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vendredi 21 septembre 2018

Le procès de Bernadette

Je me suis rendu ce matin au procès de Bernadette, notre auxiliaire de vie remplaçante en 2013, qui avait organisé chez nous une sorte de cambriolage en col blanc, tandis que j'étais occupé par la préparation de mon emménagement à Lille. Elle avait ainsi embarqué chez elle, à l'insu de Nathalie, une bibliothèque et un ordinateur que j'étais censé lui avoir vendus.
Je ne suis pas du tout satisfait du déroulé de l'audience. Je l'ai fait savoir au "juge homologateur" faute d'avoir pu m'adresser au procureur de la République.
Les prévenus sont reçus seuls avec leur avocat, à l'exclusion des victimes, dans la salle où celles-ci sont pourtant convoquées, par ce magistrat du Parquet, qui prononce sa peine (comment peut-il à la fois requérir et prononcer une peine?), au vu de la qualification de la poursuite, sans entendre la victime, en infraction totale, me semble-t-il, avec les règles du débat contradictoire sur lesquelles est fondée notre justice. -Les TGI sont-ils maîtres d'organiser leurs audiences comme bon leur semble?- Si le procureur m'avait entendu, la peine qu'il aurait  prononcée à l'encontre de celle qui avait commis contre moi un abus de faiblesse sur personne vulnérable, eût été informée des faits complémentaires qui aggravaient l'infraction et que je voulais lui communiquer.
Il l'a condamnée à six mois de prison avec sursit, mais pas à  une interdiction de travailler auprès  de personne âgées ou handicapées. Or je prétends que, de même qu'il faut éloigner des enfants d'un pédophile, qu'il soit prêtre ou instituteur, il faut éloigner de prétendues auxiliaires de vie qui sont susceptibles de les escroquer des personnes vulnérables, dépendantes, âgées ou handicapées. Après cinq ans d'attente de ce procès, c'était bien le moins que je pouvais en espérer, d'autant que cette personne a continué de nuire. Le monde est assez petit pour que j'aie su le détail de ses exactions ultérieures, contre lesquelles la famille, sidérée et qu'elle avait su diviser, n'a pas porté plainte comme je l'ai fait.
Ne pouvant m'exprimer qu'auprès du juge homologateur, je regrette qu'aucun organisme de veille sociale n'ait pu relayer mes propos auprès du législateur, qui aurait pu en tirer les conséquences.
j'ais signalé les agissements de Bernadette auprès de l'organisme qui me l'avait recommandée, chargé de présenter des aides de vie à des personnes qui en avaient besoin. L'organisme en question m'a répondu que le droit du travail lui interdisait de signaler à son nouvel employeur les faits dont je l'avais saisi. Mais il me promit de ne plus lui proposer d'autre contrat à l'avenir. Le premier employeur a demandé qu'on l'en débarrasse, l'organisme lui a proposé un autre contrat chez la famille qu'elle a subtilement dépouillée après moi en y semant la zizanie. Cet organisme n'est pas le seul dans le genre, quant à la désinvolture touchant le recrutement des personnes venant en aide aux plus démunis. La plupart des "aides à la personne" qu'on emploie chez des gens âgés ou handicapés sont ce qu'on appelait autrefois des "cas sociaux" comme Bernadette. Faudra-t-il supporter longtemps ce laxisme honteux?

jeudi 20 septembre 2018

Médecine, état d'urgence. L'insécurité sanitaire


 


Dialogue autour de la médecine tiré du blog de Philippe Bilger :

 

http://www.philippebilger.com/blog/2018/09/lins%C3%A9curit%C3%A9-ou-ubu-en-r%C3%A9publique-/comments/page/2/#comments

 

finch

Les pompiers passent à la moulinette de l'insécurité. Il en va de même pour les professions de santé.

On sait que les hôpitaux vont mal. On a aussi conscience que les services d'urgence sont saturés. On n'ignore pas, non plus, qu'au sein de ces services, l'attente des malades s'est considérablement allongée—par rapport à il y a quelques années—au détriment de la sécurité des soins. On réalise que cette attente peut générer de la colère de la part d'accompagnants outrés que leurs proches soient laissés en rade, sans soins, par l'équipe médicale.

Au mois de décembre 2017, une patiente d'une soixantaine d'années est ainsi arrivée vers 23 heures aux urgences d'un CHU de province. Elle présentait une poussée hypertensive sévère à 23 de systolique, 13 de diastolique avec une fréquence cardiaque à 85. Elle a été mise, par un infirmier, sous perfusion d'attente, simple goutte à goutte vide de médicaments. Cinq heures après, laissée pour compte, elle n'avait toujours pas vu l'ombre d'un médecin. Lassée, elle se débrancha elle-même du cathéter qui l'immobilisait inutilement sur un brancard. Elle jeta la poche et la tubulure dans une poubelle et sortit du service des urgences sans que quiconque s'en aperçoive. Devant cette gabegie, elle avait tout simplement décidé d'aller voir son cardiologue de ville le lendemain matin en priant le ciel pour qu'il n'arrive rien de fâcheux d'ici là (AVC, etc.). Heureusement, ce soir-là, aucune famille véhémente ne l'accompagnait qui aurait pu agresser un personnel hospitalier jugé d'un laxisme coupable.

Mais dans d'autres cas, cela ne se passe pas ainsi, en douceur. Ces dysfonctionnements hospitaliers génèrent volontiers des agressions contre les soignants parce que le système de santé (pas seulement les services d'urgence…) est maintenant à bout de souffle, comme l'a dit l'actuel président du conseil national de l'Ordre des médecins dans un livre sorti récemment.

En médecine de ville, les cabinets médicaux ne sont pas, non plus, à l'abri de cette menace. On ne compte plus les agressions contre les médecins de quartier allant parfois jusqu'à l'homicide. Il ne faut pas s'étonner après, de se retrouver face à des déserts médicaux. L'insécurité est une des causes de cette désaffection. Elle agit comme un puissant repoussoir. On ne respecte, maintenant, pas plus le médecin que le pompier.

L'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) recensait, en 2014, une victime toutes les 30 minutes parmi les personnels.

L'Observatoire de la sécurité des médecins a relevé 924 cas de violences contre les médecins en 2015, 968 en 2016.

En septembre 2016, un médecin des urgences de Saint-Denis a eu les mains fracturées—nécessitant d'être opérées—suite à de violents coups de pied délivrés par l'accompagnant d'un patient.

En octobre 2016, des membres du personnel soignant des urgences de Tourcoing ont été victimes d’une agression violente. Les proches du malade s'étaient rebellés contre le délai d'attente jugé trop long avant la prise en charge.

En février 2017, un médecin généraliste de Nogent-le-Rotrou a été retrouvé tué dans son cabinet, lardé d'une trentaine de coups par arme blanche au cou et au visage. L'auteur du crime aurait été un de ses patients.

En mai 2017, un patient a asséné un coup de poing puis un coup de pied à la tête, à terre, à une infirmière du CHU de Nantes.

En juillet 2017, un homme blessé par balle ayant refusé de se soumettre à un contrôle de police belge, s'est réfugié à l'hôpital de Dron où il a été opéré. Dans la foulée, une quinzaine d’individus ont débarqué dans le centre hospitalier, à sa recherche, y semant la panique. Il a fallu l'intervention de la police pour calmer les esprits.

Toujours en juillet 2017, à Marseille, deux internes en médecine ont été victimes d’une tentative de viol dans les locaux de l’internat de l’hôpital de la Timone.

Les médecins protestent, comme les pompiers, contre cet état de fait. Ils demeurent néanmoins confrontés à une insécurité croissante, toujours plus inquiétante, qui rend le métier pénible, périlleux. Ils assument à l'identique une mission d'assistance noble et d'intérêt général.


