Pages

vendredi 30 décembre 2022

Philon d'Alexandrie et la lecture allégorique

En lisant Emmanuel Carrère, je découvre la figure de Philon d'Alexandrie, que je ne connaissais que de nom, et qui est un précurseur de notre "lecture allégorique" de la Bible. Philon propose une lecture qui intériorise le littéralisme ou le fondamentalisme de l'épopée du "peuple élu" en chemin personnel, capable de donner naissance

à ce que Philippe Dautey appellera "le chemin de l'homme selon la Bible", un itinéraire psychologique idéal, une anthropologie biblique. (Une révolution apparentée a lieu dans l'islam, qui va du "petit djihad" au "grand djihad", le combat spirituel contre soi-même.

Voici ce qu'Emmanuel Carrère dit de Philon d'Alexandrie dans "le Royaume":

"Il y avait à Alexandrie un rabbin très célèbre appelé Philon, qui avait pour spécialité de lire les Écritures de son peuple à la lumière de Platon et d'en faire une épopée philosophique. Au lieu de s'imaginer, d'après le premier chapitre de la Genèse, un dieu barbu, allant et venant dans un jardin et qui aurait créé l'univers en six jours, Philon disait que le nombre six symbolisait la perfection et que ce n'est pas pour rien si, contre toute logique apparente, il y a dans ce même livre deux récits de la Création, contradictoires: le premier raconte la naissance du Logos, le second le modelage de l'univers matériel par le démiurge, dont parle aussi le Timée de Platon. La cruelle histoire de Caïn et d'Abel l'éternel conflit entre l'amour de soi et l'amour de Dieu.

Quant à la tumultueuse liaison d'Israël et de son Dieu, elle se transposait sur le plan intime entre l'âme de chacun et le principe divin. Exilée en Égypte, l'âme se languissait. Conduite par Moïse au désert, elle apprenait la soif, la patience, le découragement, l'extase. Et quand elle arrivait en vue de la terre promise, il lui fallait batailler contre les tribus qui s'y étaient installées et les massacrer sauvagement. Ces tribus, d'après Philon, n'étaient pas de vraies tribus, mais les passions mauvaises que l'âme devait dompter.

De même, quand Abraham, voyageant avec sa femme Sarah, est hébergé par des témoins patibulaires et, pour n'avoir pas d'ennuis avec eux, leur propose de coucher avec Sarah, Philon ne mettait pas ce macrotage sur le compte des moeurs rugueuses d'antan ou du désert, non, il disait que Sarah était le symbole de la vertu et qu'il était très beau de la part d'Abraham de ne pas se la garder pour lui tout seul.

Cette méthode de lecture que les rhétoriciens nommaient allégorie, Philon préférait l'appeler tropein, qui veut dire "passage, migration, exode", car s'il était persévérant et pur, l'esprit du lecteur en sortait modifié. Il appartenait à chacun de réaliser son propre exode spirituel, de la chair à l'esprit, des ténèbres du monde physique à l'espace lumineux du Logos, de l'esclavage en Égypte à la liberté en Canan.

Philon est mort très vieux, quinze ans après Jésus dont il n'a certainement jamais entendu le nom et cinq ans avant que Luc ne rencontre Paul sur le port de Troas. Est-ce que Luc l'a lu? Je n'en sais rien, mais je pense qu'il connaissait du judaïsme une version fortement hellénisée, tendant à transposer l'histoire de ce peuple exotique, à peine situé sur la carte, en termes accessibles à l'idéal grec de sagesse."

La sagesse a intéressé toutes les époques douées de raison, même si le même Emmanuel Carrère notera avec malice que saint Paul a joué de paradoxes pour dire que Dieu la méprisait, comme Lutherqualifiera la raison de "putain du diable". C'est que saint Paul a, dans une extase, rencontré Quelqu'un qui L'a transformé en Lui. Une telle transformation n'est pas donnée à tout le monde. Nous qui, en bons matérialistes, vivons dans une époque psychologique, ne voulons pas nous transformer en l'Autre. Au mieux espérons-nous que la psychologie nous libérera des schémas répétitifs en raison desquels notre vie s'enlise dans des ornières. Mais nous en attendons plus simplement en général qu'elle facilite notre connaissance de nous-mêmes. Nous n'attendons pas de la psychologie qu'elle nous transforme en quelqu'un d'autre, ni même qu'elle ne livre les voies de l'imitation dont nous nous figurons à tort ou à raison qu'elles nous feraient nous perdre nous-mêmes. Nous n'attendons pas que la psychologie soit en profondeur un itinéraire de transformation.

La lecture allégorique a les clefs des symboles et nous ouvre les voies de la transformation. Elle est une consolation face au désenchantement du monde qui, depuis le siècle des Lumières, nous a fait voir la religion, avec la foi du charbonnier qu'on y apportait, comme une mythologie où il s'agit de convertir les symboles en réalités matériellement acceptables qui restent susceptibles d'animer nos existences.

Ainsi est-il de bon ton de déplorer que la majorité des catholiques ne croie pas en la résurrection des morts ou de Jésus-Christ. J'ai même récemment entendu un prêtre mettre en garde que si nous n'y croyons pas, nous sommes de faux témoins. Les "croyants scientifiques" aimeraient bien que la science apporte les preuves de l'existence de Dieu et le catholicisme bolloréal fait même écrire des livres à cet effet par l'un des frères du milliardaire, comme si l'apologétique n'avait pas jamais convaincu que les convaincus.

La droite catholique qui fait désormais la courte échelle à Michel Onfray après que son "Traité d'athéologie" le lui a beaucoup fait détester, lui opposait avec beaucoup de mauvaise foi Jean-Marie Salamito pour nier que Jésus soit un personnage conceptuel. Or à parler objectivement, l'histoire n'est pas à même de prouver l'existence de Jésus. Elle prouve seulement l'existence des communautés chrétiennes. C'est ce que développe Emmanuel Carrère, qui essaie d'adosser son espérance à son itinéraire de converti ayant perdu la foi. Comme je suis de ceux qu'une telle perte menace, je suis sensible à son effort, et sais gré à la lecture allégorique, qui, aux origines du christianisme, indiquat le sens spirituel des Écritures, d'être une consolation du scepticisme.

Quand bien même Jésus n'existerait que de manière allégorique, Il n'en existerait pas moins pour nous et par nous comme nous existons par Lui et pour Lui. Et sa résurrection aurait une force probatoire: nous pouvons nous "emparer de la force de sa résurrection" (François-Xavier Durwell) pour amener à la lumière ce que nos vies ont d'obscur, non pas comme saint Paul dit qu'au jugement dernier, on revêtira son bonnet d'âne en voyant exposé au grand jour ses mauvaises actions cachées, encore moins pour nous prévaloir de nos turpitudes, mais pour que nos péchés, qui nous font rater notre vie et celle des autres, soient retournés vers la lumière, eux qui ont été commis par notre part d'ombre, qui elle aussi doit connaître ce mouvement de conversion, car "la ténèbre n'est point ténèbre devant Toi, la nuit comme le jour est lumière". 

Emmanuel Carrère et moi

    Si ce n'est d'avoir écouté en m'assoupissant l'émission "Répliques" dont il éta    it l'invité ce samedi matin (https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/v-13-3416240), où se déployait une fois de plus le dialogue complice entre Alain Finkielkraut et lui-même, je ne sais quelle mouche m'a piqué d'écouter seulement cette nuit l'entretien qu'Emmanuel Carrère et vous-même vous êtes mutuellement accordé (https://www.youtube.com/watch?v=zzpC_e4nNgM). Plusieurs choses m'y interpellent :

Vous commencez par presque lui dire qu'a priori, c'était un écrivain mineur dont les livres ne vous intéressaient pas étant donné l'unanimité critique avec laquelle ils sont accueillis et non seulement il n'en prend pas ombrage, mais il veut bien s'en alarmer lui aussi. Cette audace d'interviewer me plaît et me rencontre d'autant plus que moi non plus, je ne sais pas pourquoi les médias et la littérature ont sélectionné Emmanuel Carrère (dont je n'ai encore rien lu, mais dont j'ai regardé quelques adaptations télévisuelles de ses romans, celles de "l'Adversaire" et l'émouvant "D'autres vies que la mienne". Et bien que le mystère de l'écrivain qui s'inspire de faits réels me reste presque entier pour cause d'entrée différée dans son oeuvre (mais j'envisage de lire Le Royaume, Un roman russe et son dernier opus sur le procès des attentats du 13 novembre), Emmanuel Carrère m'attire d'une façon que je n'aurais jamais supposé et que je ne comprends pas.

Dans ses réponses, il vous dit qu'il ne sait pas partir dans l'écriture d'un roman sans avoir "un sujet". En cela il me rappelle mon père dont nous nous moquions allègrement quand il partait dans une de ses tirades contre les artistes (il ne se pardonnait pas d'avoir épousé une artiste peintre, ma mère). Il avait trois choses à prouver:

- "Ceux qui se prétendaient des artistes n'étaient que des artisans." Il prenait le parti de Serge Gainsbourg dans sa querelle avec Guy Béart sur la chanson art majeur ou mineur. Il en voulait à ma mère d'avoir fait croire à ses trois fils (un joaillier accompli et deux écrivains en quête de notoriété ou d'autorité littéraire) qu'ils étaient des artistes.

- "Pour faire un bon écrivain, il faut d'abord avoir un sujet": c'était surtout cette phrase qui provoquait notre hilarité.

- Et en bonus, il nous disait que nous ne réussissions pas parce que nous nous imaginions qu'on peut tout faire tout seul: "On ne peut pas être auteur compositeur interprète, il faut déléguer, offrir ses chansons". Sur ce point, je suis certain qu'il n'avait pas tort. Je pense à telle de mes chansons qui aurait été beaucoup mieux chantée par des voix puissantes, si je les leur avais offert.

Emmanuel Carrère dit que "D'autres vies que la mienne" est le livre de lui qu'il préfère et il nous en dévoile un secret de fabrication: il a recueilli et agencé la parole du mari de la juge dont le livre raconte la maladie et la mort. Cela m'interpelle parce qu'après avoir passé un CAPES de lettres modernes et ne pas m'être vu dans la peau d'un prof, étant trop mauvais acteur ou n'ayant pas assez de présence de scène pour en imposer à des enfants, j'ai suivi une licence professionnelle d'écrivain public à la Sorbonne nouvelle que j'ai dû abandonner, ma compagne étant tombée malade. Mais le métier d'écrivain public est basé sur le recueil exhaustif de la parole de l'autre, infiniment respectée comme toutes les clauses du "Pacte autobiographique" dont parle Philippe Lejeune, l'homonyme du peintre, disciple de Maurice Denis, à qui j'ai fait lire un texte où je faisais dialoguer le regard et le vent.

Cette tentative d'études est sans doute ce que j'ai le mieux aimé faire: on ne dira jamais assez que la transcription est à l'écriture ce que la copie des partitions de ses grands devanciers fut pour J.S. Bach dans l'élaboration de son oeuvre future. La transcription est une appropriation très respectueuse, au plus près de la lettre de celui qui parle. Elle suppose une grande abnégation, car elle refuse de laisser la lettre pour l'esprit, quand bien même croirait-on comprendre ce qu'il dit mieux que le parleur. La parole recueillie est indépassable et doit être cernée au plus près. Autant je n'ai jamais compris la prétention universitaire à embrasser la totalité d'un texte littéraire, autant cet effort de respecter la parole qui n'a pas autorité m'a plu instantanément, et mon esprit aquoiboniste ne lui a jamais demandé de se justifier.

