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mardi 31 décembre 2019

Macron, gilet jaune d'une bourgeoisie déclassée

"La grève contre la réforme des retraites a déjà dépassé par sa durée celle de novembre-décembre 1995", écrit Jean-Luc Mélenchon sur son blog. Mais le climat n'est pas le même, non seulement parce qu'Edouard Philippe n'est pas Alain Juppé. Ce boxeur angoissé est moins droit dans ses bottes et sa politique d'éloignement n'empêche pas de saisir l'homme de proximité gainée d'avoir toujours eu un mentor.

Mais surtout, en 1995, les grévistes rêvaient d'anarchie. Ils en rêvaient de manière agressive. Les non grévistes étaient exaspérés. Aujourd'hui, même ceux qui sont exaspérés par la grève soutiennent les grévistes, qui ne rêvent plus d'anarchie, mais expriment un mal-être social.

Personnellement, je ne sais que penser de la réforme des retraites, sinon que, présentée comme une "transformation" radicale, elle réaffirme le choix de la retraite par répartition et substitue un calcul par points à un calcul par trimestres. Pas de quoi fouetter un chat, mais je suis tellement prévenu contre le prétendu progressisme macronien qui pilote une régression sociale sans précédent, contre son prétendu humanisme qui est un machinisme et une robotisation de l'homme, contre son gouvernement par l'injonction paradoxale (le "en même temps") qui est le comble de la perversité politique, autrement plus pervers que le machiavélisme dont Macron se dit un spécialiste quand il ne se pose pas en héritier de Paul ricoeur, que j'ai tendance à soutenir les grévistes sans savoir pourquoi dans le détail, mais en me disant en gros que rien de bon ne peut sortir de Macron, tant que sa noix d'humanité ne sortira pas de sa coquille bourgeoise, d'une bourgeoisie, non de parvenus, mais déclassée en ce qu'elle a perdu ses valeurs et ne sait plus que, comme noblesse obligeait les aristocrates, un devoir de philanthropie accompagnait la grande bourgeoisie, qui aurait eu mauvaise conscience si elle n'avait pas fait des œuvres sociales ou donné de son temps. Aujourd'hui, comme françois Pinault, elle mécène l'art contemporain, c'est-à-dire qu'elle se rend complice du nihilisme.

La bourgeoisie contemporaine n'en a plus rien à battre. Macron en est le rejeton.

lundi 30 décembre 2019

Défendre Gabriel Matzneff, libérer la pédophilie?

Commentaire au billet de Philippe Bilger intitulé: "Denise bombardier trop tôt, Gabriel Matzneff trop tard" et consultable en recopiant ce lien:

https://www.philippebilger.com/blog/2019/12/denise-bombardier-trop-t%C3%B4t-gabriel-matzneff-trop-tard-.html

"j'aurais eu du mal dans ces conditions - tous les admirateurs de l'écrivain font état de sa totale transparence dans ses journaux publiés pour ses actions pédophiles avec des petits garçons (9 à 12 ans) et ses liaisons avec de toutes jeunes filles (13-14 ans) - à m'extasier devant un style sans être écoeuré par le fond."

Gabriel Matzneff écrit un peu en dilettante, ce n'est pas un immense écrivain, mais il a du style. Ilfait preuve d'une transparence qui le conduit vers le salut chrétien. Gide a aussi du style, mais n'est pas transparent du tout. Son livre "L'immoraliste" figurait parmi les recommandations de ma prof de philo, qui enseignait dans un établissement privé sous contrat. Le titre du livre m'attirait, je ne l'ai lu qu'il y a quelques années. Et je fus écoeuré. J'ai ressenti l'écoeurement dont vous parlez, parce que l'auteur cherchait le faux-fuyant du style pour embrouiller son lecteur, déguisait ses attirances,sacrifiait sa femme à sa passion pédophile (comme l'a peut-être fait Michel Fourniret avec Monique Olivier), et n'appelait pas sur lui le salut, n'éprouvait aucun remords, ne cherchait pas à se justifier, mais pensait que la pratique de sa transgression (mot que vous affectionnez) était parfaitement justifiée.

"la sexualité à la fois banalisée (on peut en faire profiter tout le monde) et magnifiée (pourquoi l'enfant échapperait-il à ses bienfaits ?)" La sexualité banalisée. J'avais un ami qui disait: "Je n'entre jamais à l'intérieur des chambres conjugales." Autrement dit, épargnez-moi vos secrets intimes. Ne parlez pas de vos nuits d'amour devant la machine à café.

