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lundi 28 juin 2021

Renaissance de la droite républicaine?

            Le duel Macron-Le Pen n'est désiré que par les prétendants à celui-ci et les médias qui, malgré l'échec du quinquennat Macron, veulent que ce champion du conformisme soit réélu. Or le meilleur moyen qu'il a de l'être est de se confronter à l'épouvantail de la vie politique française qu'est activement le front national depuis plus de trente-cinq ans.


    On n'est jamais mort en politique et les baronnies de la droite classique renaîssent des cendres de la macronie.


    Beaucoup ont d'emblée intenté à Christian Jacob un procès en incompétence sous prétexte qu'il était chiraquien et pis encore, n'avait jamais manqué à Jean-François Copé. Que reprochait-on exactement à ce syndicaliste agricole qui n'a démérité ni comme ministre de l'agriculture, ni comme président du groupe UMP puis LR à l'Assemblée nationale? On a dit qu'il n'avait pas l'envergure d'être présidentiable, qui sait s'il ne nous réservera pas la surprise du chef! J'ai à son égard un préjugé favorable, car je trouve qu'il écrit bien. Ses discours sont pleins de saveur. François Hollande avait lui aussi une belle plume quand il était président de groupe. Mais on sentait la petite blague poindre sous ses effets de manche. Christian Jacob est doté d'une vraie rhétorique. 


   Il a tiré hier soir la leçon la plus importante de ce scrutin après celle de l'abstention: depuis les municipales, la France retrouve la droite classique. On a prétendu enterrer le clivage gauche-droite avec Macron, il est toujours vivant. On a prétendu que le RN allait remplacer la droite et que le Front républicain ne voulait plus servir, ce cordon sanitaire continue de neutraliser le parti banalisé de Marine Le Pen. Christian Jacob est donc en train de réussir son pari, il remet la droite en lice.


    Mais on peut regretter que ce soit au service d'arrivistes de la pire espèce comme les trois qui se croient assez forts de leur victoire aux régionales pour pouvoir prétendre à un destin présidentiel.


    Le doux Xavier Bertrand se vante d'avoir "brisé les mâchoires du Rassemblement national", on peut rêver mieux en matière de respect républicain de ses ennemis et de ses adversaires. Il fut un temps où les petites retraites lui paraissaient toujours trop grosses. Mais comme c'était sous Jacques Chirac  et sous Nicolas Sarkozy, les Français qui ont la mémoire courte n'ont pas l'heur et n'ont pas l'air de se souvenir de cette chanson. 


    Les bullshits de Laurent Wauquiez l'ont emporté en cynisme sur tout ce qui s'était fait dans le genre. Le visiteur de soeur Emmanuelle qui avait commencé sa carrière sous l'égide de Jacques BArrault  avait fondé "la droite sociale" qui parlait de "cancer de l'assistanat". 


    Valérie Pécresse qui eut des pudeurs de gazelle à soutenir Filon et ne le fit que quand elle crut que la soupe chauffait de ce côté-là s'était auparavant déclarée "libre" d'un Wauquiez qui faisait dériver sa famille politique nors des sentiers de l'humanisme qu'on était prié de croire que la dame incarnait. Son truc à elle était plutôt de dire que des enfants nés dans le quart-monde étaient irrécupérables dès l'âge de trois ans et qu'il fallait les ficher  pour cibler et prévenir la future délinquance juvénile. Je caricature à peine la philosophie du rapport qu'elle présenta avec Patrick Bloche   sur la "protection de l'enfance", qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre! 


     Veut-on que le retour de la droite de gouvernement se fasse pour servir les ambitions de tels traîne-parquets à râtelier? Très peu pour moi. De cette droite, je dis ce qu'en chante Jean-Marie Vivier, chanteur malheureusement trop méconnu bien qu'autrefois parrainé par Félix Leclerc:


"J'aurais voulu aimer  une mère nomée France

Et pas une putain qui s'offre au tout venant,

De la droite débile, méchante et oppressante

A la gauche insipide, sans espoir de changement.

