Pages

mercredi 15 mars 2023

La démocratie doit-elle être vigilante?

    La dernière émission "Réplique" voit se confronter Edwy Plenel et Alain Finkielkraut qui se connaissent bien.


La démocratie doit-elle être vigilante? Elle doit veiller sur les autres et sur elle-même, elle doit veiller sur la vie de chacun, le plus faible doit être pour elle un "scrupule", mais où doit s'arrêter le curseur liberticide?


Selon Edwy Plenel, l'extrême droite ferait "l'apologie de l'inégalité naturelle". La nature n'est pas égalitaire, la civilisation doit corriger l'inégalité naturelle, mais pas au point d'introduire un standard humain hypothétique ou de courir après un horizon d'égalité inatteignable. "Egalité" que de crimes on commet en ton nom"! J'ai récemment intégré une commission qui veille sur le droit des personnes handicapées. Que de maltraitances on commet au nom de légalité devant la loi!


L'"islamophobie" est admissible comme peur de l'islam ou désamour de cette religion. La dérive intervient quand cette contestation d'une religion se mue en "haine des musulmans". Le phénomène est plutôt rare.


Edwy Plenel développe une espèce de mélenchonisme de bon aloi qui ne pousse jamais jusqu'à la russophilie ou à l'anti-macronisme. Alain Finkielkraut fait croire qu'on peut se placer dans la double défense de l'autochtonie française et de ce qu'il n'est pas excessif d'appeler le sionisme: le conservatisme français comme protection de l'identité juive,  quand elle marque son allégeance inconditionnelle à Israël. Jean Daniel et Elisabeth Badinter pourraient bien être séparatistes.


L'extrême droite n'est évidemment pas aux portes du pouvoir à moins qu'Emanuel Macron ne continue à se moquer de la société française. Mais tous les corps intermédiaires et constitués sont contre l'extrême droite et en démocratie représentative, on ne peut pas gouverner contre les corps intermédiaires ou contre les corps constitués. L'extrême droite est un épouvantail qui favorise l'immobilisme de la démocratie.


Le "grand remplacement" n'est pas une idéologie, mais une constatation démographique. Il ne devient criminogène que s'il s'accompagne d'une volonté de déportation ou de remigration sans accord préalable et avéré des deux parties. Mais énoncer le grand remplacement sans l'accompagner d'une telle volonté est constatif. On peut lui doner le synonyme positif de "créolisation". Et le parallèle  que fait Edwy Plenel entre "la France juive" d'Edouard drumont ou sa revue la "Libre parole" et les idéologies totalitaires qui ont suivi trente ans après reste un sujet d'alerte.


J'aime l'adage d'Edwy Plenel: "l'origine ne protège de rien, seul le présent fait preuve."


La Déclaration universelle des droits de l'homme a une qualité: elle énonce qu'il y a un genre humain, mais elle a deux défauts: elle est déclarative et elle est un catalogue des droits de l'homme qui fait abstraction de ses devoirs.


Edwy Plenel dit que le point commun entre toutes les extrêmes droites (russes, iraniennes, sahoudiennes, israéliennes) est la haine anti-LGBT. C'est certes un point commun (et il ne s'agit pas de nier l'homophobie), mais l'ériger en point commun majeur est un peu ridicule.


Edwy Plenel a raison de demander à Alain Finkielkraut devant son appel au fait divers qui succède à sa mise en exergue de l'islamophobie: "Est-ce que la francophobie ou la blancophobie est le plus grand danger couru en France?" C'en est un, mais ce n'est pas le plus grand, et la mise en oeuvre de solidarités entre ceux qui vivent ensemble sur unterritoire donné est une alternative aux guerres civiles.


Même si le rappel de la condition juive passée, présente et à venir est obsessionnel chez Alain Finkielkraut comme le complexe de persécution est consubstantiel à l'être-chrétien du fait de la béatitude des persécutés, le fait que les juifs doivent quitter la Seine-Saint-Denis ou des écoles des quartiers populaires n'est pas plus anecdotique que le fait qu'il ne reste quasiment plus de chrétiens en Irak ou en syrie. Un exode massif ne saurait être banalisé comme un fait divers.


"Les opinions justes doivent-elles prendre le pouvoir sur les opinions injustes" au risque d'écarter du débat ceux qui ne les professent pas car "on ne discute pas recettes de cuisine avec des anthropophages"? (Jean-Pierre Vernan) "Un débat démocratique, ajoute Edwy Plenel, ce n'est pas mon nopinion contre la vôtre, mon préjugé contre le vôtre, mon identité contre la vôtre." Affirmer cela, c'est nier le rôle de la conviction en démocratie. "Cnews" n'est pas "Radio mille collines", mais son obsession propagandiste xénophobe n'est pas plus saine que la xénophobie autochtophobe des "racisés". On ne doit pas plus blasphémer sur le prophète des musulmans ni souffrir le droit au blasphème qui est un sacrilège aux croyances d'autrui que souffrir le prosélytisme islamiste. On doit manifester une tolérance au prosélytisme salafiste, mais la frontière est parfois difficile à trouver. J'en parle parce que je suis victime de l'un et de l'autre.


Répliques par Alain Finkielkraut sur France Culture (radiofrance.fr) 

mercredi 8 mars 2023

Un paradoxe mélenchoniste dans la violence sociale

J'aime bien que le Parlement ne soit pas consensuel, mais je regrette qu'il se montre caricatural. 


LFI prétend promouvoir une société humaine, mais Jean-Luc Mélenchon n'imagine pas d'en accoucher autrement qu'en aboyant et dans "la conflictualité." 


Il est tellement caractériel que la gifle ddonnée par #AdrienQuatennens à sa conjointe n'est que le prolongement du bras de Mélenchon.


J'omets volontairement d'évoquer les d'honneur d'#EricDupond-Moretti. 


Cette violence qui s'assume n'est pas bon signe, même si elle n'est pas dramatique tant qu'elle en reste là. 

dimanche 26 février 2023

Y a-t-il de l'ordre dans la vie?

 Discussion avec #ClaudeLuçon sur le blog de Philippe Bilger après le billet:


https://www.philippebilger.com/blog/2023/02/le-chaos-soit-mais-l%C3%A9toile-.html?cid=6a00d8341c86dd53ef02b75197a804200c#comment-6a00d8341c86dd53ef02b75197a804200c

.


Lui: "À la réflexion, pourquoi chaos ?

Nietzsche n'était-il pas un libre penseur ?

Quelqu'un qui pensait ne pas avoir besoin d'un Dieu, de religion ou de parti politique pour le guider ?

Sa vie n'était-elle pas son problème ? À lui d'en résoudre les problèmes, même les souffrances, en les acceptant comme des défis, et les bonnes surprises comme un plaisir, organiser sa vie en se fixant ses propres règles et lois tout en respectant les autres...

Pas de chaos, pas de fatalisme, pas d'optimisme béat, simplement affronter sa vie et en assumer la totalité sans chercher à être ou trouver une étoile, qu'elle danse ou pas !

Vivre sa vie et la prendre comme sa propre responsabilité, combattre le pire et apprécier le meilleur ?

En bref, vivre sa vie !


Moi:Au fond je me posais la même question en lisant le billet de notre hôte.


"Sa vie (la vie de Nietzsche) était son problème. [...] organiser sa vie en se fixant ses propres règles et lois tout en respectant les autres..."


Ce qui pose la question de savoir si l'anarchie serait un mode de gouvernement viable. J'ai toujours pensé que non, car si nous vivions sous le régime de l'anarchie, me convaincais-je, il n'y aurait ni médecins ni infirmières, et il n'y aurait pas non plus de police, trois métiers essentiels sans lesquels il n'y a pas de vie en société possible. Mais estimer que ces métiers n'existeraient pas en régime anarchique est peut-être sous-estimer la nature humaine, prompte à porter secours et à faire la police.


Donc l'anarchie marcherait peut-être. Mais "organiser sa vie en respectant ses propres règles" et donc en supposant qu'il n'y a ni ordre ni chaos respecte-t-il le mode d'emploi de la vie? N'y a-t-il pas un ordre intrinsèque à la vie? Une hétéronomie (c'est un autre qui me donne sa loi) qui contrarie la chimère de l'autonomie que vous nous exposez sereinement et brillamment?


Je suis personnellement fasciné par le fait que le christianisme paulinien prétend affranchir de la loi. À vrai dire, cet anti-légalisme allant jusqu'à dire que "la loi met en évidence le péché" et qu'on ne peut imputer à personne de péché tant qu'il n'y a pas de loi, est une lubie de saint Paul. Aujourd'hui, les penseurs chrétiens parlent volontiers de "lois ontologiques". Mon illégalisme en prend un coup, mais je crois qu'ils ont raison. Saint Pierre disait déjà des écrits de saint Paul qu'il ne faut pas les lire sans formation, car s'affranchir de la loi peut conduire à toutes les perversions. On n'y a pas manqué en régime chrétien.


Donc il y a un ordre dans la vie. Quant au tohu-bohu dans lequel l'artiste trie pour créer, il relève de l'intime et du psychologique.

jeudi 23 février 2023

Raffarin est à l'Ouest et la planète n'est pas un objet politique

https://www.lepoint.fr/politique/jean-pierre-raffarin-j-appelle-le-president-a-un-choc-reformateur-18-02-2023-2509078_20.php?M_BT=3284321751778#xtor=EPR-6-[Newsletter-LePoint-Politique]-20230223-[Article_5]


"Hegel a dit « L'oiseau de Minerve s'envole au crépuscule ». La sagesse a peu de temps avant la nuit."


Jean-Pierre Raffarin n'est pas méchant. Il n'est pas bête. Sa vision de la République ressemble à celle de Jean-Paul Delevoye quand il en était le médiateur, avant qu'il soit nommé commissaire du gouvernement pour proposer la retraite à points, une réforme plus intelligente et plus ambitieuse que celle actuellement débattue, qui met moins le pays sur la brèche que celle portée par Jean-Paul Delevoye et Édouard Philippe ne l'ont mis dans la rue. 


Jean-Pierre Raffarin a rallié Emmanuel Macron tel un vieux sage au train de sénateur et dont la vision n'imprime pas, mais il donne le la de la tiédeur de la réflexion des élites sursitaires (et non pas sur Cythère, nos élites ne sont pas vénusiennes).  Il n'est pas de ceux dont on peut dire que chaque fois que leur doigt montre la lune, on doit, non pas regarder le doigt avec les "imbéciles", mais regarder de l'autre côté du doigt pour voir où est la lune. Il n'est pas non plus de ceux qui iraient nous la décrocher? CAR IL  n'a pas de goût, c'est un fan de Johnny, d'Edgard Morin et de Greta Thunberg. Sa boussole n'indique pas systématiquement le Sud, il est de ceux qu'on écoute, non de ceux qui s'agitent. Raffarin est un vrai centriste, non pas un intrigant à la Bayrou. C'est un vrai centriste qui a raté la décentralisation qu'il a faite à demie, car un centriste pratique toujours la politique de l'"à moitié", qui est préférable à celle du "en même temps".  


Sa parole est mesurée, avec des raffarinades, qui donnent du "sel" à son enfilage de perles, du "sel", mot cher à Emmanuel Macron dont c'est le seul souvenir de son baptême.  Raffarin n'aboie pas comme Mélenchon, et s'il négocie un "éternel retour" comme Sarkozy, c'est en mode mineur comme Jean Castex. Et en ayant été "tellement jupééo-compatible" comme il l'assurait en 2002 pour se concilier Jacques Chirac bien qu'il trouvât la fonction de premier ministre celle d'un pompier dans "l'enfer de Matignon", qu'il soutientaujourd'hui Édouard Philippe, ex-lieutenant d'Alain Juppé.


Jean-Pierre Raffarin est un centriste, il n'a jamais été un maoïste comme Alain Finkielkraut, mais la scission d'avec le monde occidental de la Chine, premier dépaysement amoureux de ce jeune giscardien pragmatique comme un directeur commercial de chez Jacques Vabre, lui fait beaucoup de peine. Pour un peu ça le rendrait anti-américain même s'il s'exprime avec prudence: "Joe Biden a eu l'intuition excellente de créer un front des démocraties. Mais [...] il a fait de ce premier rendez-vous un rassemblement antichinois. . 


