C'est à son initiative que le premier ministre Mohamed Ghanouchi, qui fut onze années durant le collaborateur de Ben ali, vient d'être renversé pour être remplacé par Béji Caïd Essebsi, ancien compagnon d'Abib Bourguiba, âgé de 84 ans, qui s'était retiré de la vie politique cinq ans après l'entrée en fonction de ben ali, c'est-à-dire quand il en était encore temps, car dans les années où l'on pouvait encore tenir pour honorable de servir ce régime. Qu'existe un comité de surveillance de la révolution ainsi nommé confirme mon intuition qu'il faut des "gardiens de la Révolution" à cet inédit soulèvement du peuple arabe, dans la pluralité de ses Etats, mais surtout que ces révolutionnaires tunisiens, qui, quoiqu'accusés d'être phlegmatiques, ont les premiers allumé la flamme de l'idée que la résignation n'était pas une fatalité, ont de la suite dans les idées et n'entendent pas se laisser confisquer leur révolution.
On peut être surpris qu'il soit fait appel à un homme âgé de 84 ans, ce qui nous rappelle de tristes souvenirs, mais ne cherchons pas des concordances où il n'y a pas lieu d'en trouver. L'aspect positif de l'appel adressé à cette personnalité est qu'il vaut mieux faire confiance à des politiciens chevronnés, surtout s'ils sont réputés libéraux et qu'ils aient su se retirer à temps, plutôt qu'à des politiciens improvisés, qui ne sauront pas quoi faire du pouvoir, une fois qu'il leur aura été donné (cf. le chanteur malgache qui sert de Président à ce malheureux pays). L'algérie a perdu près de quarante-cinq ans pour avoir renversé ben bellah et ses "pieds rouges", ces français qui voulaient aider la nouvelle société algérienne à s'organiser une administration, au profit de "têtes brûlées" comme boumediene qui, aventuriers massacreurs de harkis, épurateurs, régleurs de compte, se rallièrent naturellement à l'Union soviétique, au point d'effacer le Parti communiste Algérien dans le Komintern, et se comportèrent comme des "commissaires politiques", qui dépouillèrent leur pays sans jamais l'organiser d'aucune sorte.
Ironie de l'histoire, à l'heure où intervient cette nomination de Béji Caïd Essebsi, la tunisie fait face à des "flux migratoires" en provenance de la Libye, en minorité constitués de Tunisiens de retour dans leur pays, mais aussi d'egyptiens qui veulent fuir les violences. Ces flux menacent de l'étouffer, et il lui faut trouver une solution pour les endiguer, ou au moins ne pas permettre que l'afflux des réfugiés arrive sans que des infrastructures d'urgence aient été mises en place pour les bien accueillir, au risque de provoquer une "catastrophe humanitaire", s'il ne devait pas en aller ainsi.
Le risque de "flux migratoires", c'est tout ce que retient d'essentiel le Président Nicolas sarkozy des événements en cours. Il a beau clamer qu'il se réjouit de ce "printemps des peuples arabes" en regrettant en pointillé que tous les gouvernements occidentaux aient collaboré activement au maintien des régimes contre lesquels ces peuples sont en train de se soulever "au nom des valeurs qui sont les nôtres". Il justifie cette collaboration au nom de ce que l'on considérait ces régimes comme des remparts contre l'extrémisme religieux et surtout ce marronnier qu'est le terrorisme, fléau de tous les ennemis de la résistance des peuples, cette façon de faire la guerre par des coups spectaculaires qui n'est qu'un effet de la médiatisation de masse de la société, où la représentation a gagné jusqu'au terrain militaire, où l'impact d'un "coup" artificiellement monté en épingle n'est plus considéré eu égard à sa réalité, mais à sa valeur de représentation, le terrorisme désignant encore l'ennemi invisible, indéterminé, donc infini, vague et qu'on peut voir partoutet combattre où qu'on le voie. L'invention de la "guerre contre le terrorisme" par george w. Bush, dont il était de bon ton de dire que ce n'était pas un foudre de guerre, est l'invention de la forme la plus perverse de guerre totale qui ait eu cours dans tous les siècles, car même les nazis désignaient leurs ennemis.
C'est pour pouvoir perpétuer cette "guerre contre le terrorisme", la pérenniser et surtout la perpétrer que les gouvernements occidentaux soutenaient ces régimes en lesquels ils voyaient des "remparts contre cet ennemi invisible", s'excuse en pointillé Sarkozy, sans dire que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été le voyage touristique dans un pays en révolution par une ministre des affaires étrangères en fonction. Cela, même les Français, peuple doux et pacifique, ne pouvaient plus le souffrir , d'autant que la ministre en question aimait à se présenter comme la dernière des gaullistes que comptât la "droite républicaine". Gaulliste godiche, "edemie sotte", comme l'appelait Jean-françois Propst, qui n'a jamais été très tendre pour ceux dont il a été le conseiller. Mais tout ce que trouve à dire le Président sarkozy est qu'il veut "protéger les français" et de quoi, s'il vous plaît? Des flux migratoires qui pourraient être la conséquence de ces révolutions, flux migratoires qui sont la conséquence, dans un premier temps, des violences faites en Libye. Qu'il faille inciter la population, si elle n'est pas d'origine étrangère à la Libye, à ne pas émigrer quand le pays connaîtra une phase de reconstruction, soit: c'est ce qu'exige le patriotisme. Mais, pour l'heure, tous les pays pétris d'humanisme ont le devoir d'accorder l'"asile" politique, même temporaire, à ceux qui fuient des violences qui les font craindre pour la vie de leurs personnes. Le climat en Libye est tellement délétère qu'un amalgame est fait entre les mercenaires originaires d'afrique noire que recrutait Kadhafi et les travailleurs immigrés de la même origine, qui n'ont d'autre solution dans l'immédiat que de se terrer, parce qu'un mot d'ordre circule parmi les insurgés, d'abattre tous les noirs. Sarkozy, en feignant de se réjouir de la révolution arabe, n'y a rien compris, puisque tout ce qu'il voit est le risque immédiat des flux migratoires, risque qui n'est jamais traité par une politique de longue haleine, vision qui, exprimée à ce moment de l'histoire, en même temps que le rejet du multiculturalisme, par lui et deux autres dirigeants de grands pays européens, l'Allemagne et l'Italie, rejet qui était jusqu'à présent le monopole des partis nationalistes qui ont au moins le mérite d'être conséquents avec eux-mêmes, envoie un message désastreux d'hostilité latente et de méfiance non démentie envers les populations arabes qui n'en ont que trop souffert, méfiance qui a pris le nom de "racisme ordinaire". Sarkozy n'a rien compris à la révolution arabe. Il a des excuses: sous bien des aspects, elle présente un caractère inédit.
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