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vendredi 18 mars 2022

L'autonomie de la Corse ou d'un séparatisme l'autre

Il y a des séparatismes interdits et des séparatismes tabous. Interdit, le séparatisme islamiste vis-à-vis de la République ; mais tabou, le séparatisme corse vis-à-vis du jacobinisme de la République tellement une et indivisible en théorie que parler d’ »autonomie » de l’île de beauté paraissait inenvisageable, de Lionel Jospin à Nicolas Sarkozy, qui sont allés le marteler de toute leur superbe républicaine de chefs d’Etat ou de gouvernement.

 

Et il y a des tabous que font soudain lever les séparatismes interdits: l’agression d’Yvan Colonna par un adepte du séparatisme islamiste rend possible de parler d’autonomie en Corse, d’après l’exécutif devenu totalement clientéliste en fin de mandat de Jupiter le Piteux, le surdoué qui a tout raté, sauf sa sortie sans le pompon pour un nouveau tour de manège  et un quinquennat supplémentaire où seront autotamponnés les automobilistes voire moins si non affinités qui mettront un bulletin dans l’urne en faveur de ce chef de guerre taxe-carboniste qui les gillet-janise chaque jour un peu plus.

 

Il y a pourtant plusieurs manières de concevoir la République. Je suis trop jacobin pour comprendre la subtilité du Concordat maintenu en Alsace-Moselle au bénéfice des « travailleurs de l’Eglise » dont je suis, moi qui ai tendance à scier la branche sur laquelle je suis assis.A mes yeux, les Corses ne sont pas plus que les Alsaciens légitimes à présenter des revendications autonomistes, mais c’est moi qui manque d’ouverture d’esprit. Il doit pouvoir exister un modèle de République séparatiste et concordataire où l’autonomie de la Corse et le statut différencié face à la séparation des Eglises et de l’Etat ne devraient pas nuire à « l’unité dans la diversité » de la nation française.

 

J’avoue ne pas comprendre ce modèle de République divisible où l’autonomie de la Corse devrait pouvoir exister face au droit local alsacien. N’importe : si l’on promeut ce modèle intelligent et respectueux des traditions régionales pour ne pas dire territoriales de la France, fallait-il ne le concéder qu’à trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, au risque que ce désaveu  de toute la doctrine républicaine vis-à-vis de la Corse ne passe pour le dernier reniement duquinquennat macroniste ?

 

J’oubliais qu’une règle de la promotion informative de ce régime est que ceux qui s’en font les propagandistes ne rappellent jamais au génie des carpettes qui lui sert de Jupin anti-boulangiste, quel contraire il a dit, par rapport auquel le tout du lendemain est la nuit ou le contre-jour de tout ce qui a précédé.

 

La République macroniste ne devait être à aucun prix séparatiste, et voici que l’autonomisme corse est approuvé et concédé après que, depuis sept ans, un pouvoir autonomiste qui ne demandait qu’à dialoguer avec la république française et qui a remporté la majorité absolue à l’Assemblée de Corse sous l’égide de Gilles Simeoni, s’est vu constamment opposer une fin de non-recevoir par ce pouvoir qui veut à présent faire une fin, à la grande vexation de Jean-Guy Talamoni, qui ravive les mannes de l’ex-FLNC.

 

Cette concession est accordée parce que la contestation d’un Prophète d’autrefois a été menée dans sa prison par le clan corse et le chef de la bande Yvan colonna, au mépris du scénario du film éponyme de Jacques Audiard, qui montrait la mainmise du clan corse sur les prisons françaises, sous le nom d’Un prophète.

 

Il est strictement interdit de contester le dogme de la culpabilité d’Yvan Colonna dans l’assassinat du préfet Erignac sous peine d’attenter à l’autorité de la chose jugée. Pourtant la peine contre Yvan Colonna est suspendue jusqu’à rétablissement du prévenu, le temps qu’il prenne le maquis  si on le fait évader de l’hôpital avant son rapprochement en Corse en cas de rétablissement. Contester, même à titre hypothétique, la culpabilité d’Yvan Colonna serait aussi grave que de contester l’innocence de Dreyfus. Et sous-entendre que l’autonomie accordée in extremis à la Corse revient à reconnaître un séparatisme comme un autre (comme le séparatisme islamiste ou comme le séparatisme ukrainien par exemple… ?) serait commettre un délit d’opinion de lèse-exécutif macroniste.