Raffarin ose rêver à mi-voix d'une Europe non otanienne: "Quand les peuples européens ont peur de la guerre, ils se tournent vers les États-Unis, ce qui renvoie à plus tard le programme de défense et de souveraineté européenne mais aussi son indépendance politique", que cet Européen de toujours n'a pas contribué à construire, car il n'a pas eu la seule bonne intuition qu'ait eue Macron au plan européen, qui ne fut pas son discours plein de foucades de la Sorbonne, lequel n'est pas un morceau d'anthologie pour tous ceux qui savent lire, mais faillit être de proposer que l'on construise l'Europe de la défense indépendamment des divergences de la politique étrangère et de sécurité commune, ce qui nous aurait permis de moins dépendre de l'Otan naguère "en état de mort cérébrale" et nous aurait fait voir venir en cas de tension internationale imprévue comme la guerre en Ukraine ou les tensions sino-américaines, qui demeurent moins fortes que le retour de la guerre froide avec son goût de réchauffé.


Raffarin n'aurait pourtant  pas eu besoin de l'éloignement de son rêve  de rapprochement sino-européen pour se recentrer sur l'Europe dont il se serait bien vu présider la commission après avoir été le premier ministre le plus consensuel et le plus réparateur de Chirac l'immobile.  Raffarin était un Européen à la manière de Robert Schumann et de tous les démocrates chrétiens qui ont cru que l'on pouvait construire en dehors des peuples cette utopie évangélique et technocratique. L'Europe se donnait pour mission d'« Équilibrer le monde et incarner la paix  », qui aurait pu s'y opposer? Mais cette utopie a vécu: l'Europe qui s'est construite sur le compromis et la compromission prétend aujourd'hui se refonder contre l'ours russe qu'elle envisageait un temps d'intégrer et pour être le bras civil de l'Otan à l'occasion de la guerre en Ukraine.


La boussole de Jean-Pierre Raffarin n'indique pas systématiquement le Sud, mais voici par où il a retenu mon attention en proférant une énormité qui prouve qu'il a toujours été un peu à l'Ouest: "L'Europe doit choisir un axe stratégique qui lui confère un leadership spécifique pour lequel elle sera respectée dans le monde. Pour moi, ce choix stratégique devrait être le consensus des sociétés civiles autour de « la planétisation », de la planète comme objet politique." 


La planète comme objet politique: Raffarin a trop lu les penseurs de la French theory. Il veut que l'Europe de l'humaniste apporte son concours à "la mort de l'homme" pour l'émergence de la terre comme objet politique décentré et neutre au nom du mondialisme. Il veut changer le monde pour les beaux yeux de Greta qui va se frotter les mains parce que sans lui décrocher la lune, Raffarin lui aura rendu la terre. Greta va retrouver la "positive attitude" de Lorie qui avait tant émoustillé Raffarin sur le plateau de Michel Drucker. Greta, ce symbole de la génération confinée qui ne rêve plus de changer le monde, il ne faudrait pas abuser, mais bien plutôt de "s'empêcher", va retrouver le sourire. 


"La planète" est le formidable alibi de "la mort de l'homme" après que l'homme eut été celui de "la mort de Dieu". Avec elle, nos démocraties vont  retrouver les illusions de la "royauté primitive" qui croyait faire la pluie et le beau temps tout en se niant comme démocraties à travers le choix d'un objet décentré de soi (la démocratie est un régime narcissique), de soi par qui la charité bien ordonné arrive de soi au "soi". Je commence à comprendre pourquoi l'Eglise catholique a si longtemps parlé de "salut individuel". La condition en était le salut des âmes. Aujourd'hui "il faut sauver la planète" et non nos âmes, jusqu'où ne sommes-nous pas descendus! Raffarin est l'astronef qui m'aura fait comprendre que la question de Soral avait un sens "La planète comme objet politique", on croirait lire du Hervé Rissen dans le texte, mais du Hervé Rissen ancienne manière.


Il faut être écervelé comme Jean-Pierre Raffarin ou comme "les jeunes du monde entier" pour "descendre dans la rue" (ce que font aussi les syndiqués et les militants de la France insoumise) en croyant qu'on "[défend] l'humanité" en "[défendant] la planète" sur laquelle on n'a aucune prise. Le planétisme n'est pas un humanisme, c'est le contraire. Jean-Pierre Raffarin est à l'Ouest et "la planète" est la négation de l'objet politique et de l'objet démocratique. 

mercredi 22 février 2023

La prière de Sédric Kahn

J'ai regardé hier soir "la Prière" de Sédric Kahn diffusé par "Arte", une manière indirecte et rare de saluer l'ouverture du carême où entrent les chrétiens qui respectent le calendrier grégorien. 


https://www.allocine.fr/film/fichefilm-250819/streaming/


Ce film n'est pas un film parodique. Il n'escamote pas la réalité que vivent les croyants quand ils prient. Il cite la liturgie telle qu'elle est et ne la réinvente pas en la bêtifiant, l'ignorant ou feignant de ne pas connaître leur sujet quand ils montrent des croyants, même si la communauté vousoie Dieu et utilise des traductions bibliques assez hébraïsantes, bayardisantes ou chouraquisantes, ce qui dénote plutôt un intérêt pour les psaumes et le texte biblique. 


Où Sédric Kahn est-il allé chercher le modèle de la communauté dont il s'est inspiré? Ne serait-ce pas à Pellevoisin où la communauté Saint-Jean avait créée une maison aussi dure (à défaut d'être sûre), et où un de mes amis a fait un passage contraint  dont il est revenu en en disant pis que pendre, ou plutôt en n'ayant pas aimé son expérience, et en n'ayant pas été convaincu ni déplacé dans son goût pour les stupéfiants.


Quel est le propos de ce monachisme à ambitions thérapeutiques dont on se demande s'il ne s'apparente pas aux thérapies de conversion et qui détourne la règle "Prie et travaille" au service d'un espoir de rédemption personnelle qui ne peut certainement pas être le ressort d'une vocation monastique, si elle peut être la conclusion heureuse d'une expérience de vie monastique?


Ce propos est-il de démontrer qu'il n'y a qu'une amitié virile et violemment intrusive qui puisse faire sortir de la violence de la toxicomanie? Qu'on ne sort d'une habitude extrême que par un autre extrême. Que, puisque la toxicomanie est une forme d'incarcération, il n'y a qu'en se mettant volontairement dans une autre prison qu'on parvient à se libérer?


Mais une telle retraite au long cours dans une chartreuse ne ressemble-t-elle pas  à celle du "Désespéré" de Léon Bloy qui n'en reviendra pas moins imprécateur asservissant la fille qu'il a tirée des rues, Véronique, qui coupera ses cheveux et se fera édenter pour n'être plus pour lui un objet de désir?


La prière à laquelle on s'astreint pour espérer guérir, tant l'addictologie est une science inexacte et une médecine balbutiante, où tous les mantras sont bons pour que les gens s'en sortent, n'a-t-elle pas le même effet que la drogue? Ou les meilleurs orants ne sont-ils pas les drogués, comme s'en abuse un des héros de "Feu follet" de Drieu la Rochelle, sur lequel je suis tombé par hasard avant de partir faire ma première cure il y a trois ans?


Et quelle est la valeur de la foi enseignée dans ces lieux-là? Elle n'a pas prétention à convertir tous les membres de la communauté, mais leur fait approcher qu'on peut croire en pratiquant comme l'appétit vient en mangeant. Ou qu'il faut croire pour comprendre au lieu de comprendre pour croire. Mai la foi du héros, Thomas, relève plutôt de l'expérience libératrice d'une prise de parole publique à partir de la "parole de Dieu", vecteur du chemin de guérison escompté dans cette communauté. Thomas reprend espoir quand il se met à faire la lecture au milieu de ses "frères". Thomas prend la parole en s'appropriant si bien cette "parole de Dieu" qu'il connaît presque par coeur tous les psaumes, se félicite le prêtre qui l'accompagne. C'est que les psaumes véhiculent tous les sentiments humains et peuvent être mobilisés pour mettre des mots sur tous les états d'âme, mais des mots que la liturgie décide pour nous au moment où l'on prie, car on ne dit pas en commun n'importe quel psaume en priant la liturgie des heures. Thomas s'approprie donc une parole qui lui permet de dire publiquement qu'il ressent quelque chose et met du baume sur ses maux.


Il connaît deux miracles durant son "incarcération" volontaire. Le premier relève du conte de fée et lui permettra de "faire une fin" à laquelle on a du mal à croire. Il tombe amoureux de la fille des amis que la communauté compte dans le village et qui partage son amour. Elle l'exhorte à rester dans cette communauté tout en n'étant pas dupe de la dureté du chemin qu'on y propose, mais Thomas ne peut que mourir s'il s'en écarte et ne va pas au bout de l'expérience. Y rester est une question de vie ou de mort et de se reconstruire avant de retrouver sibylle qui n'attend que lui, thomas a bien de la chance. Ses retrouvailles finales avec Sibylle le feront déserter le chemin du sacerdoce, le monde est rassuré, mais il l'avait pris pour de mauvaises raisons, parce que servi par un miracle qui démentait par contraste une autre règle de la communauté.


Dans la communauté, on n'a jamais le droit de se retrouver seul, mais Thomas se retrouve seul en montagne. Il appelle ses camarades et court à perdre haleine dans les rochers pour ne pas les perdre de vue. Mais ceux-ci ne cherchent pas la brebis égarée et Thomas se brise une jambe dans sa chute. Sa jambe est réparée en une nuit, c'est le miracle, mais ses camarades l'ont à peine cherché, c'est le démenti de la règle et la déconvenue, une sorte d'assomption de solitude sur laquelle le film ne s'appesantit pas, c'est une de ses apories.


Le prêtre qui l'accompagne n'a pas forcé Thomas à entrer au séminaire, mais je me demande ce que penseront de lui ses compagnons s'ils apprennent qu'il a déserté le chemin du sacerdoce qui lui ont fait un pont d'or d'amitié et de reconnaissance quand il les a quittés pour s'engager sur ce chemin. Pas sûr qu'ils aient à son égard la même mansuétude que soeur Myriam, figure équivoque de fondatrice de la communauté, célébrée et adulée devant laquelle Thomas se prosterne pour prier avec elle, mais qui le gifle parce qu'il n'ose pas lui avouer qu'il n'est pas heureux et qu'il ne prie pas vraiment quand il prie. Soeur Myriam le ramène sur un chemin de vérité, preuve qu'elle n'est pas sectaire, mais la fascination qu'elle exerce sur lui ne lui permet pas de refuser l'affront de la gifle. 


Si "la Prière" s'est voulu un film à thèse, justifiant la violence des thérapies de conversion par la violence de l'intoxication, sa force est de nous donner les moyens de ne pas en être convaincus. 

lundi 20 février 2023

Où en est le synode?


https://www.youtube.com/watch?v=dGvL8JDZSdg


"À quoi est censée s'opposer une Église synodale? ", interroge Philipe Maxence. Il me semble que c'est à une Église pyramidale. Et la même question peut être posée sur la mise en avant tout à fait disproportionnée du mot de "cléricalisme". À quoi s'oppose le cléricalisme? Au "laïcardisme"? Il peut naturellement y avoir une corruption ou un exercice abusif du pouvoir clérical et pyramidal. L'Église catholique n'en reste pas moins une triple pyramide:


-Elle nous raconte l'histoire dans laquelle nous sommes inscrits depuis la Création du monde jusqu'à l'Apocalypse.


-Elle relie entre eux les vivants et les morts.


-De la base au sommet, du simple laïc au pape, l'Église est une société sacrée, donc hiérarchique ou hiérarchisée, question d'étymologie.


Qu'y a-t-il de plus savamment construit qu'une pyramide? Et nous voudrions contester exagérément cette merveille conjointement inventée par l'esprit humain et par l'Esprit saint parce qu'il y a des abus de pouvoir? Mais quand il ne reste plus que du pouvoir à partager, on peut craindre pour l'avenir de l'institution. 


Institution ô combien ferment de civilisation. J'aime à dire pour m'opposer à l'esprit du temps que je me sens souvent plus catholique que chrétien. Chrétien, il m'arrive d'avoir des doutes, y compris sur la personne du Christ. Mais catholique, je crois avec l'Église et cette foi me protège, m'empêche de désespérer ou de trébucher dans mon espérance et me fait continuer d'avancer.