Rédigé par : Julien WEINZAEPFLEN | 27 décembre 2022 à 06:05 

jeudi 15 décembre 2022

L'homonormativité ou le tort de se banaliser

Clément Beaune, Marlène Schiappa ou encore Damien Abad dont on a voulu faire un éphémère ministre de sa minorité avant de se rendre compte qu'il avait tendance à ne pas respecter les minorités voisines, Ce gouvernement regorge de personnalités qui y arrivent avec pour tout bagage une carte d'identité individuelle: "Je suis mon genre, mes origines, mon inclination sexuelle et la minorité à laquelle j'appartiens." Cette fiche de présentation est un des signes les plus patents de notre individualisme contemporain, qui valorise la prétention à se banaliser soi-même au nom du droit à la différence,  qui prétend en réalité faire de la différence une nouvelle norme. 


"Je suis homosexuel et non seulement je ne veux plus qu'on me dise  que mon inclination sexuelle est anti-biologique ou pire, est une déviance psychologique, un trouble de l'évolution sexuelle ou une maladie, mais j'entends arborer  la préférence de mes choix affectifs ou sexuels comme une fierté."


"Je suis femme et j'ai beau appartenir à une minorité qui forme la majorité de l'humanité, je me sens victimisée et j'entends pour apaiser ce sentiment, douloureux que tous les hommes soient femmes et quand j'avance qu'on me fait des avances et que cela me gêne, quand j'affirme qu'on me harcèle, je ne souffre plus que ma parole soit mise en doute."


"Je suis handicapé. J'apporte tellement aux autres, mais les autres ne m'apportent rien. Ce que j'apporte est tellement inestimable que tout le monde devrait devenir handicapé pour apporter autant que moi à la société qui n'a qu'à se plier en quatre pour me satisfaire et me ressembler."


Non seulement on porte aux nues la banalisation de soi et son ambition normative, mais on trouve admirable que les femmes s'occupent en premier lieu de la cause des femmes, les homosexuels des homosexuels et les handicapés des handicapés. On ne voit pas que cette exacerbation individuelle est un vulgaire égoïsme social. On a toujours tort de se banaliser. 

samedi 10 décembre 2022

Cnews, "et les radios en toc

"Cnews et les radios en toc ("Sud radio", même "Europe 1" sous Bolloré) sont des agents de propagande du nouveau "politiquement correct de droite" où tout peut être dit qui ait reçu la bénédiction d'Elisabeth Lévy ou de GW Goldnadel, dont je n'oublie pas qu'il fut le censeur d'Alain Ménargues, évincé de "Radio France" parce que l'avocat sans frontières avait dénoncé son passage sur "Radio Courtoisie" où il fit la promotion de son livre contre "le Mur de Sharon". L'extrême droite a le droit d'être xénophobe à condition de ne pas être antisémite, ont décidé ces nouveaux censeurs, c'est-à-dire à condition de détester ceux que ces juifs considèrent comme des menaces contre les juifs de France, code dont tous ceux qui ont délesté leur xénophobie de l'oukaze antiantisémite font semblant de s'accommoder. Aucune xénophobie ne reçoit mon aval ni celui de ma propre graine de racisme, mais je trouve cet posture accommodante aussi, voire plus hypocrite et dégradante que les "accommodements raisonnables" que Pierre Manent envisageait que la République pourrait négocier avec les musulmans de France, eux au moins ne seraient pas dissimulés.

Ces médias Bolloré-Fiducial pratiquent une inversion du rapport de force dans leur faux pluralisme. Sont intégrés à la brochette d'éditorialistes un ancien patron du service politique de France 2 comme Gérard Leclerc qui ne nous avait jamais fait savoir qu'il était de droite du temps où il refusait des invitations à quelque parti démocratique comme directeur de l'Index public. Je n'aime pas la xénophobie, mais j'aime encore moins la fabrique des parias.

"Sud Radio" est une mauvaise imitation de "RMC" dans la splendeur d'Alain Weil où cet ami du petit patron de presse Robert Lafont (groupe "Entreprendre") avait inventé avec Jean-Jacques Bourdin un concept de "talk show" qui était peut-être un simulacre de démocratie, mais faisait se croiser sur l'agora des chapeaux à plume qui discutaient sur un pied d'égalité avec l'auditeur lambda, se fît-il appeler René, selon la caricature qu'en dressa Nicolas Canteloup. "Causeur" a fait une OPA sur "TVLibertés" et, cerise sur le gâteau, "Radio Courtoisie" se veut une pâle copie de "Sud Radio" d'avant l'éviction de Didier Maïsto dont je n'ai jamais compris les tenants et les aboutissants. André Bercoff est devenu son dieu, on se ramasse comme on peut.

Si on essaie de cerner plus globalement le phénomène, on verra qu'il arrive à ces radios de droite en préfabriqué qui populisent et pulvérisent la droite bourgeoise qui est à la sociologie politique ce que la baguette de tradition est à la boulangerie, ce qui est arrivé aux radios libres. D'abord associatives, le pouvoir socialiste qui se vantait d'avoir libéré la bande FM y permit la pub, ces radios furent rachetées une à une par des grands groupes, et aucun discours n'y fut plus tenu y compris localement. On y cultive un côté faussement transgressif, qui sur les radios libres se limite à ce qu'un réactionnaire appellerait avec dégoût la corruption de la jeunesse (cf. les émissions de libre antenne). Eh bien ces radios en toc travaillent à la corruption de la droite.  

mercredi 7 décembre 2022

La rémission des péchés et l'exception de péché

    

Bruno Retailleau ou la droite bourgeoise

Si j'avais les convictions de la droite républicaine, celle dans laquelle je suis né et que j'ai quittée par populisme viscéral depuis l'enfance (mon père me demandait souvent d'où je tenais mon côté populo), je voterais Bruno Retailleau. 


Pas à cause de ses challengers:  


-Aurélien Pradier, c'est le François Ruffin de la droite. Il a partagé de beaux combats avec le second de la France insoumise, ç'aurait pu être des combats de la droite sociale, mais il les a spectacularisés de manière à jouer toujours à contre-emploi , comme on se demande ce qui motive François Ruffin, depuis son film "Merci Patron": veut-il sauver, réhabiliter ou ridiculiser les Clur? S'intéresse-t-il au sort des femmes de ménage ou les utilise-t-il comme tremplin et comme paillasson pour prendre la France insoumise et être kalif à la place de Jean-Luc Mélenchon? Veut-il faire exploser le système ou lui opposer, en esthète, l'oeil du satiriste? Est-il un camarade de Macron ou un opposant au président de la République? Aurélien Pradier veut repeindre la droite aux couleurs  d'un socialisme philanthropique qui n'a jamais été à son goût.


-Éric Ciotti est la tortue de la fable. Ou pour reprendre les mots de Philippe Bilger, "c'est un faux dur et un homme d'appareil". Personne ne l'avait vu venir quand il décida de porter la voix de sa droite sécuritaire façon Bibi Netanyahou  et pourtant de gouvernement à l'élection présidentielle. Bruno Retailleau aime le tâcler, à présent qu'il promet de rouler pour un autre: "Si j'avais des ambitions présidentielles, je me serais présenté à la primaire come Éric Ciotti." On peut d'ailleurs douter qu'il ne veuille pas se porter candidat à la magistrature suprême après avoir ripoliné son parti, si le lièvre Retailleau parvient à remonter le retard qui le sépare de la tortue Ciotti. La dynamique électorale ne paraît pas être avec lui. Éric Ciotti paraît manquer de subtilité, mais les appréciations qu'il porte sur Emmanuel Macron et que relaye le dernier Davet-Lhomme étonnent sur sa connaissance des hommes. Il gagne sans doute à être connu et il ne faut pas le sous-estimé.


Le parcours de Bruno retailleau n'est pas si exemplaire qu'il me donnerait envie de voter pour lui si j'étais républicain, car il sera passé du villiérisme et du boutinisme à l'incarnation de la droite raisonnable, il a donc l'échine souple. Mais ce qui me fait l'apprécier est qu'il a de la tenue et de l'élégance verbale, quelque belliqueux qu'il se fasse pour les besoins du pugilat électoral. Bruno Retailleau a peut-être le charisme d'une armoire normande, mais dans une armoire normande, on conserve les souvenirs de famille. 


Avec Jacques Chirac, la droite s'est dénaturée à serrer les mains vachardes du franchouillard blanc cassis aux comices agricoles et à mettre la main au panier des vaches. Elle s'est dénaturée d'une autre manière par le côté "énergéticien" (comme le qualifiait Tony Blair) de Nicolas Sarkozy. Elle se dénaturerait si elle mettait son attention sociale au premier plan comme voulait le faire Aurélien Pradier et comme savait le faire Valéry Giscard d'Estaing, le social étant dans son ordre, au second plan. 


La droite est bourgeoise et c'est cet ancrage que Bruno Retailleau veut lui redonner. Je suis gaulliste à la façon tautologique de Paul-Marie-Couteaux: j'aime que les choses soient ce qu'elles sont, que la Russie soit la Russie, que Fécamp soit un port de pêche et entende le rester,  que la bourgeoisie soit de droite et que la droite soit l'appareil de la bourgeoisie, une bourgeoisie philanthropique qui ne s'est pas perdue de vue, comme cet autre rejeton de la bourgeoisie qu'est Emmanuel Macron, lequel incarne, malheureusement pour lui et pour nous et come je l'ai souvent écrit, cette perdition de la bourgeoisie. 


Sur les ruines de mon populisme, je suis attaché aux valeurs dans lesquelles j'ai été élevé. C'est pourquoi, si j'étais républicain, je voterais Bruno Retailleau.  

lundi 5 décembre 2022

Nathan Devers, portrait d'un inconnu

Justice au Singulier: Entretien avec Nathan Devers (philippebilger.com)


Exercice très intéressant pour moi que d'entendre le portrait d'un inconnu, car Nathan Devers était un inconnu pour moi, qui n'a pas passé sous silence vos qualités de maïeuticien, cher Philippe Bilger. Vos entretiens sont un portrait qui se fait à deux, où le peintre que vous êtes fait bouger son modèle  en fonction des couleurs, les vôtres, que vous avez par instant l'intention de lui donner en laissant deviner vos obsessions.


Ainsi, détachez-vous ensemble une définition de l'intellectuel qui relève d'une passion de penser en lisant ou en écrivant. Souvent je me suis demandé si je ne dégraderais pas en lisant la terre vierge que je voulais être en écrivant. Nathan Devers  répond qu'"il n’y a rien de plus illusoire que de croire qu’on pense par soi-même quand on [ne fait que penser] à partir de soi-même." Penser le monde en soi comme j'ai voulu le faire en écrivant un journal politique hors sol, notamment (question de circonstances résidentielles) depuis un lieu en face duquel résidait Lionel Jospin qui publia quelque temps plus tard "le Monde comme je le vois", c'est, dit Nathan Devers, "déplacer le monde dans des univers parallèles" et créer des "Liens artificiels" en s'étant coupé du réel", à moins qu'on ne voie jamais si bien le monde qu'en le pensant depuis la bulle d'où on en entend parler et où on le connaît par ouï dire.


L'intellectuel est un scribe qui, depuis les premiers "docteurs de la loi" évoqués dans l'Evangile, change le monde en en ruminant les interprétations ayant fait autorité. "La philosophie n'a pas de lieu" et la pensée prend tout le temps qu'elle veut. La pensée est un monastère d'intercession intersubjective, car ces monades que sont les moines sont destinées à former une communauté devant soutenir le monde pour lui éviter les revers, dans sa trajectoire d'un "de" à un "vers", de la fixation dative  d'un être réduit à l'effigie vers l'être en mouvement qui se décline à l'accusatif: "Engagé, levez-vous."


