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dimanche 12 mai 2013

Notes sur la déclaration universelle des droits de l'homme

Le texste intégral de la Déclaration Universelle des drotis de l'Homme est disponible ici : https://www.un.org/fr/documents/udhr/index.shtml Prambule : La dignité est au principe : "Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde." Le contexte des exactions de la guerre qui vient d'avoir lieu est générateur d'une amertume qui rend cette déclaration nécessaire, comme le souvenir du "despotisme" rendait nécessaire d'énoncer les "droits de l'homme et du citoyen" de 1793, dont la seule parole à les rendre caduques était celle qui demandait à tous les hommes libres de se saisir et de mettre à mort les ennemis de ces droits. "Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme. La Justice est garantie par l'absolu du droit, qui n'est plus là pour servir la Justice (c'est la victoire de l'Etat de droit contre l'Etat de Justice) : "Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression." : La désobéissance civile, garantie par les formulations antérieurs, devient un devoir contre le pouvoir tyrannique (dans la tradition scolastique qui préconisait, au besoin, le tyranicide) : Le préambule affirme aussi l'égalité des sexes, "les droits égaux des hommes et des femmes…" Cette déclaration est une architecture universalist/personnaliste (avec une dérive individualiste possible) versus une version qui aurait pu être internationaliste, étatiste et collectiviste, elle affirme la "ddignité de la valeur de la personne humaine". Jean-Paul II n'aura de cesse de faire de cette intuition la norme nouvelle de sa contribution à la doctrine sociale de l'Eglise. Cet déclaration d'intention des Nations Unies a enfin une valeur déclarative et progressive : "Considérant que les Etats Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Considérant qu'une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement." Raison de cette déclaration¨unifier, dans l'espoir de l'universaliser, la conception que chacun a des droits de l'homme, au risque que les droits de l'homme puissent être considérés comme "[faisant] partie du bagage impérialiste" (Alain soral). "L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit" : cette déclaration constitue de nouvelles tables de la loi politique, qui se pose comme un idéal de citoyenneté)… "s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les pttttttttopulations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction." Autrement dit, le colonialisme est, dans le préambule de cette déclaration (contrairement à ce qui advient dans la lettre du préambule de la constitution de la quatrième république en France, où la colonisation ne peut constituer qu'une transition vers l'indépendance), affirmé comme non contraire aux droits de l'homme, ce qui est d'autant plus paradoxal que la déclaration Universelle inscrit dans le marbre du droit international l'interdiction de l'esclavage (art. 4). Or il y a assurément un lien entre la colonisation et l'esclavage, les anciens (ou encore actuellement) colonisés se considérant comme les fils des esclaves. Art. 1. "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience" (est-ce que cela sort de l'humanité ceux dont la vie n'implique pas de conscience… ?) "et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité." L'art. 1 de la déclaration stipule bien qu'il y a deux droits de l'home, la liberté et l'égalité, qui conduisent à un devoir de fraternité. Seul ce devoir estopératoire, puisqu'on peut en contrôler directement l'exécution, voire on peut demander des comptes sur cette exécution. Art. 2.1. Sans prononcer le mot qui le sera à l'art. 7, cette art. refuse toute discrimination. Or je me demande si l'"antidiscrimination" ne renvoie pas au refus très ancien qu'il soit fait "acception de personne." Art. 3. Droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Art. 4. Interdiction de l'esclavage. Art. 5. Interdiction de la torture, et de tout traitement "inhumain ou dégradant". Art. 7. egalité devant la loi et protection de la loicontre toute discrimination et provocation à la discrimination. Art. 11. Présomption d'innocence, non rétroactivité de la loi. Art. 12. Interdiction de l'immiction dans la vie privée, protection de la vie privée, du secret de la correspondance, de l'honneur et de la réputation (d'où les procès en diffamation)… Art. 13. Liberté de circulation. Donc