Les évangéliques attaquent souvent l'esprit de religion. Ils se trompent. Quand François a accédé au souverain pontificat,  je voulais croire en sa promesse d'un "catholicisme évangélique": cela vaut bien les promesses du renouveau charismatique qui sont en train de faire "pchit". Certes, le pape est plein d'Evangile et ses commentaires quotidiens de l'Evangile sont très riches. Cela a été ma découverte du confinement. Mais la limite du catholicisme évangélique pris au sens confessionnel est de s'opposer à cet esprit de religion qui nous tient ensemble (à défaut de nous faire toujours "marcher ensemble".)


"Le seul qui ne partage pas son pouvoir et ne le soumet pas à la synodalité est François", note l'abbé Célier. Extérieurement c'est sans doute vrai. C'est du reste une des surprises du pontificat dont la première allocution avait semblé dégrader le ministère pétrinien au rang d'épiscopat de la ville de Rome, qui n'est plus la ville-monde. François avait semblé vouloir oublier la fonction pontificale, mais il aime faire le pape. 


Voilà pour l'extérieur. Mais son premier article à la "Civita catholica" avait relevé ce que le livre de Jean-Pierre Moreau édité par "Renaissance catholique" dénonce en termes polémiques: le pape voudrait transférer son infaillibilité au "sensusfidei" du peuple catholique au nom de sa "théologie du peuple" qui ne me paraît pas être un prolongement de la théologie de la libération, car le péronisme était un conservatisme. Ce transfert de l'infaillibilité du pape au peuple de Dieu me paraît être le sens profond de la synodalité appelée de ses voeux par François.


Les extraits lus dans cette émission montrent que le synode est écrit en galimatias. Et il y a comme le dit l'abbé Benoît un "nombrilisme" de "l'Eglise qui se regarde faire Eglise"d'autant plus mal venu quand on déplore "l'autoréférentialité" d'une Église qui cesse par là même d'être christocentrique, comme le lui demandait Benoît XVI, qui a remis le Christ au centre de l'Eglise comme François essaie de remettre l'Evangile au centre de sa démarche. 


Mais il n'y a de "conversion" qu'au Christ et certainement pas de "conversion écologique" qui est un renversement de perspective, ou de "conversion vers une Eglise synodale."L'Eglise est le moyen et non le but et je n'irais pas jusqu'à invoquer ici l'adage ignatien selon lequel les moyens sont indifférents...


J'entends bien qu'on ne parle pas du salut dans le document du synode continental, mais je veux croire qu'il est induit et penser que le reproche est caricatural. Pourtant ce que pointe le P. J.F. Thomas le fonde: "les points essentiels qui sont constamment relvés [dans ce document] ne ressortissent pas à la vie spirituelle: c'est le cléricalisme, la place des femmes, le sexisme, la tension global-local, la transparence, la formation à la synodalité. On ne parle pas ici de problèmes théologiques, pas de spiritualité, pas de mission et pas d'annonce du salut." 


Les trois premiers thèmes énumérés me font dire que l'Eglise a toujours épousé les valeurs bourgeoises de son temps alors qu'elle ne devrait pas être mondaine. Mais ce faisant elle  a toujours été en retard d'une guerre. Le féminisme et l'écologisme sont devenus tellement outranciers qu'ils ne peuvent être que sur le déclin.


Cela dit, le moderne que je suis malgré tout (un moderne qui voudrait garder la foi du charbonnier), considère comme un progrès l'insistance mise sur l'universalité du salut et que la ligne de partage se soit déplacée, dans l'interprétation de la parabole de l'ivraie et du bon grain, pour dire qu'une personne n'est jamais totalement de l'ivraie ou du bon grain, mais que ce champ mêlé, c'est la personne elle-même qui, tout en les laissant grandir ensemble de peur de tout arracher ou d'éteindre la mèche qui brûle encore, doit cultiver son champ de manière à brûler les germes de zizanie qu'est l'ivraie et cultiver le bon grain pour donner "trente, cinquante et cent" épis "pour un" germe. 

samedi 18 février 2023

Jean-Luc Mélenchon a tout faux

Jean-Luc Mélenchon a cornérisé la Nupes: alors qu'il n'est plus député, il a prétendu dicter au groupe LFI et à même à ses alliés leur façon de réagir. Alors qu'il prétend le servir, il s'est mis à dos le front syndical qui demandait aux députés de discuter le texte et surtout l'article 7 pour accompagner leurs protestations. Il a offert de belles jooutes verbales, mais a montré les limites et l'impuissance du parlementarisme dont il voudrait faire l'alpha et l'oméga de sa VIème République. En se plaçant dans une logique d'obstruction systématique, maximaliste et hors sujet, il contraint le texte qui sera issu de la commission mixte paritaire à être plus dur que celui qu'il aurait pu amender. Son tropisme antifasciste plus fort que son anti-macronisme l'empêche de faire le front des populismes et de porter ses idées dans la loi. À Montpellier, il se vantait de s'être déjà "mangé sept réformes des retraites" et d'en connaître tous les arguments. Il jouait donc volontairement pour perdre sa bataille contre le gouvernement. Mais surtout, il n'a fait preuve d'aucune "imagination au pouvoir". Il s'est focalisé sur le refus du report de l'âge de la retraite rendu inévitable par l'allongement de l'espérance de vie pour être incapable d'envisager que partir à la retraite et être renvoyé à ses foyers ou à sa solitude peut être aussi désocialisant que d'exercer un boulot pénible qui nous a cassé le dos. Il n'a pas imaginé un modèle de réduction et de partage du travail tout au long de la vie pour que les anciens ne soient pas mis au rancard. Il n'a jamais présenté une articulation du travail bénévole et du travail rémunéré dans une société du plein emploi. Il s'est accroché au mythe d'une augmentation de la productivité augmentée qui pourrait compenser le ratio diminuant des actifs cotisant pour les retraités. Il a prétendu que l'automatisation et que la machine était au service de l'homme. Et il a fait de ses députés Nupes et surtout Lfi des clones de lui-même, ayant son caractère et sa violence et devant obéir au doigt et à l'oeil de ce leader massimo prétendant détester le pouvoir personnel.

vendredi 17 février 2023

Dialogue de l'ombre avec Michel Houellebecq

Michel Houellebecq, histoire d’une dérive – Libération (liberation.fr)


Quel parcours que celui d'un homme qui se trouve, d'emblée, à la croisée d'une politique qu'il surplombe en dandy fatigué sans passé, sans mémoire, avec un vague désir d'avenir, et qu'il va anticiper, de roman en roman, non pas tant par leurs intrigues (bien qu'il ne faille pas s'y tromper, car l'écriture de Houellebecq ne tient pas au corps) que par la date de parution de ceux-ci: le 11 septembre pour "Plateforme" où il est question d'un attentat islamiste et à la veille du 7 janvier 2015 pour "Soumission", où les attentats contre "Charlie hebdo" laissent Paris hébété comme l'est Houellebecq qui ne s'en laisse pas conter malgré ses petits airs de ne tenir à rien, et continue de jouer les prophètes: Zemmour est le "petit héros de la droite bourgeoise" (je pense comme lui, donc je valide, et pourtant toute cette droite a mordu à l'hameçon et s'est faite avoir, jusqu'à la droite aristocratique). Ses oracles sont sertis dans une écriture blanche et sans effet, dépouillée jusqu'au naturel, détachée, comme la langue des signes, celle des coïncidences, des synchronicités et des champs magnétiques, qui nous rappellent qu'il y a énigme, mais qui ne nous donnent pas la clef, et qu'il y a signes linguistiques, mais c'est un vocabulaire sans traduction, un "système en équilibre" et une syntaxe qui se soutient, comme la terre qui ne repose sur rien. 


La langue des signes est celle de l'absurde, celle de l'anti-pentecôte ou de la simple préfiguration, celle des sourds qui ne veulent pas entendre ce que le réel veut leur dire ou celle du réel qui ne veut pas se faire entendre, et avant tout celle de la psychanalyse: la mauvaise interprète et moralise, la bonne pense que l'événement découle d'associations d'idées comme nos pensées, que l'histoire est inconsciente et structure le langage du monde que nos rêves organisent, non dans leur désir idéalisé, mais dans leur foutraquerie dégentée.


Houellebecq est un nihiliste qui prédit, un artiste contemporain qui  choisit un sujet, se documente et le dépeint dans un reportage grimé en installation.


______________________________________


Sophie des Déserts: "On dirait parfois qu’il se rêve en président plaidant, au nom du peuple, pour une démocratie directe, à la Suisse, plus d’interventionnisme en économie, moins en matière de mœurs, très remonté contre la loi sur la fin de vie, mais tout de même «réservé» sur l’abolition de la peine de mort…" Je pense comme lui en inversant les deux derniers articles.


Houellebec en audio:

https://www.youtube.com/watch?v=V_6JYQrpuyU (et les suivants):


"C'est la modernité en elle-même qui génère son autodestruction et c'est troublant. On a un phénomène pour lequel les mots de "nihilisme européen" ne suffisent pas. Je voulais vous dire ça, mais je n'ai pas la clef de l'énigme: pourquoi, à partir d'un certain niveau de développement, on s'autodétruit?"

Michel Onfray (MO): "Quand la volonté s'épuise dans une civilisation, on ne fait plus d'enfants."

MH: "C'est au Japon qu'est apparue l'incapacité de sortir de l'univers virtuel. Soit on trouve un autre moyen de faire des enfants en dehors de la sexualité, soit on disparaît."


Épisode 2: 


https://frontpopulaire.fr/fpplus/grand-format/videos/houellebecq-onfray-la-conversation-episode-2-creolisation-et-grand-remplace_vco_19341207


"La créolisation" est le mot d'Édouard Glissant que Jean-Luc Mélenchon a choisi pour ne pas parler de "grand remplacement." 

MH: "Il n'y a pas de volonté organisatrice derrière tout cela. La vérité est que personne ne contrôle rien."



Episode 3:

https://www.youtube.com/watch?v=TTjBGXW4HBk


Israël peut-il être une réserve d'Indiens pour lutter contre la fin de l'Occident? Et le dernier des colonisateurs? Quel universalisme sous le territorialisme juif (le judaïsme n'est pas qu'un universalisme territorial, il propose aussi une manière spirituelle d'aller vers les promesses de la terre, et le sionisme n'est laïque qu'en ce qu'il hâte la reddition par Dieu de la terre d'où le peuple fut dispersé en lui forçant la main pour la lui rendre.) Faire d'Israël la dernière réserve d'Indiens occidentaux en pays arabe est aussi farfelu que d'avoir imaginé un président musulman qui proposerait de refaire l'empire romain sur une base musulmane, puisque les trois monothéismes sont censés s'être emparés de cet empire pour le dénaturer.


MH: "Je soutiens Israël pour des raisons morales. Il y a une différence de fond entre attentats aveugles et assassinats ciblés. Quand on a un doute moral, il ne faut pas aller au fond des choses, il faut examiner les moyens employés. Les Palestiniens emploient des moyens immoraux, les Israéliens emploient des moyens nettement plus moraux. Ça clôt le débat pour moi." 

Pas sûr que la différence ne se réduise pas à ce que les assassinats ciblés sont perpétrés par un Etat militariste et militarisé quand les  attentats aveugles sont le fait de commandos paramilitaires faute d'avoir pu s'organiser ou être reconnus en États.


MO: "La création d'Israël est un dommage de guerre." 

Mais le dommage d'une guerre européenne en pays arabe.


Épisode 4:

https://frontpopulaire.fr/fpplus/grand-format/videos/houellebecq-onfray-la-conversation-episode-4-islam-islamisme-guerre-civile-_vco_19539217


""Soumission" est une anticipation modérée. Le mouvement woke n'existait pas encore à l'université. J'ai souvent dit que je n'étais pas réactionnaire parce que je croyais tout retour en arrière impossible. Les salafistes ont réussi à retourner plus loin que le XIIIème siècle auquel aimeraient revenir les nostalgiques [de la chrétienté]. Les talibans gouvernent leurs pays. S'il y avait un régime théocratique, je préférerais qu'il soit catholique que musulman."

Par attachement personnel, je dirais la même chose. Mais je suis trop modéré, trop pleutre ou trop incapable de choisir pour ne pas ajouter que je ne souhaite ni l'un ni l'autre.


MO: "Il faut être prêt à tuer pour construire une civilisation." 