Nathan Devers a de la chance de lire pour admirer et de ne pas écrire pour se mesurer. Je l'envie, moi qui suis mû par le désir d'intervenir. Pour lui, le commentaire n'est pas le double emploi besogneux que fait le scribe après que l'écrivain a trouvé les mots pour dire le fait du monde dans le langage de l'événement qu'il a traduit dans son oeuvre. Je conçois qu'on puisse lire Proust en étant jaloux de Proust, tout en voulant exercer avec lui sa mémoire involontaire pour nager dans le même bain de compréhension du monde et de soi-même. Proust était un phénoménologue et j'aurais voulu être un phénomène. Ma chute m'a fait sombrer dans le délire dans lequel c'est par les mêmes mots que commence et que finit le livre de Camus. Marchenoir l'a écrit un jour, ma place est à sainte-Anne, la mienne et celle de commentateurs de mon acabit qui se déversent quand personne ne leur a rien demandé. Mais il est plus facile de ne pas éprouver d'envie et d'être admiré quand on a pu entrer dans le monde sans passer par la fenêtre ou sans casser la porte. C'est la chance de Nathan Devers et la chance fait partie du talent.


L'homme heureux qu'est cet auteur en vue n'a pas encore dû solliciter la philosophie pour le consoler de l'effondrement de Dieu et de la gifle de voir son désir de sens douché par la vanité de l'être. Mais vanité n'est pas vacuité. L'homme déplace en Dieu l'irrésolution de son aporie entre l'immutabilité statique et le devenir mutant, dans l'histoire mobilisatrice. L'être ne naît pas dans le vide, mais doit se ramasser dans l'apparence de vacuité qu'est la vanité humiliante et sur ce sol qui ne se dérobe pas au contraire de l'Europe qui est sans fondement, creuser le sillon de sa gloire qui ne pèse pas en découvrant le sens de sa trajectoire. 

vendredi 2 décembre 2022

Y a-t-il un fascisme juif?

Dans une chanson intitulée "la Guerre" chantée par Jean-Marie Vivier, Jehan Jonas  mettait dans la bouche de la guerre qu'il prosopopait: "Il suffit pour qu'ils s'autorabent (les hommes)

De leur parler de juifs ou d'Arabes." Mettez le fascisme là-dessus et le cocktail Molotov est prêt à s'enflammer. Fais-je donc bien de relayer la question en prenant prétexte de ce que deux articles s'en emparent, l'un pour valider cette notion de fascisme juif,


Eva Illouz, sociologue : « La troisième force politique en Israël représente ce que l’on est bien obligé d’appeler, à contrecœur, un “fascisme juif” » (lemonde.fr),


l'autre pour contester que cette notion soit valable dans le monde juif:


Non, il n'existe pas de «fascisme juif» - Causeur


Il m'a souvent semblé que le fascisme était un épouvantail que tout le monde agitait sans trop savoir ce que c'était. Il y a certainement de bons essais qui peuvent nous aider à en discerner la nature, celui de Marc Lazare entre autres, mais je ne les ai pas lus, c'est une lacune que je devrais combler, mais le temps manque même et surtout à ceux qui le perdent.


Je croyais savoir que le fascisme avait dans l'idée de tendre toutes les énergies d'un pays donné vers la réalisation d'un but patriotique, ce qui ne me semblait pas de mauvaise politique, mais j'avais oublié qu'il fallait y sacrifier la démocratie. Étant depuis l'enfance partisan de la démocratie directe, je ne pourrai jamais m'y résoudre. À cela s'ajoute ce que j'ai redécouvert à la faveur du centième anniversaire de la marche sur Rome: le fascisme est arrivé par la violence politique, ce qui diffère peut-être de degré du terrorisme que l'on trouve à l'oeuvre dans certaines organisations juives d'avant l'avènement de l'État d'Israël telles que l'Irgoun. Mais qu'est-ce que le terrorisme? C'est la guérilla contre un ennemi dont les troupes groupusculaires considèrent qu'il lui fait la guerre. C'est peut-être aussi une guérilla étrangère, par quoi le terrorisme se distinguerait de la violence politique. La violence est à condamner d'où qu'elle vienne. Dès lors que le fascisme émerge de la violence politique et repose sur l'abdication de la démocratie, je ne peux plus avoir la tentation d'être fasciste si tant est que la mouche m'ait piqué, non par anticommunisme, mais par incompréhension que le communisme auquel on n'a jamais fait le procès qu'il méritait se dise antifasciste.


Peut-il ou non y avoir un fascisme juif? Selon Eva Illouz, le mouvement sioniste religieux de Ben Gvir coche toutes les cases: "il voit dans la violence un recours légitime pour défendre la terre, la nation et Dieu. Il affiche un mépris ouvert pour les normes et les institutions démocratiques."


Eva Illouz prétend que Benyamin Nétanyahou est un populiste de droite « conventionnel" à la Orban ou à la Trump. Mais ne sommes-nous pas, avec ce terme de "populisme", face à une nouvel non identification politique qui embrouille le débat plus qu'il ne le clarifie? Et Viktor Orban, mais surtout Donald Trump, ne constituent-ils pas un nouvel objet politique? Par exemple, existe-t-il une solution de continuité entre un Jean-Marie Le Pen et un Donald Trump?


Eva Illouz note que les juifs ultraorthodoxes restent le partenaire "naturel" d'une coalition formée par le Likoud de Nétanyahou. S'y ajoute la "troisième force" des "sionistes religieux". Il y a comme un oxymore dans cette coalition d'adjectifs. Car le sionisme n'était à l'origine un mouvement laïque qu'en ce qu'il forçait la main à Dieu pour arracher sa promesse de la terre d'Israël à la communauté internationale. Pour beaucoup de juifs, la "terre promise" pouvait n'être qu'une métaphore. Pour d'autres encore, la promesse était assortie de la pratique d'une éthique qui justifiait que l'on possède la terre. Les juifs se vivent souvent comme garants d'une éthique universelle qu'ils ne mettent guère en pratique dans leurs institutions politiques. En témoigne le fait colonial proscrit pour tous les autres peuples, mais qui continue de se banaliser en Israël. Les "sionistes religieux" ont pris acte qu'Israël n'est pas un Etat laïque. "Les ultranationalistes antisionistes "voulaient démanteler l’Etat d’Israël et le remplacer par le royaume de Juda." C'est en effet plus biblique. Les "sionistes religieux" sont des "nationalistes religieux". Mais n'est-ce pas tout le judaïsme qui a tendance à être un territorialisme universel? 


Que valent donc ces sionistes religieux auxquels on ne paraît pas vraiment habitué en Israël? Quand je m'y suis rendu avec mon frère et ma belle-soeur, un prêtre qui semblait se sentir placardisé à Nazareth nous dit d'aller visiter un village d'artistes, c'était une villepeuplée par des juifs ultraorthodoxes. Nous les vîmes sortir d'une longue étude de la Torah, ils paraissaient en transe et de joie, nous invitèrent à danser dans une petite maison qui avait son entrée à même la ville. Il n'y avait rien d'artistique dans leur mise, si ce n'est la transe où les mettait l'étude. Quand j'ai appris qu'au nom du fait qu'ils avaient toujours refusé le sionisme, les juifs orthodoxes avaient obtenu d'être exonérés de toute obligation militaire, je me suis dit qu'ils prenaient tous les avantages de l'existence d'Israël sans en accepter les inconvénients et je ne les en ai guère estimés. Je n'oserais dire que les sionistes religieux de ben Gvir me paraissent plus estimables par contraste, mais je les trouve plus conséquents. J'aime les radicaux qui vont au bout de leur logique. Quiconque séjourne une fois en Israël ne peut plus croire en une solution à deux États dont se berce le monde pour ne pas régler un conflit qui promet d'être multiséculaire si on le règle par le statu quo. L'observateur extérieur que je suis plaide pour  une double-étatisation d'Israël où les ressortissants israéliens dépendraient de l'État d'Israël et les Palestiniens, non de l'autorité, mais de l'État palestinien. Les sionistes religieux n'adhèrent pas à la fiction des Arabes israéliens. "Le rabbin" américain qui les influença "prônait trois solutions au problème des Arabes : ils pouvaient rester en Israël avec un statut juridique inférieur de « résident étranger » ; partir avec une compensation financière du gouvernement ; ou être expulsé de force." On est aux antipodes du droit au retour et au plus extrême d'une légitimation d'Israël, État colonial. 


Israël est-il un régime d'apartheid?

 Pour contrebattre l'indignation d'Eva Illouz qui appelle "fascisme juif" ce sionisme religieux, Marc Benveniste fait appel à Unberto Eco, qui nous explique enfin comment "Reconnaître le fascisme". "L’énumération de ces critères montre que ce qui est « juif » est fondamentalement à l’opposé du fascisme", assène-t-il. Il en veut pour preuve "l’acceptation des différences d’origines dont les mondes ashkénaze et séfarade [seraient] l’illustration." C'est sans compter avec le mépris des ashkénazes pour les sépharades et désormais pour les juifs issus de l'univers russe, qui n'est rien auprès de celui qu'ils ont pour les Falachas. Nous en fûmes témoins, partageant la cantine d'une auberge de jeunesse avec des écoliers falachas et leurs maître et éducateurs, qui les surveillait comme on fait de la pègre, l'arme au poing, mais désinvoltement serrée contre la ceinture du professeur principal, à l'opposé de la même scène observée avec de jeunes ashkénazes, qui étaient gardés comme la prunelle par leurs éducateurs. Sans parler des Palestiniens qui ne sont pas à proprement parler dans une situation d'esclavage, mais d'esclavage symbolique. Ils travaillent en Israël et leurs patrons ont souvent l'air d'être en bons termes avec eux,  mais ils ne sont pas bien considérés et il est dégradant de travailler pour des gens que l'on considère peut-être comme des ennemis.


Le deuxième critère de reconnaissance qu'avance Unberto Eco pour identifier le fascisme est facile à prendre en défaut: il s'agirait du "refus du modernisme". Comme si le fascisme n'avait pas couvé le futurisme et n'était pas une forme d'archéofuturisme.


Je ne sais pas s'il y a un fascisme juif, mais j'observe que les communautés juives ont lutté bec et ongles pour faire barrage à l'extrême droite en Europe tant qu'ils purent soupçonner celle-ci d'être antisémite. Et puis l'extrême droite qui peut faire feu de toute xénophobie trouva plus stratégique de se désantisémitiser. En France, le RN est devenu presque fréquentable quand Marine Le Pen renia les dérapages verbaux de son père, Serge Moati qui sympathisait avec le vieux briscard retiré à Rueil-Malmaison ne pouvant avaler d'être "l'enfant du détail". Éric Zemour dut à sa judéité de pouvoir monter aussi vite en qualité de représentant de l'extrême droite française en subissant des vexations pour en appeler à la guerre civile, mais sans être aussi maltraité que Jean-Marie Le Pen. Et Israël compte aujourd'hui un gouvernement d'extrême droite.

samedi 26 novembre 2022

Les athées sont-ils malheureux?

J'ai perdu et retrouvé la foi précocement, j'avais une dizaine d'années, et la foi est la grande affaire de ma vie. Je dois néanmoins témoigner que je ne me suis jamais senti plus libre et heureux que quand j'étais athée. Je m'étais libéré du besoin de trouver un refuge et je me sentais très fort. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle les libertins "les esprits forts".

La deuxième ou troisième fois que j'ai joué de l'orgue en public, c'était à l'abbaye Notre-Dame de Jouarre à la demande des bénédictines dont la soeur organiste faisait défection, car elle devait soigner sa mère. La troisième messe que je jouai était célébrée par le Père Gustave Martelet, disciple de Teilhard et conseiller au concile. Je pris le train de Paris avec lui et avec une de ses amies peintres qu'il avait emmenée assister à sa conférence de carême chez les soeurs, sur la Résurrection sans laquelle "vide est notre foi". Il m'incita à lire son livre intitulé "Création et évolution" (ou le contraire, je ne sais plus). J'y découvris la pensée de Feuerbach, vrai théologien négatif, pour qui, pour simplifier, ce n'est pas Dieu qui a créé l'homme, mais l'homme le lui a bien rendu, en ce sens que l'homme a créé Dieu à partir de tous les manques qu'il ressentait en lui. L'homme n'était ni ineffable, ni impassible, ni immuable, ni éternel, ni omniscient, ni autosuffisant, ni tout-puissant, alors il a donné toutes ces qualités à Dieu. Mais si l'homme a l'idée de toutes ces qualités, c'est que le manque n'est pas total et que l'homme quoiqu'ils lui manquent, possède tous ses attributs. Savoir qui de Dieu ou de l'homme a créé Dieu revient à poser la question de la poule et de l'oeuf.