toute limitation des flux migratoires attente à cette liberté d'aller et venir. Art. 14. Droit d'asile, ne pouvant certes pas couvrir ce que la Déclaration ne nomme pas le terrorisme, mais on sent qu'il y a une extension possible de ce côté-là, en tout cas explicitement pas les "crimes de droit comun". Art. 15. Droit à la nationalité bizarrement formulé 1. "Tout individu a droit à une nationalité." Pourquoi ? Cette conception nationaliste du monde, j'entends par là d'un monde divisé en nations, ou d'un monde inter-nationaliste, ne fait-elle pas d'avance obstacle à une solution alternative internationaliste ? Mais surtout : 2. "Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité." D'une part on ne devrait jamais pouvoir déchoir quelqu'un de sa nationalité, car s'il n'en a qu'une, qu'est-ce qui lui reste, et qu'est-ce qui le rattache aux autres hommes si le monde est divisé en nations ? A côté de cela, la déclaration a l'air de dire qu'on peut changer de nationalité come dechemise. Art. 16. Droit au mariage (1. et 2. entre un homme et une femme, la revendication homosexuelle pouvant être portée au titre de l'art. 7 et de la lutte contre les discriminations.) et droit de la famille (alinéa 3), avec cette formule : La famille est l'élément naturel et fondamental de la société", variante de cette autre maxime, dont je me demande qui en a la paternité: "La famille est la cellule de base de la société". La fammille, oui, mais quelle famille ? Et n'y a-t-il pas une contradiction entre une conception universelle, donc personnelle, de la protection (et de la question) humaine, et l'insertion automatique de toute personne dans un cadre familial ? De plus, si l'on convient que les droits de l'homme sont un décalque laïque du décalogue, de l'aveu même de son rédacteur principal, la famille n'est-elle pas la manière contemporaine de signifier le cadre domestique, que protégeait le décalogue, dans le contexte de "la cité antique" ? Mais la suite de cet alinéa 3. est encore plus contestable, dans la mesure où il semble instaurer une obligation pour tous les etats de mettre en place une "politique familiale" au sens où nous l'entendons, avec des Allocations familiales, si ce n'est une politique nataliste : "et a droit [la famille] à la protection de la société et de l'Etat" .Tout compte fait, bien sûr, il vaut mieux promouvoir une politique nataliste qu'une politique eugéniste. Les Nations Unies ont tellement été accusées du contraire que cette précaution de la "protection de la famille", au moins en cette matière, n'est pas superflue. Art. 17. Droit de propriété et interdiction de l'expropriation arbitraire. Autrement dit, dans le prolongement de ce qu'avait déjà affirmé la Révolution bourgeoise de 1789, le droit de la personne humaine s'étend à préférer qu'elle prospère dans un cadre familial et patrimonial. Seulement, ne pas oublier qu'à l'époque de l'adoption de cette déclaration, la seconde puissance du monde prétendait se diriger vers le communisme, donc ne reconnaissait pas le droit à la propriété. C'est un sérieux coup de canif dans le consensus qui aurait dû présider à une conception universelle des droits de l'homme. L'art. 18. condamne aussi bien l'interdiction faite aux citoyens de "changer de religion"' par les pays islamiques de stricte observance que la laïcité à la française, la France étant régulièrement condamnée par un observatoir américain de la liberté religieuse. Il est ainsi rédigé : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites." Liberté de culte et d'enseignement. Donc ce droit devrait garantir un enseignement libre aux croyants de toutes les religions, dans quelque nation qu'ils résident, afin qu'ils puissent assurer le "droit à l'éducation"… obligatoire (art. 26). Art. 19. Liberté d'expression, d'opinion et d'information, quie est davantage conçue comme une liberté d'informer que d'être informé, sans que le mot de "liberté de la presse" soit prononcé. Art. 20. Liberté de réunion et d'association, avec, pour la première et la seule fois, une sauvegarde pour l'anarchistequi se croit "un tout parfait et solitaire" (rousseau) ou pour le dissident ne se reconnaît pas d'appartenance à la forme de communauté politique garantie par cette Déclaration : 20. 2. "Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association." 