 

 

Jabiru

 


 

Julien WEINZAEPFLEN

 

@ finch | 14 septembre 2018 à 17:39

Les urgences sont engorgées parce qu’il n’y a plus de médecins de ville qui viennent visiter leurs patients et qu’on entre à l’hôpital par les urgences, même si on sait très bien de quel service on relève. Les médecins de ville ne font plus de visites à domicile au double motif qu’ils ne sont plus assez nombreux et qu’ils sont moins disponibles et plus mercantiles, exercent moins ce métier par vocation et considèrent que leurs honoraires, non seulement leur sont dus (ce qui ne va pas de soi et va contre le sens littéral du mot honoraires, et ce qui n’était pas toujours le cas du temps des médecins de campagne, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et qui ne faisaient pas payer les pauvres, sans qu’il faille inventer la couverture maladie universelle), mais doivent être augmentés. Les médecins ne sont plus assez nombreux parce que les chargés de prospectives devant fixer le numerus clausus ne savaient pas lire une pyramide des âges. Agnès Buzyn reconnaît ce déficit et ce défi démographique et promet de le relever. Elle commence à le faire et prévoit d’abroger le numerus clausus, mais les effets s’en feront sentir dans une dizaine d’années. En rigueur temporelle et non en fantasmagorie de qui se croit le maître des horloges et du calendrier, il faudrait attendre l’effet de l’abrogation du numerus clausus pour lancer un plan dont on connaît l’esprit sinon la lettre, qui est de renvoyer les malades vers la médecine de ville pour désengorger les hôpitaux et d’hospitaliser à domicile pour vider les lits qui manquent. Il est fou qu’il existe un Observatoire national des violences en milieu de santé ou un Observatoire de la sécurité des médecins pour compter les blessés et les morts, comme il est fou que l’ONIAM existe par anticipation des maladies nosocomiales et autres erreurs ou « accidents médicaux ».


 

Rédigé par : Julien WEINZAEPFLEN | 15 septembre 2018 à 21:57

finch

@ Julien WEINZAEPFLEN | 15 septembre 2018 à 21:57

Décidément, vous n'aimez pas les médecins. Ou du moins vous ne voyez pas l'origine des difficultés de notre système de santé avec bienveillance en ce qui les concerne.

Tout d'abord l'ONIAM est indispensable car le fond est une garantie de dédommagement pour les patients victimes d'erreurs médicales. Le fait qu'il fasse, en plus, l'inventaire de ces erreurs est une prestation supplémentaire qu'il ne faut pas condamner mais au contraire approuver, car elle est un indicateur indispensable de la tendance évolutive et souligne les secteurs à risque. Du reste, les assureurs professionnels l'utilisent pour fixer des primes très élevées si les branches concernées sont de fortes pourvoyeuses.

Ensuite, comment condamner l'observatoire de violence des professions de santé et autres organismes apparentés, alors qu'ils ont pour mission de mesurer l'insécurité et, le cas échéant, de permettre d'adopter des mesures (autant que faire se peut) correctrices ?

En ce qui concerne les déserts médicaux et l'accès aux soins, on n'a plus—de très loin—la médecine qu'on pouvait qualifier naguère de meilleure du monde. Le système est vicié, et là encore on a beau jeu d'accuser les médecins de tous les maux comme vous le faites avec beaucoup de violence en les taxant notamment méchamment de "mercantiles". Ce métier est un sacerdoce, pas un commerce. Les médecins connaissent par coeur et s'imprègnent des lignes concernées du serment d'Hippocrate.

Pour bien critiquer ou proposer, il faut avoir vécu ce qu'ils vivent. Je reproduis ci-dessous les propos d'une médecin généraliste confrontée à la dégradation de ses conditions d'exercice :

« Médecin généraliste installée en libéral, je consacre depuis près de 29 ans ma vie professionnelle à mes patients. Mais comme beaucoup de Françaises, en tant que mère de trois enfants, j'ai aussi un second métier, celui de mère de famille. Souvent, j'ai dû opter pour le sacrifice de ce dernier par obligation comptable.

Lorsque je me suis installée à l'âge de 28 ans dans un quartier de banlieue peu favorisé, une des premières de ma promotion à visser sa plaque après dix ans d'études environ, j'étais portée par l'espoir que le meilleur était à venir dans ce métier difficile encore peu prisé des femmes, que les sacrifices de mes jeunes années intégralement dédiées à mon apprentissage m'offrirait, outre la passion d'accomplir ma vocation, un statut social et financier à hauteur de mes compétences, de mes responsabilités et de mes horaires de travail. Je pensais que l'expérience me donnerait raison en me procurant les avantages que j'étais en droit d'espérer en retour de cet investissement passionné mais intense de mes jeunes années.

Espoir déçu aujourd'hui quand je vois que pour maintenir un revenu correct (mais pas mirobolant), je dois augmenter mon chiffre d'affaires et travailler davantage (c'est épuisant, mais facile vu les sollicitations quotidiennes de patients en recherche de médecins dans une France médicalement désertée). Espoir déçu aussi quand je constate le manque de respect pour notre profession et le mépris des politiques devant notre engagement. Quand je constate que l'on me dicte ma façon d'exercer et que je risque amendes, tribunal d'exception ou moindres rémunérations. Quand je fulmine devant les retours d'actes en tiers payant impayés par la CPAM. Quand l'on m'enjoint de travailler jusqu'à 69 ans pour 1 900 € par mois de retraite lorsque je pourrai la prendre (et encore moins si l'on décide de la minorer des 10% auxquels me donnent encore droit mes trois enfants)... Quand je pressens qu'aucun repreneur de mon cabinet ne viendra poursuivre les soins à mes fidèles patients... Et je suis encore plus écœurée quand ceux qui me commandent sont emplis d'arrogance vis-à-vis de leurs propres compétences, m'enjoignent des procédures administratives aussi absurdes qu'inutiles et me méprisent. Docteur I.
»

Extrait du livre : Médecine en danger. Qui pour nous soigner demain ? Seznec J-C, Rohant S (2013).

La Docteur I. n'en peut plus du stress pointilleux imposé par la tutelle et d'un tarif de consultation au ras des pâquerettes—le plus bas d'Europe—non réévalué depuis des décennies. Ne pas faire l'aumône pour recevoir des queues de cerise est tout de même le minimum exigible pour la dignité. Les gouvernements—qui se sont succédé depuis 30 à 40 ans—ont enchaîné plans de santé sur plans de santé, instaurant notamment la tarification à l'activité (T2A), et un transfert exorbitant de pouvoir au profit des personnels administratifs au détriment des médecins victimes—de la part des premiers—de stress, maltraitance et harcèlement. On ne compte plus le nombre de suicides induits.

Résultat de cette politique au long cours : les déserts médicaux qui, comme vous l'avez dit, engorgent les urgences des hôpitaux car nombre de pathologies bénignes ne sont plus triées et écartées en amont. Les politiques sont les pompiers pyromanes, qui se plaignent et prétendent corriger les conséquences alors qu'ils sont à l'amont des causes.

Les médecins sont d'un dévouement exemplaire et gèrent, du mieux qu'ils peuvent, la situation dépréciée qu'ils sont condamnés à affronter. Ils sont injustement les lampistes désignés à la vindicte. La santé a un coût mais elle n'a pas de prix. La logique comptable ne doit pas prévaloir sur la sécurité et la qualité des soins. On entre pourtant, à grands pas, dans cette ère d'insécurité de système où le patient paie, scandaleusement et comme d'habitude, les pots cassés.


 

 

Jabiru

@ finch 16 septembre 2018 à 15:57

Votre post est éloquent dans sa globalité.
Quand je vois mon médecin dans son cabinet qui me délivre une ordonnance pour 3 mois, voire 6 mois, je lui donne 35 euros.
Quand j'appelle mon plombier il me réclame d'abord 50 euros pour le déplacement avant d'ouvrir sa boîte à outils.

Moralité :
Médecin : bac + 8 = 35 euros la consultation
Plombier : BTS = on s'en sort pour le remplacement d'un robinet avec 100 euros minimum (déplacement et temps passé).
Y a comme un défaut comme disait Fernand Raynaud.


 

 

Julien WEINZAEPFLEN

@Jabiru | 17 septembre 2018 à 13:32

Par la comparaison que vous faites, théoriquement congrue, mais pratiquement caduque, entre le médecin et le plombier, vous ne démentez pas le mercantilisme dont, dans mon dialogue avec finch contenu dans mon commentaire posté le 15 septembre 2018 à 21:57, j’accusais les médecins, dans une remarque marginale et come motif secondaire de leur moindre disponibilité ou dévouement. Pourquoi caduque ? Parce que personne, que je sache, ne devient plombier par vocation, ni, à moins d’avoir le nez gâté et de n’être pas dégoûté, par passion de déboucher les canalisations, tandis que la médecine est un art noble. Incidemment, puisqu’il est beaucoup question en ce moment, notamment entre Robert et Robert Marchenoir, des mérites et des ravages comparés de la déréglementation libérale et de la réglementation socialiste, il ne serait peut-être pas mauvais que l’Etat jette un œil et mette un tour de vis aux prix que demandent les plombiers pour le débouchage des éviers, de même que la main invisible des spéculateurs n’a plus aucun effet bénéfique lorsque le prix de l’immobilier s’élève à un degré si vertigineux que la pierre est une matière convertie en valeur, un pur objet d’investissement où il n’est plus question de loger personne.