A ces tarés qui règnent et ceux qui régneront,

Ces jongleurs de promesses, ces champions de l'illusion,

Ces rois de la flatterie, ces princes du croupion

Qui mordent dans la pomme et nous laissent le trognon.""J'aurais voulu rêver d'une terre nommée France".


     https://www.youtube.com/watch?v=chD6DPgr9dA


Oui, la droite que représentent Bertrand, Wauquiez et Pécresse est "débile, méchante et oppressante", or il existe une droite enracinée qui la dépasse infiniment, une droite pénétrée des devoirs philanthropiques de la bourgeoisie qui sont son "Noblesse oblige", une droite que je crois incarnée, non pas par Guillaume Pelletier qui va s'offrir à Zemour après avoir moult fois retourné sa veste, mais par un Bruno Retailleau ou un David Lisnard, un vendéen et un Cannois qui ont peut-être le charisme d'une armoire normande, mais qui ont l'avantage de ne pas être déshonnêtes et qui, lorsqu'on les entend, fleurent bon les valeurs qu'ils défendent. 


    La renaissance de la droite est un choix entre la droite des arrivistes et cette droite enracinée que pourrait synthétiser Christian Jacob. J'espère que la famille des Républicains ne se laissera pas intimider par l'écran de fumée de ces régionales, ne repêchera pas ses renégats et saura promouvoir ses vrais amis car il y a des valeurs bourgeoises qui sont de vraies valeurs. Le conservatisme est la revanche de la société close qui, par une curieuse lassitude du progressisme qui s'est épuisé d'aller dans tous les sens excepté le bon, est  le dernier cercle intellectuel où l'on pense. 

Avis de non implantation sur régionales désaffectées

Selon moi, la désaffection dont on souffert ces régionales tient certes au mille-feuilles administratif qui répartit les compétences sans que personne ne puisse justifier pourquoi il appartient aux départements de s'occuper des collèges et du social et aux régions des trains express régionaux, des lycées et accessoirement des bassins d'emploi pouvant concourir au dynamisme de régions trop grandes et hors sol.

Mais ceux qui se sont intéressés à ces élections ont découvert stupéfaits que le non cumul des mandats n'avait vraiment été interdit que pour cumuler un pouvoir exécutif local et le fait de siéger au Parlement. Cela mis à part, les élections restent des machines à créer des notablions, des baronnies et des féodalités , puisqu'on peut sans difficulté cumuler les fonctions de député, de conseiller départemental et de conseiller régional, qui dit mieux? Et cela est vrai même dans la Communauté européenne d'Alsace, qui a bafoué le référendum de 2013 sur la départementalisation de la région, mais qui se justifie néanmoins compte tenu du découpage absurde des grandes régions par François Hollande qui nous expliquait simultanément vouloir promouvoir une "République de la proximité" et dont le premier ministre Manuel Valls, qui a appelé à voter pour Valérie Pécresse au second tour en Ile-de-France (ce socialiste n'en aura décidément jamais fini de trahir son camp!), voulait supprimer l'échelon départemental.

Je ne suis pas favorable au mandat impératif. Mais il y a des limites à la désinvolture avec laquelle les élus se croient autorisés de faire n'importe quoi de leur mandat. Ils peuvent changer d'écurie politique, se disperser dans diverses assemblées comme indiqué ci-dessus, ne pas respecter les consultations locales qu'ils ont eux-mêmes organisées, comme en Alsace où la moindre des choses aurait été qu'on organise un nouveau référendum avant la création de la communauté européenne d'Alsace, qui fait un pied-de-nez au jacobinisme français pour ancrer le droit local dans une tradition européenne, sans parler du Concordat (en Alemagne on paye un impôt religieux si on appartient à une Eglise), comme des spécificités de l'excroissance alsacienne, dont j'espère que l'européanisation ne prépare pas l'intégration de la France dans l'Allemagne et réciproquement, comme y faisait allusion la mouture réactualisée il y a deux ans, je crois, du traité de l'Elysée.

Les élus dans les instances régionales peuvent briller par leur manque d'assiduité. Ils peuvent ne pas habiter dans les régions où ils exercent un mandat comme Jacques Chirac put être député à la ville (de Paris) et conseiller général de Corrèze comme rat des champs dans son château de Bity, car on peut être châtelain et cantonnier, c'est bien connu.

