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mardi 26 janvier 2016

LA DEPRISE OU LE MEPRIS


J'entends cette parole qui me fait bondir d'aise - avant le malaise - dans la balladdo-odiffusion d'une émisssion de Paul-Marie coûteaux sur "radio courtoisie". Elle est proférée par Richard Labévière qui cite son maître Spinoza (un géopolitologue qui a Spinoza pour maître ne peut pas être totalement mauvais…) :

 

"J'essaie de me déprendre de moi-même par la connaissance et par la joie."

 

La déprise est le début du lâcher-prise, qui est la forme la moins lâche de l'attachement ou la forme la plus lâche du détachement,mais il faut bien commencer petit, puisqu'on ne se détache jamais et qu'on ne peut vivre sans lien et sans mouvement, et sans lien à soi-même que dans la schize, phrénie dissociative ou frénésie du détachement de soi.

 

La plus grande emprise est la mé-prise.

 

Comme la plus grande erreur d'appréciation est le mé-prix, quel que soit "le nombre des nécessiteux" qui réclame de faire "des économies" (comme le dit Chateaubriand ou plus trivialement Laurent wauquiez avec son "cancer de l'assistanat" diagnostiqué par "la droite sociale…").

 

J'ai une valeur inestimable, mais je dois sortir de l'estime de moi pour m'apprécier, et je gagnerais à me déprendre de moi pour prendre de l'élan et gagner du terrain.

 

Je dois me déprendre sans me mésestimer, non pour la conaissance en soi, mais pour la connaissance de moi, celle qui me fait connaître "l'univers et les dieux" dans la position du miroir et non du missionnaire.

 

Je dois me perdre pour m'aimer.

 

Pour m'aimer comme je suis connu.

 

Et pour me dé-couvrir.

 

 

dimanche 24 janvier 2016

Mon entreprise de démoralisation et la pédérastie de l'immoraliste



 

J'ai aimé ma méthode de lecture, parce qu'elle procédait par induction, allant de l'exemple littéraire à son explication philosophique.  Au cas où ma mollesse de caractère et mon manque de persévérance ne me feraient pas pousser jusqu'à son terme mon entreprise de démoralisation (ou de déconstruction de la morale), je tiens à dire que deux choses m'attirent dans l'essai de Nietzsche, dont j'ai entendu l'exégèse avant de l'avoir jamais lu, par M. Wotling à la Sorbonne, qui nous a bien expliqué l'argument de ce livre et traitait Deleuze d'imbécile. Nietzche croyait en la généalogie, et que le retour à l'origine n'était pas un mythe, contrairement à Michel Foucault qui contestait "l'éternel retour… à et de l'origine". Nietzsche parlait de généalogie là où Foucault se contente de parler d'"archéologie" : archéologie épistémologique, des savoirs, de la grammaire et de son ontologie implicite (tout nom contient en substance le verbe "être", explique-t-il dans les mots et les choses à propos de la grammaire de Port-Royal), des concepts, ou de ce que nous croyons être nos constituants naturels comme la morale. Nietzsche culturalise aussi la morale, mais en en cherchant la généalogie, pas l'archéologie. Pour la culturaliser, il  prend au sérieux Saint-Paul qui aurait inventé le christianisme. Je ne sais pas s'il dénonce en lui ce paradoxe que Saint-Paul était un immoraliste, qui ne croyait en la force de la loi que de manière négative : "Tout est permis, mais tout ne convient pas", donc il est interdit d'interdire, et nul n'est juste à moins que Jésus le Rédempteur ne le justifie.

 

Comme Saint-Paul, je suis un amoraliste. Mais j'espère ne pas être immoral.

 

J'ai aimé sans le lire  que Nietzsche dénonce "la morale des prêtres" qui aurait pris le pas sur "la morale des soldats", et dont la voix sonne faux, car ils ont des voix de faussets. Rimbaud a parlé des "ventres de curés" qui n'ont rien à envier au "ventre de bourgeois" d'Escartefigue, didascali de Pagnol au début de marius à propos de ce personnage. Les curés ont aussi presque tous des voix de ténors, et il arrive que l'hypocrisie se soit tellement amalgamée à leur voix qu'elle est entrée jusque dans son grain. Il y a des curés aux voix hypocrites, et je ne connais pas d'autre corporation dont l'hypocrisie aille ainsi jusqu'à affecter la couleur de la voix, que celle des professeurs d'Université. Je n'ai pas dit que tous les curés ou tous les professeurs d'Université étaient des hypocrites, mais je soutiens que ce sont les deux seules corporations que je connaisse, où l'hypocrisie peut affecter jusqu'au grain de la voix. Savoir s'il y a des voix hypocrites de naissance. Je serais assez enclin à le croire, mais comment l'homme serait-il aimable et récupérable s'il est fourvoyé  jusque dans sa poitrine à travers sa voix, qui est l'écho ferme, solide et thoracique de son cœur comme les yeux sont des fenêtres de l'âme ?

 

Je  n'ai lu de mes trois livres immoraux que leroman de Gide, mais il m'a déplu.

 

Ce qui rétrospectivement m'étonne le plus, c'est que l'immoraliste était un des livres que Mme schreiber, notre professeur de philosophie, nous recommandait entre autres comme entrée en matière à la classe de philo.