Une chose pour moi est certaine: le mysticisme relève d'un transport dont on ne revient pas, en sorte que, quand on a découvert Dieu ou qu'on croit l'avoir découvert, on ne peut pas s'en détacher, se fût-on senti plus libre été et plus heureux avant d'avoir fait cette rencontre, réelle ou postulée.

Le Père Martelait émettait dans son livre une autre hypothèse intéressante. Comme Bergson, il ne croyait pas dans les localisations cérébrales de l'esprit. Néanmoins il disait que la mort corrompt tout l'homme, excepté l'esprit. Il ne disait pas que l'âme est immortelle, mais il pensait que l'esprit est immortel, car seul l'esprit échappe à la mort. 

mardi 22 novembre 2022

Gad elmaleh n'est pas une prise de guerre

Le problème d'une conversion, c'est l'effet prise de guerre. Gad Elmaleh n'y résiste pas mal.

Dans la littérature, Gide a mis en scène cet effet prise de guerre à travers le personnage d'Enthime Armand-Dubois dans "les Caves du Vatican", qui reprenait sans doute l'affaire Léo Taxil.

Une conversion contemporaine spectaculaire est celle de Véronique Lévy, la soeur de Bernard-Henri Lévy, qui résiste si peu à l'effet prise de guerre qu'elle semble assumer, par ses diverses publications, d'avoir été récupérée par la frange la plus traditionaliste de l'Eglise catholique. Plus dure risque d'être la chute. L'anonyme que je suis l'en a avertie par voie épistolaire et cybernétique. Mon avertissement est resté lettre morte. Peut-être qu'il ne la concerne pas, car ce que vit Véronique Lévy est suffisament solide, son mysticisme est suffisamment enraciné, c'est tout le mal que je lui souhaite.

Gad Elmaleh chemine dans un milieu qui ne m'est pas a priori sympathique: l'église sainte-Cécile de Boulogne, tenue par les "petits gris" de la Communauté Saint-Jean, sur laquelle ont pesé suffisamment d'accusations d'abus, notamment en la personne de son fondateur, le Père Marie-Dominique Philippe, pour que la communauté ait été mise à l'amende vaticane. Elle n'a pas bien accompagné, m'a-t-il semblé, une de mes amies qui y était très engagées, était fragiles et paraît s'y être un peu perdue. Mais quand j'écoute le prêtre accompagnateur de Gad Elmaleh, je lui trouve une liberté de parole qui me surprend agréablement. Je l'ai notamment entendu dire que l'acte liturgique se déroulait comme une pièce de théâtre, ce qui est sans effet sur la vie ordinaire.

Quant à gad Elmaleh lui-même, il n'attend pas d'avoir choisi de demander le baptême pour expliquer dans un film qu'il chemine vers le catholicisme. Il le fait au pire moment pour l'Eglise, il ne le fait pas pour sa retape personnelle ni pour la retape institutionnelle, l'Eglise est trop atteitne. Il n'a donc rien à y gagner et beaucoup à y perdre. Mais surtout il le fait en conservant sa liberté de parole: il ne vient pas vers l'Eglise comme un bon catéchumène qui confesserait une foi en Jésus qui sauve. Il y vient en professant une foi mariale, or l'essence du christianisme n'est pas la reconnaissance de la déesse mère ou de Marie, mère du Sauveur, ce n'est pas l'adhésion indifférente à un Dieu masculin ou féminin, c'est l'adhésion au mouvement de Jésus qui descend et se vide de Ses prérogatives divines pour se mettre à hauteur d'homme et soulever l'homme à hauteur de Dieu et lui faire retrouver sa Ressemblance divine.

Gad Elmaleh ne célèbre pas "une histoire juive qui a réussi", il vient au secours d'une histoire juive au moment où celle-ci paraît rater à vues humaines, bien que l'institution qui la porte ait connu beaucoup d'autres crises au cours de son histoire et celle-ci n'est certainement pas la dernière.

mercredi 16 novembre 2022

La bouffée anti-épiscopale

« L’Église demeure la seule institution qui assume sa responsabilité systémique dans les abus sexuels » (la-croix.com)


Qu'on se le dise, "aucun sacrement n'empêche de pécher." Aller à la messe ne fait pas de vous un saint de vitrail ni chanter la liturgie des heures ne présuppose que vous êtes un ange. Se confesser devrait engager davantage.


"Qu’on puisse attendre l’exemplarité des hiérarques, certes. Mais qu’on se scandalise qu’il n’en soit pas ainsi, c’est faire preuve d’un angélisme naïf qui passe par pertes et profits deux mille ans d’histoire, et qui estime que le présent et le futur ne verront jamais se reproduire les hontes passées."  Ca fait du bien de l'entendre.


"Que ces affaires remettent en cause l’attachement à l’Église, l’historien ne peut que l’entendre et le constater. " Mais l'attachement à l'Eglise ne devrait pas se confondre avec la conservation ou la perte de la foi. Or il me semble qu'à l'occasion de cette crise, beaucoup mettent leur foi dans la balance. Elle manque de solidité si elle tient à si peu que le péché des puissants et des hommes sur lesquels le psalmiste nous avertit qu'il ne faut pas compter. Et si la foi manque de solidité, c'est qu'elle ne vacille pas assez, comme ferait le roseau qui plie mais ne rompt pas. La maison fidéiste semble avoir été bâtie sur le sable des structures ecclésiales et non sur le roc du Christ tête.


Je ne peux que me désolidariser de la "bouffée anti-épiscopale" actuelle. Je suis de ceux qui reprochent aux traditionalistes de se rêver catholiques sans se vouloir apostoliques. L'orthodoxie dogmatique des catholiques mainstream est plus flottante, mais s'ils cessent en plus d'être apostoliques, que restera-t-il d'eux?  Car ils n'ont pas combattu comme Jeanne d'Arc pour dire: "Évêque, c'est par toi que je meurs." Ils n'ont pas dénoncé des évêques qui leur débitaient de la mauvaise sociologie à longueur de communiqués au lieu de parler du ciel à leurs âmes qui n'avaient pas soif de théologie fondamentale. Qu'on appelle ça sécularisation ou d'un autre nom, on voit le résultat et il est désolant pour parler comme les exercices spirituels, c'est-à-dire qu'il est affligeant.


Car si encore les laïcs se distinguaient de leurs clercs en ce qu'ils n'abusent jamais personne! Mais si sujet à caution statistique soient-ils, les chiffres de la CIASE parlent d'un tiers des abus commis par des laïcs en responsabilité dans l'Église. Cela n'est jamais évoqué, car cela ne permet plus de dénoncer le cléricalisme. Or "le cléricalisme, voilà l'ennemi!" comme dirait François-Gambetta. En l'occurrence, le cléricalisme n'est pas le sujet principal et si l'Église a une responsabilité institutionnelle dans ces scandales, c'est moins parce qu'elle ne les dénonce pas devant les tribunaux civils que parce qu'elle les permet, en demandant à des hommes, ses clercs, de se soumettre à une discipline impraticable. 


mardi 15 novembre 2022

Luc Ferry, comme si tout lui était dû...

Quand j'écoute cet entretien,


Justice au Singulier: Entretien avec Luc Ferry (philippebilger.com)


je comprends pourquoi je ne supporte pas d'écouter Luc Ferry où qu'il plastronne. Je ne peux pas dire que je n'aime pas le lire, je ne l'ai jamais lu. Je ne peux pas présumer de ses qualités philosophiques en termes de connaissance de la discipline, j'en manque trop cruellement pour avoir une quelconque expertise en ce domaine. Il parle de "l'idéologie allemande" avec l'air d'être chez lui dans "la Phénoménologie de l'esprit", je n'ai jamais lu Hegel dans le texte ni même en traduction, je ne l'ai approché qu'à travers ceux qui voulaient bien le décoder pour moi. 


Mais il est dégoulinant de mondanité:  il se prétend  l'ami de tout ce qui compte et il se reprend quand par hasard il oublie d'appeler Régis Debray "Régis", pour suggérer une intimité qu'on ne supposait pas. Il finit par avouer qu'andré Comte-Sponville est le seul philosophe de tout le PIF (paysage intellectuel français) auquel il se pique d'être agrégé de gré ou de force. 


Il commence par qualifier Marcel Gauchet de philosophe avant de se reprendre "C'est le seul universitaire" [de la bande]. Longtemps il gratifie Alain Finkielkraut du titre de philosophe avant de le disqualifier: "C'est un grand intellectuel. C'est vrai qu'il n'écrit pas mal, enfin il a des bonheurs d'écriture. C'est un grand intellectuel, comme Victor Hugo, qui lui aussi est un grand intellectuel" et doit avoir une oeuvre au moins supérieure ou égale à celle d'Alain Finkielkraut...


Quant à la formation de notre discoureur, on le voit "quitter très tôt le lycée" et dix ans plus tard, enseigner à la rue d'Ulm  et raccompagner Raymond Aron qui l'appelle "Luc", non pas paternellement, mais  comme un pair. Il y enseigne bien qu'il ne soit pas normalien et qu'il ne fasse pas mention de sa carrière universitaire.


C'est tout naturellement qu'il est conseiller des princes. IL ne veut pas se baisser pour ramasser un portefeuille de ministre. Mais son épouse, que "tout le monde veut [lui] piquer" et sans laquelle il ne serait rien,  lui a fait valoir qu'"il avait des idées" et qu'être ministre lui permettrait de les faire avancer. Ses idées, il ne s'en souvient plus très bien, il en dénombre trois, la lutte contre l'illettrisme et j'ai oublié les deux autres. Tout bien considéré, il veut bien être ministre, mais c'est à condition de se voir offrir le plus grand ministère de l'Education nationale qui ait jamais fleuri sous la cinquième République, car il ne lui suffit pas d'être à la tête du premier budget de l'Etat: il veut que toute la jeunesse tombent à ses pieds avec les universités,  et il veut être nanti de deux ministres délégués. Ses idées, il ne réussit pas à les faire avancer: les élèves ne savent toujours pas lire, mais c'est dans son bureau, excusez du peu et vous êtes prié de ne pas rire, que se négocie la réforme des retraites avec François Fillon dont le bureau est trop petit bien qu'il soit ministre des affaires sociales. Mais on doit traiter de l'avenir des fonctionnaires, donc on va voir Luc Ferry, c'est tout naturel, car tous les fonctionnaires travaillent pour le ministère de l'Education nationale, comme chacun sait. 


Seul le secrétaire général de la CFDT trouve grâce à ses yeux et à ceux de son collègue Fillon. Quand les négociateurs envoyés par les syndicats ont quitté la table des âpres négociations, à trois heures du matin, les deux ministres éreintés prennent ensemble un petit whisky et trinquent à leur commun mépris de leurs partenaires du jeu social: "Les cons", trinquent-ils, à la manière de Dalladier. "Et dire que c'est pour eux que nous faisons tout ça." Car Luc Ferry, qui avouait ne rien connaître en économie, peut vous le jurer maintenant, lui qui a tout compris en quelques mois de ministère, au budget de l'Etat et aux affaires publiques: si les partenaires sociaux n'acceptent pas les conditions du gouvernement, il n'y aura plus rien, c'est plié,  dans leurs caisses de retraite et ils pourront se brosser. Les syndicats se mettent en grève, les fonctionnaires grognent et Luc Ferry est exfiltré.  La presse de l'époque bruissait du fait que Jacques Chirac avait eu tort d'aller le chercher: il hante les salons et parle de l'illettrisme, mais il ne travaille pas ses dossiers et fait craquer le mammouth.