 

L’autonomie de la Corse a toujours été encouragée et l’exécutif n’est pas lâche ou opportuniste, il faut désinfecter le cerveau malade et désinformé des complotistes, ces gens dangereux pour le rythme de la partie d’échecs qu’est la diplomatie contemporaine en garde contre toutes les crises, où le droit du premier occupant, du plus fort ou du plus juste pourrait avoir le dernier mot malgré tous les constructivismes politiques. 

mercredi 9 mars 2022

Macron sera réélu dans un monde en guerre

Qui l'eût dit? Qui l'eût cru? Vous Philipe. En pleine tourmente des Gilets jaunes, certains prévoyaient que Macron serait réélu. Cela paraissait fou, mais cela va arriver. Comme dit le proverbe, il n'y a de chance que pour la canaille qui nous avait fait "rêver d'un autre monde" dont on n'a pas vu la couleur ni compris les contours, sinon qu'il se proposait de recycler de vieilles barbes, car Macron est un jeune vieux.


Qu'un président gouvernant mal soit réélu, cela est arrivé deux fois dans la Vme République et je dirais dans deux réélections sur  les trois qui ont eu lieu au cours de ces près de 65 ans. Chirac et Mitterrand, tous les deux réélus, ont touché une prime à l'inertie. Ce qu'a d'inédit cette configuration est que Macron s'est révélé un président actif. Son quinquennat fut celui des tempêtes et sa réélection se fera dans la tempête. Elle se fera au bénéfice d'une crise extérieure où Macron paraît un élément de stabilité. 


Cette prochaine réélection achève de prouver que les Gilets jaunes avaient raison et que la démocratie représentative est à bout de souffle. Non seulement elle donne les clefs du pays à un élu qui peut faire ce qu'il veut sans aucun droit de remontrance de ses concitoyens et avec un Parlement croupion qui est devenu une chambre d'enregistrement, mais quand vient le moment de réélire ce président impopulaire, il est rélu par défaut.


Et sinon, dans cette période dangereuse où tout est chamboulé, dans cette période où je ne voudrais pas être de la génération de mes parents, être né pendant la guerre et craindre de laisser à ses enfants et ses petits-enfants un monde en guerre, qui n'a rien appris  ni rien compris, qui a détruit et cassé les jouets de la Reconstruction, on peut remarquer en vrac:


-qu'un vrai problème chasse un faux problème, une guerre chasse un virus, le virus contre lequel on était en guerre, a dit Macron, mais on n'est pas en guerre contre la Russie, le belligérant dont on combat et désapprouve l'invasion de l'Ukraine. 


-Paul-Marie Couteaux avait intitulé un de ses livres "L'Europe vers la guerre". Au vu de la  promptitude européenne à s'unir contre la Russie et son aventurisme cruel et nucléaire,  on craint de voir l'Europe se faire par la guerre, elle qui nous était présentée comme un instrument de paix.


-L'Europe qui a réagi de façon émotionnelle depuis le début de cette crise. Que fallait-il faire? Prendre des sanctions contre les oligarques, faire un blocus contre la finance russe, geler les avoirs du pays, mais certainement pas récuser ses sportifs ou ses gens de culture, et certainement pas faire la fine bouche devant ses énergies fosciles et boycotter son pétrole et son gaz (la Russie va fermer le robinet avant que le prochain sommet européen ne décide dans quelle mesure l'Union  continuera de s'approvisionner chez son ennemi en oubliant les torts de l'Iran, du Qatar, du Vénézuela ou des pays du golfe).


-Emotion encore que celle qui consiste à organiser l'accueil à l'Ouest de réfugiés ukrainiens, comme si leur exode n'était pas transitoire et comme si on se résolvait à ce que la Russie ait gagné la guerre en Ukraine, ce qui sera certainement vrai militairement, mais non pas politiquement: la France a connu ce précédent en Algérie. Car on voit mal comment le régime de Poutine survivrait longtemps à sa victoire en Ukraine en étant isolé dans un monde interdépendant. Certes, la Russie a gardé une grande proximité avec l'Inde et la Chine qui forment  la moitié de l'humanité, Mais la Chine ne laisse pas de traîner les pieds à défendre la Russie et cette alliance peut-elle faire contrepoids à l'occidentalocentrisme qui définit pour l'heure l'ordre du monde? Le mot "déclin" est certes contenu dans celui d'"Occident" puisque le soleil se couche à l'Ouest, l'Europe est tellement habituée à dominer le monde qu'elle a peine à envisager l'ordre du monde qui pourrait la remplacer. Du moins l'Européen que je suis éprouve cette peine au sens propre et au sens où je n'arrive pas à me le figurer.