L'Occident n'a plus cette énergie. Il a une énergie morbide, il n'a plus d'énergie mortifère. Nous arrivons à la fin de cette ruse de l'histoire qu'était la civilisation chrétienne. La dernière "idée chrétienne devenue folle" de l'Occident, c'est qu'il connaît son déclin et y consent. Moi qui me dis un catholique occidental, je suis occidental parce que catholique, et un catholique de mon siècle qui consent à mon déclin, qui me retrouve dans l'Occident parce qu'il est décliniste et non plus conquérant, un catholique qui préfère être morbide que mortifère, mais qui regrette de ne pas avoir assez aimé la vie et qui sais aujourd'hui qu'on ne l'aime jamais assez. Car aime la vie et tu seras un bon vivant et un bon compagnon qui voudra et fera le bien d'autrui, aime-toi et tu aimeras ton prochain. 

Pierre Palmade, Olivier Dussopt, Jean-Luc Mélenchon, Adrien Quattenens, le monde et moi, violence à tous les étages!

L’affaire Pierre Palmade défraie la chronique. J’ai écouté mardi dernier une émission des GG (Grandes gueules) où une drôle de bonne femme, Kaouther ben Mohamed, ancienne éducatrice spécialisée souffrant de beaucoup de neuropathies, n’ayant jamais touché une goutte d’alcool de sa vie ni aucune drogue, mais disant avoir accompagné beaucoup de dépendants, décrivant bien ce qu’était leur vie après qu’ils aient renoncé au produit qui les stupéfiait, le combat de toute une vie, tomba à bras raccourcis  sur Pierre Palmade à qui elle ne trouvait aucune circonstance atténuante en trouvant indécent que sa sœur se soit chargée de dire sa honte avant sa sortie de réanimation et la garde à vue qu’il est en train d’affronter, déféré après la mise en examen qui lui a été notifiée. Et la meute des GG de hurler avec les loups.

 

Ce que j’en pense ? Deux choses. La première revient à la réaction qui fut la mienne au moment de l’affaire Merah. Je me retrouvai dans ce que dit une femme, elle aussi interviewée par RMC et qui s’exclama : « Évidemment que les victimes sont à plaindre, mais Merah lui aussi est un pauvre petit. » Et la deuxième, c’est que la honte de Pierre Palmade n’est pas feinte. L’accident qu’il a provoqué est une tragédie, pour la famille qui se retrouve avec un bébé qu’une femme douce et gentille a perdue, aux dires de son avocat, pour l’autre enfant défiguré, pour son père entre la vie et la mort, et pour Pierre Palmade qui se lèvera tous les jours en pensant à cet accident et dont la vie va continuer sans raison, confrontée au supplice du miroir. Sa vie n’a plus de sens, je sais de quoi je parle.

 

Et comme derrière deux choses il y en a toujours une troisième, ça me rappelle que la désintoxication ne marche pas. Pierre Palmade a apparemment cherché à s’en sortir et à se désintoxiquer. La persistance de son intoxication ne fut-elle pas ce qui mit fin à son drôle de mariage avec Véronique Samson ? Elle-même, où en est-elle ? Mais non, les cures de désintoxication ne marchent pas et l’addictologie quoi qu’elle en ait est une médecine balbutiante qui propose de la relaxation à des toxicomanes en mal de sensations fortes, qui ne prend jamais le problème à la racine, qui traite leur part blessée, mais pas leur part blessante, qui ne les met jamais en face de leurs actes, qui les prend comme s’ils étaient une page blanche, une page vierge et leur fait croire qu’ils peuvent raisonner comme si leur passé n’était pas chargé ou comme si leur casier judiciaire était vierge. Je sais de quoi je parle, j’en ai fait et je crois que je n’en ferai plus de si tôt, même si je ne veux ni insulter l’avenir ni figer mon existence. Peut-être changerai-je de braquet dans une phase ultérieure dema vie, mais je n’y suis pas prêt. Et pourtant tout devrait me porter à l’être. Je n’ai jamais été dans le déni et je connais le supplice du miroir.

 

L’autre fait d’actualité est le foin qu’on fait autour de la réforme des retraites. Mélenchon et la France insoumise se mettent en scène jusqu’au ridicule. La réforme n’est pas bonne, mais leur riposte ne vaut pas mieux. Ils illustrent un parlementarisme à la papa, ravi de son impuissance, sur fond de culture marxiste de bas étage où demander à la moyenne des gens de travailler deux ans de plus équivaudrait à leur voler deux ans de vie parce qu’on meurt au travail, et de sortir des statistiques prouvant que six cents personnes meurent chaque année d’un accident à leur poste de travail, sans compter les maladies professionnelles. Cela vaut à Aurélien Saintoul de traiter d’ »assassin » un Olivier Dussopt qui paraît, ou bien se droguer lui-même, ou bien être au bord du burn out. Difficile à croire que son mélange d’arrogance, de tristesse et d’égarement dans les détails ne soit le fait que de la grippe, comme il l’a fait entendre ce matin sur RMC.

 

Est-ce qu’Olivier Dussopt est l’ »assassin » de ces six cents malheureux morts à leur poste de travail, comme l’en accuse Jean-Luc Mélenchon dans son marxisme devenu primaire de prétendu grand intellectuel qui « ramène des éléments venus du fond des âges » pour les faire résonner dans l’histoire immédiate, comme il convenait avec Henri Guaino que c’était l’attitude d’un homme politique qui avait le sens de la profondeur historique, s’attachant à une cause, car il se pourrait bien que « la vie n’ait pas de sens », disait-il hier soir au meeting de Montpellier 


Le 7 mars, on bloque tout ! - Meeting à Montpellier - YouTube


où ce septuagénaire explique à des trentenaires ou des quadras que travailler deux ans de plus serait une calamité pour leur santé et risquerait de leur faire perdre la vie comme à ces six cents martyrs du travail que Mélenchon assume d’imputer à Olivier Dussopt, car Mélenchon l’aboyeur assume le dérapage d’Aurélien Saintoul et dit qu'il ne faut jamais s'excuser.

 

On ne peut se persuader de la responsabilité d’Olivier Dussopt que si l’on adopte la vision d’un Édouard Louis qui accusent tous les politiques d’avoir « tué son père » dans un tout petit livre assez poignant et qui parle bien de tous les membres brisés du corps de son père à force d’avoir travaillé en usine avec des cadences favorisées par les politiques, mais établir une responsabilité directe entre de mauvaises conditions de travail et la brisure des corps d’une part, et ce que voudraient explicitement des politiques entièrement complices du « capitalisme » d’autre part, me paraît abusif et régressif. 


Ou pour le dire avec le fait du jour, assimiler directement Olivier Dussopt à Pierre Palmade n’est peut-être pas macropolitiquement incorrect (au sens d’inexact), mais il y a, entre ces deux hommes, la distance qui existe entre un meurtrier direct et celui qui, en voulant exercer le pouvoir, a accepté le meurtre par procuration de la détention de la violence légitime en tant que dépositaire de la force publique et commanditaire de ceux qui l’exercent, les policiers pour « le principal », mais les détenteurs du « capital » pour l’ »intérêt », capitalistes comme Bernard Arnault qui « [feraient] de l’argent en dormant » et que l’État n’empêche pas de nuire en la personne d’Olivier Dussopt, de Gabriel Attal qui se révèle plus élastique et plus habile que je ne m’y attendais dans sa défense de la réforme, car il est sans pathos, et bien sûr au premier plan d’Emanuel Macron, que Mélenchon accuse pour la énième fois d’être un « banquier d’affaires ».

 

Je n’ai écouté qu’une fois les débats parlementaires comme je l’ai fait hier pour la réforme des retraites. La dernière fois c’était pour le débat autour de « la Manif pour tous », mais je crois n’avoir pas loupé les deux épisodes parlementaires les plus intéressants de cette dernière décennie. Ce parlementarisme impuissant est l’essence de la VIème République désirée par Jean-Luc Mélenchon. Il ne donne pas envie d’y courir. Il faut pourtant lui laisser que ce sont de belles heures de joutes verbales, comme celui qui  accompagna la protestation de « la Manif pour tous » sous François Hollande, la première manifestation réprimée dans une violence policière de masse, exercée contre les conservateurs qu’on n’attendait pas dans la rue, qui y étaient donc illégitimes et qu’on pouvait par conséquent mater sans état d’âme.

 

Mais l’impuissance de ce parlementarisme d’obstruction et de joutes répétitives quoique théâtralement bien montées réduit à néant la dénégation qu’on oppose à la démocratie directe. Les députés votent en un temps record, sans parfois qu’ils aient eu le temps de regagner leur place, dans un scrutin qui se clôt en une seconde et le plus souvent à main levée pour ou contre des amendements qu’ils n’ont pas lus et on voudrait nous faire croire que le citoyen régulièrement consulté dans des référendums en saurait moins que ces élus à qui le président de séance est obligé de redire que le gouvernement ou la commission ont émis un avis favorable ou défavorable pour ou contre ces amendements pour qu’ils se déterminent en conscience disciplinée.

 

Emmanuel Macron nous était présenté comme le ministre qui adorait convaincre les parlementaires et ç’aurait été en dépit de lui que Manuel Valls ulcéré aurait fait passer sa « loi Macron » au moyen du 49-3. Ça s’est sans doute passé ainsi en effet, et Valls en volant la politesse à Macron l’a sans doute privé de séduire les parlementaires qu’il était entrain de retourner comme une crêpe.  Mais le jeune coq a bien appris la leçon et non seulement sa première ministre (sic) abuse du 49-3 et maintenant du 47-1, mais Olivier Dussopt (toujours lui) ose affirmer en pleine face à Jérôme Guedj (qui est un député pénétré de ce en quoi il croit, ayant fait la bringue avec Jean-Luc Mélenchon et avec Édouard Philippe et dont je sais de source sûre et directe qu’il suit très attentivement ses dossiers), après une espèce d’inversion accusatoire où il prétendait qu’il « perdait les pédales » et « voulait se refaire la cerise », que lui, Olivier Dussopt, membre de l’exécutif, n’avait pas de compte à lui rendre quant à la manière dont il établissait les chiffres qu’il mettait sur la table (les 1200 euros dont il avait fait croire que personne n’aurait une retraite moindre) et qu'il n'avait qu'à consulter sur l'étude d'impact. C’est-à-dire que le gouvernement d’Emmanuel Macron préfère le théâtre parlementaire au fait de faire face à la démocratie directe, le préfère, le tolère, mais ne le supporte pas et depuis qu’Emmanuel Macron y compte une majorité relative, il ne cesse de le menacer de dissolution.

 

Quant à Jean-Luc Mélenchon qui s'est mis à dos le front syndical en refusant de faire retirer ses amendements au groupe de la France insoumise et qui dirige son mouvement politique depuis son refus de rempiler au poste de député (il a refilé sa circonscription comme la direction exécutive de son « mouvement gazeux » à Manuel Bompard), il bougonne, grommelle, aboie, insulte, a couvé des clones hystrioniques dans ce moule injurieux, jappeur et postillonnant, et dans « l’Emission populaire» 


LES MACRONISTES PERDENT LA TÊTE - EMPOP 14 FÉVRIER - YouTube


que j’ai écoutée par hasard, ses jeunes lieutenants tout sourire dénoncent la brutalité de la politique d’Emmanuel Macron tout en ne comprenant pas qu’on trouve quelque chose à redire à leur violence verbale, car les mots ne sont que des mots, et il faudrait nécessairement opposer la violence à la brutalité.

 

En sorte que le soutien qu’accorde Jean-Luc Mélenchon à Adrien Quattenens n’a rien d’anecdotique : à travers la gifle qu’il a avoué avoir donnée à sa compagne, gifle dont dans un monde normal, on ne devrait pas avoir à connaître, car il s’agit d’une dispute conjugale, Adrien Quattenens a néanmoins reproduit la violence de son mentor, dont je me suis souvent demandé devant ses fulminations permanentes comment il aurait pu ne pas en venir aux mains avec les femmes qui avaient partagé sa vie. Il dit qu’il s’emporte comme un méditerranéen qui parle avec les mains et a le verbe haut, mais ses emportements sont des explosions, et il paraît impossible qu’il ne joigne pas le geste à la parole. Donc Adrien Quattenens à travers sa gifle, n’a pas dérapé en frappant sa femme, il a franchi la ligne jaune dont les traits sont à peine marqués et qui va du geste à la parole. Il a imité et « réalisé » Mélenchon en montrant qu’il n’est pas possible de pratiquer la violence verbale ou la violence psychologique sans en venir à la violence physique.

