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jeudi 15 juillet 2021

LePen, retour sur les confidences à "Causeur" d'un homme un peu revenu et pas vraiment parvenu

"A 94 ans...", Elisabeth Lévy commence par faire une erreur sur l'âge de celui qu'elle interviewe. Il est né en juin 1928, donc il vient d'avoir 94 ans.


"Il y a quinze ans, j’aurais eu le sentiment, en y allant, de me rendre dans l’antre du diable", écrit la journaliste en chapô de ses deux entretiens. Ce n'est pas ce qu'elle a écrit dans les Maîtres censeurs, ouvrage paru en 2002, quand la dame était chevènementiste et préconisait tout refus d'un block out contre le Front national. Depuis, elle s'est quasiment ou carrément ralliée au parti de la fille du "mennir". Et elle se dit nostalgique d'un homme qu'il n'est plus temps d'aimer. Beaucoup d'hommes politiques vivent ce que j'appelle un "temps différé". Ils sont bons à un moment où le peuple croit les trouver mauvais et mauvais quand il faudrait les trouver bons. Jean-Marie Le Pen n'a pas connu de phénomène de ce genre. C'est un homme qu'on n'a pas voulu aimer. Comme il est vindicatif, il fait à sa fille la vilénie de la trouver mauvaise alors que c'est lui qui l'a hissée sur le pavois avec l'aide des médias et qu'elle a doublé la hauteur du plafond de verre. Mais en effet, elle ne mérite pas à l'heure actuelle de le crever, car depuis son rendez-vous manqué de 2017 où elle était pleine de ressources et d'arguments, où sa visite aux salariés de Whirlpool était plus qu'un coup politique et était très émouvante, elle réagit à contre-temps, continue de ne pas travailler et de purger son parti fascisto-stalinien et a perdu l'oreille de ses électeurs.


Jean-Marie Le Pen ne revient pas sur "le détail", mais trouve que le passé nazi de son ancien trésorier... est un détail. Pardonner, il l'a peu fait dans sa vie politique, donc mettre ses accointances douteuses sur le compte du pardon n'est pas crédible. Et rassembler ce qui ne peut s'agglomérer est une faute originelle, sauf à vouloir se cantonner dans le "bonheur des pariats" dont parle Baudelaire. Il est sans doute légendaire que JMLP n'ait jamais voulu du pouvoir. Mais il a tout fait pour ne pas être en mesure de le prendre et s'est lui-même défini comme un "tribun de la plèbe", c'est-à-dire, non pas comme un homme qui ne peut pas accéder au gouvernement dans l'absolu (on en a vu des précédents dans l'histoire), mais comme un homme qui n'a pas vocation à le faire, dont la vocation est essentiellement tribunicienne, qui doit exercer le ministère de la parole pour râler et dénoncer, en un mot qui ne sert à rien, non pas précisément ou spécialement un nuisible, mais un inutile de la politique. 


En parlant de "tsunami démographique" dans cet entretien comme il le fait dans ses mémoires, JMLP ne pense pas la concommitence de l'immigration avec le déclin démographique et de fertilité de l'Occident bio-mollusque et assoupi dans l'évanescence de la volupté. Il n'articule pas son refus de l'avortement avec l'immoralité de l'eugénisme dans le Tiers-monde. Son providentialisme ne croise pas les deux phénomènes démographiques. Il parle de traitement inhumain dissuasif dans une société au génie universaliste et humaniste. Il parle d'assimilation et reconnaît qu'il y a des naturalisations réussies, mais il ne parle pas de transformation de la matrice au contact réciproque des "natifs" et des arrivants. Il confond une colonisation de conquête et des voyages qui pourraient être des émeutes de la faim. Il comprend ceux qu'il ne hait pas, mais a employé toute sa vie politique une rhétorique agressive et militaire, car celui qui a refusé d'être un soldat perdu est un soldat manqué.