Mai 68 fut une période de libération sexuelle. Le moins qu'on puisse dire est qu'on est passé de l'autre côté avec le néopuritanisme de #Meto qui répudie même la galanterie et le baiser volé.

Mai 68 réagissait à la représentation chrétienne qui postulait qu'hors de la reproduction, point de sexualité, et qui préconisait l'inactivité sexuelle: la découverte de la sexualité par l'autoérotisme ou la masturbation étaient péché.

Pour que le débat soit complet, il faudrait avoir le courage de se poser les deux questions suivantes (la seconde est très dérangeante):

-La sexualité peut-elle être libérée? Ne charrie-t-elle pas tant de complexes, mais aussi tant de dualité entre la chair et l'esprit qu'en ce domaine intriguant, où nous sommes les premiers étonnés par nos propres fantasmes, la liberté est impossible? La sexualité n'est-elle pas inlibérable?

-Mais si par hypothèse la libération sexuelle était possible et s'il est vrai que Freud a découvert, outre l'inconscient, la sexualité infantile, ne doit-on pas libérer cette sexualité infantile? D'abord dans les relations entre enfants bien sûr. Mais pour ce qui est de la relation négativement marquée entre un enfant et un adulte, à l'initiative séductrice de l'un ou de l'autre, ne déchargerait-on pas, si j'ose dire, l'enfant de la culpabilité inhérente à la sexualité si on se libérait, et donc si on levait le tabou de la pédophiliie ? En faire une chose monstrueuse est aussi contre-productif que de traiter les opinions inhumaines en en faisant des délits d'opinion et en sortant de l'humanité ceux qui les ont et ceux qui les répandent. Les monstres sont des hommes.

"Le ministre de la Culture Franck Riester a eu la phrase qui convenait en déclarant qu'il soutenait toutes les victimes de GM et que "l'aura littéraire n'était pas une garantie d'impunité".

Certes non, franck Riester n'a pas parlé comme il faut. Il n'est pas de bon ton de reconnaître que l'homosexualité peut mener dans bien des cas à la pédophilie. Donc il n'est pas de bon ton de rappeler que, depuis Jack Lang, tous les ministres de la culture à deux exceptions près, les exceptions féminines que je ne sache pas avoir été lesbiennes, à savoir Aurélie filippetti et françoise Nissen, appartiennent à la coterie homosexuelle ou au moins ont cette inclination sexuelle. Ils "en sont" comme disait Proust. Il n'est pas de bon ton d'insinuer que des rumeurs courent depuis des années sur un Jack Lang pédophile. N'étant pas en mesure de vérifier ces rumeurs, je me bornerai à rappeler que, signataire il y a quarante ans de la pétition demandant que l'on banalise les relations consenties entre adultes et enfants, donc qu'on libère la pédophilie, le prédécesseur de franck Riester qui a acquis à ce poste une telle autorité morale (sic) qu'il n'est pas possible d'être ministre de la culture sans se réclamer de Jack Lang, fut également un ministre, non pas pédophile, mais partisan de la libération de la pédophilie, de l'éducation nationale. Et que dire d'Emmanuel Macron, aujourd'hui marié à son ancienne prof de théâtre après une histoire d'amour à la limite de la pédophiliedont les travaux d'approche, les avances étaient dûes à l'enfant, à l'élève Macron? Franck Riester est son ministre. Aux côtés de quelle victime est-il? D'Emmanuel ou de Brigitte? Du reste, peut-on bâtir toute sa vie sur un statut de victime? La résilience n'est-elle pas préférable? La victimisation permanente est le fruit flétri de la révolution permanente à l'agonie.

Vincent cespedes et la corruption de la jeunesse

Mon comentaire suite à l'appel de Vincent Cespedes d'éliminer Heidegger du programme de philosophie de terminale. 1. Cet appelle en dit long sur les qualités de vincent cespedes, philosophe insipide qui a démissionner (un de plus) de l'Education nationale pour se consacrer (sic) à son œuvre de néant, qui n'a pour fonction que de confirmer la République dans ses valeurs relativistes, à peu près comme l'Église catholique s'est choisie un chef qui dit au monde ce qu'il veut entendre et lui parle de conversion... écologique.