 

Le drame du moment dans lequel nous sommes gouvernés est qu’il y a de la violence à tous les étages, une violence longtemps refoulée et qui revient, à la fois par la guerre extérieure qui menace d’escalade en guerre mondiale, par la violence sur le ton des « amis du peuple » qu’on appelle populistes et par la violence sur le fond de ceux qui mènent le peuple avec brutalité. Violence cristallisée dans l’accident que son inconscience d’être dans un état où il ne maîtrisait plus rien, donc que son inconscient a fait provoquer à Pierre Palmade, fils d’un obstétricien mort en revenant de couche quand Pierre Palmade avait huit ans et qui aujourd’hui tue involontairement un bébé à naître de sept mois parce qu’il ne s’est jamais remis de cet accident qui a bousillé sa vie. Violentisation générale quand le beau programme est de ne pas « entrer dans la violence », programme que m’avait proposé Nathalie et que je n’ai pas su appliquer, même si je ne suis jamais passé de la violence psychique à la violence physique, mais l’une ne vaut pas mieux que l’autre, et que je ne me sois pas aperçu que j’étais psychologiquement violent quand il en était encore temps me donne aujourd’hui des remords. Mais les remords viennent du démon, il faut être avec la vie qui nous assure qu’elle a du sens en continuant de couler en nous

          

lundi 6 février 2023

François Hollande ou le contraire de la langouste

Justice au Singulier: Entretien avec François Hollande (philippebilger.com)


Que retenir de cet entretien? Je citerai pour commencer cette définition plutôt inattendue que François Hollande donne de la politique:


« La politique, c’est une pensée, ce sont des idées, c’est la recherche d’une compréhension de la société et du monde. Come il n’y a plus de pensée, la politique [est en état de] faiblesse".


Pourquoi cet effort de pensée et cette compréhension de la société n'ont-ils pas suinté de l'exercice du pouvoir de François Hollande? Parce qu'il n'a pas été un prof, un militant associatif ou un homme de terrain, mais un homme de cabinet et d'appareil. François Hollande  a cherché la société et ne l'a pas trouvée parce qu'il a confondu la tactique avec la pensée politique. Il n'est pas anodin qu'il associe celle-ci aux discours qu'on inscrivait sur les murs de l'Assemblée nationale quand ils étaient remarquables. Pour lui, c'est tout un de penser et de discourir. François Hollande était un bon orateur à l'Assemblée nationale. Il se voyait comme le "prochain" président, parce qu'il potassait bien ses discours. Mais quelle était sa vision? Il était le président du "cap", de la "boîte à outil", du "choc de simplification", du "pacte de responsabilité" qui braquait ses jumelles sur la courbe du chômage. La politique est pour lui un graphique ou une monographie.


Il croit que la politique est une pensée, mais la raison d'être des partis se borne selon lui à "faire émerger des talents". Donc la politique a beau ne pas être une affaire de personnes et le déclin des partis politiques  être préjudiciable à la démocratie plus qu'aux militants et aux "nostalgiques de cette histoire", ne regrette-t-il pas davantage la disparition des courants que la disparition des partis proprement dits et lui-même ne s'est-il pas forgé des convictions au demeurant toujours modérées que pour arriver au sommet du cursus honorum en endossant un costume trop grand pour lui, raison d'être du procès en illégitimité dont il déplore qu'il lui ait été fait dès le début de son mandat, sous-entendu sans lui laisser aucune chance? Il a eu la chance d'arriver lui-même, mais pour arriver à quoi? Et d'arriver en aimant les gens comme Chirac, mais en craignant de bouleverser les équilibres d'une société qu'il considérait comme trop fragile pour oser la fracturer et la forcer un peu, comme si la démocratie, ce n'était pas le clivage, mais le consensus, et le lieu d'émergence de personnalités talentueuses, simples, humbles et normales, pour exercer un mandat dont sa modestie n'avait pas rougi de dire en son temps qu'il supposait des "qualités exceptionnelles", dont il ne doutait pas d'être doté.


Mais l'ancien président est lucide. Devant Philippe Bilger qui se pâme de se trouver en face d'un personnage historique qu'il trouve "extrêmement doué" (et c'est son mot de la fin), l'ex complimenté n'est même pas sûr d'occuper comme Chirac "un paragraphe dans l'histoire", il sait que ce que l'histoire retiendra de lui, c'est d'avoir été le président "de la crise terroriste" et du discours larmoyant et traumatisé du 13 novembre un peu après minuit, un homme que j'ai appelé pour ma part "le président du deuil national", car incapable de tracer un horizon positif; un homme doux sans doute, mais fasciné par la guerre au point de la voir dans la guérilla et d'être loin de regretter d'avoir, par son obstination en Syrie, excité explicitement les enragés du Bataclan. Il explique au contraire que c'est quand Obama n'a pas respecter la "ligne rouge" qu'il avait tracée à Bachar El-Assad de ne pas employer contre son peuple d'armes chimiques (la question reste disputée), que c'est parce qu'Obama n'est pas intervenu en Syrie à ses côtés que Vladimir Poutine s'est cru autorisé par la faiblesse de l'Occident à envahir l'Ukraine. 


François Hollande croit que ce sont les crises qui font que le chef d'un parti devient le président de tous les Français. Il aime les opérations spéciales et la force de frappe d'un Occident sans idéologie et croit qu'elle suffit à s'opposer aux extrémistes et illibéraux du monde entier. Sa douceur est dangereuse. Car elle a donné lieu de croire à Emmanuel Macron qu'on pouvait faire une guerre contre un virus à travers laquelle on préférerait le masque au visage, le télétravail à la présence physique, on isolerait les personnes fragiles sous prétexte de leur venir en aide et on changerait la société. 


La guerre de Hollande n'a pas eu lieu, mais le grand recet de Macron s'est fait sans que la main du jeune président ait tremblé. Au point que j'ai entendu cette conclusion prodiguée  par un médecin de terrain, vendredi dernier, dans un colloque consacré au handicap: "Plus le handicap est lourd, plus la dépendance est grande et plus la prise en charge s'affaiblit."


On dit qu'une langouste est dure à l'extérieur et molle à l'intérieur. On disait que Chevènement était une langouste. François Hollande est le contraire d'une langouste. 


"Dis-moi qui t'entoure et je te dirai qui tu es". François Hollande a couvé Emmanuel Macron. "Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte" et déjà le mépris altier de Macron perçait sous la bonhommie doucereuse de Hollande. 

dimanche 5 février 2023

François Hollande en précommentaire

François Hollande va être "soumis à la question" par Philippe Bilger. 


Justice au Singulier: François Hollande avant la question ! (philippebilger.com)


Avant qu'il ne me retourne comme une crêpe, je publie ce bilan de son mandat:


François Hollande en précommentaire.


En 2002, lorsque Lionel Jospin quitte inopinément la vie politique, ne pouvant supporter  la présence au second tour de Jean-Marie Le Pen, François Hollande, bombardé cinq ans plus tôt premier secrétaire de son parti par la nomination de son ancien candidat à l'élection présidentielle et premier secrétaire au poste de premier ministre, se retrouve à la tête d'une majorité qui se demande ouvertement s'il a la capacité de gouverner la France. François Hollande vit mal ce premier épisode méprisant et dix ans plus tard, un alignement des planètes le fait prendre sa revanche: Dominique Strauss-kahn a été arrêté en plein vol et a vu ses ambitions menotées; une querelle de dames venait de secouer le parti socialiste, l'une d'elles était l'ancienne compagne de François Hollande, chalenger malheureuse de Nicolas Sarkozy, qui fit dire à Arnaud Montebourg que le parti socialiste était la proie d'un problème de couple et la France allait le devenir, car après l'improbable candidature de Ségolène Royal poussée par les militants du parti socialiste et regardée de haut par tous les gens qui savent ce que gouverner veut dire, la sphère qui préside aux ambitions partisanes au-delà du désir militant et avait intronisé DSK avant sa chute, préempta "Monsieur 3 %" comme elle avait naguère préempté Jacques Delors, sans doute pour ne pas reprendre un ticket perdant avec Ségolène Royal ou ne pas faire face à la radicalité présumée cassante de Martine Aubry. 


Voilà François Hollande en lice et mis en selle et partant favori de "la primaire citoyenne" et quelle que soit la qualité de sa formation, François Hollande, aussi énarque qu'un autre,  apparaissait, du fait de son inexpérience, de son côté tacticien et hâbleur, de son inaptitude à trancher signalée le premier par Claude Allègre, comme incapable de gouverner un pays aussi peu maléable, et à ce point réfractaire et clivé qu'est la France aux mille clans et brigues, vis-à-vis de qui les divisions du parti socialiste sont de la petite bière en fait de potion magique, pays qu'il voulait sincèrement réparer, après le mandat de Nicolas Sarkozy qui l'avait fracturé, à l'en croire.


François Hollande érailla sa voix, fit des meetings à la Mitterrand qu'il imitait mal, fit une déclaration d'amour aux gens et d'hostilité à "la finance" dont il était de notoriété publique pour les gens à moitié informés comme je suis qu'un de ses représentants l'accompagnait en la personne d'Emmanuel Macron qui perçait déjà sous son mentor avant qu'il ne le nommât secrétaire général adjoint de l'Élysée, puis ministre de l'Économie.


Par gentillesse, François Hollande commença par montrer une incapacité comme directeur des ressources humaines. Il choisit bien le premier de ses premiers ministres et choisit le suivant au plus mal, mais dès son premier gouvernement, il recycla tous les éléphants dont les trompes se poussaient du col et tous les gens d'appareil des partenaires de sa majorité en prenant garde de ne vexer personne et en se posant, par goût de la normalité,  comme un primus inter pares au lieu de s'imposer en président. 


Puis un journal exhuma que, conseiller de François Mitterrand qui faisait des moulinets gauchistes avant d'être rattrapé par la rigueur, il avait par goût du canular écrit dans "le Matin de Paris" que la meilleure chose qu'aurait à faire le parti socialiste parvenu au pouvoir, c'était une politique de droite. Ses commettants l'avaient choisi parce qu'ils connaissaient son tropisme social-libéral et que son projet, qui promettait de "réenchanter le rêve français" tout en revenant aux 3% de déficit budgétaire pour être d'équerre avec le traité de Maastricht, était celui qui faisait le moins de vagues et le moins rêver. Il le mit à exécution et se prit au jeu de la politique qu'il préconisait vingt-cinq ans plus tôt dans "le Matin de Paris". 


Il semblait avoir peu d'idées à l'international et, soit qu'il voulût se donner un genre de dur ou une tête de Turc, soit qu'il fût impressionné par les postures martiales de Manuel Valls qui le mordait au mollets, tel un "roquets" plus fabiusien que rocardien, il donna dans un néo-conservatisme qui alla jusqu'à surenchérir sur sa version américaine et n'obtint pas que le congrès mandatât l'armée des États-Unis pour aller faire la guerre en Syrie aux côtés de François Hollande, dont le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius en personne, disait que le président syrien "ne méritait pas d'être sur terre". Cela nous valut les attentats du Bataclan, bien que la France et les djihadistescombatttissent contre le même ennemi, mais celle-là entendait punir ceux-ci quand ils rentraient de leurs camps d'entraînement où ils apprenaient à décapiter les koufars et à préméditer des attentats contre des puissances européennes dont ils demeuraient des ressortissants. François Hollande imagina de les déchoir de leur nationalité comme la loi le lui permettait, mais il n'envisageait pas d'y recourir, voulut faire voter une loi qui le stipulait expressément, on s'en formalisa, la discussion tourna à l'aigre, fit beaucoup de bruit médiatique et s'éternisa, Manuel Valls se fit le VRP de la déchéance de nationalité, Christiane Taubira démissionna et le néo-conservatisme de François Hollande s'inclina sous les foucades laïcistes de l'ancien maire d'Évry, qui ne valaient pas celles de Vincent Peillon.