Les conseils départementaux devraient être élus dans des scrutins de listes. L'exercice du moindre mandat devrait interdire que l'on se porte candidat à un autre tant qu'il n'est pas échu. Les compétences des différents échelons territoriaux devraient être clarifiées. Faute de quoi la démocratie représentative aura beau jeu de pleurer sur l'abstention dont elle s'accommode fort aisément, mais qui pourrait s'additionner à d'autres signaux inquiétants pour finir par provoquer une crise de régime, dont les Gilets jaunes n'ont fait que donner le signal. La démocratie représentative ne peut pas à la fois regretter d'être en chute libre et ne pas ouvrir de parachutes.

Quant à la nationalisation de ce scrutin, elle ne me semble être le fait d'Emmanuel Macron que dans la mesure où celui-ci fait de la vieille politique et ne sait s'affranchir des réflexes qui ont toujours pris l'électeur pour un imbécile en le considérant comme définitivement incapable de répondre aux questions qu'on lui pose.

Les élections se suivent et ne se ressemblent pas. Si elles se ressemblaient, les élections européennes auraient débouché sur un raz-de-marée écologiste aux régionales. Les élections régionales ne présument pas de la déroute d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen à la prochaine présidentielle, même si elles démontrent que ces deux occupants du devant de la scène politique sont de piètres stratèges, comme le note Olivier Faye dans "le Monde". Les deux impétrants qui s'imaginent être déjà au second tour sans même avoir à concourir pour remporter le premier (présomption qui n'a jamais servi ceux qui ont cru pouvoir gagner sans combattre) ont un défaut commun d'implantation. C'est grave pour Emmanuel Macron, qui n'a pas su territorialiser son mandat présidentiel. Mais c'est plus grave pour Marine Le Pen, qui a misé sur des "vedettes" lors de ces élections, sur un Laurent Giacobelli dans le grand Est, ancien membre de TF1 et élu très nomade, sur Andrea Kotarak en Auvergne-Rhônes-Alpes, prise de guerre de "la France insoumise", sur Sébastien Chenu dans les Hauts-de-France, issu de "Gay lib" et qui met le RN en porte-à-faux par rapport à son électorat traditionnel, attaché à un certain conservatisme sociétal, ou sur Thierry Mariani en PACA, qui bâtit sa notoriété sur le fait de faire barrage à Jacques Bompard pour qu'il ne dirige pas les chorégies d'Orange dont il venait d'être élu maire. La peopelisation et le débauchage de prises de guerre ne font pas des stratégies d'alliance.

Marine Le Pen est en outre tombée dans le piège de croire que son exercice de banalisation du parti de papa avait désactivé le Front républicain qui l'empêche d'être élue à quelque siège exécutif qu'elle se présente. Son incompétence est au moins le double de l'incompétence présidentielle de Macron qui ne s'est pas implanté dans les "territoires". Ayant perdu, elle tape du pied et conjure ses électeurs de l'aimer et de la suivre dans quelque cul-de-sac où elle les entraîne. Tout cela se terminera en 2022 dans une danse de Saint-Guy à la Ségolène Royal en 2007 qui, défaite, commença sa déclaration télévisée en promettant de conduire ses électeurs "vers d'autres victoires" (sic). Prendre une défaite pour une victoire serait-il un tropisme féminin? (Resic)

vendredi 25 juin 2021

Zemmour et BHL, le récit et le discours

https://www.cnews.fr/emission/2021-06-25/face-linfo-du-25062021-1098338    


Tout d'abord il faut noter que ce débat ne serait pas possible si le pétainiste ou le bonapartiste Zemmour et le démocrate chrétien BHL n'étaient pas des coreligionnaires sans doute agnostiques l'un et l'autre. BHL devrait normalement fuir la compagnie de l'ami de Jean-Marie Le Pen, or il accepte, comme Raphaël Enthoven, qui commence un compagnonnage étrange avec le polémiste au nom du CRIF et en sa qualité de philosophe du Spectacle, d'être invité sur son plateau de Cnews. BHL est un vigilant à la façon d'Alain Minc qui, au début de la dédiabolisation ou de la banalisation du Rassemblement national, a dit qu'il prendrait le temps de vérifier jusqu'où l'héritière renierait son père pour savoir s'il accepterait de dîner avec elle et de donner quitus à la présidente du parti pour le patriotisme parricide d'un certificat de fréquentabilité. Alain Minc et BHL sont les arbitres des élégances du nationalisme français post-maurrassien.