Combien de villes comme la mienne rénovent leur centre-ville en pure perte puisque les loyers exigés des commerçants, qui ne demandent pas mieux que de faire vivre ces nouveaux espaces et à en vivre, les font couler au bout de six mois ?

Mais c’est surtout à vous, @finch 16 septembre 2018 à 15:57, que je m’en serais voulu de ne pas répondre.

Où avez-vous pris que je n’aimais pas les médecins ? Les médecins, comme dans toutes les corporations, il y en a de bons et il y en a de mauvais. Et il y en a même de bons qui sont tellement débordés qu’ils font de mauvaises choses. Un exemple ? Lorsque ma compagne, aveugle comme moi, a commencé de perdre l’usage de ses jambes, notre médecin dont le cabinet était en face de chez nous l’a obligée à s’y rendre à pied et a refusé de venir la consulter à domicile. Ma pauvre amie s’est appuyée sur moi en redoutant et en menaçant de tomber tous les cinq ou dix mètres, ce qui m’a permis de me rendre compte de la gravité de son état. Elle souffrait d’une compression médullaire consécutive, en grande partie certainement, à une maladie génétique. Si elle avait fait un faux mouvement, ç’aurait pu être irréversible.

Mais dépaysons le propos. J’ai habité comme Mary Preud’homme dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Rue Custine, il y avait un excellent médecin que j’ai vu se mettre en quatre pour trouver dès le lendemain une femme de ménage à une de ses patientes âgées. Et rue Ramey, il y avait une doctoresse un peu plus mercantile qui prit la tête au plan national de la fronde anti-CMU.

Ma remarque sur le mercantilisme des médecins était, je le répète, incidente. Mais ce dont se plaint à jet quasi continu la femme médecin dont vous citez le témoignage concerne les atteintes du tourbillon médical sur ses revenus. Elle regrette une seule fois qu’elle n’aura probablement pas de successeurs. Elle ne se plaint pas de ses patients dont elle se dit aimée. Mais elle se plaint de la caisse primaire d’assurance maladie qui ne lui paye pas régulièrement ce qu’elle lui doit et qui commet beaucoup d’erreurs.

Je ferais plaisir à nos libéraux si je disais que la sécurité sociale a créé une insécurité sanitaire. Je ne le crois pas. L’insécurité sanitaire existe bien, mais elle ne vient pas de la sécurité sociale, elle vient comme toujours d’un excès de bureaucratie. De même que, si je reviens au débat sur le libéralisme et le socialisme, le mal ne vient pas de la réglementation, il vient d’une réglementation tatillonne et sans intelligence. L’Union européenne nous a montré ce que pouvait être une bureaucratie libérale. Loin de moi, du coup, finch, de ne pas comprendre que les médecins installent des observatoires pour mesurer la désagrégation des conditions d’exercice de leur beau métier. Ce qui m’ennuie est qu’on préfère observer que régler les problèmes.

Concernant les dépenses de santé, comment expliquer qu’on ne cesse de réduire le nombre des lits dans les hôpitaux et de démanteler, de déplacer, de détruire, de restructurer ces mêmes hôpitaux en dépensant dans toutes ces opérations « un pognon de dingue » ? Rien qu’entre Paris et Mulhouse où j’ai vécu l’essentiel de mon existence, j’ai vu détruire Saint-Vincent-de-Paul où je fus opéré enfant, Boucicaut, Laënnec qui se délabrait et jusqu’à Necker, et je ne suis pas sûr de ne pas en avoir oublié. À Mulhouse, c’étaient des déménagements complets des deux principales structures hospitalières qui se faisaient tous les dix ans sous des prétextes de rationalisation. On a peine à voir la forêt vierge qu’est devenu le beau jardin de l’hôpital du Hasenrain (ça dira quelque chose à mes pays), où on nous promet de transférer toute la gériatrie et toute la psychiatrie. Les autres services occupent cette ville dans la ville qu’est l’hôpital Emile Müller, dominant le quartier résidentiel, et qui est assez mal coté au point de vue médical. D’où vient la disparité entre pas d’argent du tout pour conserver des lits dans les services et une quantité d’argent phénoménale pour procéder à des restructurations incessantes ? Je me suis laissé dire qu’on ne puisait pas dans la même enveloppe selon qu’on soignait où qu’on déménageait. Simple jeu d’écritures ?

« La santé n’a pas de prix, mais elle a un coût ». C’est ce que m’ont dit les deux directrices d’hôpitaux avec qui le hasard m’a fait deviser deux longs brins de conversation à plusieurs années de distance. L’une était femme de médecin et l’autre m’assura que le commun des mortels se trompait en croyant qu’il y avait mésentente entre les médecins et ceux qui les administraient. Elle jurait être à leur écoute et se battre à leurs côtés contre les agences régionales de santé et que les médecins le savaient bien. Vous qui semblez être médecin me récitez la même formule que vos administratrices.

Et si la sécurité sociale était abondée par l’État lorsque le coût de la santé dépassait les prévisions rationnelles des ronds-de-cuir qui en prévoient l’évolution ? L’enveloppe de la sécurité sociale ne pourrait-elle pas être abondée par l’enveloppe où l’on puise de quoi jouer au Monopoly avec les hôpitaux ? Mon raisonnement doit vous paraître bien naïf, car je ne suis de la partie qu’au titre d’usager indirect.

Je ne connais pas le coût de la santé, mais je sais qu’elle n’a pas de prix. Vous devez savoir comme moi que les infirmières ne viennent plus à domicile que pour faire des soins médicaux. S’il ne s’agit que de faire la toilette, même d’une personne récemment impotente, il faut faire appel à des aides-soignantes dont les services ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. Que se passe-t-il si un malade qui de surcroît a le malheur de se trouver seul n’a pas le premier sou pour payer une aide-soignante ? À moyen terme, une aide à la toilette peut être financée par l’APA si on est âgé, par la MDPH si on est handicapé. Mais dans les deux cas, il faut attendre une décision qui sera prise dans les trois à six mois. Que se passe-t-il dans l’intervalle ?

Une dame pas très âgée que je connais (soixante-dix ans), mais très cardiaque, s’est récemment cassé plusieurs côtes. On venait la laver le matin, mais pas la coucher le soir. Et comme elle n’avait personne, elle dormait dans son fauteuil.

Je reviens à mon amie. Elle tomba au bout de trois mois sur un neurochirurgien qui eut peur de l’opérer. Ill la fit rentrer à la maison en disant qu’elle n’avait aucun problème médullaire, ce que contredisaient les radios. Le jour même de son retour, elle fit une chute. Nous convînmes que le mieux était de la rapatrier vers la clinique qui avait promis d’organiser sa prise en charge et qui l’avait trop avancée. Comme le neurochirurgien était dans le déni, il refusa de la réadmettre. Or elle était incapable de marcher. Mais comme il n’y a pas de petit profit, on lui fit faire une radio du bassin. Elle ne se plaignait pas du tout du bassin. On voulut la ramener sur-le-champ pendant la nuit. Je protestai avec véhémence et nous subîmes une demi-heure d’insultes de l’urgentiste qui prétendait que nous n’étions là que pour profiter du système.

Nous étions dans une clinique où n’intervenaient que des chirurgiens libéraux. On n’était pas réadmis à la clinique si le chirurgien qui nous avait suivi ne voulait rien entendre. Nous nous trouvâmes dans cette situation ubuesque où, lui ne se montrant pas ni de la nuit ni du lendemain, nous faisions face à cinq cadres de santé diurnes et calmes, dont un médecin et la directrice des soins de la clinique, à ne savoir que faire. Au cours de l’heure et demie assez déchirante que nous passâmes entre gens de bonne volonté, je reçus le coup de fil du cabinet d’infirmières libérales qui s’était occupées de mon amie avant son hospitalisation et qui nous avertit qu’elles ne voulaient plus assumer cette prise en charge parce que c’était un cas trop lourd. Malgré cela, les cinq cadres de santé à qui j’avais tendu le téléphone pour que l’infirmière le leur confirme (celle que j’avais au bout du fil n’était autre que la femme de l’associé du chirurgien qui avait refusé d’opérer mon amie), ces cinq cadres de santé nous assurèrent, les larmes aux yeux, que nous n’avions pas d’autre solution que de rentrer chez nous, d’attendre une autre chute, éventuellement de la simuler, pour nous retrouver aux urgences de l’hôpital public en espérant qu’il prenne en compte notre situation.