Le laïcisme couva la guerre de religion qui n'a pas encore éclaté au déclin de la civilisation occidentale qui semble s'être donnée le mot pour s'autodétruire, institution par institution, en cassant son modèle social et les jouets, ou plutôt les trésors de la Reconstruction tels qu'ils avaient été savamment imaginés, après le rationnement qui fait aujourd'hui son retour en force, par le Conseil national de la Résistance. La faiblesse de François Hollande ne put pas limiter la casse et nous mit sous le joug de son continuateur, qui assume cette autodestruction et cette régression sous couvert de progressisme en ne se donnant même pas la peine de cacher qu'il méprise son peuple ni les apparences de la bonhommie qui chez François Hollande était réelle, mais accusait un manque d'autorité qui aurait dû le retenir de prétendre à plus qu'il ne pouvait, et devrait aujourd'hui le contraindre à plus d'humilité, car quoi qu'il nous coûte, il écrit des livres, les dédicace et les vend en refaisant le match et le monde comme si son quinquennat n'avait pas été calamiteux, comme s'il avait été un bon président et comme si son élection ne nous avait pas ouverts à quinze ans de malheur public.

lundi 30 janvier 2023

La gauche et la culture

En écho à ce billet de Philippe Bilger: 


Justice au Singulier: Comme Fabrice Luchini, aimerions-nous être de gauche ? (philippebilger.com)


Amusant voire incroyable de tomber en cette nuit même où vous postez ce billet, sur cet extrait du cinquième entretien "A voix nue" de Catherine Nay que je ne connaissais pas, mais voulais écouter depuis longtemps et vous livre en glaneur que je suis, comme tous les contributeurs de ce blog.

Marie-Laure Delorme demande à Catherine Nay: "Pourquoi n'êtes-vous pas de gauche?" "C'était Lucchini qui avait une phrase très drôle. Il dit: "Je ne suis pas assez fort pour être de gauche, je ne suis pas assez moral, pas assez formidable." Parce que ces gens de gauche ont un tel sentiment de supériorité par rapport aux gens de droite qu'ils s'imaginent être incultes, être des barbares et eux ont la supériorité. Ça, je l'ai senti quelquefois quand vous arrivez dans des milieux de gauche et qu'on vous regarde comme une fille de droite. Moi, ils me trouvaient sympathique parce que probablement, je le suis, mais comme quelqu'un d'un peu inférieur parce que je ne suis pas de gauche. Cette espèce de prétention où on a pour soi la supériorité, la justice, la morale et la culture disent-ils, ça m'est absolument insuportable.

Mais vous voyez, pour la culture, le grand ennemi de la gauche, c'était Sarkozy, qui n'a pas digéré le fait qu'on le traite de barbare parce qu'il avait dit que pour être postier ou pour entrer dans l'administration, il n'y avait pas besoin d'avoir lu "la Princesse de clèves". Vous vous souvenez d'intellectuels qui se baladaient avec un badge au salon du livre: "J'aime "la Princesse de Clèves" et de tous ces artistes qui lisaient "la Princesse de clèves" sur les marches de l'Odéon pour montrer que Sarkozy, c'était vraiment un ignare, un inculte qui ne méritait pas d'être président de la République. C'a été pour lui une telle honte, une telle blessure qu'il s'est mis à lire tout ce qu'il n'avait pas lu avec la fougue qu'on lui connaît et comme c'est un hypermnésique, il a vu tous les films, il a lu tous les livres et pour nous montrer qu'il n'était pas l'inculte que l'on disait, il nous recevait, nous les journalistes, et on avait toujours le quart d'heure Lagarde et Michard où il nous parlait des auteurs. Si on avait lu Balzac, il trouvait toujours le roman qu'on n'avait pas lu, un roman vraiment inconnu, difficile à trouver, et il a même fait un livre sur sa culture, ses goûts en peinture, ce dont les Français se moquent un peu ou à quoi ils sont indifférents: il avait cette blessure de l'ego qui lui est venue de la gauche.

Mais regardez François Hollande.Il est interviewé pendant la campagne présidentielle en 2012 par Michel Onfray* qui lui demande: "Quel est votre livre préféré?" Il répond: "C'est "le Petit prince" de Saint-Exupéry." Vous l'avez lu comme moi, on me l'a offert pour ma communion solennelle. La morale, c'est: "On ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux."* C'est un peu court, c'est charmant, c'est gentil, c'est même gentillet, mais dire que c'est le meilleur livre... Onfray lui demande: "Et puis quoi d'autre?"

"Eh bien Marcuse." "Quoi de Marcuse?" "Tout Marcuse." Tout ça montre qu'il ne l'a pas lu. D'ailleurs, ceux qui connaissent bien François Hollande et Ségolène Royal et qui ont été chez eux savent qu'il n'y avait pas un livre dans la bibliothèque. C'était un couple qui était voué à sa vie politique. Il y a même une photo de Hollande dans un canot pneumatique lisant: "l'Histoire racontée aux nuls" ou "l'Histoire pour les nuls". C'est quelqu'un qui n'a pas de culture. Mais là, la gauche l'a élu sans lui demander des comptes s'il avait lu les grands auteurs qu'il fallait avoir lus. Comme il n'en a aucun complexe, la gauche ne pense pas à le stipendier, à lui dire qu'il était un mauvais homme de gauche tandis que Sarkozy,à cause de cette histoire de "Princesse de Clèves" passe pour un ignare, pour un barbare, pour un homme indigne d'être président de la République."""


Catherine Nay : les autres et moi : un podcast à écouter en ligne | France Culture (radiofrance.fr)


*Que Michel Onfray étant encore de gauche morale pense, dans "Philosophie magazine", à vérifier la compétence des nouveaux présidents de la République en matière de philosophie en dit beaucoup sur la légitimité que la gauche ne songe même pas à mettre en doute à donner des leçons, à vérifier les devoirs et à donner des notes. La note attribuée à Nicolas Sarkozy par Michel Onfray était mauvaise parce que Nicolas Sarkozy avouait que ce qu'il aimait le plus dans la vie et ce qui l'intéressait le plus chez les autres était le côté transgressif. "La transgression n'est pas morale", cinglait Michel Onfray. Donc Nicolas sarkozy ne l'était pas non plus, et il était immature, donc recalé.

*Une sorte de morale à la: "J'aime les gens", affirmée par François Hollande dans son discours du Bourget, un amour déclaratif dont on peut se demander s'il peut être généralet générique, pourtant l'"amour des gens" peut avoir quelque chose d'immédiat qui n'est pas nécessairement synonyme de manque de profondeur. L'amour du particulier qui approfondit l'amour du général se signale par un supplément d'attention dont Simone Weil fait à raison la faculté d'entrée en communication et pour ainsi dire en matière avec les choses de l'esprit.

samedi 28 janvier 2023

La femme enfant et l'éternel adolescent

Pendant ce temps-là, je lui faisais découvrir sainte Thérèse de Lisieux et sa "voie d'enfance". Mais elle n'en avait pas besoin pour ce qu'elle se proposait.

Bernanos dit (je crois que c'est dans "Monsieur Ouine") qu'il rêve que le petit garçon qu'il était vienne rechercher le défunt qu'il sera. Je n'aime pas du tout cette citation, car je pense qu'il faut que ce soit un autre qui vienne nous chercher. Même l'enfant que fut l'homme ne peut pas le justifier, car on ne peut pas se justifier soi-même.

Un roman japonais dont j'ai oublié le titre se termine par cette phrase pour conclure une histoire d'amour: "Finalement ils finirent par pleurer sur leurs enfances". Les plus belles histoires d'amour bien qu'elles puissent finir mal sont celles de deux enfances non guéries qui essaient de se marier, mais ne peuvent s'apparier, car elles ne sont pas les mêmes.

Mon père et moi aimions à nous répéter lorsque j'étais enfant: "On est pareils". Mais on n'était pas pareils, mon père n'était pas mon pair.

"Je ne crois pas qu'il y ait des hommes-enfants. Je crois qu'il y a des femmes-enfants (et je les aime) et en face des hommes qui sont d'éternels adolescents". J'ai saisi cette expression dans un film dont je ne me souviens plus du titre et où elle caractérisait Michel Blanc.

Baudlaire a écrit une horreur sur les femmes: "La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable". Ce que j'aime dans la femme-enfant, c'est son désir naturel de dominer. Et je l'ai saisi au naturel chez une petite fille (mon ancienne petite voisine de Paris, Eva) qui, lorsqu'elle avait deux ou trois ans, arrivait essoufflée au cinquième étage où elle habitait et moi aussi, et où elle disait à sa maman qui l'avait laissée piquer son sprint: "Je suis arrivée la première", et de taper des pieds de satisfaction mais sans chanter "nananère".

La femme-enfant n'est jamais une réelle insatisfaite comme j'ai connu une éternelle adolescente qui jouait à être adulte, mais qui était une amoureuse de l'amour qui n'avait jamais réussi à aimer, que rien ne pouvait jamais contenter. Je l'aimais physiquement, sans parvenir à l'estimer. Et pourtant cet amour m'a laissé une empreinte qui n'est pas tout à fait effacée. Car elle se réveillait avec l'idée que le centre du monde avait bien dormi et on avait envie de passer sa vie à l'entretenir dans cette illusion, tant c'était charmant et vide, tant c'était vide et charmant, mais était-ce si vain  

samedi 21 janvier 2023

L'emprise

Justice au Singulier: L'emprise, une tarte à la crème ? (philippebilger.com)


L'emprise... est un phénomène sur lequel on a peu de prise. Il existe, mais on ne peut pas l'attraper. C'est sa ruse. Tel emprend qui n'est pas pris, et pourtant tel est pris qui croyait emprendre, car si dans un divorce ou dans une rupture amoureuse, il y en a toujours un qui souffre plus que l'autre, celui qui brise ses chaînes est vraiment libéré, alors que l'empreneur découvre que c'était lui qui avait besoin de l'autre, et non pas l'autre qu'il croyait si fragile qu'il ne pouvait survivre sans faire l'objet de son emprise. L'empreneur a du mal à lâcher l'emprise, mais l'empris la lâche et se libère. Il y a peut-être une libération pour l'empreneur qui arrive enfin à lâcher sa proie, mais cette libération se conquiert de haute lutte, quand il comprend que l'emprise est un phénomène de prédation et qu'il comprend pourquoi il s'est montré un prédateur. L'empris non plus ne se libère pas du jour au lendemain, mais sa libération est  un travail de rééducation: il réapprend à marcher et reprend les rennes de sa vie. 


L'emprise est à la base de toutes les dérives sectaires. On sent que le phénomène existe, on sait ce qu'il est, mais Aristote n'en aurait pas fait un "élément de preuve" en matière judiciaire. 

mercredi 18 janvier 2023

Écrivain, un métier de parole

Parler est utile, écrire va vers sa transcendance qui découvre ce qu'on ignorait qu'on voulait dire, l'écriture va vers la littérature et la littérature est vitale.


"Le métier de l'écrivain a changé", l'écrivain "se livre à un exercice de parole", il se confie au "dictaphone"... (Vamonos, comentateur)


"Le dictaphone" ne rend plus nécessaire à l'écrivain public de saisir méticuleusement tout ce que son "biographé" a dit. Dragone est passé par là. Il agit pour rendre inutile la retranscription par un J.S. Bach des partitions de ses prédécesseurs, grâce à quoi il est devenu le musicien de référence de la musique occidentale. 


Le chirurgien se saisit de son dictaphone et dicte à sa secrétaire une lettre pleine d'aménité destinée à un de ses confrères à propos d'un patient dont il fera le diagnostic complet de tout ce qu'il sait de ses symptômes. Quiconque a entendu un chirurgien dicter tout d'un coup une telle lettre à une secrétaire absente en parlant comme un livre  à son dictaphone en garde une impression inoubliable.


L'écrivain écrit, et puis il donne des entretiens. Je ne parle pas des entretiens promotionnels qui font la retape d'un livre et en donne le synopsis, mais d'entretiens au long cours tels qu'on en donne sur "France culture". Souvent, en les écoutant, je me dis qu'il y a des études universitaires à faire sur le statut de cette parole. Résume-t-elle le livre? Le contient-elle? Le condense-t-elle? Qu'en retranche-t-elle, mais surtout,  qu'y ajoute-t-elle? Je ne sais pas si les entretiens de Paul Léautaud avec Robert Mallet ajoutent quelque chose à son "Journal littéraire", mais je suis persuadé que les entretiens de Jean Amrouch avec André Gide ou Jean Giono font partie de l'oeuvre de ses deux écrivains.


Notre société régresse-t-elle vraiment vers une tradition orale? S'orientalise-t-elle? S'africanise-t-elle comme sa musique au rythme répétitif, lancinant  et pauvre? 