L'extrait du documentaire de BHL diffusé par Cnews en début d'émission montre que notre cosmopolite en chef parle l'Anglais comme une vache espagnole (je n'ose dire catalane). "What (et non which) is  the bigest ennemy,"  


Zemour croit à l'équilibre de la terreur introduit par l'arme nucléaire, BHL en doute, car il fait la part de la démence possible du dirigeant d'une grande puissance dotée de cet arme. Le jeu dangereux de Trump avec son bouton nucléaire qui serait plus gros que celui de "leatel rocket man" donne raison à BHL qui, sur ce coup-là mais c'est bien le seul, est plus réaliste que son contradicteur. 


Par principe, l'idéaliste BHL croit que les bombardements des démocraties valent mieux que les bombardements des pays totalitaires. Il en oublie les vies de civils que ces bombardements ont eux-mêmes oublié d'épargner. 


Zemmour qui ne donne le nom de guerres qu'aux "guerres totales" veut des guerres aux victoires courtes et aux objectifs limités. Il a raison de ne pas croire à la "guerre juste", tentative augustinienne de moraliser le recours à la force, dont nous mesurons l'ineptie depuis trente ans que les néo-conservateurs aux Etats-Unis et que l'axe kouchenéro-bernard-henri-lévyste en France nous bombardent de guerres justes. 


Eric Zemmour reconnaît comme mon institutrice soeur Marie-Albert, qui était favorable à la Révolution française à l'exception de la constitution civile du clergé,  que les guerres napoléoniennes étaient les prémices des guerres hitlériennes: "Napoléon était un homme extraordinaire, écrivait-elle dans un de ses "Ce qu'il faut bien retenir" qu'il nous fallait apprendre par coeur, "mais il était insatiable comme Hitler", ajoutait-elle à l'oral. Zemmour est du même avis, mais décide que n'importe: il reste du côté de Napoléon, car il est du parti de la France. Il ne franchit pas le rubicond de dire que, s'il avait été allemand, il aurait vibré à la victoire d'Hitler si le sort des armes en avait décidé ainsi, mais on sent que cela lui gratte la plante des pieds de faire ce pas verbal et cette concession à l'histoire-fiction. D'ailleurs il dit qu'"Hitler est un monstre aux yeux de l'histoire". Sous-entendu, il n'est un monstre qu'aux yeux de l'histoire. Monstrueux? Pas plus que Bernanos disant de retour  d'un exil qui aurait été son acte de résistance qu'"Hitler a déshonoré l'antisémitisme".  Zemmour se contente de dire que le récit aurait été différent en cas de victoire d'Hitler.


Car Zemmour est du côté du récit et BHl du côté du discours. Zemmour croit à la continuité historique et BHL à la continuité spirituelle, même si la première est plutôt avérée et l'autre carrément fantasmée. Zemmour croit comme Aymeric Chauprade ou Vladimir Fedorovski qu'en géopolitique, les constantes l'emportent sur les changements. BHL est plastique et croit aux modifications de la matrice. Zemmour dit de BHL qu'il est un colonialiste qui croit que "l'Occident doit faire le bonheur des peuples" sous la botte, et lui-même est un empiriste si BHL est un impérialiste qui s'ignore et croit que "Vladimir Poutine déteste l'Europe". Zemmour est un réaliste et BHL un idéaliste. Cela condamne Zemmour, car l'Europe est idéaliste depuis le siècle des Lumières et plus encore depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Sans compter que les idées mènent le monde. Le continuisme historique est daté, que les idéalistes aient raison ou tort, et ils ont historiquement tort s'ils ont spirituellement raison, ce qui reste à prouver, question de point de vue relatif à la querelle des universaux.