Heureusement que, dans la soirée, je me suis souvenu dans un éclair d’une de nos relations qui se trouvait être le propriétaire des murs d’un cabinet d’infirmières libérales. Il fit de son mieux pour les persuader de nous prendre en charge quelques jours. En continuant de remuer ciel et terre, nous tombâmes sur un service absolument fabuleux, je puis le nommer, il s’appelle Handidom, mais qui ne pouvait intervenir que le matin et ne pouvait s’occuper que de cinquante patients. Nous avions, dans notre malheur, la chance qu’à ce moment-là, mon amie soit complètement alitée (comme ça il n’y avait pas besoin d’organiser un coucher) et de ne pas être les cinquante et unièmes patients.

Je pourrai raconter d’autres choses, mais je crois que je vais m’arrêter là. L’histoire que nous avons vécue se passe en France en 2018 et nous avions deux intelligences pour essayer de la résoudre. Elle comporte bien d’autres péripéties que je vous passe.

Je pourrais aussi parler de la chirurgie de l’obésité où, pour décider de faire un by-pass (opération dont une de mes connaissances est morte sur le billard), il fallait (j’ai compté) passer par vingt-quatre consultations médicales, moins pour évaluer la dangerosité de l’acte que pour s’assurer que la personne qu’on envisageait d’opérer n’était pas déprimée, sans quoi le spécialiste refusait de faire l’opération. Une chirurgie si aléatoire mérite-t-elle une telle frénésie d’actes médicaux ? And so on.

Aucun corps n’est mauvais dans ce système de santé à bout de souffle. Seulement tout le monde est débordé, à commencer par le malade qu’on renvoie à son domicile sans avoir préparé son retour en lui promettant benoîtement qu’il sera beaucoup mieux chez lui. Il le croit, puis il déchante.

Rédigé par : Julien WEINZAEPFLEN | 18 septembre 2018 à 04:19
 

mercredi 19 septembre 2018

La beauté cachée (Gainsbourg) ou la pensée penchée (Bruno Dumont)?

Je ne sais pas si c'est vrai sur le fond, mais l'homophonie me plaît bien. Tout à l'heure, #BrunoDumont, sur France culture, dans l'émission "Par les temps qui courent", prononçait cette modeste sentence: "Il faut avoir une pensée penchée." Il poursuivait: "Il faut de l'inversion pour supporter toute cette droiture."
Moi qui m'efforce d'être intègre en étant, faute de mieux, fiidèle à moi-même, je préfère la provocation anarchiste à l'affirmation péremptoire de l'inverti. Quelqu'un avec qui j'avais des relations hiérarchiques me disait un jour qu'anarchiste non de conviction, mais de mode de vie, j'étais moi aussi un fou de pouvoir puisque j'étais un contre-pouvoir. L'inverti impose un contrordre. Et moi, l'ordre, ça me fait c***. Je préfère le contre-pouvoir au contrordre. Et je préférerais être Gainsbourg que Bruno Dumont si Gainsbourg n'avait dit croire au diable et ne pas croire en Dieu. Je fuis le diable et me confie à Dieu. Je sais, c'est un peu lâche, mais je ne suis anarchiste que de mode de vie.

mardi 18 septembre 2018

Macron sur le marché aux fleurs

Posté en commentaire de l'article
http://www.philippebilger.com/blog/2018/09/le-pr%C3%A9sident-en-pi%C3%A8ces-d%C3%A9tach%C3%A9es.html

sur le blog de Philippe Bilger.

- L'univers n'a pas besoin de Jupiter...
- Vous voulez sauver votre idole. C'est compréhensible, mais elle s'est cassée, et elle est en pièces détachées. On ne gouverne pas en pièces détachées et on ne reconstitue pas une idole brisée. Une idole n'est pas un puzzle.
- Nous nous sommes habitués à moins respecter un président de la République qu'un directeur d'école. La faute à notre monarchie clientéliste où le roi-patron se met au niveau des enfants pour toucher des écrouelles qui ne le touchent pas. Dans la monarchie patricienne, le roi se met à nu. Macron ne parle pas bébé. Il ne fait pas semblant, nous ne le touchons pas. Mais il n'a pas d'enfant et un roi est un père. Si l'univers n'a pas besoin de Jupiter, c'est que Jupiter ne peut tonner qu'en étant père. Or ça n'a jamais intéressé Macron d'avoir des enfants à lui. On pourrait espérer que cela nous fasse sortir de l'enfance démocratique, mais Macron ne nous rend pas la parole, il parle pour dix mille et parle pour ne rien dire.
- Macron n'a pas la fibre paternelle et il n'a pas su parler à cet enfant qui s'adressait à lui en lui disant qu'il aimait les fleurs. "Allez vous offrir comme serveur", a-t-il prostitué ce page. Or les fonctions ne sont pas interchangeables. Horticulteur et serveur sont deux choses différentes. L'orientation aurait dû détacher cet enfant de ses fleurs. Mais il ne peut pas y avoir l'éducation, l'orientation et puis la formation. Sinon, à quoi auront servi les deux premières ? Et chacun sait depuis les TUC que l'aiguillage vers une formation est la plupart du temps un cul-de-sac. Pourquoi continuer l'attrape-nigauds ?
- L'école ne veut pas fonder l'enfant, or l'enfant a besoin d'être fondé. L'orientation devrait être pour lui cette décision fondamentale. Mais l'école est obnubilée par le standard humain, elle ne veut pas être décisive.
- Le chômage est avant tout une crise de l'orientation. Et l'orientation devrait se poser deux questions : "que veux-tu faire pour toi-même et quel est le besoin qu'a ton pays de toi ?" Or l'école n'apprend à l'enfant qu'à se former en miroir de lui-même et jamais, non de la société, mais du service qu'il pourrait rendre à autrui. Il arrive un moment où vivre, c'est servir. Ce n'est pas se regarder dans le miroir. C'est combler une attente, car on meurt d'impatience. Il n'y a rien de plus épanouissant que de sauver une vie.
- Une école qui aurait le souci de l'orientation bannirait les standards et ne formerait pas de classes moyennes. Elle formerait des médecins et des manœuvres. Elle s'adapterait de bonne heure aux différents genres d'intelligence sans en mépriser aucune.
- Sade pratiquait la philosophie dans le boudoir, Macron pratique la philosophie dans le pognon. Le pognon est l'édredon de ce philosophe de la destruction créatrice qui n'aime pas les voleurs de feu. Macron est le pur produit du narcissisme et de l'intellectualisme qui ne peut pas se reproduire, car il n'a pas le sens du service. Mais il ne faut pas désespérer de Macron comme il ne faut jamais désespérer de personne.
 

samedi 15 septembre 2018

La robe et les politiques, le théâtre de vérité


Quelle chance de contribuer de mon plein gré, mais en étant agréé ou au moins accepté par ceux qui le tiennent, à un blog aussi extraordinaire, parfois, souvent, que celui de Philippe Bilger. Le billet du jour fera date. J’en extrais ces quelques citations :

 

Les politiques et le barreau.

 

Le barreau, roue de secours de la politique. (« Je ne veux pas laisser croire que. »)

Les « avocats pénalistes » « ne sont pas à l’abri d’un fâcheux détour qui les ferait glisser de la médiatisation judiciaire au narcissisme politique. »

Appauvrissement, rétrécissement, rapeticement de la culture, du verbe et de l’argumentation.

« une tranquillité intellectuelle et professionnelle précisément parce que la vérité n'est pas, lancinante, à atteindre mais qu'elle est auxiliaire. Il y a ce qui sert puis la vérité seulement si elle sert ».