Si risque de guerre civile il y a, il ne vient pas de ce qu'il est convenu d'appeler l'islamo-gauchisme ni de la repentance ou très secondairement, mais des guerres actuelles que la France n'aurait pas dû livrer et Le Pen a toujours averti de leur danger là où Mitterrand s'est lancé sans réfléchir dans la première guerre du golfe, faisant d'un peuple pacifiste un peuple belliciste en deux jours en août 1990, comme Hollande a trouvé intelligent de répondre aux attentats du Bataclan en renforçant nos effectifs en Syrie et en interdisant aux djihadistes français de combattre aux côtés de ceux-là même que nous défendions contre Bachar El-Assad (cf. l'apologie d'Al-Nostra par Laurent Fabius).


La candidature Zemmour. "Je n’ai pas encore vu Éric sur ce sujet. J’ai l’intention de le voir en tête-à-tête, parce que je l’aime beaucoup. Certes, il est inégal, on ne peut plus être Pic de la Mirandole au XXIe siècle. Mais il travaille ses sujets, et il a le punch. Pour autant, je suis convaincu qu’il n’a pas le gabarit. Je lui déconseillerai de se présenter et lui dirai qu’il a tout à perdre." 

Certains qui le connaissent disent qu'il est trop gentil. Ce soir, sur "Radio courtoisie", Paul-Marie Couteaux a dit vouloir se commettre en tiers pour négocier un pacte de non agression entre MMs Zemmour, Poisson et Philippot. Il dit avoir réussi entre les deux premiers qui lui auraient promis de ne pas se présenter l'un contre l'autre. La candidature de Philippot est idiote. Florian Philippot a la gnaque, mais il est monomaniaque. Il défend le Frexit de François Asselineau sans le souffle de la francophonie. S'il fallait choisir entre Mrs Poisson, Philippot et Zemmour, je choisirais Zemmour, même si je ne crois pas qu'il ait le corps politique. Le corps non, mais la tête oui. On ne fait pas de la politique en ressassant l'histoire et le passé doit être assumé et dépassé, mais Zemmour incarne l'histoire. C'est mieux que d'incarner le machinisme ou le transhumanisme comme le fait M. Macron. Tout sauf ce dernier, mais il faudrait qu'aucune offre sérieuse ne se présente pour que je vote pour l'un des trois. 


Philippe de Villiers se serait associé à Zemmour. C'est lui qui devrait y aller. Il est fantasque, mais il se bonifie. Sa vidéo de trois heures sur "Thinkerview" est simplement excellente. Il est mûr, mais il se croit dépassé. Encore un phénomène de "temps différé"!

Le tropisme macronien comme amour du travestissement

Il eût été beaucoup plus franc de rendre la vaccination obligatoire sans dire auparavant, dans une parole présidentielle totalement inconstitutionnelle et monarchienne: "Je ne rendrai pas la vaccination obligatoire", comme si c'était au chef de l'exécutif de décider. Puisque le président avait choisi de renoncer à convaincre, ce qu'il dit aimer plus que tout, pour contraindre, ce qu'il a fait pendant tout son quinquennat, il se serait grandi en annonçant la couleur, mais il serait sorti de l'ambiguïté à ses dépens, ce qu'il déteste par-dessus tout. Cette attitude est, selon qu'on aime employer des mots à la mode ou des mots plus anciens, d'un machiavélien, d'un manipulateur ou d'un pervers narcissique. L'obligation vaccinale imposée d'emblée aurait eu un effet politiquement délétère pour notre président illibéral: elle aurait entraîné une râlerie qu'il aurait été difficile de contenir. On s'insurge contre une contrainte franche, on se contente de fronder contre une contrainte subtile.