21.1. et 3. (confirmé par l'expression "gouvernement démocratique" concluant l'art. 29) :Le seul régime très directement légitimé par cette Déclaration est la démocratie, qu'elle soit directe ou indirecte : 1. "Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis." Ce principe est durci dans l'alinéa3.: "La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote." Rappelons que, pour les penseurs des lumières, la démocratie était un régime dévolu aux petites cités. Elle est ici promue au rang de norme pour toutes les nations. Quelle est la légitimité de cette promulgation, en contradiction avec toute la pensée politique traditionnelle, des lumières incluses, qui affirmait les avantages et les inconvénients, mais aussi la légitimité intrinsèque de tous les régimes politiques, à l'exception du despotisme ou de la tyrannie ? Une première atteinte à la souveraineté des nations du monde est portée par cette universalité de la démocratie comme régime politique convenant également à chacune. Art. 22. Droit à la sécurité sociale, non dans le prolongement de la politique familiale, mais comm protection personnelle, , ce qui explique la division de notre sécurité sociale en un régime général et en une branche familiale. Ce principe n'est pas aussi moderne qu'il y paraît, puisqu'il reprend ce que la Déclaration de 1793énonçait sous le vocable de "garantie sociale" et d'oblgation pour l'etat de porter secours et assistance (ceux qui dénoncent l'assistanat en sont pour leurs frais) à tous ceux qui seraient hors d'état de travailler et d'acquérir par eux-mêmes des moyens de subsistance. 20. 2. "Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays." Etonnamment, cette disposition se trouvait déjà dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793. Donc, en excluant les juifs de ces emplois publics, le gouvernement de vichy touchait à un symbole ancien et fort. Art. 23.1. "Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage." Les Assedic sont donc quasiment de droit international. Cet alinéa pèche sur un seul point : il laisse le choix de son métier à la discrétion du seul individu et citoyen, sans égard aux besoins du pays. Or il n'y a pas de "protection contre le chômage" efficace qui ne tienne compte des débouchés réels du métier embrassé par l'individu. Cette disposition condamne en creux la planification.) En bonne logique, ce premier alinéa devrait être suivi par le troisième : 3. "Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine." Mais avant l'énoncé du principe, s'intercale cette obligation : 2. "Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.", Excellent principe, cet égalité salariale à travail égal est un bon préalable, qui devrait protéger des inégalités homme-femme en matière de rémunération, mais les rédacteurs de la déclaration, qui se sont accordés sur la norme démocratique, n'ont pas intégré de loi organique à leur déclaration pour décrire une échelle des salaires qui serait légitime. Derrière cette critique, il y a cette question : pourquoi est-il universellement admis que le travail intellectuel soit mieux rémunéré que le travail manuel, dont il est devenu démodé de promettre une revalorisation ? Or est—ce qu'un bâtisseur ne porte pas la responsabilité à la fois pesante etgratifiante, du bien-être de celui qui se déploie dans la bâtisse qu'il a construite ? Un bâtisseur ne doit-il pas être mieux considéré qu'un rond de cuir et quelqu'un qui exerce un travail pénible mieux traité qu'un bureaucrate ? Or le syndicalisme n'existe quasiment plus pour défendre l'ouvrier et le prolétariat. Le syndicalisme s'est mis au service des CSP+. Art 25, 1. Toute personne a droit à "un niveau de vie suffisant" pour assurer sa "santé" et son "logement" et pourvoir à ses besoins alimentaires. Toute persone doit pouvoir assurer son gîte et son couvert. 25. 2. Protection affirmé de la maternité et de l'enfance. Or la protection de la maternité a été passablement mise à mal par les centres de planification familiale, qui enfreignent également le droit à la famille. Encore que la Déclaration parle d'"assistance" et non de protection. La Déclaration protège également le droit des "enfants (dits) naturels". Art. 26-1. Droit à l'éducation, école élémentaire obligatoire et gratuite (ça fait très "troisième République", outre l'oxymore du droit obligatoire), accès aux études "supérieures" (on aurait pu écrire à l'enseignement universitaire) ouvertes au mérite, généralisation de l'enseignement technique et professionnel, amendement qui doit avoir été inséré sous l'influence des Ligues de l'enseignement, car c'est l'apprentissage qui est visé, et la transmission du savoir professionnel par l'intermédiaire d'un maître. 