule, que ce qui avait été possible sous François Mitterrand et le parti socialiste ne l'aurait jamais été sous Georges Marchais et le PCF.  


Un autre paradoxe de ce personnage haut en couleur, mais viscéralement violent qu'est Jean-Luc Mélenchon (j'ai déjà eu l'occasion d'écrire que la main d'Adrien Quattenens qui avait giflé sa compagne n'était que le prolongement de la violence de Jean-Luc Mélenchon que je soupçonne de n'être pas que verbale) est qu'il se présente comme insoumis et opposé au pouvoir personnel, au rebours de celui qu'il exerce en faisant régner la terreur dans son écurie, traitée cavalièrement par sa cavalière Sophia Chikirou, comme un numéro de "Contre-enquête" vient de l'illustrer. Les gens intéressants sont pétris de paradoxes et Jean-Luc Mélenchon est quelqu'un d'intéressant. 


Ce n'est pas parce que je sens toutes les limites du maître des insoumis que je fais pour autant confiance à François Ruffin. D'abord parce que des gens de sa ville-ville-ville m'en ont bien parlé, maman (allusion à "la Pêche aux moules-moules-moules" du "Petit rapporteur" et parler, c'est rapporter). Ils me l'ont décrit comme un illusionniste qui n'avait nul souci réel des gens qu'il prétendait défendre à grand bruit dans "Fakir", sa feuille de chou d'agitation locale. Et de fait je n'aime pas ce tropisme américain qui lui fait prendre des exemples de veuves et d'orphelins qu'il appelle par leur prénom pour mieux   feindre une proximité affichée avec eux qui, dans la mesure où il les connaît et où ils ne sont pas de purs personnages de fiction comme l'écrivain Chloé Delaume quicommençait bon nombre de ses textes en disant qu'elle s'appelait Chloé Delaume et qu'elle était un personnage de fiction, sont éventuellement venus lui exposer leurs ennuis dans sa permanence et lui raconter leurs malheurs dans son bureau des pleurs en comptant bien qu'il ferait le saule pleureur. Tous les candidats à l'élection présidentielle américaine usent de ce détestable subterfuge de prénommer leurs concitoyens pour en faire des exemples de leur  compassion surjouée. Dans "Merci patron", il s'est servi des Klur comme de faire-valoir.


François Ruffin a un tropisme hystrionique comme tous les membres de la France insoumise et comme généralement tous ceux qui parlent d'éducation populaire. Ils ne se voient pas comme des porte-parole du peuple, mais ils se prennent pour ses éducateurs et se rapprochent de lui en croyant parler comme lui, mais en parlant trop fort et de ce fait en parlant faux. Leur nouvelle égérie Annie Ernaux avait pourtant fustigé ce "parler fort" de la génération d'après-guerre qui l'avait fait souffrir, car jamais on n'était calme. Les conversations duraient jusqu'à pas d'heure.  Les tablées se prolongeaient sous le feu des boissons distillées qu'on absorbait d'abondance. On parlait de la guerre, on parlait fort et on claquait les portes. Le peuple s'est civilisé depuis, il a pris des manières. Aujourd'hui, les déclassés sont dévoués et s'ils crient quand on leur fait mal, c'est sans broncher qu'ils soutiennent le service public et que le "monde ne tient qu'au fil des filles gentilles", comme le chantait Laurent voulzy beaucoup plus doucement que ne rugit Jean-Luc Mélenchon ou que ne glapit François Ruffin. 


Ce dernier serait une valeur montante, mais de quoi a accouché "Nuit debout"? Et quels sont les bénéfices secondaires de la mue de Fabien Roussel en homme de droite? À quoi joue la gauche de la gauche? Seul Olivier Faure tient son rang et redresse la barre du parti socialiste. Vu comme il l'a ramassé dans le ruisseau, il a fort à faire et s'il arrivait à le redresser, ce serait un exploit. 

