Pages

samedi 26 novembre 2022

Les athées sont-ils malheureux?

J'ai perdu et retrouvé la foi précocement, j'avais une dizaine d'années, et la foi est la grande affaire de ma vie. Je dois néanmoins témoigner que je ne me suis jamais senti plus libre et heureux que quand j'étais athée. Je m'étais libéré du besoin de trouver un refuge et je me sentais très fort. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle les libertins "les esprits forts".

La deuxième ou troisième fois que j'ai joué de l'orgue en public, c'était à l'abbaye Notre-Dame de Jouarre à la demande des bénédictines dont la soeur organiste faisait défection, car elle devait soigner sa mère. La troisième messe que je jouai était célébrée par le Père Gustave Martelet, disciple de Teilhard et conseiller au concile. Je pris le train de Paris avec lui et avec une de ses amies peintres qu'il avait emmenée assister à sa conférence de carême chez les soeurs, sur la Résurrection sans laquelle "vide est notre foi". Il m'incita à lire son livre intitulé "Création et évolution" (ou le contraire, je ne sais plus). J'y découvris la pensée de Feuerbach, vrai théologien négatif, pour qui, pour simplifier, ce n'est pas Dieu qui a créé l'homme, mais l'homme le lui a bien rendu, en ce sens que l'homme a créé Dieu à partir de tous les manques qu'il ressentait en lui. L'homme n'était ni ineffable, ni impassible, ni immuable, ni éternel, ni omniscient, ni autosuffisant, ni tout-puissant, alors il a donné toutes ces qualités à Dieu. Mais si l'homme a l'idée de toutes ces qualités, c'est que le manque n'est pas total et que l'homme quoiqu'ils lui manquent, possède tous ses attributs. Savoir qui de Dieu ou de l'homme a créé Dieu revient à poser la question de la poule et de l'oeuf.

Une chose pour moi est certaine: le mysticisme relève d'un transport dont on ne revient pas, en sorte que, quand on a découvert Dieu ou qu'on croit l'avoir découvert, on ne peut pas s'en détacher, se fût-on senti plus libre été et plus heureux avant d'avoir fait cette rencontre, réelle ou postulée.

Le Père Martelait émettait dans son livre une autre hypothèse intéressante. Comme Bergson, il ne croyait pas dans les localisations cérébrales de l'esprit. Néanmoins il disait que la mort corrompt tout l'homme, excepté l'esprit. Il ne disait pas que l'âme est immortelle, mais il pensait que l'esprit est immortel, car seul l'esprit échappe à la mort. 

mardi 22 novembre 2022

Gad elmaleh n'est pas une prise de guerre

Le problème d'une conversion, c'est l'effet prise de guerre. Gad Elmaleh n'y résiste pas mal.

Dans la littérature, Gide a mis en scène cet effet prise de guerre à travers le personnage d'Enthime Armand-Dubois dans "les Caves du Vatican", qui reprenait sans doute l'affaire Léo Taxil.

Une conversion contemporaine spectaculaire est celle de Véronique Lévy, la soeur de Bernard-Henri Lévy, qui résiste si peu à l'effet prise de guerre qu'elle semble assumer, par ses diverses publications, d'avoir été récupérée par la frange la plus traditionaliste de l'Eglise catholique. Plus dure risque d'être la chute. L'anonyme que je suis l'en a avertie par voie épistolaire et cybernétique. Mon avertissement est resté lettre morte. Peut-être qu'il ne la concerne pas, car ce que vit Véronique Lévy est suffisament solide, son mysticisme est suffisamment enraciné, c'est tout le mal que je lui souhaite.

Gad Elmaleh chemine dans un milieu qui ne m'est pas a priori sympathique: l'église sainte-Cécile de Boulogne, tenue par les "petits gris" de la Communauté Saint-Jean, sur laquelle ont pesé suffisamment d'accusations d'abus, notamment en la personne de son fondateur, le Père Marie-Dominique Philippe, pour que la communauté ait été mise à l'amende vaticane. Elle n'a pas bien accompagné, m'a-t-il semblé, une de mes amies qui y était très engagées, était fragiles et paraît s'y être un peu perdue. Mais quand j'écoute le prêtre accompagnateur de Gad Elmaleh, je lui trouve une liberté de parole qui me surprend agréablement. Je l'ai notamment entendu dire que l'acte liturgique se déroulait comme une pièce de théâtre, ce qui est sans effet sur la vie ordinaire.