 

Pour le comprendre, il faut comprendre en quoi Gide est immoral (beaucoup  plus qu'amoral) : il applique la méthode de Ménalque, le maître en dépravation de mœurs ou le maître de perversion du narrateur Michel, ou la méthode de son ami Oscar Wilde qu'on trouve derrière Ménalque et qu'on rencontre dans si le grain ne meurt - ce que Gide a aimé citer de paroles bibliques… -. Wilde a maltraité sa femme en le regrettant et en écrivant dans The Ballad of Reading Gaol qu'"on tue toujours ce que l'on aime". Ainsi Michel précipite-t-il l'agonie de Marceline qu'il aime pour qu'elle ne gêne plus son amour des enfants et son passage à la pédérastie en terre arabe. La pédérastie est tellement profonde chez Gide que les Mauriac craignaient pour leurs enfants quand il venait les voir et s'étonnaient qu'il se soit bien tenu et ait ait toujours si convenable. Mais Gide ne s'attaquait pas aux fils de bourgeois.

 

Notre professeur de philosophie Mme schreiber nous encourageait peut-être à lire l'immoraliste pour nous faire entendre la pédérastie de Platon. Je ne crois pas qu'elle ait cherché si loin. Toute époque a ses tabous. La nôtre a celui de la pédophilie comme l'a très bien montré Jean-Claude Guillebaud dans la tyrannie du plaisir. A notre époque, socrate serait encore condamné pour "corruption de la jeunesse", même s'il ne le serait plus pour son impiété polythéiste qui lui a fait inventer le dieu des philosophes aux détriment des dieux des poètes. Mais la pédérastie de Gide et de Michel dans l'immoraliste n'est nullement profitable aux enfants. Le professeur devenu pédéraste après avoir renoncer à toute étude n'apprend rien aux enfants auprès de qui il vient prendre du bon temps, ce pourquoi Michel s'est débarrassé de Marceline. Il n'est pas pédéraste à la manière des philosophes antiques, il est purement pédophile à notre aulne, c'est même un touriste sexuel que Houellebecq aurait pu brocarder dans un plateforme des années folles.

 

Gide est pédophile. Je le dis avec d'autant plus de dégoût qu'un des trois abuseurs sexuels dont je fus victime à quinze ans, ayant perdu ma minorité sexuelle, donc étant trop vieux pour me plaindre, m'avait fait voir la symphonie pastorale, le film que Jean Delannoy a tiré du roman de Gide et dans lequel Michèle Morgan jouait le rôle d'une aveugle, un peu enfant sauvage. L'auteur de la symphonie pastorale et de l'immoraliste n'est rousseauiste qu'autant qu'il est impuissant, comme Jean-Jacques qui, malgré ses cinq enfants, ne s'en cachait guère. Il n'est contre les "antiphysiques" à la manière du baron d'une vie de Maupassant que pour le devenir. Il n'est doctrinairement fort au point de "supprimer les faibles", comme le dit Marceline au narrateur qui lui répond que c'est nécessaire,. qu'en étant lui-même un faux fort qui ne fait que se payer de force. Il est fort comme un esclave de ses sensations, dont Charles, le fils aîné studieux de Bocage, l'intendant des fermes de l'immoraliste, "sait" d'abord "l'amuser" avant qu'il ne change d'avis et que son goût des mauvais garçons ne le fasse préférer son frère le braconnier, qui lui fait perdre des bêtes et du bien, mais avec qui il aime tendre "des collets", quitte à ce que le père du chenapan, son honnête intendant, doive pourchasser son fils en ne comprenant pas que son maître "se moque de lui", comme le lui reproche Charles, le fils élevé dans "une ferme modèle".


L'immoraliste racontte comment un mari impuissant découvre son homosexualité et sacrifie une femme qu'il aime à cette inclination, selon le conseil de Ménalque-Oscar Wilde de tuer ce qu'on aime, pratiqué à petits feux par Gide avec Madeleine et théorisé dans la porte étroite entre le narrateur et Anissa. Mais dans quelle mesure l'impuissant ou l'homosexuel conjugal aiment-t-ils ? Il y a des gens que l'on aime parce que "le bonheur" qu'ils nous procurent ou qu'ils disent trouver avec nous dans un abandon total de tout leur être à qui nous sommes nous est "un repos",. or ce repos est incompatible avec le bonheur de l'impuissant. C'est ce que pense Ménalque, qui prétend avoir cela de commun avec le Christ qu'il ne met pas la charrue avant les bœufs, déteste le souvenir, lui préfère la nouveauté de chaque instant et de l'avenir, mais surtou n'a pas une pierre où reposer sa tête et, du moment qu'il a choisi laperversité, s'y livre sobrement et sans s'autoriser le dérivatif d'un repos qui va sacrifier quelqu'un.

 

Si une chose avait dû tout de même me séduire dans l'immoraliste, c'est que le narrateur feint d'avoir une propension pour les Goths, dont il prise la sauvagerie dans un cours qu'il professe au Collège de France. Gide aurait pu s'en faire ouvrir les portes, je n'ai pas ses entrées. Mais je me suis aperçu un jour que les Goth, tout barbares qu'ils étaient, avait donné le nom de Dieu à la langue des envahisseurs germains des romains qui, dans leur dérive racialiste et narcissique de supériorité, se sont éifiés eux-mêmes  en ne trouvant pas cette formule : "Ich binn Goth", c'est pourquoi, "deutsche Folk", je me sens supérieur au monde entier que j'emmerde.

 

"Ich binn Goth", finalement c'est la morale de l'immoraliste et la morale de celui qui n'a pas de morale. Il s'impose donc certainement que je revienne sur mon amoralisme.