Zemmour a raison de dire que BHL comprend De Gaulle à l'envers. De Gaulle se faisait "une certaine idée de la France", BHl croit que la France est "une certaine idée de la civilisation". Christine Kelly a malheureusement limité l'étude des présidents français et de la guerre à l'après-Mitterrand. Ses prédécesseurs étaient pacifiques, détentistes et non alignés. De Gaulle parlait comme Poutine de la Russie éternelle. Giscard faisait les yeux doux à Brejnev au point d'avoir été traité d'"agent des soviets" pendant la campagne présidentielle de 1981. Il aimait Jimmy Carter et le shah d'Iran tout en protégeant l'ayatollah Khomeini à qui il laissa poursuivre ses activités propagandistes en France. L'apparition du socialisme, dont on craignait qu'elle entraînât l'arrivée des chars russes, a entraîné au contraire, par un phénomène d'hétérotélie ordinaire, l'inféodation de la France au néoconservatisme atlantiste et interventionniste. Chirac fut le seul des présidents français qui suivirent qui, sans faire exception ni marche arrière, voulut limiter l'interventionnisme français. Chirac avait peur de bouleverser les équilibres sociaux de la France fragile et ne voulait pas faire de l'ombre au monde. C'était son côté raisonnable. BHL est le mauvais génie qui murmure à l'oreille des princes qu'il faut faire la guerre  pour gagner la paix sans se rendre compte que c'est la quadrature du cercle. 

Tocqueville et l'homme démocratique

    En réaction au billet de Philippe Bilger

consultable ici:

        

Justice au Singulier: Tocqueville pour aujourd'hui... (philippebilger.com)

Vous répondez, cher Philippe, à la question que je m'étais posée un jour: "Y a-t-il des opinions inhumaines attendu que ces opinions sont dans les hommes et que ce qui est dans l'homme ne peut être qu'humain"? Et vous répondez de façon tocquevillienne que le monstre est humain (il est dangereux d'expulser les monstres de l'humanité), mais les monstres ne méritent pas le privilège de l'humanité.


Un paradoxe de la démocratie telle qu'elle est façonnée et fascinée par les "meneurs d'opinion" est qu'à la stricte égalité d'"un homme, une voix", s'oppose la personnalité et aux idées le charisme, contre lequel on a beau se prémunir, les idées que leur noblesse oblige ne font souvent pas le poids contre lui. La démocratie est un régime d'idées que surplombent les personnalités des hommes comme pour annihiler leur foi naïve aux idées.


Tocqueville était "un aristocrate qui se résignait à la démocratie" parce qu'il la constatait. Lui ou Montesquieu qu'on n'a pas regroupés dans une école juridique française comme il existerait une idéologie française ou des tenants de la "french theory" qui ont conquis l'Amérique comme la psychanalyse est venue lui "apporter la peste", disait Freud, sont des descripteurs constatifs et comme tels des ancêtres de la sociologie (une fois de plus Raymond Aron avait raison) qui a moins vocation à être prescriptive que descriptive, alors qu'un John Stuart Mill dont je suis surpris qu'il ait correspondu avec notre froid Alexis, mettait la liberté à l'épreuve et expérimentait si elle franchissait les limites de la morale. 


J'ai souvent professé, sans doute à tort, que la République qui n'était plus la chose du peuple était devenue une idéologie de régime alors que la démocratie est un régime sans idéologie. Ce n'est pas vrai s'il existe un "homme démocratique" résultant de l'extension de l'égalité sous l'effet de la passion de l'égalité qui accélère la naturalisation de l'égalité des conditions (la passion de l'égalité est telle que même un théologien de la Trinité comme saint Augustin cherchait à établir le signe égal entre le Père, supérieur par essence et dont le Fils disait: "Il est plus grand que Moi" et cet Unique Engendré). Si on avait demandé à Tocqueville si l'on pouvait répudier la démocratie à laquelle il s'était résigné comme Hitler fut élu démocratiquement, il aurait probablement répondu que non et il n'y aurait pas vu de paradoxe, non que la démocratie soit idéologique, tempérée comme elle est par l'ascendant des personnalités charismatiques, mais sans doute aurait-il considéré que la démocratie est  trop pragmatique pour qu'un quelconque prophétisme ait loisir de la renverser. Etant de nature romantique, je préfère prêter à la démocratie un providentialisme qui doit sans doute être illusoire.