26-2. L'éducation comprend l'éducation aux droits de l'homme, cette précision tendant à se demander si cette éducation aux Droits de l'homme n'est pas l'essence de l'éducation et si l'éducation n'est pas le moyen pressenti par les rédacteurs de cette déclaration pour hâter la mise en œuvre des droits de l'homme. Dès qu'on légifère sur l'éducation, le soupçon de formatage des esprits se lève, et l'on se demande si la loi qui légifère sur l'éducation pour que l'esprit de cette loi soit inculqué, ne serait pas, engerme, une idéologie totalitaire, universalisant la démocratie comme système de valeurs et non come régime politique, et comptant sur l'éducation pour transmettre ses valeurs, d'où la légitimité non terminologique de la critique de l'idéologie de l'éducation à laquelle il faudrait préférer l'instruction, car une éducation non idéologique ne serait que de l'instruction, l'éducation à la citoyenneté étant laissée à l'appréciation des parents et des maîtres qu'auraient choisi ces parents. Il est plus facile à un enfant de se rebeller contre l'éducation que lui ont prodiguée ses parents que contre celle que lui a dispensée l'ensemble de la société. La déclaration évoque bien le rôle des parents, mais elle le limite au "genre d'éducation" au préjudice du contenu de celle-ci. Art. 27. Arts, lettres, science, culture et propriété intellectuelle. Art. 28-30. Les droits de l'homme se ferment sur eux-mêmes : L'art. 28. rappelle un principe de bien commun pareil à celui que Saint-Paul énonce en disant qu'il importe que les "autorités de l'Etat" veillent à ce que les citoyens puissent mener une vie d'homme "raisonnable, juste et religieux" : "Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet." Mais la finalité n'est pas la piété ou tel autre intérêt supérieur que l'individu aurait en vue, elle est la conservation de ces "droits et ibertés". Art. 29.1. L'eoptique individualiste est encore plus nettement assumée : la seule fois qu'il est parlé de ses devoirs, l'individu a pleinement intérêt à ce que soit sauvegardé une "collectivité" tellement préoccupée de son bonheur et de son épanouissement. Où l'on se prend à se dire que la métaphore du grand inquisiteur (Dostoïevski) n'est pas si exagérée : "Je vous promets le bonheur pourvu que vous abdiquiez votre liberté." Pire, la Déclaration émet l'avis que seule, une communauté conservatoire des droits qu'elle n'a pas seulement proposés, mais sacralisés, rend ce bonheur individuel "possible" dans l'ordre politique. La communauté politique ainsi fondée est un "contrat social" dépourvu d'intérêt national. L'art. 30 assume pleinementde ne tolérer aucune liberté pour les ennemis de la liberté : "Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés." Autrement dit, il n'y a pas de liberté d'association ni pour aucun individu qui serait, par principe, ennemi des droits de l'homme. Entre autres, on n'a pas le droit de considérer que les droits de l'homme transgressent un principe transcendent selon lequel il ne serait pas loisible d'édicter des droits de l'hommedans l'abstrait, mais on devrait envisager la dignité de l'homme du point de vue de sa condition de créature et de ses devoirs de piété, sinon envers un créateur, du moins envers la vie qu'il ne s'est pas donnée.

samedi 11 mai 2013

Les droits de l'homme et le décalogue

Pour rené cassin, les droits de l'home constituaient une laïcisation nécessaire du décalogue, ainsi que le note, en qualité de témoin et d'ancien collaborateur de René cassin, , André chouraqui, dans sa préface à son ouvrage "Les DIX COMMANDEMENTS AUJOURD'HUI, DIX PAROLES POUR RECONCILIER L'HOMME AVEC L'HUMAIN" (Robert Lafont), sans l'intention polémique de Jean Madiran, qui tire parti de cette volonté de laïciser le décalogue, qu'il a repérée lui aussi, pour appeler cette charte laïque de droits "les droits de l'homme sans dieu", Qui n'y est en effet jamais cité et n'en est au mieux qu'un référend indirect, dont les rédacteurs de la charte ont en outre "singé", selon le polémiste catholique, le mode de révélation législative. Or singer Dieu est l'oeuvre du diable, donc les droits de l'homme font oeuvre diabolique, d'autant qu'ils ajoutent à l'imitation la subversion de l'inversion, Dieu ayant édicté un catalogue de devoirs que l'homme a transformé en un catalogue de droits. De