2. Le combat d'un philosophe insipide se porte assez naturellement vers la chasse aux sorcières. S'il veut chasser les philosophes aux idéologies meurtrières, que ne s'attaque-t-il pêle-mêle à Nietzsche, dont une mauvaise compréhension, nous dit-on, a inspiré le nazisme, et à Marx dont Lénine s'est servi en le mécomprenant (un de plus!) pour théoriser le totalitarisme soviétique. Si l'antisémitisme est le seul critère de notre philosophe chasseur (Macron est bien un philosophe avare !), il peut demander à ce qu'on ne fasse plus étudier les écrits du très radical et pacifiste Alain, qui se sont révélés un brûlot d'antisémitisme rentré à l'examen de ses carnets. Il peut aussi sévir en littérature et demander que Voltaire, Balzac ou Baudelaire soient éliminés du programme. Pour ce dernier, on incriminera cette fusée prémonitoire du nazisme dans "Mon cœur mis à nu": "Le beau complot à organiser pour l'extermination des juifs!"

3. La culture est, par essence, un fétichisme de l'arbitraire.

4. "Heidegger et le nazisme" est un marronnier culturel qui fait toujours réagir. La première fois qu'il me fut révélé, c'était lors d'une rencontre avec Philippe Sollers à Beaubourg lorsque j'étais en classe de seconde. Apparemment BHL aurait lui aussi été un fétichiste de l'amant de Hannah Arendt. J'ai entendu Sollers le dédouaner, ça ne m'a pas donné envie de lire Heidegger.

5. Le peu que j'en ai fréquenté fut mis à mon contact par la plume de Pierre Bourdieu dans "Ce que parler veut dire". J'ai discerné un style alambiqué qui aurait été fait pour me plaire s'il n'avait pas eu le dessein d'égarer les lecteurs sous une fausse érudition, de même que celui qui le citait feignait de dénoncer la distinction tout en pratiquant une écriture de la sociologie incompréhensible des prolétaires, sous prétexte que la matière ne se prêtait pas à la simplification et ne supportait pas d'être énoncée en langage claire comme toute idée bien conçue. L'exemple que Bourdieu cita de la cuistrerie de Heidegger emblématisait l'emploi de l'adjectif "ontique". Si "quand c'est flou il y a un loup", quand c'est abscons il y a un con. 6. Il faut être aussi peu visionnaire que cespedes pour identifier l'être à la patrie. Et on doit reconnaître à Heidegher d'avoir rétabli l'ontologie dans la modernité et au sein d'une pensée agnostique ou athée. 7. Que Yann Moix identifie la pensée de Heidegger le nazi à la pensée juive dans un colloque organisé par BHL n'a rien d'étonnant compte tenu que la portée au pinacle de Moix par BHL consacre l'alliance de l'imposteur et du botuliste, qui fait "la guerre sans l'aimer" et a désagrégé la Libye par éthique. 8. Vincent Cespedes et son combat un peu minable à part, d'où vient que l'académie, l'école, le lycée aient de tout temps eu une propension certaine à corrompre la jeunesse? Socrate fut condamné pour impiété (il penchait sérieusement vers le monothéisme) et pour corruption de la jeunesse (on parlerait aujourd'hui de pédophilie dont il faisait explicitement l'éloge non crypté, contrairement à ce qu'il en serait pour "Heidegger et le nazisme", dont la philoosophie serait une vaste entreprise de cryptage selon Vincent Cespeds qui, certes, lui, n'a rien à crypter). On fait étudier aux collégiens la poésie de Rimbaud sans voir qu'on leur apprend à devenir des voyous. Ce n'est apparemment pas pour choquer cespedes, auteur d'une "méthode voyoute" pour avoir le bac de philo sans travailler. Jack Lang a été un ministre sinon pédophile, du moins partisan de la pédophilie il y a quarante ans dans "Libération", un ministre cryptopédophile de l'éducation nationale. Et que dire d'Emmanuel Macron marié à une cougar à la suite d'une histoire d'amour à lalimite de la pédophilie? Roulez, folle jeunesse, vos maîtres vous corrompent.

mardi 24 décembre 2019

Flaubert, la stylistique et le formalisme

Écouté cet après-midi sur @franceculture #LaCompagnieDesOeuvres consacrée à Louise Collet où il était lu des extraits de lettres qu'elle recevait de Flaubert, les siennes ayant été brûlées par le grand homme qui ne voulait pas que l'on étalât les confidences de ses épistolières, il préférait leur donner de la voix.