Quand j'écoutais Luc Ferry et Jacques Julliard commenter sans la comprendre la crise des Gilets jaunes, cette révolte des déclassés, je trouvais qu'ils avaient mal tourné et m'étonnais que tant de beau savoir se répande en tant de cuisante incompréhension. Maintenant je comprends pourquoi je ne les comprenais pas et, privilège de l'âge, je pardonne plus à Jacques Julliard. 

lundi 14 novembre 2022

Affaire Hanouna-Boyard ou quand c'est la téléréalité qui se mêle de faire l'opinion

Extrait de "la Croix":"Humiliation


https://www.la-croix.com/France/Cyril-Hanouna-multirecidiviste-petite-lucarne-2022-11-14-1201242019


"Humiliation 

En juin 2017, l’émission a été condamnée à ne pas diffuser de publicité pendant une semaine à la suite d’une séquence dans laquelle le chroniqueur Matthieu Delormeau s’est retrouvé en « situation de détresse et de vulnérabilité manifeste », selon le CSA. Des images tournées en caméra cachée le montraient témoin d’une fausse agression mortelle commise par Cyril Hanouna, qui le suppliait ensuite de s’accuser du crime. Matthieu Delormeau n’a été informé de la manipulation que le lendemain, en direct."


#Meto télévisuel:

"Durant une émission « TPMP », Cyril Hanouna avait proposé à une chroniqueuse de se bander les yeux, puis de le toucher en devinant de quelle partie du corps il s’agissait jusqu’à ce qu’il lui fasse poser les mains sur son entrejambe."


Cyril Hanouna s'est fait connaître dans le sillage de Michaël Youn. On pouvait trouver de mauvais goût "l'esprit Canal", on peut difficilement soutenir qu'on ait gagné au change après le rachat du groupe  par Vincent Bolloré.


Celui-ci a-t-il trahi l'esprit Canal? Oui, si on compare ce qu'avaient fait André Rousselet et Pierre Lescure de la chaîne privée créée sous les auspices de François Mitterrand. Mais non, si l'on se souvient que celui-ci avait vendu la Cinq au plus offrant, sylvio Berlusconi, qui importa sa vulgarité en politique pour y faire la carrière que l'on sait en tant que premier ministre fantoche à la tête d'une coalition de la droite italienne. Le fascisme avait donné à l'Italie l'habitude de la droite caniveau, ce n'était pas dans la tradition française. C8, la chaîne de Cyril Hanouna, est la vitrine de sa petite soeur plus sage, Cnews, qui n'en vaut pas mieux.


Le 21 avril 2002 coïncidait avec le premier "Loft story". On a fait sortir les lofteurs pour dire tout le mal qu'ils pensaient du vote de leurs concitoyens dans la consternation générale qui faisait suite à ce premier tour. C'était la téléréalité jugeant la politique. Benjamin Castaldi qui présentait le Loft est chroniqueur chez Cyril Hanouna. Avec ce dernier, on a franchi un pas et c'est la téléréalité qui fait de la politique. Mais Hanouna est sans opinion. Il s'est zemmourisé parce qu'Éric Zemmour était devenu la créature de son employeur. Avant, il faisait les yeux doux à Emmanuel Macron.


La téléréalité fait comme les libres antennes pour les jeunes, lesquelles sont généralement animées plus que modérées par des professionnels du talkshow qui ont depuis longtemps cessé d'être jeunes. ON y parle indifféremment blessures affectives ou psychologiques, positions politiques et sexuelles. On y met tout sur le même plan. La raison a perdu l'habitude de les discriminer... 

mardi 25 octobre 2022

Champs Élysées

En écho au billet de Philippe Bilger:

Justice au Singulier: Confessions intimes, pour quoi faire ? (philippebilger.com)


Les confessions intimes se développent avec le narcissisme de plus en plus assumé de "la société des individus" réduits à eux-mêmes, mais  ce n'est pas  un phénomène récent. Je me souviens de mes samedis soir sans fièvre où, aux côtés des miens et parce que ma marâtre aimait lire "Paris match", nous regardions "Champs élysées". La marque de fabrique de Michel Drucker, qui présentait ce rendez-vous du samedi soir,  était d'interroger les stars sur des films que le commun des téléspectateurs ne verrait jamais, à plus forte raison quand il s'agissait de pièces de théâtre qui se jouaient à Paris. ET à propos de ces prestations d'acteurs, on demandait aux stars en leur passant de la pommade d'étaler comme de la crème leur état d'âme du moment en trouvant toujours parfait le tournage du film pour la promotion duquel ils faisaient le service après-vente. Que le tournage ait été parfait et le réalisateur solaire, je n'y croyais plus et n'en avais cure. Je me demandais fort inélégamment à propos de la bobologie physique et mentale des stars qui n'avaient, soit jamais, soit trop le moral: "Qu'en avons-nous à faire?" Et de m'étonner à chaque fois que les stars soient égoïstes! 


Il s'agissait  d'enraciner l'impression qu'on était en famille. Cela m'a été confirmé par un épisode qui se racontait dans la sphère de déficients visuels un peu artistes où j'évoluais. L'un de nous, Michel Bertrand qui n'est aujourd'hui plus de ce monde, avait écrit des chansons formidablement orchestrées et voulait les défendre sur scène. Quelqu'un qui le connaissait alla pour lui voir Michel Drucker qui lui répondit: "Ah, c'est un aveugle ? Mais nous avons déjà Gilbert Montagné." Comme une politique des quotas qui n'aurait pas dit son nom. Et comme un jeu des sept familles où si vous aviez demandé: "dans la famille des stars, je demande l'aveugle", on vous aurait décoché Gilbert Montagné, par lequel la plupart d'entre nous ne se sentaient pas bien représentés.


Le choc du 21 avril 2002par lequel la société française avoua son profond malaise eut pour conséquence immédiate que "toutes les autorités civiles et religieuses" se sentirent obligées de mettre en garde les Français contre un vote désastreux. Toutes sortirent du bois. La "famille des stars" ne fut pas en reste. Elle semonça le peuple français qui avait "pété à table" (dixit Élisabeth Lévy avec son élégance habituelle dans son célèbre (sic) éditorial d'entre-deux tours: "L'antifascisme ne passera pas. (Depuis, le cryptofascisme est passé par elle et l'éditorialiste es passée de "Marianne" à "Causeur" et du chevènementisme au marinisme.) "Ce n'était pas bien, ce qu'avaient fait les Français, il ne fallait pas les y reprendre", dit maman. Les petits frères et les petites soeurs furent également commanditées pour donner leur avis stupéfait et on les fit sortir du loft, même Sandra qu'on appelait "super tebé" sur "Fun radio". La famille des stars nous redonnait bonne conscience, car Josiane Balasco était notre conscience. Notre conscience, c'était leur égoÏsme. 


Il était urgent de réélire les présidentiables issus de "l'arc républicain" ou du "cercle de la démocratie", disait François Hollande, ceux qui nous avaient compris en mode "je vous ai compris". À cause de "l'inégalité intellectuelle" de nos hommes (sic et "Faute!", cria le juge de ligne) politique? (Bruit de buzer, car j'ai dit "homme" en embrassant les femmes, or le neutre n'existe plus.)


Peut-on parler comme vous le faites d'"inégalité intellectuellede notre personnel politique quand on ne saurait avancer qu'il y ait "inégalité des races", (l'inégalité des races est un terrain miné), même en étant simplement différencialiste? En 1995, j'avais un lecteur et un ami, riche possédant de la grande bourgeoisie qui n'avait pas perdu ses valeurs, propriétaire de la moitié d'un immeuble du VIème arrondissement, qui était un grand supporter d'Édouard Balladur et aimait  me communiquer son enthousiasme (qui m'était naturel à moi aussi) pour ce parleur modéré d'entre "la poire" (c'était son côté Louis-Philippe) et le fromage. Monsieur Lorin aimait à me répéter que Balladur était "une belle mécanique intellectuelle" qu'il opposait à Alain Juppé: "Il pige, mais il ne comprend pas", d'où selon lui les grèves de 1995. 


En 2017, Emmanuel Macron remplaçait Alain Juppé, c'est-à-dire que leurs espoirs étant douchés, les partisans d'Alain Juppé se reportèrent sur Emmanuel Macron qui nomma Édouard Philippe à Matignon, lequel était moins mordant, moins cassant que son "chef". Édouard Philippe fut nommé comme un premier ministre de la proximité par un président de l'éloignement qui revendiquait une parole à la rareté jupitérienne pour corriger son défaut de disertion légendaire qui se montrerait plus tard dans les prestations présidentielles  de sept heures (top chrono, qui dit mieux?) au cours du Grand monologue par lequel le président entendait exorciser les Gilets jaunes. Or voici que malgré un premier ministre proche et dont la proximité corrigeait le défaut de son mentor en politique, cet Alain Juppé qui ne savait pas "fendre l'armure", les Gilets jaunes furent le pendant des grèves de 1995 et cette jacquerie des classes moyennes inférieures infériorisées aurait pu donner une révolution si elle ne s'était pas lassée un mois trop tôt et si le Covid n'avait achevé de la renvoyer à la niche. Quant à Emmanuel Macron, on le comparait à Giscard et à Rocard, mais l'intérêt en moins pour ses concitoyens (Emmanuel Macron n'"aime" pas "les gens" comme son prédécesseur, l'adversaire de "la finance"). Macron, c'est Giscard et Rocard avec en plus le blingbling bêtement émerveillé d'être là, au milieu de vieux happy few qui font cortège à Brizitte. 

mercredi 14 septembre 2022

Le populisme selon Dominique Reynié


Le problème avec les définitions de Dominique reynié, c'est qu'elles sont imprécises, mélangeant du structurel et du conjoncturel.

 

Le choix du mot "populisme" est le premier sujet à caution. Le populisme devrait être l'essence de la démocratie puisque celle-ci est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Mais ne trouvant pas le mot de "démagogue" ou de "démagogie" au service de ce qu'il voulait discréditer (parfois le mot juste nous reste sur le bout de la langue), le premier sociologue ou éditorialiste qui a balancé, puis popularisé le mot de "populisme" a intenté sans le savoir un procès à la démocratie.

 

Examinons quelques-unes des pièces de ce procès. Et d'abord, le populiste donnerait-il effectivement le pouvoir au peuple s'il arrivait qu'il parvînt au pouvoir ? Je voudrais le croire, mais quelque chose me dit qu'il l'affirme aussi longtemps qu'il se pose en tribun de la plèbe. Que notre plébéien devienne un patricien dictateur et il pourrait oublier ses promesses de partager le pouvoir. Pour autant, est-il démagogique de recourir au référendum ? Je ne vois pas pourquoi, tant que le référendum n'est pas un plébiscite qui conforte un pouvoir personnel.

 

Examinons maintenant les termes de la définition de Dominique reynié.

 

« Le qualificatif de populiste désigne les partis qui cherchent à tirer profit de la crise en développant un discours contre les "élites", contre les immigrés, contre l'euro, contre l'Europe, contre la globalisation, contre les économies budgétaires, etc. » (in "Populisme, la pente fatale", Paris, Plon, avril 2011).,

 

"Le qualificatif de populiste" s'appliquerait donc à des "partis" et non à une attitude. Pourquoi ?