Quant à gad Elmaleh lui-même, il n'attend pas d'avoir choisi de demander le baptême pour expliquer dans un film qu'il chemine vers le catholicisme. Il le fait au pire moment pour l'Eglise, il ne le fait pas pour sa retape personnelle ni pour la retape institutionnelle, l'Eglise est trop atteitne. Il n'a donc rien à y gagner et beaucoup à y perdre. Mais surtout il le fait en conservant sa liberté de parole: il ne vient pas vers l'Eglise comme un bon catéchumène qui confesserait une foi en Jésus qui sauve. Il y vient en professant une foi mariale, or l'essence du christianisme n'est pas la reconnaissance de la déesse mère ou de Marie, mère du Sauveur, ce n'est pas l'adhésion indifférente à un Dieu masculin ou féminin, c'est l'adhésion au mouvement de Jésus qui descend et se vide de Ses prérogatives divines pour se mettre à hauteur d'homme et soulever l'homme à hauteur de Dieu et lui faire retrouver sa Ressemblance divine.

Gad Elmaleh ne célèbre pas "une histoire juive qui a réussi", il vient au secours d'une histoire juive au moment où celle-ci paraît rater à vues humaines, bien que l'institution qui la porte ait connu beaucoup d'autres crises au cours de son histoire et celle-ci n'est certainement pas la dernière.

mercredi 16 novembre 2022

La bouffée anti-épiscopale

« L’Église demeure la seule institution qui assume sa responsabilité systémique dans les abus sexuels » (la-croix.com)


Qu'on se le dise, "aucun sacrement n'empêche de pécher." Aller à la messe ne fait pas de vous un saint de vitrail ni chanter la liturgie des heures ne présuppose que vous êtes un ange. Se confesser devrait engager davantage.


"Qu’on puisse attendre l’exemplarité des hiérarques, certes. Mais qu’on se scandalise qu’il n’en soit pas ainsi, c’est faire preuve d’un angélisme naïf qui passe par pertes et profits deux mille ans d’histoire, et qui estime que le présent et le futur ne verront jamais se reproduire les hontes passées."  Ca fait du bien de l'entendre.


"Que ces affaires remettent en cause l’attachement à l’Église, l’historien ne peut que l’entendre et le constater. " Mais l'attachement à l'Eglise ne devrait pas se confondre avec la conservation ou la perte de la foi. Or il me semble qu'à l'occasion de cette crise, beaucoup mettent leur foi dans la balance. Elle manque de solidité si elle tient à si peu que le péché des puissants et des hommes sur lesquels le psalmiste nous avertit qu'il ne faut pas compter. Et si la foi manque de solidité, c'est qu'elle ne vacille pas assez, comme ferait le roseau qui plie mais ne rompt pas. La maison fidéiste semble avoir été bâtie sur le sable des structures ecclésiales et non sur le roc du Christ tête.


Je ne peux que me désolidariser de la "bouffée anti-épiscopale" actuelle. Je suis de ceux qui reprochent aux traditionalistes de se rêver catholiques sans se vouloir apostoliques. L'orthodoxie dogmatique des catholiques mainstream est plus flottante, mais s'ils cessent en plus d'être apostoliques, que restera-t-il d'eux?  Car ils n'ont pas combattu comme Jeanne d'Arc pour dire: "Évêque, c'est par toi que je meurs." Ils n'ont pas dénoncé des évêques qui leur débitaient de la mauvaise sociologie à longueur de communiqués au lieu de parler du ciel à leurs âmes qui n'avaient pas soif de théologie fondamentale. Qu'on appelle ça sécularisation ou d'un autre nom, on voit le résultat et il est désolant pour parler comme les exercices spirituels, c'est-à-dire qu'il est affligeant.