Marc Ghinsberg a prévenu une objection que je n'osais vous faire. Il me semblait à moi aussi que vous commettiez un contresens quand vous lisiez que les "meneurs d'opinion" avaient perdu leur droit à l'humanité. Ce que dit Tocqueville, c'est qu'ils nous font perdre le nôtre à force d'agiter un despotisme libéral qui nous rend étrangers dans notre propre pays et les mécontemporains de ceux qui vivent pourtant de notre temps si nous ne pensons pas comme les consciences qui nous gouvernent, malgré le droit tout théorique qu'ils nous en garantissent.


Reste à s'étonner du dernier paradoxe de la démocratie, régime de la majorité, qui tend aujourd'hui à épouser toutes les luttes des minorités, pour ne pas dire à être une dictature des minorités parce que ce qu'il reste de marxisme (Lénine dénonçait déjà le gauchisme) a décidé de ne plus être partageux et qu'il est plus simple à la lutte des classes d'avoir pour dernier avatar la lutte des minorités pour leurs droits à la reconnaissance, comme il est plus simple au parti socialiste, qui s'est discrédité partout dans le monde en prenant le tournant de la rigueur, d'être devenu (et pas seulement sous l'égide de la fondation Terra nova) le parti sociétaliste. 

lundi 21 juin 2021

Abstention aux régionales: les parachutes de la démocratie représentative

    Les Gilets jaunes l'avaient anticipé, l'abstention le prouve dans l'indifférence des politiques qui n'en crient pas moins victoire à toutes les élections, la démocratie représentative est en chute libre. 


Le pouvoir personnel n'intéresse plus à juste titre. Les peuples veulent voter pour des idées. 


Mais nos gouvernants n'ont même pas l'intelligence  d'ouvrir ces quelques parachutes que seraient:


-La permission du vote électronique, qui coïncide beaucoup plus avec nos habitudes et avec la modernité que l'obligation qui nous est faite d'émarger à un bureau de vote en perdant son dimanche;


-L'interdiction à toute personne n'étant pas régulièrement domiciliée dans une région, une ville ou un département,  de prétendre y exercer un mandat politique: si tel avait été le cas, François Mitterrand ne serait jamais devenu maire de Château-Chinon ni François Hollande maire de Tulle, nul ne s'en serait trouvé plus mal.


-L'interdiction non seulement du cumul des mandats, mais de cette aberration qu'un Jacques Chirac ait pu être à la fois maire de Paris et député de la Corrèze;


-l'interdiction à toute personne exerçant un mandat de prétendre en exercer un autre. Exiger qu'un député achève son mandat de parlementaire avant de se présenter à une autre élection, à l'exception de l'élection présidentielle. 

Lettre ouverte orale aux fils aînés de la parabole de l'enfant prodigue, les catholiques de tradition

Une inquiétude exprimée par mon ami l'abbé Guillaume de Tanouarn au cours de son émission "le Libre journal de chrétienté",  sur "Radio courtoisie", concernant la délibéralisation possible, à la faveur d'un prochain "Motu proprio" du pape François (décision prise "de son propre mouvement"),  délibéralisation de la "messe en latin", "ancienne messe" ou messe en forme extraordinaire, m'a donné l'occasion d'écrire cette lettre ouverte orale aux catholiques de la Tradition, ces fils aînés de la parabole de l'enfant prodigue. C'est mon premier audioblog. Il est divisé en deux parties.  Je le soumets à la sagacité de mes auditeurs. Bonne écoute.


Première partie:


https://www.dropbox.com/s/txp454y4by0qptr/lettre%20ouverte%20orale%20aux%20fils%20a%C3%AEn%C3%A9s1.MP3?dl=1


Seconde partie:


https://www.dropbox.com/s/p0i60jajwv0ccvr/lettre%20ouverte%20orale%20aux%20fils%20a%C3%AEn%C3%A9s%202B.MP3?dl=1 



https://www.dropbox.com/s/p0i60jajwv0ccvr/lettre%20ouverte%20orale%20aux%20fils%20a%C3%AEn%C3%A9s%202B.MP3?dl=1

jeudi 10 juin 2021

L'Eglise doit se taire sur la bioéthique



On attend que l'Eglise -et les catholiques se taisent sur la bioéthique. 