Mais celui qui, malgré des agacements sporadiques, a un tropisme macronien  aime en Macron cette ambiguïté présidentielle  qu'il prend pour de la complexité, miroir de ses nuances. Il aime l'ambiguïté de l'obligation vaccinale déguisée. Mais ce n'est que de l'ambiguïté qui s'assume dans son cynisme. Quelqu'un dont je ne retrouve pas le nom (et c'est dommage, car c'est une personnalité de premier plan) a dit que Macron était le premier dirigeant de l'histoire de France à, non content de ne pas le connaître, ne pas aimer le peuple qu'il a eu l'ambition de gouverner. J'avais tweeté au début de la campagne de 2017: "Macron veut être le président d'un pays qu'il ne connaît pas et gouverner un peuple qu'il n'aime pas." Je crois avoir fait mouche.


L'obligation vaccinale imposée aux soignants est une humiliation qui contraste macroniquement avec la stupide habitude de les applaudir en début de pandémie alors même qu'ils demandaient une revalorisation significative et durable de leur rémunération et une nécessaire amélioration de leurs conditions de travail pour que l'hôpital ne craque pas. Le président leur avait déjà fait un pied de nez en nommant, à la place d'Edouard Philippe, un des grands saboteurs de l'hôpital en la personne de Jean Castex qu'il flanquait, dans les marges de la culture (car la culture est marginale dans le macronisme) de l'inénarrable Roselyne Bachelot. 


Dire qu'on allait sanctionner les soignants en les privant de salaire et, pire, en les licenciant s'ils ne se conformaient pas à leur obligation vaccinale après leur mise à pied du 15 septembre, apportait le comble à cette humiliation et non seulement n'endiguait pas le flot des démissions qui désengorgent l'hôpital au pire moment comme elles privent tous les services publics, au premier rang desquels est l'Education nationale, de leurs employés souvent les plus motivés et les plus dégoûtés qui ne se sentent pas une vocation au martyre; mais au lieu de payer leurs heures supplémentaires à des soignants qu'on oblige à travailler gratis en infraction flagrante aux fondamentaux les plus élémentaires du code du travail, on veut les priver de salaire. 


Menacer un restaurateur de 75000 euros d'amende et d'un an de prison parce qu'il ne contrôle pas les pass sanitaires est proprement orwellien, et cela n'est pas relevé par des journalistes qui nous parlent sans arrêt de résistance et de désobéissance civile.


Toutes les allocutions d'Emmanuel Macron depuis le début de son quinquennat et singulièrement depuis le début de la crise sanitaire allient un lyrisme de façade et de pacotille à des annonces qui se voudraient tellement effectives que l'intendance ne devrait pas suivre, mais précéder ses annonces, qui demandent à être traduites dans les faits, puisqu'elles vont dans le détail. Or il n'est pas un discours qu'il ait prononcé depuis le début de cette crise qui ne se soit défilé au fil des jours qui suivaient, car les mesures annoncées se sont toujours révéles inapplicables.


On n'a pas assez souligné que faire appliquer les mesures sanitaires au 19 juillet ou au début août aboutissait à fiche en l'air les projets de vacances de tous les non vaccinés qui n'ont pas été prévenus puisque, pour obtenir un pass sanitaire, il faut s'être fait injecter ces deux doses (de vaccins pouvant éventuellement entraîner une modification génétique, le débat reste ouvert entre généticiens), ce qui demande au moins un mois. Même le citoyen de bonne volonté pragmatique qui aurait voulu se faire vacciner en faisant exploser le site de Doctolib pendant le discours de Macron, ne sera pas payé de son civisme tardif puisqu'il n'entrera en possession de son précieux laisser-passer que dans un mois ou dans un mois et demie, selon la facilité avec laquelle il obtiendra un rendez-vous.


Mais Emmanuel Macron sait pouvoir compter sur la docilité des Gaulois réfractaires, car 20000 rebelles étant sortis manifester hier ne pèsent qu'1 % de ceux qui se sont précipités illico pour essayer de se faire vacciner en se laissant tordre le bras sans tenter un bras de fer.