fait, André chouraqui constate que, pour cinquante-neuf occurrence du mot "droit" dans "La déclaration universelle des droits de l'homme", on en trouve une seule du mot devoir, pour souligner "les devoirs de l'individu envers la communauté" (art. 29). "Pourtant, ajoute André Chouraqui, si l'homme accomplissait ses devoirs élémentaires, dont les principaux sont précisément contenus dans les dix commandements, une déclaration concernant ses droits ne serait pas nécessaire." On a demandé à rené cassin pourquoi il n'avait pas rédigé une déclaration des devoirs de l'homme parallèlement à celle de ses droits. La réponse de l'éminent résistant et juriste fut double : 1. D'abord René cassin impute le fait au contexte historique: "Quand on vient d'un état de négation des droits, les gens qui arrivent au pouvoir veulent proclamer leurs droits et non leurs devoirs." 2. Mais sous l'attention exclusivement portée aux droits, René Cassin assure que sont cachés les devoirs : "Le droit, c'est comme une enveloppe : il y a l'extérieur et l'intérieur.L'extérieur, c'est le droit du créancier ; l'intérieur, c'est l'obligation du débiteur. Seulement, ce n'est pas une obligation individuelle ordinaire d'un homme envers un homme, c'est une obligation universelle". On peut contester que les devoirs de l'homme soient cachés en creux dans ses droits. Mais André chouraqui, à qui je dois ces citations de René cassin, sert encore mon propos d'une autre manière. Lorsqu'il résume la déclaration des droits de l'homme, il les désigne comme suit : "la primauté de la loi, de la liberté, de l'égalité et du devoir de fraternité envers les hommes."Sous sa plume, un quatrième tiers entre en scène : la LOI. André Chouraqqui est un homme du décalogue qui pense à la fois que le judaïsme s'est universalisé dans l'éthique qu'il a proposée au monde, et que l'homme s'homminise en devenant capable d'obéir à une loi et "responsable de ce commandement" (emmanuel Lévinas définissant la sainteté de l'homme) -. André Chouraqui n'est pas le premier à affiner la formulation des droits de l'homme : la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne nous en donne un autre exemple en les hirarchisant en "dignité, liberté, égalité et solidarité". Dans cette hiérarchisation européenne, la dignité devient le quatrième tiers qui occupe la première place dans la hiérarchie. "La dignité occupe dans la charte de l'Union Européenne la place qu'occupait "la loi" dans la reformulation de chouraqui. Il s'agit d'une nuance d'inspiration, "la dignité" étant devenue une des valeurs clefs de la doctrine sociale de l'eglise. Or, de même que "la loi" montrait que, sans une conscience de devoirs, la promulgation de droits de l'homme est purement déclarative, "la dignité" démonte la fiction d'un droit de naissance. Les homes naissent moins libres et égaux en droit, ce qui n'engage à rien, qu'il ne s'agit de reconnaître que chacun peut atendre des autres une reconnaissance minimale de sa dignité. Poser come non négociable cette moindre des reconnaissances a cet avantage sur la fiction juridique d'un droit de naissance : c'est qu'on s'élève avec réalisme au-dessus de la nature, qui serait enclin à répondre à toutes nos protestations revendicatives qu'aucun homme n'a droit à rien. Même à supposer qu'il n'ait en effet droit à rien, on n'en doit pas moins respecter sa dignité. Quant à la fraternité, la charte européenne ne sait tellement pas quoi en faire qu'elle ne la cite même pas. Elle n'ose pas dire que c'est un devoir, alors elle la transforme en un droit moindre, lui aussi vérifiable et plus facile à mettre en oeuvre : le droit à bénéficier de la solidarité de ses semblables, ce qui induit un devoir de solidarité, dans l'enveloppe plus transparente que n'était la déclaration universelle. André chouraqui ne s'embarrasse pas de telles précautions : dans sa nomenclature, il érige carrément la fraternité au rang de devoir et non dedroit. Il se permet ce glissement, parce qu'il a dû réfléchir au fait que la fraternité est le droit de l'homme qui se dérobe le plus au registre du "comander et obéir". Et en même temps, il est le droit de l'homme qui oblige le plus. Autant le faire sortir de la nomenclature des droits pour en indiquer la vraie nature, qui est d'être un devoir. La fraternité est donc le seul droit de l'homme qui ait un caractère opératoire réel, parce qu'il ressortit, non de la revendication protestataire, mais de l'obligation éthique.