Un jour, m'en allant enregistrer un CD-maquette dans une association d'artistes aveugles, je devisais avec l'un des salariés et comparais notre situation avec celle d'illustres prédécesseurs (Jean Langlais, Gaston Litaize ou Louis Vierne pour viser haut), qui écrivaient eux-mêmes de la musique en Braille entièrement mentalisée, quand nous, avec tout le matériel dont nous disposons... "Écrivons de la musique de m...", m'interrompit mon camarade. Ben oui, malheureusement.


Notre société ne s'oralise pas tellement que ne se déploie une articulation différente entre l'oral et l'écrit. Ce n'est pas parce qu'on apprendra à un enfant à écrire directement sur son ordinateur que sa pensée va devenir squelettique. Du moins je veux le croire, contre tous les désillusionnistes qui assurent que la tenue d'un stylo est nécessaire à la pensée. Dans la frange de population à laquelle j'appartiens, les élèves lisent et écrivent de moins en moins en Braille. Ils me paraissent pourtant mieux connectés à leur époque qui a moins d'orthographe, mais l'orthographe n'est pas une invention si ancienne. L'intelligence des "enfants indigos" d'aujourd'hui est moins analytique, mais elle va droit au but. Ce n'est pas parce qu'on a fait ses humanités qu'on a plus d'humanité. 

samedi 14 janvier 2023

Jésus grand prêtre. Lire l'épître aux Hébreux avec Véronique Belen

"Un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché." Hébreux 4, 15 | Méditations bibliques (histoiredunefoi.fr)


J'aime beaucoup votre réflexion, et ce d'autant plus qu'elle part d'    une "jointure", d'un écartèlement qui ne me la rend pas immédiatement accessible. Comment comprendre ce Jésus qui peut compatir à nos faiblesses et se fait homme et notre grand prêtre, se montrant capable d'offrir des sacrifices en notre faveur alors qu'il aurait tout assumé de la nature humaine à l'exception de ce qui en constitue la partie incompréhensible et propre à la faire détester, ce mal, ce péché, par lequel l'homme cesse de penser qu'il est bon, qui le dégoûte de lui-même et qui est comme une spécificité de la nature humaine: seul l'homme pèche, les anges choisissent une fois pour toutes d'être du côté de Dieu ou de lui être insoumis, et les animaux obéissent à leurs instincts. Donc dire que Jésus S'est fait homme à l'exception du péché, n'est-ce pas une contradiction dans les termes? Quand je faisais part de ma perplexité auprès d'un ami très girardien (et René Girard a commencé par refuser la lecture sacrificielle de l'épître aux Hébreux), il m'a répondu que le christianisme n'était pas à un oxymore près. La formule m'a plu. 


Mais je continue de creuser ma perplexité. Vous écrivez que Jésus n'a commis "aucune faute ni de parole, ni de comportement". Cela ne se vérifie pas à première vue. Tant de fois il est dur, y compris avec sa mère,  Il rabroue ses disciples, Il les menace de l'enfer. Il va presque jusqu'à la violence en renversant les étales des marchand du Temple, l'exemple est topique, mais même en entrant dans sa Passion, avant de demander à ses disciples de rengainer leurs épées, Il se félicite qu'ils en aient acheté. Autrement dit, quand j'essaie de vérifier si Jésus n'a point péché, je commence par trouver que si.


Or  mine de rien, vous nous proposez une définition du péché à l'aune de laquelle la vérification s'inverse. Pécher, c'est, dites-vous, "éprouver de la défiance envers Dieu". Là où nous pensons qu'il faut "tuer le père", Jésus Lui cherche "à accomplir la Volonté de son Père", dit qu'Il est venu pour cela, qu'il y trouve sa nourriture et la réalisation de Sa vie, consentant même à endosser la mission du serviteur souffrant.


Vous ne voulez ni du Dieu vengeur ni du Dieu faible et impuissant. Vous continuez de croire au miracle et d'espérer la parousie. Vous dites que Dieu nous attire parce qu'Il ne cesse pas d'agir et qu'Il n'y renoncera jamais. Vous battez en brèche le Dieu évanescent d'une société quiétiste. Parole rare, qui me renvoie en écho celle d'un aumônier d'hôpital disant un jour: "Nous sommes trop rapidement passés d'un Dieu dur à un Dieu mou qui nous permet de nous dédouaner." Et quand je lui demandais de préciser quel était selon lui le vrai Dieu, il me répondit que c'était le Dieu Père, à la fois exigeant et miséricordieux. Jésus ne cesse donc de nous ramener au Père. Sa cohérence est dans le Père, comme la cohérence de l'aporie entre le Dieu tout-puissant et le Dieu impuissant. 


Un père à qui l'on demande du pain ne saurait donner des serpents ou du poison à ses enfants, nous dit Jésus dans l'Evangile, car "même vous qui êtes mauvais savez donner de bonnes choses à vos enfants". Et pourtant le Père de Jésus ne recule pas devant le sacrifice de son Fils unique. Le mysticisme contemporain,  puisant parfois aux meilleures sources (je l'ai vu chez une amie véritablement mystique) croit de bon ton de se mettre à distance de la lecture sacrificielle de la passion du Christ. Il le fait, croit-il, par compassion.  Or la véritable compassion qu'on doit au Christ, c'est de prendre sa croix et de participer à sa Passion, c'est de ne pas se croire plus fort que Lui, qui ne s'est pas laissé submerger par une logique des événements qui L'aurait dépassé, mais Qui est venu sur terre à la fois pour enseigner et pour marcher vers la souffrance, et pour souffrir, et pour mourir, et pour que cette mort nous apporte quelque chose, nous déleste de nos péchés, nous soustraie au mystère d'iniquité, nous rende libres comme la Vérité qui n'est complète que si l'on ajoute à celle de la mort du Christ la vérité de Sa Résurrection. 


Comme beaucoup d'hommes perdus en cette vie où nous marchons sans en comprendre le sens parce que nous ne nous en donnons pas la peine,  je me suis souvent amusé à traquer les soi-disants infidélités de Dieu. Aveugle moi-même, je me suis complu à démontrer à un aveugle évangélique qui me guidait qu'un aveugle peut guider un autre aveugle sans que tous les deux ne tombent dans un trou. Je me suis également amusé à relever que "qui cherche" est loin de nécessairement trouver, mais vous avez raison de croire en un Dieu qui se laisse chercher et trouver. Mon meilleur ami me renvoya une question comme je lui demandais ce qu'il pensait de moi. "Veux-tu vraiment entendre la réponse ou poses-tu la question pour le plaisir de la question?" Nous ne trouvons pas Dieu quand nous prétendons Le chercher parce que nous ne voulons pas Le trouver et préférons Le chercher  dans et pour le plaisir de la recherche. "Avoir question à tout", est stimulant et "en philosophie, les questions sont plus essentielles que les réponses" disait Karl Jaspers, car les questions sont des mots de l'enfant des "pourquois". C'est sans doute exact, mais qu'en est-il de notre vie si  elle ne s'oriente pas vers une réponse? Car compte au premier plan l'orientation fondamentale que nous lui donnons et le "vouloir foncier" qui indique le sens de la marche d'un être humain. Je ne sais pas si nous serons jugés à l'aune de ce "vouloir foncier", et de cette orientation fondamentale, mais notre vie appelle réponse.


Nous ne voulons "rien devoir" au sacrifice du Christ parce que, comme me le disait l'abbé Yannick Vella lors d'une conversation au débotté dans un hôtel albigeois, nous traversons depuis très longtemps une crise de la pensée sacrificielle. Cela a commencé dès le judaïsme que l'effet cumulé de la Passion du Christ et de la destruction du Temple a fait passer d'un judaïsme sacerdotal (et donc de sacrifice) à un judaïsme rabbinique (de simple enseignement), de même que nous voudrions bien sinon d'un "christianisme sans la Croix" comme le déplorait déjà Paul VI; du moins souhaiterions-nous passer d'un christianisme kérigmatique à un christianisme évangélique. 


"La Passion du Christ va beaucoup plus loin qu'un simple mystère de mort et d'ensevilissement", ajoutait l'abbé Vella. "Benoît XV (dont il ne retrouvait pas la citation exacte) parle de destruction de la victime, la victime est brûlée, la descente aux enfers est un moment de consomption, la Résurrection du Christ ne vient qu'à ce prix-là". 


Nous dénions toute valeur au sacrifice, car nous tenons absolument à être responsables de notre vie. Le sacrifice est douloureux, mais notre consentement à cete douleur de la perte entraîne paradoxalement une moindre responsabilit de notre part une fois le sacrifice consommé. Et si nous devons le pardon de nos péchés au sacrifice d'un autre, nous nous sentons amputés de notre responsabilité. 


Jusqu'à mieux définie, la Rédemption est un transfert de responsabilité. J'écris cela en ayant essuyé les foudres de beaucoup de commentateurs d'un autre blog pour avoir avancé cette définition, mais on ne me propose pas de définition alternative.


La crise de la pensée sacrificielle est l'autre nom d'une allergie qu'éprouve aujourd'hui notre Occident démocratique (et où la démocratie se porte mal) pour toute forme de verticalité et de sacralité. La lutte contre le cléricalisme est l'implicite du refus  par incompréhension du sacerdoce en tant que tel, du sacerdoce ordonné comme du sacerdoce du Christ, car le prêtre produit du sacré, et l'Incarnation du Christ n'a pas désacralisé la divinité du Christ, à preuve son refus du péché. Elle a sacralisé ou plutôt divinisé l'homme s'il veut bien entrer dans le projet de cette divinisation et ne pas se la donner par impossible à lui-même. 

vendredi 13 janvier 2023

Benoît XVI, un pontificat catéchétique

La dimension catéchétique du pontificat de Benoît XVI en constitue le troisième fait marquant selon Laurent Dandrieu.


Il répondait à la question de Philippe Maxence dans "le Club des hommes en noir":


Benoît XVI, bilan année 2022 : Club des Hommes en noir exceptionnel - L'Homme Nouveau "Qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans son pontificat?"


Je suis très heureux de l'avoir entendu donner cette réponse, car dès le discours d'"intronisation de Benoît XVI", je me suis douté que c'était la mission essentielle qu'il s'était assigné.


Ayant eu un "flash" à l'issue des JMJ de 1997 qui m'avait persuadé que Jean-Paul II savait qu'il vivrait jusqu'en l'an 2000 (raison pour laquelle il avait nommé ste Thérèse de Lisieux docteur de l'Eglise, ce qui était peut-être rétrospectivement une erreur, je peux y revenir), et bien que la longévité de Jean-Paul II ait excédé mes prédictions, je renouvelais mon "esprit de prophétie" et m'imaginais que le pontificat de Benoît XVI durerait trois ans, comme la prédication de l'Évangile. La Providence l'a fait excéder mes prédictions et heureusement, car la prédication de Benoît XVI ne s'est pas bornée à réannoncer le kérigme: le pape défunt a prononcé lors de ses audiences générales des synthèses remarquables qui sont un compendium d'histoire des saints et de l'enseignement des docteurs de l'Église.


Comme si les loups sortaient de la bergerie, les imprécateurs de Benoît XVI s'en donnent à coeur joie et vont jusqu'à limiter en lui le théologien en lui reprochant de n'avoir enseigné que de la théologie fondamentale. C'est ce dont les âmes avaient besoin. Benoît XVI donnait aux âmes la nourriture dont elles avaient besoin quand François ne dit au monde que ce qu'il a envie d'entendre, bien que ses homélies improvisées soient pleines d'Evangile et de formules savoureuses, mais encore?


Je n'oserais dire que la doctrine de François est floue, craignant de sous-entendre que selon la formule travaillée dans le flou de Martine Aubry, "où c'est flou, il y a un loup", et la première mise en garde de Benoît XVI pape était contre "les loups dans la bergerie"...


Ayant eu un "flash" à l'issue des JMJ de 1997 qui m'avait persuadé que Jean-Paul II savait qu'il vivrait jusqu'en l'an 2000 (raison pour laquelle il avait nommé ste Thérèse de Lisieux docteur de l'Eglise, ce qui était peut-être rétrospectivement une erreur, je peux y revenir), et bien que la longévité de Jean-Paul II ait excédé mes prédictions, je renouvelais mon "esprit de prophétie" et m'imaginais que le pontificat de Benoît XVI durerait trois ans, comme la prédication de l'Évangile. La Providence l'a fait excéder mes prédictions et heureusement, car la prédication de Benoît XVI ne s'est pas bornée à réannoncer le kérigme: le pape défunt a prononcé lors de ses audiences générales des synthèses remarquables qui sont un compendium d'histoire des saints et de l'enseignement des docteurs de l'Église.