« En réalité, le barreau comme les politiques sont des prisonniers consentants. Le premier d'une cause qu'il n'a pas choisie mais qu'il a accepté de défendre. Les seconds de leur parti. »

 

Mon commentaire s’accroche comme il peut à cette brillante analyse.

 

http://www.philippebilger.com/blog/2018/09/la-robe-et-les-politiques-le-sacrifice-de-la-v%C3%A9rit%C3%A9-.html

 

Cher Philippe,

 

Votre analyse n'est pas forcée, elle est de fond et elle est extraordinaire. Or je m’enthousiasme rarement. Je quémande, je commande presque un billet corollaire sur la phrase que ne cessait de répéter mon père, imbu de son bon sens qui pourtant venait de loin : "L'avocat est un comédien." Dans quelle mesure approuvez-vous et nuanceriez-vous cette affirmation ? Sujet du bac pour Philippe Bilger. Vous avez le temps que vous voulez. C'est bienla moindre des choses, vous êtes chez vous.

 

Mais nous allons jouer les commentateurs, les réservistes, faut bien faire de l'art et pas toujours la sieste, et l’art du commentaire est de faire des réserves, d’avoir par principe l’esprit de contradiction.

 

J'ai relevé un pléonasme dans ce discours extraordinaire sur les différences et les similitudes entre la défense et la persuasion au service d'un dessein mis en acte destiné à emmener la société quelque part. Ce pléonasme, le voici : une "inventivité libre". Il n'y a pas d'inventivité libre parce que l'inventivité est libre pardéfinition.

 

Je voudrais à présent m'arrêter sur quelques points de votre méditation : la rhétorique, le théâtre et la vérité.

 

Commençons par l'incidence de ce que vous dites sur l'éducation, la formation des enfants et de la jeunesse. Il y a crise du verbe, de la culture et de l'argumentation, écrivez-vous en négatif. La culture est un bagage, le verbe et l'argumentation ressortent de la rhétorique et, je crois, de la littérature.  Henri Leclerc croit en l'étude de la rhétorique telle qu'elle commande d'arranger les différentes parties du discours, vous n'y croyez pas. Une école philosophique, académicienne et dans une moindre mesure lycéenne ou péripatéticienne, a dominé la pensée en détestant la rhétorique et les rhéteurs, en sorte qu'on a pu opposer rhétorique et philosophie, puis philosophie et littérature. En sorte qu'il m'est arrivé, quand j'ai suivi les cours de rhétorique de Madame Aurélie Delattre que je salue si par hasard elle me lit, de théoriser que, pendant onze classes on suivait des cours de rhétorique, et on attendait la douzième, la terminale,  pour faire de la philosophie. C'est grand dommage. Il y a de la philosophie dans tout ce qu'on étudie, à commencer par les mathématiques, surtout quand elles sont modernes. Que de leçons de philosophie n'aspirais-je à tirer, en sixième, de la théorie des ensembles. Tout m'y semblait contenu. Et dire qu'il y a des gens pour détester les mathématiques modernes. Ils n’ont pas de goût, et moins encore celui de penser. Il paraît que Jacques Derrida et Michel Onfray était sur cette ligne de souhaiter qu'on infuse de la philosophie dans toute la scolarité, si on n'en faisait pas une discipline à part entière.

 

Le verbe et l'argumentation relèvent de la rhétorique, disais-je : l'argumentation est l'art de la disposition et le verbe celui de l'invention dans le discours. Les deux s'inscrivent dans la littérature. Passant le CAPES de lettres modernes, que j'ai eu sans être une bête à concours ni pouvoir le valider par un professorat effectif (saluez le zeugma !), je m'étonnais que les programmes de la classe de troisième disposassent (sic) qu'on devait faire étudier aux élèves le discours argumentatif, l'éloge, le dithyrambe, le blâme, la polémique, le discours épidictique. Y a-t-il une grammaire du compliment ou de l'insulte qui puisse s'écrire en dehors des sentiments qui les provoquent comme il y a une grammaire de texte, de la phrase, du langage ? Le fait est que l'analyse est une des quatre parties du roman, avec le portrait, le récit et le dialogue, apprenais-je en cinquième dans la leçon qu'on me donnait sur l'art du portrait, physique ou moral.

 

Relevant de la rhétorique, il y a aussi, dans le champ poétique, l'invention formelle, celle qui cherche à creuser un écart esthétique, selon les penseurs de la théorie de la perception, qui poursuivent en disant que le chef-d’œuvre est l'œuvre qui a réussi à établir le juste écart entre ce que le lecteur attendait et ce qu'il lit, l'auteur étant parvenu à débusquer la forme qui était dans le désir inconscient de l'époque.

 

Quant au verbe, il ests pur jaillissement. Difficile de se convaincre que ce jaillissement soit performatif, tant il est performé. L'écrivain de génie est le plus déterminé des hommes. Il n'a rien qu'il n'ait reçu. Il travaille son déterminisme.

 

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Pourquoi l'éloquence ne fonctionne-t-elle que si elle est théâtralisée ? Pourquoi l'homme a-t-il besoin du masque sous lequel avançait Descartes ("larvatus prodeo") et d'où vient la personne, ce masque étymologique comme le sujet soi-disant libre est ce qu'il y a de plus soumis, ce qui rampe, ce qui est jeté sous ? Pourquoi l'Eglise a-t-elle commencé par condamner le théâtre avant de se choisir un pape qui était comédien ? Ecrivant ceci, j'ai dans l'oreille la lecture que fit à ma grande surprise mon ami Pierre Gérald à plus de cent ans, invité par Chantal Bally sur Radio Notre-Dame. J’aime à citer mes amis comme autant de témoins de moralité pour faire croire quej’ai beaucoup d’amis ou une grande moralité. Ceci encore est un des paries de la rhétorique, qui convient qu’il faut que le rhéteur établisse une autorité morale pourpartagées des évidences, fussent-elles des nouveautés.

 

Mais pourquoi le théâtre ? La liturgie se présente comme l’actualisation du Mystère, lequel est aussi le nom d’un genre théâtral du Moyen-Age. Un pasteur luthérien traditionaliste, Frédéric Bohy, m’avoua : « La liturgie est le théâtre de Dieu », ce que confirmèrent du bout des lèvres et au bout de bien longtemps des prêtres de mes amis (encore des amis !) à qui je soumettais cette assertion que Frédéric m’énonçait comme une évidence et que je pris pour une provocation. Il faut le théâtre pour actualiser,voilà le mystère.

 

Sans compter Aristote qui, dans la poétique, assigne au théâtre la mission d’inspirer deux émotions principales : la terreur et la pitié. Va pour la pitié ? Vous allez vite en besogne. Celui qui veut apitoyer veut faire pleurer sur lui-même, impénitent romantique avant l’heure. Je le sais. Un jour à treize ans que j’aimais, je voulais composer une musique qui contînt toutes les peines du monde. A trois ans, ma mère m’assit au piano. Sans être du tout Mozart (je goûte assez peu ce robinet de musique), je composais une suite d’accords dont je m’aperçus des années plus tard, quand j’appris les noms des degrés de la gamme, qu’il contenait la sensible et que la sensible y dominait. Le romantique est pathétique et le pathos est pathologique. Pour passer du pathétique à la compassion, il nous faut faire le saut qualitatif par où nous comprenons que la vie, dans laquelle nous sommes plongés comme dans une immédiateté égotique, est en réalité un mystère d’oblation invisible à notre sentiment.

 

Quand j’étais petit, ma mère (encore elle ! C’était une artiste peintre qui avait accouché d’un aveugle), m’emmenait à l’orangerie, à Strasbourg. Je faisais un tour de manège dans des petites autos gardées par un ancien flic. Il n’y avait pas foule dans ce manège, mais venait un moment où il fallait attraper le pompon. Je criais : « Ayez pitié d’un pauvre aveugle », et le vieux flic me lançait le pompon. Faire pitié, ça paye, c’est le pompon.

 

Rousseau faisait de « la pitié naturelle » le principal ressort de la nature humaine. Aujourd’hui, nos sociétés ont troqué la pitié pour l’empathie. On a honte de la pitié. Or le contraire d’une société qui a pitié, c’est une société impitoyable. Macron – pardon d’y revenir - est l’expression du caractère impitoyable de notre société.