 

Que font de mal ces partis ? Ils "cherchent à tirer profit de la crise", c'est-à-dire qu'ils se repaissent des problèmes qu’ils posent sans y apporter de solutions? N’est-ce pas un procès d’intention ?  Dominique Reynié ne se pose pas la question. Il n'examine pas les solutions des populistes, il s'en prend au "discours" qu'ils développent en qualité de "[profiteurs] de crise".

 

Qui vise le discours produit par ces partis ? "les "élites", les immigrés, l'euro,  l'Europe, la globalisation, les économies budgétaires, etc.»

 

Les élites ou les immigrés sont des constantes de la société, mais les autres éléments visés sont conjoncturels. IL y aura toujours des " élites",  des immigrés et une Europe, par contre on peut sortir de l'euro et la zone euro peut éclater, et même si le fait est improbable, les nations peuvent se lasser de la "globalisation" et chercher à sortir de l'interdépendance pour retrouver une identité propre. Seul l'Occident n'a rien d'animiste et se délecte de l'internationalisation des goûts et des couleurs, de la standardisation de la culture et de l'impersonnalisation du producteur et du consommateur. Pour faire aimer leur musique, il arrive que des Japonais ou des Africains lui mettent une sauce ou une farce internationale, mais elle ne perd jamais tout à fait son sel. "Adieu ma concubine" reste un opéra chinois comme les films de bollywood n'ont repris que certains éléments de la culture américaine. Nous lui sommes beaucoup moins résistants, l'américanisation nous a beaucoup plus gagnés et rendus serviles que le reste du monde, comme nous en avertissaient Baudelaire ou Léon XIII.

 

Dominique Reynié introduit des éléments conjoncturels dans sa définition du populisme et cela me semble être une erreur de méthode, sinon une légèreté.

 

Est-ce que, selon Dominique Reynié, un gouvernement sain serait nécessairement favorable a tous les items qu'étrille le populisme et donc aux "élites", aux immigrés, à l’euro, à l'Europe, à la globalisation et aux économies budgétaires ?

 

D'abord, pourquoi Dominique Reynié met-il le mot "élites" entre guillemets ? Nierait-il, comme l'aurait dit Bourdieu (mais Dominique Reynié est beaucoup plus centriste et ne réduit pas, àjuste titre, la sociologie à un rapport de dominateurs à dominés), qu'un capital culturel distingue les héritiers et se transmet de manière à sécréter des élites dominantes issues de la bourgeoisie, qui est l'aristocratie républicaine ayant recyclé à son profit les privilèges arrachés aux nobles et abolis sous la Révolution? Certes, à présenter les élites sous un jour aussi peu amène, je puis difficilement poser la question qui suit : pourquoi le populisme se forge-t-il systématiquement contre les élites ? Bien sûr, si l’on pense que les élites ne sont à la fois pas issues de la méritocratie républicaine et qu’elles sont déconnectées du réel, on ne peut pas les aimer. Mais est-ce une fatalité ?

 

Ayant fait un sort aux élites, voyons quel est celui des « immigrés ». Les premières roulent-elles nécessairement pour les seconds ? Les associer dans le « discours » produit par les partis profiteurs de crise dans un immigrationnisme fantasmé est certes un facteur de dissociété et de dissolution de la société, mais il ne faudrait pas oublier que, jusqu’à l’après-Seconde guerre mondiale, l’histoire a toujours été xénophobe. C’est une lente désaccoutumance que de changer de paradigme. Si les partis populistes s’y refusent dans leur « discours », tout comme à abandonner le parler poissard, on peut en conclure qu’ils se comportent comme des alcooliers qui soulent le peuple des restes de sa haine recuite en le méprisant, mais aussi que le populisme prouve à son corps défendant que le nationalisme ne peut être que xénophobesous peine de ne pas être. Et si le nationalisme est xénophobe, c’est que le nationalisme, c’est la guerre.

 

Vouloir vaincre le RN n’est pas une condition suffisante, mais nécessaire  et quand on lit le rejet des déracinés qui ont le malheur d'"avoir des origines", on en sent la nécessité poignante. Mais ceux qui semblent ne pas vouloir le faire, ou voudraient bien le faire, mais abordent continuellement les thèmes serinés par le RN, cèdent à un réflexe de fascination dans l’attrait sémantique duquel je ne puis me défendre de croire que consiste le fascisme, qui est une sorte de fascination des archaïques.

 

 

Reste à examiner trois items. L’euro n’est-il pas une monnaie condamnée de naissance du fait de la disparité des niveaux de vie des pays qui se sont réunis pour l’adopter et n’est-il pas une trappe à bas salaires, à inflation et à baisse du pouvoir d’achat, bref à grand déclassement des classes moyennes inférieures, à l’origine de la crise des Gilets jaunes ? L’ »Europe », que Dominique Reynié confond avec l’Union européenne, n’est-elle pas en train de mourir de sa bureaucratie et de ce que les peuples n’en veulent pas parce qu’elle s’est faite dans leur dos ? L’Europe a été faite pour brider des peuples peu pacifiques, et les passages sur l’Allemagne que contient le livre de Robert Schumann, Pour l’Europe, dont l’auteur était un catholique mosellan, ne dissimulent pas qu’il s’agit d’éviter que le démon belliqueux des Allemands les reprenne. Un projet fait pour brider un élan immaîtrisé est condamné à ce que ceux qu’on veut brider demandent qu’on leur lâche la bride. Les peuples veulent consumer leur histoire de manière débridée.

 

Si l’Europe se défait comme elle en prend le chemin, le naturel des grandes aires d’influence reviendra au galop. Le Brexit en a donné le signal et la mort d’Élisabeth II rappelle l’existence du Commonwealth. L’Allemagne est attirée vers la Mitteleuropa et la France a la francophonie pour faire communauté au sein de la latinité. Nicolas Sarkozy n’aurait jamais dû entraîner l’Allemagne dans l’Union méditerranéenne qu’elle a peut-être détruite. L’implantation des valeurs occidentales dans une Ukraine de koulaks consuméristes montre que ce genre de greffe ne prend pas à côté d’un Empire russe qui veut se reconstituer sur une arche de valeurs conservatrices plus en rapport avec la réalité que le monde reconstruit qu’on veut nous imposer de toutes pièces jusque dans la négation des genres.

 

Ce »nouveau monde » (« libéral conservateur » ?) est-il assujetti à l’interdépendance économique ? Il semble que oui et que la révolution des transports s’allie à la révolution numérique pour que la circulation des personnes n’aille jamais aussi vite que celle des biens, mais soit tout aussi inévitable.

 

Qui peut être contre « les économies budgétaires » ou la baisse des dépenses publiques ? Pas plus les partis populistes que les partis dits de gouvernement. Mais si « le cercle de la raison » décide que la compétitivité doit primer sur l’affectation des recettes de l’État aux dépenses de santé, au maintien de l’hôpital et de l’école, de la police et de la justice, à un service public qui tienne sur ses agents et sur ses guichetiers pour tenir la route, au lieu de privilégier les ronds de cuir, pondeurs de normes, sans être démantelé par un État dérégulateur, les partis populistes sont-ils infondés à dire que l’on pratique une politique d’austérité injuste, même si la campagne de Jean-Luc Mélenchon a promis un arrosage tellement général que le tournant de la rigueur qui s’en serait suivi aurait été d’autant plus douloureux ?

Bref, il existe un discours alternatif qui ne cherche pas tant à profiter des crises qu’à trouver d’autres solutions pour vivre les crises sans affecter le moral du peuple et du pays, et c’est ce que Dominique Reynié s’entend à ignorer dans sa disqualification très tempérée, façon Fondapol, dont les études accusent une certaine superficialité, de l’objet populisme. 

samedi 10 septembre 2022

La France en deuil d'une reine

    1. Elisabeth II a accompli "un destin qui a sublimé la royauté et parfois même suscité, dans d'autres pays, l'envie de changer de régime..." (Philippe Bilger))

Et pourquoi pas dans le nôtre? Je suis rien moins que monarchiste, mais notre fascination pour la monarchie britannique fait que rappeler les princes de la maison de France ne semble pas même nous effleurer. Nous suffit-il qu'Élisabeth II ait été notre reine par procuration, au point de nous faire oublier la notion de perfide albion ou pire encore d'ennemi héréditaire? Élisabeth II nous aurait-elle fait oublier Jeanne d'Arc, parce que ses attitudes "l'avait constituée comme un membre de notre famille, de cette communauté universelle qui sait, sans s'égarer jamais, pleurer ceux qui méritent authentiquement de l'être"? (PB) d'où vient que nous ne savons pas juger les gens de leur vivant, mais que l'opinion ne se trompe jamais sur les morts? 


    2. Élisabeth II était à la fois fidèle au Commonwealth et à l'Union européenne, dont elle avait discrètement arboré le drapeau pour dire son opposition implicite au Brexit. Pourquoi le Commonwealth est-il resté le grand oublié de tous ceux qui s'opposaient farouchement au Brexit? Les citoyens britanniques peuvent-ils être simultanément attachés à ce qui reste de leur empire et faire allégeance à ce qui devrait être leur destin commun du fait d'une proximité géographique et parce que le marché commun avait fait de l'Union européenne son partenaire commercial le plus proche? Le commerce n'a-t-il pas partie liée avec cette zone d'influence que l'Empire britannique, tel un nouvel Empire romain, garde encore de nos jours sur "la moitié du monde connu", dans une union dont le souverain britannique n'est pas le souverain universel, mais ce n'est pas nécessaire à son influence...? Pourquoi la France a perdu le souffle de croire en la francophonie, comme on oublie que le Royaume-Uni croit au Commonwealth? La francophonie n'est-elle pas la sphère d'influence naturelle de notre pays comme le suppose François Asselineau avec un souffle convaincant? Que nous y croyions si peu a fait porter à la tête de la francophonie une ancienne ministre rwandaise cependant que le Rwanda quittait la francophonie pour rejoindre le Commonwealth, et cet événement ne nous fait pas réfléchir? La Grande-Bretagne, dont on a dit qu'elle avait colonisé sans se faire aimer et que l'opinion publique européenne voyait isolé après le Brexit, continue de maintenir avec ses anciennes colonies un lien vivant, pendant que nous nous berçons de l'illusion lyrique et gaullienne qu'il y avait un pacte entre la grandeur de la France et la liberté du monde... Nous avons cru que le Brexit faisait de la Grande-Bretagne un pays fini tandis qu'il lui donne des perspectives et que c'est la bureaucratie européenne qui fait mourir l'idée européenne de sa belle mort au moment où elle croit malin d'acheter un seul type de vaccins génétiquement invasifs pour lutter contre la Covid ou d'adopter des sanctions contre la Russie au risque d'une escalade mondiale à l'occasion de la guerre en Ukraine. 


    3. Beaucoup ont dit que la reine Élisabeth était impénétrable. On la dit également de François Hollande ou d'Emmanuel Macron. Mais il n'y a pas la même qualité dans la manière dont ces personnages sont impénétrables: nos deux derniers présidents le sont en cultivant un mystère où il n'y a rien à percer; Élisabeth II l'était dans une transparence que montrait sa voix cristalline, qui n'a guère changé au fil des ans, sauf lorsque les ravages de l'âge avaient inévitablement modifié sa voix, mais non pas la clarté de son âme.



    4. Celui que nous devons désormais nous habituer à appeler Charles III nous adressé dans son "Discours du roi" un portrait de sa mère dont il nous disait qu'elle adorait les traditions, mais savait épouser les évolutions qu'avait introduite la transformation des moeurs, avec laquelle fut obligée de composer la monarchie anglaise. Tel est le conservatisme de la reine, devant arbitrer entre des coutumes qu'elle voulait continuer de suivre à la lettre, et une évolution qui la laissait parfois pantoise et devant laquelle elle ne savait comment réagir. Martin Buber dit que "l'homme a soif de continuité". Combien c'est vrai ! Mais le conservatisme n'est pas à l'abri des surprises et quand on est pris de cours, on fait des erreurs. Nécessairement la reine s'est trompée en ne voulant pas faire passer ses émotions à force de pudeur! 