Incroyable, le ton paternaliste dont il usait à l'égard d'une maîtresse écrivain de 11 ans plus âgée que lui, plus lancée aussi et se voulant une femme indépendante, mais qui acceptait l'impertinence sentencieuse de son ton péremptoire, car elle le savait meilleur écrivain qu'elle et elle reconnaissait du génie à cet homme, son homme, un homme, encore un homme?

Le romancier redressait une poétesse de style parnacien, académique et raide comme le Parthénon... Pourtant j'ai fait une découverte au cours de cette émission: c'est que la stylistique existe bien. "Observe de suivre tes métaphores", lui recommande-t-il. Il lui fait aussi une explication de texte en bonne et due forme, très critique, d'une de ses "pièces", un poème, où elle s'adresse à sa fille devenant femme en rêvant sous sa "couverture". "Couverture, que ce mot est laid", assène ce dépressif qui ne pouvait pas dormir sans une bouillote.

Donc l'explication linéaire n'est pas une invention de nos pédagogues pour nous dégoûter de la littérature? Donc la stylistique existte bien et elle est en effet l'étude des effets produits par l'auteur qui sait ce qu'il veut obtenir en écrivant et veut être le déterminant de son oeuvre, loin d'être déterminé par son génie? Encore faut-il ajouter que la stylistique a été inventé par "l'idiot de la famille" qui a osé dire de Balzac: "quel homme eût été Balzac s'il eût su écrire!"

Pauvre Flaubert! Balzac écrivait beaucoup mieux que toi qui confirme les idées reçues, mais il se perdait dans les détails. Ah, mais je vois. Tu lui reproches de n'y avoir pas mis les formes, d'être sans forme. "Ne donne aucun détail qui s'écarte du sujet", conseilles-tu à cette "pauvre chère Louise". Tu prétendais en remontrer aux classiques après que tu eus énoncé que l'art es tsubjectif. Les classiques mettaient les formes sans être formalistes. Tu t'es, toi, posé en formaliste pour te distinguer des classiques. En cela, tu as fait une chose dont la modernité te sait un gré infini: la modernité est peut-être "l'hérésie de l'informe", mais elle est informe dans la mesure où elle n'a pas de fond, et c'est encore parce qu'elle est informelle et sans fond qu'elle est formaliste sans fondement.

Où tu certis une esthétique du précis qui délire et ne dit rien car rien ne compte, Balzac foisonne et ne hiérarchise pas description, dialogue et analyse, car il a un monde en lui, alors que tu es obligé d'aller voir le monde pour le repoudrer à ta sauce responsable et bourgeoise, autrement plus bourgeoise que Musset, ce dont tu l'accuses par jalousie quand il n'est plus au mieux de sa forme et plus qu'une épave qui voudrait draguer ta Louise.

Tu n'es pas le père de la déconstruction. Tu ne soutiens pas exactement qu'il faut s'écarter des préjugés. Au contraire, tu les fais tiens. Notre époque aussi les fait siens pour les démonter, dans l'espoir de transformer les préjugés, d'avoir d'autres préjugés, mais de n'avoir que des préjugés: "La théorie du genre n'existe pas, mais il ne faut pas donner une éducation genrée à ses enfants. La biologie n'existe pas, l'homme et la femme ne sont que les purs produits d'une construction sociale. La société n'existe pas ou elle existe à peine comme société des individus, mais l'individu n'est que le moment de son espèce et il faut détruire le communautarisme qui n'est pas un phénomène naturel résultant de ce que dit Mireille dans sa chanson: "Quand un vicomte rencontre un autre vicomte, qu'Est-ce qu'is s'racontent? Des histoires de vicomte." Les races n'existent pas, mais il faut privilégier les racisés." Par exemple.