 

SOS Aristote ! C’est bien assez que tu induises, avec la pitié, toi l’empirique, toi l’anti-lyrique, le romantisme dans la culture dont tu as été un des germes. Que vas-tu nous faire pisser de terreur ?  - On bande de pathétique et on pisse de terreur -. De son temps, il s’agissait d’inspirer l’héroïsme par la terreur du danger que couraient les héros pour accomplir leurs exploits. Le héros, c’était Hercule. Les temps ont changé. Aujourd’hui, le héros, c’est celui et surtout celle qui continue d’exposer son minois en terrasse malgré le Bataclan parce que l’anti-héros, c’est le terroriste, c’est celui qui n’a pas peur d’inspirer la terreur. D’où Médine au Bataclan, c’est la suite, c’est le résultat de la crise de l’épopée. Autrefois l’épopée célébrait les héros non pas morts au champ d’honneur, mais vivants dans le champ de l’exception. On avait beau avoir peur pour eux à l’énoncé des dangers qu’ils couraient, on n’avait rien à craindre, la course de ces athlètes des dieux était pour l’honneur, puisqu’on savait au début de l’épopée que le dieu qui les soutenait les assurait de la victoire finale. Il n’y a rien de nouveau dans la pensée de l’Enéide de Virgile à Spes salvi de Benoît XVI. Le héros du jour, c’est celui qu’on a vaincu. Celui qu’on n’ose regarder comme un héros, c’est le vainqueur. C’est le mâle dominant, comme disait Éric Zemmour dans le premier sexe, à qui on pardonne de ne pas être blanc, tandis que l’homme blanc sanglote. L’héroïsme a changé de genre, il est devenu féminin, il subit, il est passif. Loin de moi de nier qu’il y ait quantité de femmes actives. En parler me ramène au théâtre pour interjeter cette question que je me pose en ce moment pour des raisons personnelles : y a-t-il quelque chose qui relie hystérie et perversité ?

 

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Mais foin de mes interrogations personnelles. Je reviens à votre billet. Il y a démonétisation de la vérité, regrettez-vous. Barreau et politique sont deux mondes où la vérité est devenue « auxiliaire ». Ceci m’a toujours étonné. Quand j’étais en terminale (je reviens à la philosophie), on nous présentait la philosophie comme l’amour de la sagesse. Sartre la définissait au contraire (dans L’existentialisme est un humanisme) comme la recherche de la vérité. Celui qui désessentialisait tout affirmait que la vérité était première. Or il ne désessentialisait pas par amour de la vérité. Il décomposait, déconstruisait, analysait. La déconstruction, c’est, au sens strict, l’analyse, sauf que l’analyse ne contient pas de facteur de décomposition. L’argument philosophique de La NAUSEE est le dégoût qu’éprouve Antoine Roquentin quand il découvre que des racines poussiéreuses terminent ou se prolongent en tronc noueux. Le sentiment ontologique, océanique, dont nous avons tous besoin pour respirer et nous émouvoir, est de synthèse. Le piétisme instinctif qui précède la perversion du pessimisme joyeux et catholique présume que la nature est naturellement bonne et que Dieu doit être comme, doit imiter la nature. Or la nature est bonne et mauvaise. Elle est relativiste. Pourquoi la vérité serait-elle à considérer si elle n’est pas aimable ? Les œuvres de Sartre sont pourtant loin d’être froides. Il y passe un influx de vie à nul autre pareil. C’est même vrai dans Les mots, où Sartre démolit sa propre vocation en ne convainquant que lui-même que c’était un « caniche d’avenir » que rien n’avait prédestiné, s’il avait des dispositions. Les mots de Sartre sont l’anti-Recherche du temps perdu. L’existentialisme descend sans le savoir ou en le sachant très bien, de la méthode ignatienne. C’est une école du choix.

 

Si la vérité n’est pas aimable, doit-on l’aimer, et l’embrasser quand on la trouve, comme l’affirme la déclaration conciliaire Dignitatas humana ? N’est-ce pas assez de la trouver ? Faut-il encore l’aimer ? Y a-t-il un lien nécessaire entre le beau et le vrai ? Le vrai doit-il être beau et le beau être vrai ?

 

Comment vérité et mensonge sont-ils disposés dans la réalité paradoxale où aucun absolu ne peut jamais être atteint, même pas nous-mêmes, cet artefact relativement éonisé ? On voudrait que l’Histoire soit spirituelle ou au moins providentielle, elle n’est que circonstancielle et phénoménale. Sa figure est la tribulation, la péripétie, la circonstance. Mais que vient faire la tribulation dans une créature idéale et pensée pour ce salut qu’elle ne peut pas atteindre et encore moins faire elle-même ? En quoi la circonstance historique est-elle médiatrice ? En quoi le mensonge est-il médiateur de la vérité du fait de l’économie paradoxale ? Ce mensonge que l’on retrouve dans l’histrionisme théâtral, le masque personnel et le discours persuasif du plaideur et de Jean-François Copé, ou de l’utopiste qui fait mal marcher le monde dont le marché fait bon marché ?

 

Quand on y pense, il n’est pas naturel que les politiques aiment tant les discours. Macron est perché quand il en prononce un, aussi long que ceux de Fidel Castro, sous le regard ébahi de Brigitte qui surveille qu’il suive son plan détaillé. Sarkozy avouait n’être jamais redescendu de sa première tribune où il meublait pour faire attendre Chirac au grand destin.

 

La condition de ne pas se mentir à soi-même est-elle suffisante pour ne pas être au service du père du mensonge qui est prince de ce monde ? Pourquoi ne peut-on supprimer ces brigues et ces partis qui intriguent et déterminent le discours sur le monde avec des éléments de langage qui obéissent à la logique des appareils ? Pourquoi les partis politiques, qui devraient concourir à l’expression démocratique, sont-ils les appariteurs du monde ? Pourquoi leur discipline s’impose-t-elle à des êtres libres chercheurs de vérité ?

 

Autant de questions que suscite votre admirable billet, cher Philippe, honorable honoraire, bienveillant procureur et maïeuticien de génie.

vendredi 14 septembre 2018

Oedipe, la Croix et la brebis perdue

la logique de la brebis perdue est exactement l’inverse de la logique de lacrucifixion. La crucifixion est arrêtée au nom du principe : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour tout le peuple." La parabole de la brebis perdue parie au contraire qu’il vaut mieux lâcher tout le peuple pour préserver une seule vie, parce que, si cette vie est préservée, toutes les autres auront le lustre de l’avoir désirée et attendue. Elles en seront comme revalorisées.

Edma et le troisième chakra

Viens d’avoir Edma au téléphone, qui m’apprend qu’il faut descendre les chakras de son corps comme des demeures du Château intérieur. (Laura Bossi, dans son HISTOIRE NATURELLE DE L’AME – QUE J’AI LUE SUR LES CONSEILS RADIOPHONIQUES D’OLIVIER GERMAIN THOMAS -, nous explique que, de Linné à théophane Climaque ou à sainte Thérèse d’Avila, on a toujours cherché à tendre une échelle à l’âme pour qu’elle puisse monter au ciel) :
- que le premier chakra est celui du front, de la contrainte, de la discipline ;
- que le deuxième chakra est celui de la sexualité, de ce vague des érotisations qu’il faut là aussi contenir et discipliner ;
- mais que le troisième chakra est celui de l’affectivité, qui suppose la reconnaissance iconique de soi par les autres, et qui demande un triple détachement de l’image qu’on a de soi à travers la reconnaissance qu’on attend des autres :
- de la reconnaissance que nous avons envers la vie, en voulant tout en déguster, en goûter, en savourer ;
- de la reconnaissance que la vie a pour nous : je ne me rappelle plus ce en quoi Maryse m’a dit qu’elle consistait, maiscette reconnaissance m’a paru évidente, puisque nous naissons avec toutes les sensations que nous donne la vie : nous nous connaissons en elles, nous naissons avec elles ;
- de la reconnaissance que nous attendons des autres, de leur retour d’affection, de valorisation et de gratification de nous-mêmes, notamment à travers nos liens familiaux que nous croyons indissolubles .
- Mais le quatrième chakra est celui du cœur, c’est-à-dire de l’autonomie : accepter d’être soi-même face à notre Créateur.

jeudi 13 septembre 2018

Maurice Audin et le plan pauvreté


"La police elle-même soumise à mille rébellions, outrages et résistances, subissant des atteintes parfois infiniment graves, n'aura pas le choix : pour interpeller les auteurs de violences et favoriser la paix publique, elle sera contrainte de se faire accompagner pour avoir une chance d'être opératoire. [...] Mais ces gardiens, qui les gardera ?" (Philippe Bilger.) Alexandre Benalla, qui fera du nursing en donnant des ordres aux policiers.