Il y a d'abord une raison d'opportunité qui dépasse l'attente de la société. La parole de l'Eglise ne modifie pas une situation de fait depuis 1986, où la PMA (qu'on appelait jadis l'"insémination artificielle") est autorisée, est fonctionnelle et donne le jour, ô surprise!,  à des enfants viables et souvent heureux, enfants de l'amour au moins autant que ceux issus d'une relation sexuelle classique, pas toujours amoureuse, tant s'en faut. 


   Enfants de l'amour ou du désir, tempérerais-je, car pourquoi vouloir à tout prix un enfant issu pour tout ou partie des gamètes du couple, plutôt que d'encourager (et de s'engager dans) la difficile et oblative aventure de l'adoption? 


    Cette contradiction entre un enfant issu d'une démarche procréative encadrée ou médicalement assistée et l'adoption est mal perçue en général. Il est plus facile de dire que la PMA favorise la logique consumériste plutôt que de dénoncer que le désintérêt pour l'adoption accuse une logique égoïste de la part des couples ambitionnant l'accès à la parentalité biologique hors des voies communes de la fécondation.  


    Mon expression brutale passe sans doute à côté, car je n'ai pas d'enfant, de l'appel de la chair, même si les voies et moyens d'avoir un enfant qui soit charnellement rattaché au couple parental via une FIVE, ne sont pas très biologiques. 


    La parole de l'Eglise touchant l'extension de la PMA aux couples de femmes est inutile parce que c'est la PMA qui fait problème en soi, or celle-ci est déjà inscrite dans la loi, et elle donne le jour à des enfants viables. La refuser à des couples de femmes et, en effet, plus tard, à des couples homosexuels masculins via la GPA faute d'une autre solution dans notre cadre législatif (comme par exemple l'autorisation de donneuses d'ovocytes anonymes), est une discrimination qui sera bientôt déclarée illégale. 


-Mais la parole de l'Eglise est irrecevable pour au moins trois autres raisons:


  -Elle prend trop de biais rhétoriques pour masquer que l'Eglise est obsédée par les limites antérieures et  postérieures de la vie humaine, le refus de la PMA et de l'euthanasie masquant une peur de ces  deux seuils que sont la naissance et la mort. 


    La parole marquée par la peur passe pour névrotique et notre société d'émancipation récuse une parole qu'elle présume inspirée par la névrose.


  -La PMA est un détournement de la relation sexuelle qui jusqu'ici était liée au processus de la reproduction humaine. Or la société ne supporte plus d'entendre l'Eglise parler de sexualité. Il faudrait pour qu'elle soit audible que sa parole soit purifiée par une véritable intention de lutter contre la "culture de l'abus" jusqu'à la racine de ses pratiques et au-delà de la dénonciation des scandales et des scandales du passé. Or l'Eglise n'est qu'au début de cette lutte. Sa parole ne retrouvera une légitimité en la matière que vérifiée et purifiée par une longue pratique et pas seulement par le traditionnel et incantatoire "plus jamais ça, plus jamais la guerre, plus jamais l'avalanche".


  -Enfin et surtout, on n'attend pas l'Eglise, qui s'est trop longtemps révélée incapable  de se comporter normalement, sur une parole normative. On l'attend sur une tentative de répondre à la question du "pourquoi" lorsque survient le malheur qui n'a été causé par aucun désordre ou choix de la liberté humaine. Pourquoi l'enfant surhandicapé ou victime de toutes les injustices de la vie? Pourquoi l'enfant sur lequel le sort s'acharne? L'Eglise ne peut pas se contenter de dire: "Je ne sais pas, mais je compatis." Elle doit déployer un effort intellectuel  tout aussi généreux que l'énergie qu'elle gaspille à s'exprimer sur des sujets sur lesquels la société qui est gavée de ses leçons de morale ne lui demande plus son avis.

mardi 1 juin 2021

Les catholiques et la défaite

En tout catholique, sommeille un agnostique et le "fait religieux" m'a toujours paru un oxymore.


Je suis un catholique de combat spirituel, pas de combat social et tous les catholiques sont de ma famille.


J'estime qu'il est à l'honneur des catholiques de ne pas rendre indignation identitaire contre agression communautaire et de se démarquer des autres communautés qui constituent la nation. Il est en revanche impolitique d'importer cette nonchalance dans le champ politique, car un pays qui le ferait, je ne vise personne, suivez mon regard! basculerait très vite dans la repentance, la déconstruction de l'histoire ou la dénonciation unilatérale contre la torture en Algérie qui ignore les exactions du FLN.