Élisabeth II a su rester fidèle au serment qu'elle avait fait à l'âge de vingt et un ans de servir ses sujets et d'accomplir ses devoirs. Elle bénissait ceux qui sauraient le comprendre et essayer de suivre sa trace. Puissions-nous être de ceux-là! 

jeudi 1 septembre 2022

Macron, l'homme qui en rajoute

Justice au Singulier: Apologie d'un président qui ne pourra pas changer... (philippebilger.com)


"Comme si, avec lui, il convenait d'aller plus loin, plus profond dans l'analyse, en franchissant le mur séparant le privé et le public". (PB) 

Mais non, il ne convient pas. Parce qu'en  lui, il n'y a de profondeur que celle qui dissimule l'homme et le projet publics pour nous perdre dans la diagonale du vide de l'homme privé, dont la "personnalité" n'est pas "forte", mais le charisme oui. 


Chercher à percer le charisme, c'est s'engloutir dans le mystère d'un souffle, d'une bombe qui souffle tout sur son passage, sous prétexte d'aura et de dandysme, à commencer par la seul chose qui devrait nous intéresser en politique: les idées ou le projet, ah ce fameux "projet". 


Emmanuel Macron n'a pas plus de fond que François Hollande, mais plus on analysait l'un, plus on avait envie d'en retrancher dans l'illusion de profondeur qui était censée se rattacher au pourquoi cet homme était devenu président. Cet homme n'était que "flou", il n'était pas un "loup". Au contraire, pour comprendre Emmanuel Macron, qui devint présidentiable du jour même où il fut nommé ministre, on a toujours envie d'en rajouter dans la complexité ou dans l'énigme, car lui-même ne cesse d'en rajouter pour nous perdre. 


Analyser François Hollande, c'était se condamner à l'appeler "Pépère". Tomber dans le piège de deviner qui est l'homme privé Emmanuel Macron avec sa Brigitte en bandoulière, c'est ne pouvoir s'empêcher de l'appeler "Jupiter" ou "Vulcain" si tel est son bon plaisir, tant cet homme qui en rajoute (et le "en même temps" n'est qu'un rajout permanent) nous pousse dans nos retranchements. Mais ce rajout permanent est une diversion.


"Il faut être économe de son mépris étant donné le nombre de nécessiteux", disait Chateaubriand. Cet homme nous méprise tous au point de paraître le seul nécessaire. Il ne se "rapproche" jamais de nous, c'est lui qui nous "éloigne" de lui. Il ne "déteste" pas les "intrusions psychologiques" destinées à en déchiffrer l'énigme. 


Je ne crois pas qu'il soit homme à croire en la supercherie analytique, cette thérapeutique apophatique qui ne vise pas à la connaissance de soi, mais à nous faire prendre conscience de notre manque ontologique. 


Emmanuel Macron ne se manque pas à lui-même, le nihilisme le satisfait come l'autre pôle de l'infini, mais il veut nous manquer. 


Et il ne manque pas sa politique, il la continue  avec une régularité de métronome ou d'horloge, car pendant que nous cherchons à savoir comment il peut être le "maître [du temps]", pendant que nous voudrions le résoudre pour trouver la solution à ce problème qu'il nous est devenu, il continue à nous en poser, en étant heureux de nous faire opérer cette diversion pour le laisser gouverner comme il veut. 


Emmanuel Macron s'est acclimaté à son mistère, il en rajoute pour nous occuper à le percer, pendant qu'il continue à nous raboter machiavéliquement et sans état d'âme, car ce qu'il y a de profond en lui, c'est qu'il n'a pas d'affect. C'est plus que du mépris de classe: pendant que nous sommes occupés à le sonder, lui sait qu'on perd son temps à savoir quelle est l'ossature idéologique ou dogmatique d'une personnalité charismatique, qui n'est là que pour nous abuser. 

lundi 22 août 2022

Y a-t-il une immigration heureuse?

Commentaire publié sur le blog de Philippe Bilger au pied de l'article "Changer l'état de droit pour protéger les Français.."


Justice au Singulier: Changer l'état de droit pour protéger les Français... (philippebilger.com)


    1. "On nous a changé Gérald Darmanin". Le croyez-vous ? De même que, selon moi, Emmanuel Macron est un président beaucoup plus transgressif que ne l'était Nicolas Sarkozy, l'activisme que déploie Gérald Darmanin est fait pour ressembler à la manière dont son ex-mentor présidentiel s'est haussé du col, à cette notable différence  que Nicolas Sarkozy ne changeait jamais et faisait sourire quand il essayait de nous persuader du contraire, alors que Gérald Darmanin est un mutant, là encore comme Emmanuel Macron, qu'il peut dire tout et son contraire, qu'il peut se revendiquer de son ascendance musulmane et faire les gros bras pour dire qu'on ne tolérera plus rien de cette communauté. Il peut se dire "plus raide que Marine Le Pen", n'aura jamais la bêtise de tomber comme Christophe Castaner pour avoir voulu se prosterner au plus fort de l'affaire George Floyd et Black  Livesmatter, mais aucune des postures de Gérald Darmanin ne paraît sincère, ne sonne juste ni ne semble dire la vérité de son être ou de ses convictions. Gérald Darmanin est un être interchangeable et un mutant comme son nouveau mentor présidentiel est l'homme du "en même temps" (j'aimerais mieux que l'on dise l'homme de l'antithèse par opposition à son prédécesseur direct François Hollande, l'homme de la synthèse). S'il y a une vérité de Gérald Darmanin, elle nous a sauté au visage lors de son interview par Apolline de Malherbe où dans son "ça va bien se passer", on croyait entendre la parole d'un violeur en puissance, et les accusations de celle avec qui il aurait passé une nuit dans l'espoir d'un passe-droit devenaient tout à coup crédibles.


    2. Au gré des mutations de Gérald Darmanin, vous notez "qu'"on apprend ce qu'on savait déjà mais qu'on occultait : un étranger sur deux est coupable de délinquance à Paris comme à Marseille, sans compter la malfaisance des Français "de papier"." Un étranger sur deux, c'est énorme. Votre statistique paraît ne pas souffrir l'équivoque qu'un crime et délit sur deux serait commis par un étranger. Mais si tel est le constat, qu'est-ce qui vous distingue, mais encore plus qu'est-ce qui distingue le néo-macronisme incarné par le ministre de l'Intérieur du Rassemblement national? Qu'est-ce qui permet de continuer à vouer ce partie aux gémonies,  d'autant plus que, dans sa quête de respectabilité toute nouvelle, il vote nombre des textes présentés par la majorité relative, laquelle est embarrassée et ne veut pas compter ses voix, qui lui sont pourtant bien utiles pour faire passer ses textes. 


    On a vu que quand LR s'est mis, dans la roue de Darmanin, à parler d'immigration plus durement que le Rassemblement national, la droite s'est rendue détestable aux Français qui n'ont pas voulu voter pour elle. 


    3. "On relève que cette évidence sur l'immigration irrégulière est enfin formulée : autant il faut lutter sans faiblesse contre elle..." 


Est-ce vraiment contre l'immigration irrégulière qu'il faut lutter ou plutôt contre l'anarchie migratoire tout aussi paperassière avec les immigrés clandestins que l'administration ne l'est avec les Français et les habitants bien installés en France, qu'on leur reconnaisse ou non la qualité de citoyen? Ne faudrait-il pas leur reconnaître massivement cette qualité comme préalable à leur intégration? N'est-il pas temps d'instaurer le vote des étrangers comme une garantie de notre qualité d'accueil? Et la priorité n'est-elle pas d'empêcher de nuire "les emmerdeurs"? 


    Il y aurait à cet égard une série de mesures à prendre qui feraient l'unanimité:


-expulsion des fichés S;


-abolition de la double peine de façon anti-sarkozienne: extradition des étrangers pour qu'ils exécutent la peine prononcée par la justice française dans leur pays d'origine; et fin de l'octroi de visas si les pays d'origine ne veulent pas accueillir leurs ressortissants qui se seraient mal comportés ici;


-expulsion des délinquants étrangers.


Ces trois mesures sont simples à mettre en oeuvre, seule l'expulsion des fichés S pose un problème juridique, pourquoi ne les prend-on pas?


NB: 1. J'ai écouté l'autre soir un épisode d'un podcast d'Europe 1

intitulé "Mon client et moi", qui était édifiant. Des pirates somaliens étaient jugés en France après avoir pris possession du bateau d'un couple de Français en 2012, assassiné l'homme et torturé la femme. L'avocate du Somalien qui est une homonyme du journaliste Fabrice Arfi y racontait un cas typique de masochisme d'avocat pour un étranger aux besoin duquel elle a subvenu de ses propres deniers, qui la récuse, la rappelle, et dont elle obtient une peine de six ans de prison au lieu des vingt-cinq ans requis par l'avocat général au vu de la sauvagerie de cet acte de piraterie. Elle dénonçait ses conditions d'incarcération et déplorait le "déracinement" de ce détenu malade et suicidaire, mais pourquoi ces pirates sont-ils jugés en France et non pas en Somalie? Quels accords bilatéraux l'interdisent?


NB 2. On nous a changé Georges Fennec. Pourquoi cet ancien magistrat et député devenu chroniqueur à "Cnews" ne prône-t-il plus "la tolérance zéro" par laquelle il s'était fait connaître?


4. "autant il convient de favoriser l'insertion des étrangers dont la présence ne dégrade pas mais honore notre pays." (PB) 

Je vous rejoins sur le principe, mais me pose une question: y a-t-il une immigration heureuse? Les binationaux n'ont pas seulement le séant entre deux chaises. S'ils pouvaient parler librement et n'étaient pas enjoints de répéter comme un mantra leur attachement à la France qu'ils aiment tant, ils diraient qu'ils sont plus attachés à la nationalité de leur pays d'origine qu'à la France qu'ils prétendent aimer de tout leur coeur, mais qu'ils quittent pour retourner au pays ou au bled dès que les vacances se présentent. Je suis triste qu'ils ne s'y enracinent pas et ce n'est pas seulement parce que mon auxiliaire de vie est actuellement dans une Algérie que j'aimerais visiter avec elle et qu'elle me manque. 


    Les "étrangers qui nous honorent" font-ils partie de ce que Nicolas Sarkozy appelait "l'immigration choisie" et qui n'est que le nom aimable du pillage des ressources humaines des pays du Sud pour y trouver la main d'oeuvre qui nous manque et pourvoir les emplois qui ne le sont pas, parce que l'Education nationale ne forme plus ni de médecins ni de manoeuvres ou d'ouvriers, malgré la centaine de millier d'élèves qui en sortent chaque année sans qualification en vue d'une mort sociale qui, comparaison n'étant pas raison, équivaut chaque décennie au million et demie de morts réels de la Grande guerre? 


    5. Vous voulez simplifier l'Etat de droit et en éliminer la procédure en ne vous faisant pas d'illusion sur le fait que votre voeu est un voeu pieux et pour cause. L'Etat de droit, c'est  la procédure, le protocole, les droits opposables et le salmigondi législatif qui fait que, si un justiciable est de mauvaise foi ou volonté, il fait traîner les choses et comme beaucoup de gens ignorent qu'on doit demander l'exécution d'un jugement après qu'une peine a été prononcé, il est rarement inquiété, fût-il condamné. Cette substitution de la procédure à la loi est l'ultime dégradation de la civilisation chrétienne en religion de la loi qu'on peut dater de Montesquieu si on veut en donner un début de périodisation historique.