Israël, les données (et la réalité) uchroniques

"Quant aux gros malins qui soutiennent que la création d'Israël, en 1948, est moralement condamnable, car résolvant au détriment des Arabes un problème incombant à l'Europe, ils oublient non seulement la forte complicité arabo-nazie, mais les longs siècles durant lesquels les musulmans se sont employés à opprimer, chasser voire exterminer les Juifs. Et les chrétiens, faut-il le rappeler..." (Robert Marchenoir)


La question uchronique n'en reste pas moins essentielle. Fallait-il accéder, en 1948, sous la pression du terrorisme sioniste de l'Irgoun et du chantage de Nuremberg à ce qu'on n'appelait pas encore la "shoah",,  à la revendication sioniste d'une "terre sans peuple pour un peuple sans terre", à ce remède à la fois constructiviste et totalitaire d'un État-nation s'imposant comme un mandat alternatif sur des espèces d'ex-colonies ou d'ex-protectorats? Fallait-il créer l'État d'Israël et si oui, où fallait-il l'implanter? En "Palestine" mandataire, en Allemagne, en Afrique ou au Birobidjan?


"En Allemagne", revendiquent certains, pour faire payer aux agresseur une volonté génocidaire qui ne mérite pas de pardon. Mais une terre promise n'est pas une terre de revanche, elle est une terre de rêve. Les autres lieux envisagés par le sionisme ne l'ont pas été sérieusement. Il y a eu certes des connexions entre les islamistes et les nazis, mais c'st un abus de langage de parler d'islamo-nazisme. Yasser Arafat est né en Égypte, a été formé en Russie et a forgé la fiction palestinienne. La Palestine fut le nom d'une province romaine, mais sa réalité n'est pas un résidu et c'est une réalité arabe. 


Le sionisme était une hybridation et un controuvement. Hybridation et controuvement que la fiction d'un État laïque donnant au peuple juif la terre promise que Dieu n'était pas fidèle ou tardait trop à lui donner. Hybridation que cet État aux frontières de l'Orient et de l'Occident, de l'Allemagne yidiche et de la culture mozarabe.  Controuvement que cette stratégie de faire alliance avec les chrétiens d'Orient pour faire accepter le foyer national juif par les peuples mandataires. Controuvement que le sionisme qui serait un socialisme. Un emballement totalitaire et tribal pour rendre fertile une terre à conquérir. Puisqu'on n'est vraiment plus à ça près, et pas seulement à cause du point Godwin, mais à l'heure d'"Aube dorée" en Grèce, des Ukraino-nazis, des islamo-nazis ou de Poutine, le soviéto-nazi, Le sionisme a sans doute été un national socialisme avant la lettre. Mais ces insultes ou ces raccourcis historico-politiques sont totalement contreproductifs.


Uchroniquement, s'il avait fallu fonder l'État d'Israël sur des terres arables et arabes mandataires ayant vocation à reprendre leur liberté, 

il aurait fallu que cet État fût d'emblée binational, et le partage ne pouvait pas durablement résulter d'un plan de partition devant aboutir à une impossible solution à deux Etats. S'il reste une chance à Israël d'exister dans la durée sur cette terre arabe et avec, au coeur de sa souveraineté, un quartier arabe, Jérusalem Est,  au coeur de sa capitale prétendument éternelle, Jérusalem; si une chance existe pour pérenniser l'existence d'Israël menacé dans sa sécurité démographique, ce n'est pas de se rengorger de cette impossible solution à deux États, c'est de plaider pour un État binational, où chaque membre des deux ethnies majeures (entendue au sens ethnico-confessionnel), serait sous la juridiction de son appartenance principale sans revendication territoriale. Si l'on ne troque pas la solution de l'Etat binational contre l'impossible solution à deux États, à terme Israël n'existera plus, il sera balayé pour avoir perdu "la guerre des berceaux", et nous retomberons dans l'impasse historique et anachronique qu'a représentée la création de l'"État d'Israël", le seul État au monde dont il faut constamment préciser que c'est un État. On dit "l'État d'Israël" au cas où on en douterait... 


La création de l'État d'Israël avec une partition territoriale et sans que l'État soit binational a eu une autre conséquence anachronique et fâcheuse: c'est qu'on en est revenu à des guerres des temps bibliques, pour la durée des temps bibliques. On en est revenu non pas à une guerre de cent ans, mais à une guerre qui promet de durer huit cents ans si l'État d'Israël, en l'état si je puis m'exprimer ainsi, peut durer huit cents ans.