 

"Qui gardera nos protecteurs naturels ? Qui viendra au secours de ceux qui, nous défendant, nous sauvant, sont pris à partie, malmenés et souvent rendus impuissants, désarmés et perdus ?"

 

Certainement pas Emmanuel Macron, qui gouverne mal, mais se défend bien, qui n'allège pas le quotidien administratif des forces de l'ordre, qui envisage de déléguer aux communes non dotées (la décentralisation est une vaste extorsion de dotations qui n'a jamais fertilisé les déserts médicaux ou culturels de la ruralité ou des provinces reculées), le soin d'armer à leurs frais leur police municipale sans recruter les 16000 policiers nationaux nécessaires pour assurer, non pas  la sécurité du quotidien ni l'ilotage des "quartiers sensibles" c'est-à-dire perdus et menaçants, mais la sécurité tout court.

 

Macron se garde bien, mais ne garde pas bien les gardiens de la paix, pas plus qu'il ne se porte le garant de l'honneur des hommes de guerre dont ce blanc-bec aime à rappeler qu'il est le chef. Soixante et un ans après les faits et sans que personne ne songe à l'en accréditer autrement qu'en justifiant, ici, la guerre civile au nom du mépris colonial d'antan et en jugeant, là-bas, que c'est un bon début, mais que la France n'en fera jamais assez dans la repentance, cette France dans laquelle les Algériens n'ont cessé depuis l'Indépendance de chercher refuge, le chef de l'Etat réveille une vieille bavure  des temps de guerre civile, de l'autre côté de la Méditerranée, une vieille bavure de l'armée à qui il renvoie ce crachat, comme si cette armée avait été la seule à faillir, à "baver", à torturer. Mais un complexe tenace de supériorité nous fait banaliser la torture du FLN, tandis que la nôtre serait impardonnable et toujours à réveiller pour que les Français issus de la deuxième ou de la troisième génération de l'émigration algérienne, qui fuyait les tortures et l’incapacité de son pays tout nouvellement indépendant et regorgeant de richesses naturelles à la mettre au travail, ne puisse nous être en rien reconnaissants. Comme l’anniversaire des émeutes de banlieue de 2005 doit être célébré chaque année, ravivé par Jean-Pierre Mignard ou Edwy Plenel, qui se rengorgeait ce matin, caressé dans sa vieille passion militante anti-Algérie française, déjà anachronique dans sa jeunesse : "Enfin!", soupira-t-il, quand Macron annonça à la veuve de Maurice Audin que la France reconnaissait avoir assassiné son mari, parce qu'il s'opposait à sa politique et que ce militant du parti communiste algérien (PCA) "soutenait les terroristes de l'époque", réagissait Wallerand de Saint-Just sur BFMTV, tandis qu'Edwy Plenel en aurait presque oublié de dénoncer le "plan pauvreté" de son ennemi de position de fou du roi, le président de la République qu'il n'en aime pas moins fréquenter, comme Mélenchondans ses escapades marseillaises.

 

"J'ai un plan... pour le pauvre ancien combattant Maurice Audin, que nous n'avons pas indemnisé comme il fallait", fit diversion le rusé Macron en plein impact médiatique du "plan pauvreté", dont l'annonce avait déjà été différée pour ne pas distraire les pauvres de la victoire de l'équipe de France de football à la coupe du monde. Quant à ces téléspectateurs chevronnés, qui se nourrissait mal, mais avaient de beaux écrans plats, on leur offrirait des petits déjeuners gratuits, ce qui pourrait se décliner en aide aux établissements scolaires pour assurer des cours de "prévention alimentaire". On pourrait aussi doter les communes, qui devraient allonger un apport de 10 %, pour construire des crèches. Pas de logements, des crèches. Et comme rien n'importe davantage que d'éloigner les enfants pauvres de la vermine qui a engendré cette progéniture, on prononcera une obligation scolaire qui s'étendra de trois à dix-huit ans pour les décrocheurs, qu'on ira chercher dans la nature pour les former de force, ou plus exactement pour leur proposer une formation avant de hausser les épaules en les déclarant irrécupérables : "Nous avons fait tout ce que nous avons pu." Parce qu'on le sait bien, l'école est tellement plus efficace que les parents pauvres, et est tellement incontestée par les plus défavorisés... Il faut dire que l'école se propose, depuis un certain rapport Pécresse-Bloche (mais Valérie Pécresse fait partie de la droite humaniste) de repérer la mauvaise graine de délinquance dès l'école maternelle :

 


 

"Bravo", s'enflamme le chœur irreprésentatif des associations dévouées à la pauvreté au nom de leurs protégés, d'"ATD quart monde" que Macron s'est mis dans la poche en allant les visiter trois jours avant de présenter son plan, au "Secours catholique". Les dames patronnesses ont la vie dure. "Quel visionnaire ! Monsieur le Président de la République et de l'armée bafouée, votre plan pauvreté est merveilleux ! Avec vous, la pauvreté sera éradiquée, c'est certain."

samedi 8 septembre 2018

La baisse de la qualité présidentielle

Mitterrand a dit un jour : “Je suis le dernier des grands présidents. Après moi, il n'y aura plus que des financiers et des comptables.”
De Gaulle avait déjà dit: "Après moi, ce sera le vide ou le trop plein." Si Mitterrand a prononcé cette phrase, c’est parce qu’il n’y connaissait rien en économie.
Mitterrand n'a pas été un grand président. Il a été le premier des petits présidents de la Vème République. Une sorte de faux curé de la "France physique", comme dirait Paul-Marie Couteaux, par opposition à De Gaulle qui croyait en "la France éternelle", même si on l'a beaucoup mythifié et que lui-même a été un mythologue, faisant reposer la France libre sur le mythe d'une légitimité délocalisée.
Quant à Mitterrand, il a été furieusement Algérie française, étant ministre de la justice et de l’Intérieur ; il a fait appliquer la peine de mort sans état d’âme avant de l’abolir au nom de la conscience humaine ; un réflexe maurrassien l’a empêché de prendre la mesure de la nécessité de la réunification allemande après la chute du mur de Berlin ; il a cru au coup d’Etat de Guennadi Ianaïev et a souteunu, en ne s’y opposant pas et en les reconnaissant pour ses interlocuteurs légitimes le soir même de leur putsch à la télévision française, les conjurés qui s’étaient faits les tombeurs de Gorbatchev et de la perestroïka ; dans le sens inverse, il a fait de la France un vassal de l’atlantisme reaganien à un niveau qui n’avait jamais été atteint avant lui ; il a fait entrer la France dans le choc des civilisations en l’entraînant dans la première guerre du golfe aux côtés de George Bush senior ; sans parler de son double jeu pendant la seconde Guerre mondiale. En bref, il a trahi tous ses principes et n’a fait preuve d’aucune anticipation dans ce qui était pourtant son domaine réservé, les affaires étrangères, où il aura été aussi mauvais qu’en économie. Comment peut-on continuer à entretenir la légende qu’il fut le dernier de nos grands présidents de la République ?
Après De Gaulle, il y a eu des hommes compétents et sans doute patriotes : Pompidou et Giscard. Après Mitterrand, il y a eu des arrivistes: le premier était Chirac, un arriviste qui avait encore quelque chose de l'esprit français, et puis il y a eu les deux autres: Nicolas Sarkozy, une ambition qui s'était intériorisée en trouvant un substrat religieux et comme une intériorité au ministère des cultes,  et François Hollande, le "président normal", qui a ouvert la voie au candidat des banques, des multinationales et des affaires qui se sont choisies leur commis, ce Rastignac, Emmanuel Macron, qui n'a de charismatique que son narcissisme pour nous le rendre attachant, à mi-chemin entre le héros du PERE GORIOT et du LYS DANS LA VALLEE, et dont le couple est une réhabilitation vivante, en pleine dénonciation de la pédophilie,  de cet épisode de la chronique française que fut l’histoire tragique de Gabrielle Russier, même si, à part cela,  Macron est un bourgeois, ce qui est un vice depuis le marxisme quand le bourgeois n'est pas de gauche, et pour aggraver le cas de Macron, un bourgeois plein de morgue. Encore Sarkozy pouvait-il passer, du fait de ses origines cosmopolites, pour un homme qui avait eu une revanche à prendre sur la vie. Macron est né coiffé ou avec une cuillère en argent dans la bouche, comme on voudra.
Depuis le départ de De Gaulled’abord, puis de Chirac dans une seconde déclivité de la pente descendante, il y a eu baisse de la qualité des présidents de la Vème République. Cette baisse de la qualité présidentielle est sans doute à corréler à la montée de l’individualisme et à la baisse du lien social, voire à une baisse de l’exigence morale à la base de la société, car un peuple a toujours les gouvernants qu’il mérite. En vain se refait-il une virginité en s’indignant de leur corruption qui trahirait sa pureté de souverain démocratique. Le populisme au sens où je l’entends, qui est un prolongement du fait que la démocratie est le pouvoir du peuple, exige de refuser toute démagogie qui flatterait le peuple au détriment de ses élites, et prononcerait un divorce entre celles-ci et celui-là aux torts exclusifs de ces dernières.