Un de mes amis aime à dire que s'il était président de la République, il ne ferait jamais voter une loi sans en avoir abrogé dix autres. Les parlementaires ou les ministres qui lisent à leurs heures perdues ce blog bien fréquenté  devraient en prendre de la graine. 

vendredi 12 août 2022

Introduction à Houria Bouteldja

J’ai écouté hier soir ce qui pourrait me servir d’introduction à la découverte d’Houria Bouteldja que Bernard Antony a tellement décriée qu’elle a fini par m’intéresser. J’ai entendu pour la première fois le son de sa voix. Elle est née la même année que moi. J’ai ensuite essayé d’écouter sur Youtube ce que je trouvais sur elle. Je suis tombé sur une analyse de son livre les Blancs, les Juifs et nous par Michel Drac, un drôle de bonhomme qui semble s’écouter enregistrer des critiques littéraires au milieu de son jardin venteux d’une campagne du Sud de la France où des « bestioles » venaientchercher à le piquer. Bel effort de cet homme qui se définit comme « quelqu’un qui essaie de comprendre ». (La dernière fois que j’ai entendu quelqu’un se définir « comme quelqu’un qui », c’étaitmon médecin généraliste et autant je ne lui ferais pas de confidences sur mon intimité, autant j’ai trouvé que cet effort était touchant.)

 

Houria Bouteldja a « un style un peu bordélique », dit Michel Drac et ça paraît exact. Mais ça s’explique : elle s’inspire de Jean Genet, non pas pour déverser son fiel, mais pour offrir son alternative au nationalisme étatique des Blancs. Ce qu’elle écrit (à quoi je n’ai pas encore accédé) me paraît devoir être lu comme la parole ou les cris d’un poète indigné.

 

La prémice qui me touche chez elle (et ce pour quoi j’aimerais la lire) est qu’elle dit « avoir perdu son intégrité à jamais », une première fois en 1492 et une seconde fois en 1830.

 

Trois entailles dans sa jambe faites avec la bénédiction (symbolique) de sa grand-mère la rattachent au patriarcat et à l’Algérie dont se sont exilés ses parents en subissant l’humiliation que « les Arabes, lui disait son père, sont la dernière race avant les cafards. »

 

Elle ne veut pas embrasser l’universalisme du féminisme occidental parce que les hommes qui perpétuent le patriarcat auquel elle est reliée sont dans une strate intermédiaire entre la « femme indigène » et « la femme blanche ».

 

Étant prise dans un conflit de loyauté et devant s’occuper de trouver du travail (pourquoi serait-ce à elle de toute assumer ?) et de ses petits frères en prison (pourquoi y sont-ils ?) ou des violences policières dont ceux-ci sont les victimes (pourquoi considère-t-on dans les milieux de l’immigration qu’il y a un rapport de forces nécessaire et systémique entre les jeunes et la police ? Rapport de forces dont est rempli le déjà vieux film la Haine de Mathieu Kassovitz (1995)), elle estime qu’il faut substituer au féminisme occidental le « négo-féminisme » théorisé par certaines femmes africaines, un féminisme intra-communautaire où les luttes se négocient une fois que la communauté est émancipée. Car il y a une hiérarchie victimaire dans le rapport de dominants à dominés installé par Bourdieu comme stade d’analyse ultime d’une sociologie victimaire.

 

Houria Bouteldja est « dégoûtée » par les Français et jure (mais elle parle alors au masculin) que si c’était à refaire, jamais elle ne reprendrait le chemin de l’exil. (Des femmes maliennes de Montreuil ont fait la même confidence à une écrivain public qui recueillait leur parole, mais lui ont répondu qu’elles ne pouvaient pas prendre le chemin du retour au Mali, car elles avaient des enfants en France, dont la vie était ici et dont elles ne voulaient pas se séparer.)

 

Elle invite les Blancs à la rejoindre dans son combat par « amour révolutionnaire » qui ne soit pas « amour de cœur ». Elle ne considère pas qu’elle a le postérieur entre deux chaises même si elle est attachée à son Algérie natale par le lien ancestral évoqué plus haut. Elle estime que le nationalisme est quelque chose qui doit être dépassé, mais elle ne révoque pas son algérianité au nom de la blessure indélébile que lui ont infligé « la blanchité » et « le système politique blanc ».

 

Michel Drac en conclut qu’ »elle ne sait pas très bien où elle va ». C’est vrai, mais ça passe parce qu’Houria Bouteldja est une femme et qu’elle prend la parole au nom des « femmes indigènes », même si, après s’être livrée à une première provocation en parlant des « souchiens », elle détourne en sa faveur le terme d’ »indigène », comme si le colonialisme ne devait jamais être pardonné alors que le nationalisme installé par l’Occident comme plus grand commun dénominateur des luttes doit être dépassé. En effet, les « indigènes » de la République » sont les autochtones ou les « souchiens » en rigueur de termes. Houria Bouteldja, elle, est une allogène.

 

Elle n’en veut pas aux « racistes de PMU » qu’elle invite à la rejoindre dans une alliance « des beaufs et des barbares ».(Henri Hude appelait en 2013 à une hybridation d’alliance entre les électeurs de Mélenchon et les partisans de « la Manif pour tous ». Moi qui aime les parias, j’ai été sensible à cet appel.)

 

Elle appelle enfin les juifs à faire cause commune avec elle, estimant qu’ils sont un élément dominé en France, même si la mémoire de la Shoah, qui exonère les bourgeois des autres crimes qu’ils ont commis,  leur permet d’instruire le procès de la « blanchité ». Ils doivent dépasser le sionisme, choisir l’Orient plutôt que l’Occident, les Sépharades plutôt que les Ashkénases et les Falachas de préférence à tous les autres.

 

Houria Bouteldja écrit-elle une bouillie féminine un peu foutraque et dangereuse ? Je crois que cette zemmourienne à l’envers est une éveilleuse, pourvu qu’on ne tombe pas entièrement sous sa séduction.

 

(1)    Les Blancs, les Juifs et nous (Houria Bouteldja) - YouTube

(1)    Best-of Twitch: Dany & Raz, Houria Bouteldja, Cassandre, Wissam, Samir, Yessa... CQLB Ep1S1 - YouTube

 

Livre/ Houria Bouteldja : "Les Blancs, les juifs et nous" - Financial Afrik

 

Houria Bouteldja est-elle une héritière de Charles Maurras? Par Alexandre de Galzain - Tribune Juive

 

 

mardi 9 août 2022

Les commissions d'enquête parlementaires

Je viens de visionner une enquête sur les commissions d'enquête... (tautologie? Redite?) parlementaires diffusée par #PublicSénat.


https://www.publicsenat.fr/emission/les-commissions-d-enquete-3151


    1. Le plus clair du documentaire est consacré à la commission d'Outreau qui aurait dû faire l'objet d'un reportage à part entière. Car la conclusion d'acquittement, à laquelle la Cour d'assises a abouti, et qui fut à l'origine de la "commission d'Outreau" poursuivant la réhabilitation des prévenus de ce procès, est aux antipodes, non seulement de l'instruction à charge du juge #Burgaud,bouc émissaire de cet épisode judiciaire, mais de l'accusation tous azimuts qui court depuis #BalanceTonPorc et #MeTo chaque fois qu'un "comportement inapproprié" ou une agression sexuelle sont signalées au mépris du droit à la défense des prévenus présumés. Les réseaux sociaux sont devenus un juge Burgaud tentaculaire et il suffit que quelqu'un prétende être la victime de quelqu'un d'autre pour que la réputation de l'agresseur présumé  soit ternie sans repentance, que les faits soient avérés ou non. 


Ou bien le procès d'#Outreau a accouché d'un juste jugement et il y a opposition entre ces deux attitudes, ou cet acquittement massif de quasiment tous les prévenus a bafoué le droit de l'enfant à etre cru et entendu sans présomption d'affabulation ou de manipulation, et le juge Burgaud avait raison d'instruire à charge, le Parquet a  bien fait de le promouvoir et il faut réinstruire cette affaire.


     2. Mais il y a plus grave. Â quoi servent les commissions d'enquête parlementaire? 


    Celle d'#Outreau devait accoucher d'une "réforme de la justice" dont #AndréVallini aurait dû être le maître d'oeuvre en tant que garde des sceaux sous #FrançoisHollande qui lui a préféré #ChristianeTaubira, et les préconisations de la commission d'Outreau promettaient un "plus jamais ça" comme toute indignation vertueuse réagissant comme une catharsis après une erreur manifeste de gouvernance ou un abus de pouvoir ou d'autorité, ici de l'autorité judiciaire. 


    2. Le documentaire traite ensuite de l'affaire #Cahuzac. Les parlementaires reprochent au principal intéressé de ne pas avoir répondu à leurs questions touchant à l'instruction du procès en cours, pendant laquelle s'est déroulée la commission d'enquête. Or c'était non seulement le droit de cet ancien ministre, mais son devoir, comme c'eût été celui des commissaires de ne pas faire interférer l'enquête parlementaire  sur l'enquête judiciaire. 


    Le choix de #Cahuzac, d'abord comme président d'opposition de la Commission des Finances sous #Sarkozy, puis par #FrançoisHollande comme ministre du budget, alors que l'on sentait chez lui une fibre socialiste d'implantation (sic, chez ce spécialiste des implants capillaires) plutôt superficielle, dénonce plutôt la tendance, chez ce président socialiste qui parlait beaucoup et n'aurait pas dû dire tout ce qu'il a dit, et aurait mieux fait de se concentrer sur "la République irréprochable" qu'il promettait dans son anaphore présidentielle, à choisir ses ressources humaines dans l'économie et la finance parmi ceux qui flirtent avec les affaires et donc, potentiellement, la malhonnêteté et le conflit d'intérêts, si l'on n'aime pas ce capitalisme de connivence et d'interdépendance.


    3. Vient enfin la chronique de l'affaire #Benalla. Je me suis réjoui de la fraîcheur de #YaëlBraun-Pivet accédant à la présidence de l'Assemblée nationale en oubliant son rôle en tant que présidente de la Commission des Lois quand celle-ci a enquêté et auditionné dans cette affaire. Or l'obstruction dont elle a fait preuve aurait dû lui interdire d'accéder au perchoir, même si elle semble s'être amendée, s'être refaite une virginité politique, avoir pris des distances avec #EmmanuelMacron qui l'avait faite et désormais respecter, à l'entendre, les députés d'où qu'ils viennent. La naïveté est souvent déçue, mais peut-être que cette présidente à la maturité souriante nous réserve de bonnes surprises. 

samedi 6 août 2022

Liberté et vérité

La liberté est absolue et la vérité est relative. Élucidons ce paradoxe:


La liberté est l'absolue faculté de faire ce que l'on veut (mais pourquoi le veut-on), pourquoi veut-on ceci plutôt que cela?), avant d^être la faculté de choisir le bien, définition téléologique de la liberté, comme si la liberté n'était acceptable que si elle avait une finalité, or la liberté ne veut que ce qu'elle veut. La liberté n'est même pas adhésion vitale à la volonté de la vie qui la veut.


La liberté est  en ce sens absolue, elle est volonté de puissance absolue, tandis que la vérité est relative: elle est relative à la relation entre toi et moi, entre nos deux psychologies, perceptions du monde et personnalités. Elle est personnelle (Jésus a dit "Je suis la Vérité", mais Jésus était une personne), et la personne est une relation, la relation d'un masque à la réalité, aux Idées.) La personne est en relation, la Trinité est Relation, quand la liberté est absolue, comme la Souveraineté d'un Dieu impersonnel. 


La vérité est relative et la liberté est absolue. Un prêtre, Claude Germès, dont j'aurais voulu recueillir la pensée, car il en avait une, me dit un jour: "Quand Jésus nous dit: "Je suis le chemin, la vérité et la vie", Il nous présente le chemin et la vérité d'une vie." La vérité d'une destinée. Mais aussi, je crois, même si je ne saurais L'imiter, la vérité du sens (du chemin) de la vie, qu'il faut aimer et choisir.