-L'Otan a loupé le coche avec la Russie en lui refusant l'entrée du pacte atlantique. Pourtant lorsque les Européens ont supplié les Etats-Unis de confirmer qu'ils sortaient de leur isolationnisme pour promettre de la défendre en cas d'agression soviétique, ceux-ci ont exigé qu'aucun ennemi ne soit désigné, contre lequel se constituerait l'Alliance. En droit donc, la Russie aurait pu entrer dans l'Otan. Pourtant, selon Poutine, Bil Clinton haussa les épaules quand il évoqua le sujet. 


Mais l'Europe a plus encore loupé le coche avec la Russie. Je lisais sur le blog de Maxime Tandonnet que Mitterrand, le même qui n'envisageait pas la réunification allemande et s'empressa d'abandonner Gorbatchev quand il craignit qu'un coup d'Etat n'ait rétabli le régime soviétique d'avant la Perestroïka,  avait envisagé que la Russie intégrerait l'Union européenne et avait rédigé le traité de Maastricht sinon à cet effet, du moins de manière à ménager cette possibilité. Mais la Russie n'a pas fait partie des nations auxquelles l'Union européenne proposa de s'étendre et de s'élargir. Une belle occasion perdue que celle qui aurait tracé un axe Paris-Berlin-Moscou dans une amitié aussi relative avec les Etats-Unis que n'est relative la considération qu'ont ceux-ci de leurs alliés, espionnables à merci et qui doivent lever une armée si les Etats-Unis décident de partir en guerre et de  gendarmer un pays, ou renoncer à se battre si le Congrès ne veut pas engager les soldats américains dans la bataille. Hollande en a fait les frais quand il voulut aller se battre en Syrie, et le refus d'Obama a fait le bien de la France. Hollande nous a refourgué Macron et Macron sera réélu dans un monde en guerre pour un nouveau quinquennat de tempête. 

mercredi 2 mars 2022

La campagne ukrainienne et notre campagne



     1. La guerre et les crises participent à la baraka. 

En 2002, j'écrivais dans mon "Journal intimement politique" (texte que j'envisageais de retravailler, mais à quoi bon? Quel intérêt aurait-il maintenant, sinon documentaire?) que Jacques Chirac avait beau s'y être repris à trois fois avant d'arriver au pouvoir et de n'en rien faire, le fait de se retrouver, grâce au piège mitterrandien, face à Le Pen qui servait d'épouvantail national,     au second tour de l'élection présidentielle, reléguant un Lionel Jospin qui n'avait pas démérité, tenait de la baraka d'un arriviste, finalement arrivé, mais en vain.

Emmanuel Macron a le même genre de baraka pour arriver plus vite en le désirant moins, en ayant une vision sans être visionnaire, bénéficiant de pis qu'une crise, une guerre et en se tenant à équidistance du bellicisme des "casques à pointe" et d'un pacifisme de la diplomatie à tous prix portée par un Mélenchon dont les positions sont les plus équilibrées depuis le début de ce qui nous arrive, bien que la vie aimant jouer de paradoxes, l'équilibre politique soit porté par le candidat le plus caractériel, pour qui je crois que je ne pourrai  plus résister à voter, ma religion est presque faite pour cette élection, mais je suis un très mauvais baromètre de la victoire: tous les candidats que j'ai votés ont systématiquement perdu à plates coutures.

Si Macron l'emporte, ce sera, au-delà de la chance et des paradoxes dont aime à jouer la vie, l'effet d'une sorte d'injustice transcendante, car Macron aura concentré une haine sans pareil, qui aura quelquefois fait craindre pour sa vie, au point que j'ai moi-même dû intituler un billet de blog, toute honte bue, "Macron ne doit pas être décapité" s'il doit être destitué; il aura énucléé ses gens et traité le sentiment de déclassement avec un mépris de classe inédit sous la Vème République qui était celle de l'égalité des chances  dont il feignait de se réclamer tout en étant lui-même l'archétype de l'héritier bourdieusien; il aura mis sous cloches covidienne ses Gilets jaunes rentrés à la niche; et il va repasser au prix d'une crise extérieure, où il donne l'impression de "faire le job" et d'être à la hauteur en faisant des moulinets, qui n'ont strictement aucun impact pour ramener les belligérants à la table de négociation, Poutine ayant fait une proposition (la neutralisation de l'Ukraine) qu'il ne prend pas la peine de discuter. Mais il a l'habileté  de se placer dans le camp des modérés, en mettant au premier plan rhétorique l'humanitaire au détriment de la "guerre économique" de son ministre Bruno Le Maire ou de "l'alliance nucléaire" de son autre ministre Jean-Yves Le Drian, qui mettent pourtant en musique la politique présidentielle. 