dimanche 5 mai 2013

Le jugement qualifiant, le filtre névrotique et le surplomb de l'Esprit

LE JUGEMENT QUALIFIANT Je me demande pourquoi on affecte toujours de ne pas émettre de jugement de valeur, et pourquoi on donne au "jugement" le complément de détermination "de valeur", comme si juger, ce n'était pas évaluer. Dire que l'on compte s'abstenir d'émettre tout jugement de valeur relève du subterfuge de l'hypocrisie qui n'assume pas d'avoir une hiérarchie intérieure et discriminative, c'est-à-dire intelligente (j'ai bien dit discriminative et non pas discriminatoire). Je pense qu'on progresserait dans l'abstention de juger si on s'en tenait à espérer ne pas émettre de jugement à caractère qualifiant puisqu'aussi bien, notre peur du jugement, d'où procède l'injonction des auteurs inspirés d'avoir à ne pas juger, procède d'une angoisse abyssale d'être disqualifiés ; sans compter que le péché originel, qu'on l'interprète comme un mythe ou comme une réalité quasiment littérale (cela n'importe pas ici), . n'a pas seulement eu pour conséquence d'obliger Dieu à entrer dans la distinction catégorielle, qualifiante et paradigmatique, mais il a pour origine la disqualification de la Parole divine, disqualification allant jusqu'à suspecter une perversion de l'interdit en soi, comme prélude à une transgression obligée. LE FILTRE NEVROTIQUE Peut-être vais-je émettre une hypothèse sacrilège, chef d'accusation dont je prétends me couvrir en n'assumant pas cette pensée comme ce que je crois, et en me contentant de lui assigner le statut de supposition ; mais quitte à être suspecté à mon tour de disqualifier la Parole divine, je ne puis m'empêcher de croire que la Parole où le christ assortit le refus de croire en Lui à la pénalité d'une condamnation ("Qui croit en Moi sera sauvé, et qui ne croit pas en Moi sera condamné", relève du passage de l'inspiration divine de la Parole incontestable au filtre névrotique de l'auteur inspiré qui en fut le canal de transmission et de réception. Cette peur de la condamnation joue sur le sentiment de culpabilité, dont la dérive pathologique montre qu'il s'agit d'un ressort qui saisit l'enfant au plus réactionnel de son cerveau reptilien, au même niveau que la peur de la disqualification, qui a plus de prise sur nous que celle du cannibalisme exercé contre nous. En efet, être mangé, c'est être assimilé, c'est donc exactement le contraire d'être disqualifié, cela caresse notre rêve de confusion heureuse au chaos du syncrétisme télépathique ou ou au paradis de la compréhension universelle. Le sentiment de culpabilité raisonné et qui arrive à ne pas céder à sa dérive pathologique est celui qui accepte de répondre de ses actes, qui lie la culpabilité éventuelle à la responsabilité et qui distingue la culpabilté réelle de la culpabilité imaginaire. Il faut certes peser ses actes devant dieu et, en morale pure, en morale de vie, accepter de confesser nos péchés devant les hommes pour les prier de bien vouloir nous en excuser, tout en n'en attendant le pardon que de dieu. Mais en morale de survie, c'est-à-dire en morale réelle, pratique, individuelle, il est souvent officieux de se mentir à soi-même, si on ne peut mentir à Dieu, et avantageux de mesurer ses excuses pour n'en adresser que si on est intimement convaincu d'avoir le plus grand nombre de torts objectivement répréhensibles. Mais ce lâche excursus sur la morale de survie ne devrait pas trouver sa place ici. Otez la peur de la condamnation et le complexe de persécution – malheureusement élevé au rang de béatitude – de l'adhésion à l'evangile, et le salut cesse d'être épais comme un chantage pour s'approfondir comme le Mystère d'une nécessité intérieure. Allez-vous me dire que je n'ai pas le droit de passer au crible de mon propre filtre ce qui relève du filtre de la psychologie de l'auteur inspiré dans le texte sacré ? Bien sûr, mais alors pourquoi demander aux musulmans d'expurger le Coran sans s'obliger soi-même, non pas à déclarer tel verset de notre Bible caduque, mais à s'interroger sur les conditions de production psychologique dudit verset, soupçonné par nous de caducité, attitude qui est à la fois beaucoup plus simple et plus intellectuellement honnête et rigoureuse que celle qui consiste à isoler une hypotétique "source q", distincte du diatesaron ou de la didakè, et, au regard de cette source postulée, de déclarer quelles Paroles de l'evangile sont authentiques et quelles paroles