Je me souhaite d'avoir le courage du héros de "la Puissance et la gloire" de Graham Green et de mourir en pécheur sanctifié par le martyre ou par une forme de martyre, se réduisît-elle au témoignage que je rends que l'Eglise m'a porté à bout de bras quand j'étais au plus mal, et m'a tiré vers le haut, constamment, vivant en bonne intelligence avec moi et respectant le malade que j'étais  ou que je suis, moi et ma bipolarité. L'Eglise m'a traité en frère.


Mon meilleur ami m'avait prédit un jour: "J'ai rêvé que toi et moi nous mourrions en martyrs. Toi tu avais peur et moi, je t'encourageais."


Un catholique doit aimer ses ennemis et prier pour ceux qui le persécutent. 


Un aubergiste qui tient salon sur Internet (le nom de son auberge est la banquise) disait qu'un djihadiste qui nous ferait la peau ne serait jamais qu'un "second couteau" par rapport au péché qui a persécuté le Christ. "Ma faute est toujours devant moi. Libère-moi du sang versé, ô mon Dieu." (psaume 50) 

"Moi, quand j'aurais commis tous les crimes possibles,

Je garderais toujours la même confiance,

Car je sais bien que cette multitude d'offenses

N'est qu'une goutte d'eau dans un brasier ardent." (sainte Thérèse de Lisieux)


C'est le privilège de l'accompagnateur des laudes que je suis dans une église du coeur de ma ville de lire ainsi la liturgie des heures: depuis vingt-cinq siècles que le psalmiste prend Dieu à témoin indirect de ses états d'âme, rien ne change et pourtant il est exaucé, car il sent le pardon divin se poser sur lui et la divine miséricorde purifier son coeur.

"Mon Dieu, je crois en vous, j'espère en vous et je vous prie pour ceux qui ne vous croient pas et ne vous espèrent pas", inspira de prier Notre-Dame de Fatima. L'Eglise célèbre la liturgie des heures pour pratiquer la communion des saints et assister les malades et les agonisants, tous ceux qui ont un combat à mener.


Le matin, j'écoute souvent "radio Notre-Dame" et quand j'ai entendu, au début de la semaine dernière, que le diocèse de Paris envisageait de commémorer les martyrs de la commune dans un contexte où la société se demandait si elle devait la commémorer, je me suis dit que ce n'était pas très habile et qu'il pouvait y avoir du grabuge. Les communards ont massacré leurs otages en représailles à la répression versaillaise. La réaction de l'Eglise face à la Révolution était beaucoup plus simple. La Révolution s'est faite sur une base anti-catholique (cf. Jacques Crétineau-Joly ou "Pour qu'Il règne" de Jean Ousset). Les terroristes révolutionnaires ont gagné et ont forgé l'univers mental dans lequel nous baignons encore. Il y a peu de chances ou de probabilités que nous sortions jamais de ce bain-là. Les Les révolutionnaires ont gagné, les communards ont perdu. Les catholiques sont les alliés de tous les défaits. Ils aiment "les perdants de l'histoire". Bernanos a défendu les communards dans "la   Grande peur des bien-pensants."


Quand j'habitais dans le XIXème arrondissement de Paris, je fréquentais une église qui prit pour affectation le rez-de-chaussée de l'ancien immeuble de la sécurité sociale. Le quartier était scindé entre juifs loubavitchs, noirs africains, musulmans volontiers salafistes "qui cognaient fort", disait le curé aux enfants du catéchisme, et nous et nous et nous. Le curé trouva fort intelligent de faire fondre une cloche. Tous les jours, il teintait de 10h à 19h et pour l'angélus , jamais il ne frappait les trois fois trois coups. Ce combat était un peu clochemerlesque et un peu cloche. Paris n'a pas de chance d'avoir un clergé conservateur, c'est l'héritage du lustigérisme qui y règne  depuis cinquante ans. Le cal Vingt-trois assumait d'être appelé "Copie conforme" (cf. Robert Serroux) et Mgr Aupetit marche dans les pas du cal Vingt-trois.