Macron a le génie de donner l'illusion de la pondération malgré son exaltation.


    2.Zemmour pâtit de son tropisme nistorien: à force d'expliquer la politique par l'histoire, il ne sait plus l'incarner et paraît dépourvu quand le présent lui impose de trouver des solutions qui pourraient l'obliger à se déjuger momentanément. L'avertissement lui a souvent été lancé, il ne l'a pas écouté, il risque d'y manger son chapeau et sous certains aspects, c'est dommage, car il n'est pas le plus incompétent. 


    3. Le seuil d'incompétence a été (à nouveau!) atteint par Marine Le Pen qui se contorsionne pour faire oublier qu'elle est poutiniste. 

Quand j'ai commencé de regarder son émission "Face à BFM" et que je l'ai entendue bégayer et paraître se pâmer de respect devant Macron au travail, j'ai bien cru qu'elle nous faisait, dès ses cinq cents signatures obtenues, une resucée du grand débat raté sans même qu'elle ait des contradicteurs face à elle, car les journalistes ne lui ont pas glissé beaucoup de peaux de banane: il leur suffisait de la faire tomber mollement de sa chaise sur l'air de Madame Michu ("le bon sens près de chez vous") et de: "Maintenant que j'ai du coeur, je suis un peu seulette. Tout le monde me fuit, cui cui, cui cui." 


    4. Elle n'a même pas pensé à exciper  que la guerre en Ukraine lui donnait raison d'avoir voulu sortir de l'Union européenne si celle-ci se mettait au service de l'escalade après qu'on nous l'eut présentée comme ayant été pensée pour éviter la guerre. 

L'Union européenne préfère en effet redonner ses chances à sa communauté de défense sur les ruines de la guerre en Ukraine que jouer les arbitres de la désescalade en pratiquant une politique de sanctions limitées aux oligarques et au système financier qu'elle étend aux mondes sportif et culturel russe, sans parler de l'interdiction de Sputnik ou de Russia today, qui sont certainement des agents de propagande de la Russie autorisés depuis quelques années, mais alors que ne s'est-on demandé s'il était normal qu'une chaîne informant sous pavillon étranger puisse le faire, plutôt que de s'insurger depuis l'élection de Trump que l'argent russe infiltrait les campagnes occidentales. Comme si  l'argent américain qui n'a pas d'odeur ne circulait pas au milieu de notre vassalité culturelle, indifférente à son addiction aux séries qui véhiculent des valeurs émollientes et qui nous hypnotisent, nous qui ne sommes même plus capables, non pas d'offrir un asile diplomatique à Julian Assange ou Edward Snowden (ce serait légitimer le hacking), mais de ne pas souffrir que notre hégémon espionne tous ses alliés jusqu'au plus haut niveau sans que cela entraîne ne serait-ce qu'une rupture provisoire et symbolique de nos relations diplomatiques pendant quelques semaines. 


     6. Cela passe comme une lettre à la poste, car l'Occident aime la paix des Lumières . En Occident, il suffit de dire qu'on est pacifique et d'être ému au spectacle de la guerre pour être au diapason d'une sensiblerie qui nie à la face des peuples que la géopolitique est un rapport de forces. Pour être un artisan de paix à l'occidentale, il faut montrer une émotion de paix. 

Et il ne s'agit plus de discuter en démocratie, surtout avec les psychopathes inaccessibles à l'émotion. La démocratie se réduit comme peau de chagrin. Mêlez-vous d'interpréter le réel et vous êtes complotiste. On ne peut même pas discuter la politique sanitaire, qu'en serait-il d'une guerre? La guerre est une affaire trop sérieuse pour qu'on la confie aux soldats, surtout si la conscription n'est plus de mise. Mais à la table des bourgeois, on entend quelquefois le grand-père saillir: "Ce qu'il nous faut, c'est une bonne guerre", mais ça glisse entre la poire et le fromage, Macron n'est-il pas le président des riches?