lundi 3 septembre 2018

Macron contre la politique qui coule de source


L'aboandon à prévoir du prélèvement à la source, qui fait peur à Macron depuis son élection puisqu'il l'a déjà reculé d'un an, est probablement motivé par le fait que l'employeur ou l'entrepreneur, qui collecte déjà la TVA,  le plus injuste des impôts indirects (l'entrepreneur est un collecteur d'impôts et serait même un publicain s'il n'était à ce point attaché au secteur privé  et ne voulait dépecer le service public...), deviendra le percepteur direct de son salarié, dont il connaîtra tous les reliefs éventuellement sinueux de son foyer fiscal et de son train de vie, salarié qui verra sur sa feuille de paye de combien son salaire net est amputé  par l'impôt sur le revenu, après l'avoir été invisiblement par les cotisations sociales. Le salarié des classes moyennes, lesquelles font peur à tous les gouvernants, saura comptablement de combien l'impôt sur le revenu grève son pouvoir d'achat.

Cette démission de la transparence fiscale intervient après que la démission de Hulot a fait dire à ce dernier que l'écologie n'était pas compatible avec le libéralisme. L'écologie est anti-capitaliste. Voilà une clarification bienvenue. La décroissance, que l'écologie véhicule au profit de la sauvegarde de la planète et non contre la faim dans le monde, a toujours été une manière communiste de lutter en faveur de la baisse de la production. La décroissance de la production est le seul moyen que l'on ait trouvé pour lutter contre le chômage de masse. Il n'y a pas de chômage dans des économies décroissantes. Mais une civilisation décroissante se coupe de son élan vital, donc accepte de se suicider par perte du vitalisme ou sens de l'abondance, au lieu que notre civilisation d'abondance morale et capitalistique  se suicide par excès de consommation.

L'Etat qui fait son bas de laine sur le marché oblligataire es le même qui emprunte à taux variable sur les marchés financiers. L'Etat est le plus grand escroc potentiel. On lui prête plus qu'à un ménage, en gageant qu'il remboursera toujours ses dettes. Le précédent des emprunts russes devrait pourtant avertir les investisseurs qu'il suffit d'un changement de régime pour que l'Etat qui renonce à sa continuité prétende ne pas avoir contracté les dettes qu'il récuse. C'est pourquoi De Gaulle faisait du président de la République, dans la Constitution que les équipes de Michel debré avaient rédigée pour lui, le garant de la continuité de l'Etat et du respect des traités. Le Président du "coup d'Etat permanent" et du changement numérique de régime, qui avait estimé que l'Etat n'avait pas été le même (et donc n'avait pas continué) sous Vichy, se faisait le garant de la continuité d'un ordre qui avait été largement négocié sous son nez et en le mettant à part, mais qu'il respectait parce qu'il était issu de la victoire des Alliés. La dénonciation macroniste du modèle construit par le CNR est la réplique de la sortie trumpiste du monde d'après-guerre.

Quel ordre respecte Macron? Sa peur du prélèvement à la source prouve que la seule chose qu'il redoute est la transparence financière qui dessillerait les yeux des classes moyennes.

dimanche 2 septembre 2018

La bulle Macron (an II)

Pendant la campagne présidentielle, on disait que le macronisme était une bulle spéculative. Il se révèle une mystification collective. Sur quoi a-t-elle reposé? Certainement pas sur le charisme très surfait de la vedette gonflée à l'hélium de la séquence électorale qui devait aboutir à la victoire de ce candidat non désiré. Emmanuel Macron n'a cessé d'accumuler les bourdes comme Ségolène Royal avant lui (la Guyane qui était une île, l'inexistence de la culture française, la colonisation, un crime contre l'humanité, Villeurbane, une ville du Nord de la France), il n'y avait personne pour établir le parallèle entre Ségolène et lui. -Tiens! Et si on pariait pour elle pour succéder à Nicolas Hulot. Elle est assez old school pour ne pas trop faire nouveau monde, qui est déjà has been.-  Le "nouveau monde" était un slogan, un peu comme "l'autre politique" de Jacques Chirac en 1995: "Mangez des pommes, luttons contre la fracture sociale".  La stratégie macroniste du "et en même temps" consistait à effacer qui était Macron pour assurer qu'il était son contraire. Il réinventait l'adage: "Fuis-moi, je te suis" en ne cessant de se fuir pour qu'on le suive. Quintessence du système, il se déclarait le candidat anti-système.  Environné de conflits d'intérêt, il se drapait de probité candide au point d'incarner la vertu au pouvoir ou de le promettre. Marine Le Pen avait bien identifié le clivage entre patriotes et mondialistes, il se déclarait le plus patriote des deux, bien qu'il fût discernable que ce président, qui s'apprêtait à diriger un pays qu'il ne connaissait pas, serait aussi à la tête d'un peuple qu'il n'aimait pas, composé de "Gaulois réfractaires et incultes" (puisqu'"il [n']y a [que] des cultures en France"-pourquoi dès lors tirer sur le soldat Nissen?-), d'"illettrés", d'"alcooliques", de "fainéants", même pas fichus de travailler comme François Fillon pour se faire payer un costume. Emmanuel Macron taillait des costars à son peuple, pas seulement depuis l'étranger, et allait remplacer le "Casse-toi, pauv'con" murmuré du parvenu Sarkozy par un "je vous emmerde" insonorisé, mais assumé (son bon plaisir est bien la seule chose qu'Emmanuel Macron assume), inspiré par un mépris de classe de bon élève qui a au fond toujours douté de ses résultats, et a bien des raisons d'en douter, non seulement parce qu'il a raté le concours de Normal Sup, mais parce que, pour s'assurer de l'admiration de son auditoire, il fait des discours longs comme ceux du leader Massimo et creux comme ceux d'un potache sciences potard .
Emmanuel Macron est passé du chevènementisme à l'européisme. Comme quoi le chevènementisme mène à tout à condition d'en sortir.  Le bon élève surévalué entendait, en fait de nouveau monde, conserver les valeurs sur lesquelles la génération d'après-guerre avait espéré stabiliser "le monde d'hier", sans se douter que l'histoire ne se repose jamais et est toujours, non pas  à recommencer, mais à continuer. Même cet européisme de pacotille était une escroquerie. Tous les gens bien en cour applaudirent au mauvais discours de la Sorbonne ou à celui d'Athènes sans jamais demander comment Macron comptait s'y prendre pour s'imposer à des gouvernants, dont il ne fallait pas être grand stratège électoral pour prévoir que, de l'Autriche à l'Italie, on connaîtrait un mouvement dextrogire de protectionnisme identitaire.
Macron retourne dans la bulle dont il n'aurait jamais dû sortir en reproduisant les coups de menton de Sarkozy et les couacs indécis de Hollande . La déception par laquelle s'ouvre l'an II de ce quinquennat est elle aussi issue du vieux monde, celui où l'on pense que la démocratie consiste à laisser les clefs à un potentat élu pour qu'il fasse ce qu'il veut de "l'Etat, c'est moi". La mystification du macronisme a été orchestrée par les errements des consciences éclairées. "L'éternel recommencement des illusions perdues" (Philippe Bilger) est une très belle formule. Mais le meilleur moyen de s'en prémunir, c'est de ne pas se laisser berner par les illusionnistes.