Comme si les loups sortaient de la bergerie, les imprécateurs de Benoît XVI s'en donnent à coeur joie et vont jusqu'à limiter en lui le théologien en lui reprochant  de n'avoir enseigné que de la théologie fondamentale. C'est ce dont les âmes avaient besoin. Benoît XVI donnait aux âmes la nourriture dont elles avaient besoin quand François ne dit au monde que ce qu'il a envie d'entendre, bien que ses homélies improvisées soient pleines d'Evangile et de formules savoureuses, mais encore? 


Je n'oserais dire que la doctrine de François est floue, craignant de sous-entendre que selon la formule travaillée  dans le flou de Martine Aubry, "où c'est flou, il y a un loup", et la première mise en garde de Benoît XVI  pape était contre "les loups dans la bergerie"... 

dimanche 8 janvier 2023

Les rencontres du papotin

    Que penser de ces Rencontres du papotin que je viens d'écouter moi aussi? Emmanuel Macron a bien fait de se prêter à l'exercice, même si c'est avec un peu de narcissisme, qu'il y a une certaine démagogie à applaudir à l'éternel "J'aurais voulu être un artiste", à penser que nous sommes "tous journalistes" ou à répondre à une histoire d'amour désespéré entre un élève et une encadrante que tout amour est possible parce que "regardez-moi, j'ai bien réussi le mien", mais au prix de combien de non dits? Une séquelle qui reste une inconnue pour moi de l'affaire "Jean-Michel Trogneu" à laquelle je ne crois pas est la question de savoir pourquoi la mort de Louis-André Auzière, le banquier et père des trois enfants de Brigitte Macron et son premier mari, n'a même pas été annoncée à l'opinion publique. 


Quand Emmanuel Macron dit que sa grand-mère lui manque ou qu'il aime ses parents, il fait le service minimum. Idem, quoique dans un registre moins intime, quand  il dit qu'il gagnait plus d'argent avant d'être président. Mais où donc est passée cette quantité de monnaie phénoménale où donc s'est envolé "ce pognon de dingue"? Aux Bahamas comme on le sussure ou dans la rénovation de la maison de Brizitte?


Seuls des personnes handicapées auraient-elles le droit de poser des questions sans filtre? Je ne me suis jamais expliqué qu'aucun journaliste n'ait demandé à notre président philosophe puisqu'il se pique de philosophie, comment  on doit comprendre le banquier philosophe, ce personnage inédit qu'il incarne, qui rêvent d'une jeunesse qui veuille devenir milliardaire? Autrement dit, comment l'argent entre-t-il en péréquation avec les arcanes de la sagesse? C'est très calviniste et très américain. Or la France est un vieux pays catholique. Emmanuel Macron lui a reproché au Danemark de ne pas être assez luthérienne.


Emmanuel Macron a multiplié les rappels de son passé banquier: "Ce n'était pas ma prof, c'était ma prof de théâtre, laissez-moi négocier", lance-t-il à Adrien qui s'en amuse. Quand le présentateur se trompe sur la date de l'interview de Nicolas Sarkozy, il dit: "Ça ne pardonne pas", comme étonné de ne pouvoir se livrer aux approximations mensongères qui font le "sel" (pour employer un mot dont il use et abuse) de la politique. Mais il m'a semblé trahir un ressort profond de sa personnalité lorsque, répondant précisément à la question de son amour pour Brigitte, il dit que "tous les jours, il faut se convaincre". Se convaincre ou faire la vérité? Il a répété à l'envi qu'il aimait convaincre. Tout s'explique: notre président ancien inspecteur des finances et banquier Rothschild n'est pas un philosophe, c'est un sophiste et la politique de la France se fait à la corbeille. 

vendredi 6 janvier 2023

Le lion de Juda

Je vais porter un témoignage. A l'été 1988, mon ami Franck et moi sommes allés faire un voyage à Assise et à Rome avec la communauté des Béatitudes qui s'appelait encore à cette époque, je crois, "le lion de Juda et de l'Agneau immolé", tout un programme. Mon père me donnait une éducation libérale et du moment que Franck faisait le voyage, que la soeur qui s'occupait de lui l'avait inscrit là, il n'en demandait pas davantage. Il m'accompagna à Nîmes après no vacances passées non loin de là, dans notre petite maison de Saint-Quentin la poterie. Nous arrivâmes au point de rendez-vous. Il avait une amie et tous les deux étaient en short. On les regarda de haut en bas en se disant: "Quelle indécence." Je ne me souviens plus comment j'étais habillé. 


S'ensuivirent des vêpres magnifiques, avec une belle polyphonie et des glossolalies que Franck et moi nous trouvions ridicules. Nous allions être, surtout Franck, des trublions pendant tout le voyage. Franck était plus mal en point et plus traumatisé que moi, mais il était lumineux et il était génial quand je n'étais que surprenant.


Lors de l'énoncé des consignes qui nous furent données, on dit à tous ces ados que nous étions: "On ne flirte pas. On ne se prend pas la main." Je trouvais ça surréaliste. Amputer un ado de la plus belle part d'amour et d'affectivité qui peut s'offrir à lui au moment où c'est le plus beau et où il faut apprendre à le découvrir, c'est manquer volontairement une éducation. 


Durant le voyage, un frère profondément bon, mais aussi immature, dit à Franck: "Un jour, j'ai tiré un passage dans la Bible et j'ai reçu cette parole: "Ceux qui rêvent sont des fous." Franck et moi ne faisions que rêver, rien d'autre ne nous intéressait.


Je ne savais pas où je tombais, je n'avais rien demandé, Franck n'en savait pas plus long que moi, mon père ne s'en souciait pas  et la soeur qui élevait Franck ne nous avait rien dit. Je fus étonné de me trouver là, car je connaissais la communauté. Je le reçus comme une grâce et c'en fut tout de même une. J'avais écouté auparavant deux cassettes du frère Ephraim sur l'oraison où il avait cité cette parole de sainte Thérèse d'Avila: "Ne réveillez pas l'amour avant qu'il le veuille." Plus tard, j'écoutai une cassette du beau-frère Philippe Madre, le psychiatre, sur"la purification passive des sens." On voit ce qu'il en est résulté.


On n'aurait découvert toutes ces dérives que récemment. Ce n'est pas vrai. Je me souviens d'un documentaire au début des années 80 qui filmait la communauté du "lion de Juda". Les parents et les enfants étaient séparés. Le documentariste pointait une dérive sectaire et ceux qui ne voulaient pas le voir répondaient: "Il ne peut pas y avoir de secte dans l'Eglise catholique.". Une de mes amies qui m'avait offert les cassettes réellement nourrissantes des deux fondateurs de la communauté (celle du frère Ephraïm étaient de loin les plus habitées, Philippe Madre était assez poseur), regrettait que les évêques surveillent cet élan tellement plein d'Esprit Saint qu'était le renouveau charismatique, et elle me décrivait ainsi l'Eglise: "Il y a les charismatiques et les classiques. Moi, je suis plutôt charismatique." Pourtant elle composait de la musique classique.


Durant ce voyage, j'eus la grâce de prier dans la grotte d'Assise avec le P. Jacques Philippe, dont j'ai appris récemment qu'il avait écrit des livres qui étaient des succès internationaux, dont un sur "la liberté intérieure". Il en faisait preuve. C'était un homme magnifique qui vit ce qu'il écrit.


Parce que le diable porte pierres. Une racine pourrave peut faire éclore un homme comme Jacques Philippe. Le péché originel est rédimable. L'homme est bon et il est méchant. L'homme n'est pas manichéen. Il trace des chemins de lumière d'un coeur enténébré. Il faut que ses ténèbres arrivent à la lumière. aujourd'hui, on dit que si un homme a fauté, tout son héritage est discrédité. J'ai la faiblesse de penser que non, parce que je veux continuer avec la vie qui continue de couler en moi, moi qui n'ai pas fait le bien que je voulais, moi qui ai fait le mal, moi qui ai déraillé, moi qui n'aime pas regarder la trace que je laisse et moi qui suis malade et ne veux pas me soigner, et dis qu'on ne peut pas, qu'on ne sait pas soigner ma maladie et qu'on est incurable. Je crois que la résilience est le chemin et la guérison le but. On ne meurt pas guéri, car guérir, c'est ressusciter. Mais on va vers la guérison et la foi, c'est ce qui nous fait aller, agir et traverser l'épreuve. Jésus n'aurait aucune raison de nous sauver si nous n'étions pas perdus. 

mercredi 4 janvier 2023

Les partis


https://www.philippebilger.com/blog/2023/01/les-partis-ne-peuvent-ils-pas-penser-.html#comments


"Eux aussi (les partis) méritent d'avoir droit au tout." PB). Très bonne chute.


Écoutons notre constitution: « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie."

En recherchant cette citation (Google est notre ami), je croyais me souvenir que la constitution leur faisait obligation de concourir à l'expression des idées dans notre vie démocratique. J'étais bien naïf. La constitution n'est pas loin d'ironiser sur ces organisations, et l'on y reconnaît le clin d'oeil des constitutionnalistes au tropisme antipartidaire du général De Gaulle pour qui ces légistes "pensaient" (sic) un mode de gouvernement adapté à sa stature ou à la certaine idée que le général se faisait de lui-même. 


"Les partis concourent à l'expression du suffrage?" La constitution a pris soin de ne pas ajouter "universel" pour ne pas laisser supposer que ce sont des machines électoralistes.  En n'accolant pas d'adjectif au "suffrage", la constitution ennoblit les partis en les faisant participer aux choix par lesquels la nation essaie d'incarner, tel un corps politique, la société dont elle rêve.


"[Les partis] doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie." Est-ce à dire qu'ils doivent être souverainistes? Pourquoi ne pas  encourager cette lecture maximaliste avec une dose de mauvaise foi? Mais on a compris: ils ne doivent surtout pas être inféodés à l'étranger, ils ne doivent pas être des "partis de l'étranger", ils ne doivent pas subordonner le destin national à des visées internationalistes. La constitution visait-elle le parti communiste qui fit des corcs-en-jambe au général De Gaulle durant le Gouvernement provisoire? 


Mais la constitution est inflexible sur le respect de la démocratie. "La France insoumise" n'a qu'à bien se tenir. À soixante ans de distance, notre constitution, que Jean-Luc Mélenchon veut remplacer par un écrit "gazeux", forgé par une Assemblée constituante en grande partie tirée au sort, parle d'or et parle contre lui. On comprend son hostilité à la Vème République et le côté farcesque de son gaullo-mitterandisme internationaliste. Et c'est un électeure sceptique de Mélenchon qui écrit.


Mais blague à part (si ce qui précède est une blague), sans me rappeler tous les arguments contenus dans la "Note"  de Simone Weil "sur la suppression des partis politiques" (et la parution de ce billet va certainement me donner l'occasion de la relire), on peut relever votre opposition entre les partis politiques et les cercles de réflexion ou "sociétés de pensée" comme aurait dit Augustin Cochin en répondant qu'en effet, les partis ont le triple inconvénient de préférer le suffrage universel au suffrage de la nation qui s'affirme au terme de la discussion démocratique, qu'ils ne sont pas faits pour penser, car l'intrigue y règne en maîtresse et l'intrigue et la pensée ne vont pas bien ensemble, et qu'ils démembrent la République indivisible en autant d'intérêts catégoriels,  car chaque parti politique représente une partie de la société de façon privilégiée au détriment de l'intérêt général. 


Sur ce dernier point, les partis agissent à l'instar des associations qui souvent divisent les causes qu'elles veulent faire avancer. Et comme l'Etat ne demande qu'à se défausser sur les associations , le corporatisme et la république associative se développent contre la République indivisible. Chaque président d'association rêve d'être président de la République comme tout chef de parti. Les partis ne respectent même pas leurs statuts qu'ils changent au bon vent de la conjoncture girouette. (Gouverner, c'est réagir, gouverner, ce n'est pas prévoir.) Faits pour concourir à la démocratie, les partis montrent un contre-exemple de vie démocratique.