Flaubert avait le culte de l'art comme travail. Or la raison d'être de l'art est de déboucher sur une œuvre d'art. L'art n'est que la base artisanale de la production d'une œuvre qui ne créée rien, mais combine et découvre en faisant que l'énigme s'éloigne d'un pas après chaque découverte, dans la ligne d'horizon, qui n'est pas la ligne bleue des Vosges, incise gratuite. Aujourd'hui, les artistes contemporains parlent de leur art comme de leur "travail". Cela leur écorcherait la bouche de le présenter comme une œuvre. Hannah Ahrendt a pourtant magnifié l'œuvre en l'opposant au travail et à l'action. Un artiste comme moi est précisément désoeuvré et souvent dans l'inaction et dans l'incapacité de travailler parce que son esprit est lancé à la poursuite de son œuvre. Mais mon œuvre ne se formalise pas en moi. En conséquence elle n'a pas lieu. Elle n'est qu'un chaos torrentiel et jaillissant qui déracine quelques pierres pour les lancer dans le jardin des conventionnels et "scandaliser les bourgeois" comme je l'ai proféré un soir en pissant dans la rue Mouftard.

Faire œuvre est mettre de l'ordre. C'est surprendre, mais pas à tous les coups. Ce n'est pas créé par principe un écart esthétique. Ce n'est pas systématiquement accomplir un prodige stylistique.

Ce qui me met à l'écart de mes contemporains, c'est certes que je ne suis pas formaliste, mais c'est surtout que je suis indiscipliné. Je ne suis pas littéraire, je ne suis pas philosophe, je ne suis pas musicien, je ne suis pas théologien, je suis tout ça à la fois et je ne suis rien de tout cela.

L'éveil suppose certes le décloisonnement comme me l'a dit Jean-Paul bourre, mais elle suppose aussi un foisonnement bien cloisonné.

mercredi 11 décembre 2019

Édouard Philippe et la retraite des mentors

Allez, y a pas de raison. La presse étant un grand bazar, j'ai bien le droit de faire mon politologue de bazar.

Je ne sais pas si Édouard Philippe a annoncé ce jour une révolution dans le système des retraites. (En langage macronien, on appelle ça une "refondation" ou plus modestement une "transformation".) Mais le premier ministre a pris date. Il a glissé plein de peaux de banane sous les pieds de son supérieur hiérarchique.

D'abord il a fait un discours clair et complet (d'après les économistes) là où Macron ne sait pas être concis et noie le poisson aussitôt qu'il prend la parole.

Et puis il s'est situé dans la continuité historique. Il a placé sa réforme dans l'esprit du Conseil national de la Résistance (CNR) -même si "la retraite des vieux" a été inventée par le maréchal Pétain, son gouvernement et sa synarchie-. Philippe (Édouard) s'est revendiqué du général de Gaulle, de Georges Pompidou et de Michel Rocard. Il a donc fait le contraire de Macron, qui ne cesse de se poser en opposition à ses prédécesseurs, les "rois fainéants" comme il les appelle, et ambitionne de refonder l'histoire ou de réinventer l'eau chaude.

Il s'est aussi posé en réconciliateur. Là où Macron récuse les corps intermédiaires, Philippe parle devant le CESE (Conseil écoonomique, social et environnemental), cette chambre consultative des corps intermédiaires, et il confie la valeur du point (de retraite) à la négociation des "partenaires sociaux". Il assure qu'une règle d'or sera fixée par la loi, au terme de laquelle on ne pourra dévaluer le point en fonction de la conjoncture. Bien sûr les syndicats ne représentent plus rien, mais c'est respecter la continuité sociale que de reconnaître un rôle aux partenaires sociaux.

Édouard Philippe va plus loin dans l'opposition au président de la République. En bon irresponsable, Macron voulait que "le nouveau système" entre en vigueur en 2025, après son quinquennat. Le premier ministre fait savoir qu'il a "proposé au président de la République" de le lancer en janvier 2022. Il en espère un double effet: à la fois prouver qu'il va plus vite que Macron; et puis, comme la nouvelle gouvernance essuiera les plâtres la séparant de la prochaine élection présidentielle, Philippe dira que l'impréparation et les premiers mécontentements sont la faute à Macron...

Aujourd'hui a vu Édouard Philippe s'émanciper de ses deux mentors, Juppé et Macron. Clair comme celui-ci est obscur et respectueux comme tous les deux sont arogants, il fait voir que l'intelligent de l'exécutif n'est pas celui que l'on croit. Juppé était "droit dans ses bottes". Le premier ministre qui a grandi à son école et l'appelait "chef" ne se montre ni cassant ni distant. Il se veut aussi proche des Français et des corps intermédiaires que ses deux mentors se sont montrés méprisants et lointains.

Édouard Philippe a réussi son "grand oral". Il a sonné la retraite des mentors.