sont apocriphes. J'ajoute, moi qui me pique d'adhérer sans réserve à tous les articles de foi des différents symboles promulgués par l'Eglise, qu'à aucun moment, celle-ci n'établit de corrélation nécessaire entre adhésion au kérigme et conception de l'enfer comme directement subséquente au refus decroire, ou nécessité de la tribulation persécutrice comme confirmation du message. Cela m'autorise à envisagerque ces relations soient accidentelles. Qu'est-ce qui reste de la foi quand on en ôte tous les aiguillons directs que sont la persécutions pour le temps et le chantage à la vie éternelle ? Rien en termes d'incitation directe à capitaliser du zèle à pêcher pour Dieu des âmes de pécheurs, mais tout en termes de nécessité intérieure et vitale, ainsi que de gratuité de l'annonce, d'une annonce quine reste pas silencieuse. La Foi rend "un son d'intériorité" à nos vies, soulevées par et à la Force de dieu. Qu'est-ce qui reste de la foi, "supplément d'âme" à notre vie naturelle et à notre condition charnelle ?L'essentiel, à commencer par la beauté du geste, que dis-je, de l'acte, à commencer par la beauté du croire qui est plus qu'un refuge et une chance : un choix, une orientation fondamentale, un "vouloir foncier". LE SURPLOMB DE L'ESPRIT Dans la mondanité de notre religion naturelle, nous nous laissons le choix entre l'hérésie confusionniste (je suis uni à la création par une télépathie générale qui abolit toute frontière entremoi et l'autre) et l'hérésie solipsiste, dont la traduction philosophique est que l'autre est un singulier limitateur de ma liberté, vis-à-vis duquel je suis situé à (ou dont je suis séparé par) une distance infrangible, distance qui devient même la condition de l'amour et l'alibi de celui qui s'enferme dans sa tour d'ivoire pour asséner de haut que l'on naît seul, on est seul et on meurt seul (comme disaient mon père ou le patriarche Job), alors qu'on naît avec l'assistance du maïeuticien-accoucheur, de la sage femme ou au moins du travail de sa mère pour nous mettre au monde ; on vit en conduite accompagnée, et on meurt, de préférence muni des derniers sacrements ou au moins, à défaut, assister des siens ou du personnel soignant qui nous aide à passer. Or il y a une perspective alternative aux hérésies confusionniste et solipsiste, celle que le P. Jean schmuck m'a soufflée hier à la messe, (ainsi qu'à tous ceux qui y - /et en –participèrent) 1. L'Esprit nous habite en permanence, moyennant quoi nous ne sommes jamais seuls, quoi qu'il arrive, ce qui ne doit pas nous empêcher de rétablir des relations de voisinage réel avec nos prochains d'existence. 2. Mais l'Esprit habite aussi tout homme quenous rencontrons, que cela soit latent en lui ou pleinement manifesté à sa conscience, de sorte que, surplombant la télépathie générale qui n'est déjà pas une mince consolation, mais a des relents d'immanence cahotiques, il y a l'Esprit qui situe ces rencontres que nous méritons au ciel de l'hors espace-temps, celui-là seul où Règne le dieu Quia donné son sens à la Création. L'esprit est en nous comme notre avocat auprès de dieu et, en tant que de besoin, comme l'avocat de dieu auprès de nous, Qui ne le laisse pas accuser par le satan, que la genèse appelait le serpent. Mais il est aussi plus prosaïquement un consolateur que nous ne devons pas contrister avec ingratitude. L'esprit surplombe la télépathie générale pour nous éviter les impasses des hérésies confusionniste et solipsiste, voilà qui me permet accessoirement d'envisager avec moins de hauteur condescendante (la condescendance est une fausse distance) l'hypothèse émise par le P. Gustave Martelet (SJ, avec lequel j'ai eu le privilège de m'entretenir), que l'homme est entièrement et matériellement mortel, fort l'esprit, qui échappe à la mort parce qu'Il répugne à toute localisation cérébrale. 3. Mais le P. Jean Schmuck ajoutait autre chose : "Nous et l'Esprit-saint décidons ce qui suit… (ates 15:22). Cela devrait entraîner les croyants à faire plus de cas de l'esprit dans leurs assemblées délibératives. Mais la prise en compte de l'Esprit dans toutes les composantes et réalités humaines, y compris politiques, pourrait favoriser la mise en œuvre, non de ce que j'appelle avec un peu trop d'enthousiasme le providentialisme démocratique, mais de ce qu'il y a de providentiel dans la démocratie, qui est beaucoup plus qu'un moindre mal dans la prise a minima des décisions conservatoires du bien commun.