Car si encore les laïcs se distinguaient de leurs clercs en ce qu'ils n'abusent jamais personne! Mais si sujet à caution statistique soient-ils, les chiffres de la CIASE parlent d'un tiers des abus commis par des laïcs en responsabilité dans l'Église. Cela n'est jamais évoqué, car cela ne permet plus de dénoncer le cléricalisme. Or "le cléricalisme, voilà l'ennemi!" comme dirait François-Gambetta. En l'occurrence, le cléricalisme n'est pas le sujet principal et si l'Église a une responsabilité institutionnelle dans ces scandales, c'est moins parce qu'elle ne les dénonce pas devant les tribunaux civils que parce qu'elle les permet, en demandant à des hommes, ses clercs, de se soumettre à une discipline impraticable. 


mardi 15 novembre 2022

Luc Ferry, comme si tout lui était dû...

Quand j'écoute cet entretien,


Justice au Singulier: Entretien avec Luc Ferry (philippebilger.com)


je comprends pourquoi je ne supporte pas d'écouter Luc Ferry où qu'il plastronne. Je ne peux pas dire que je n'aime pas le lire, je ne l'ai jamais lu. Je ne peux pas présumer de ses qualités philosophiques en termes de connaissance de la discipline, j'en manque trop cruellement pour avoir une quelconque expertise en ce domaine. Il parle de "l'idéologie allemande" avec l'air d'être chez lui dans "la Phénoménologie de l'esprit", je n'ai jamais lu Hegel dans le texte ni même en traduction, je ne l'ai approché qu'à travers ceux qui voulaient bien le décoder pour moi. 


Mais il est dégoulinant de mondanité:  il se prétend  l'ami de tout ce qui compte et il se reprend quand par hasard il oublie d'appeler Régis Debray "Régis", pour suggérer une intimité qu'on ne supposait pas. Il finit par avouer qu'andré Comte-Sponville est le seul philosophe de tout le PIF (paysage intellectuel français) auquel il se pique d'être agrégé de gré ou de force. 


Il commence par qualifier Marcel Gauchet de philosophe avant de se reprendre "C'est le seul universitaire" [de la bande]. Longtemps il gratifie Alain Finkielkraut du titre de philosophe avant de le disqualifier: "C'est un grand intellectuel. C'est vrai qu'il n'écrit pas mal, enfin il a des bonheurs d'écriture. C'est un grand intellectuel, comme Victor Hugo, qui lui aussi est un grand intellectuel" et doit avoir une oeuvre au moins supérieure ou égale à celle d'Alain Finkielkraut...


Quant à la formation de notre discoureur, on le voit "quitter très tôt le lycée" et dix ans plus tard, enseigner à la rue d'Ulm  et raccompagner Raymond Aron qui l'appelle "Luc", non pas paternellement, mais  comme un pair. Il y enseigne bien qu'il ne soit pas normalien et qu'il ne fasse pas mention de sa carrière universitaire.


C'est tout naturellement qu'il est conseiller des princes. IL ne veut pas se baisser pour ramasser un portefeuille de ministre. Mais son épouse, que "tout le monde veut [lui] piquer" et sans laquelle il ne serait rien,  lui a fait valoir qu'"il avait des idées" et qu'être ministre lui permettrait de les faire avancer. Ses idées, il ne s'en souvient plus très bien, il en dénombre trois, la lutte contre l'illettrisme et j'ai oublié les deux autres. Tout bien considéré, il veut bien être ministre, mais c'est à condition de se voir offrir le plus grand ministère de l'Education nationale qui ait jamais fleuri sous la cinquième République, car il ne lui suffit pas d'être à la tête du premier budget de l'Etat: il veut que toute la jeunesse tombent à ses pieds avec les universités,  et il veut être nanti de deux ministres délégués. Ses idées, il ne réussit pas à les faire avancer: les élèves ne savent toujours pas lire, mais c'est dans son bureau, excusez du peu et vous êtes prié de ne pas rire, que se négocie la réforme des retraites avec François Fillon dont le bureau est trop petit bien qu'il soit ministre des affaires sociales. Mais on doit traiter de l'avenir des fonctionnaires, donc on va voir Luc Ferry, c'est tout naturel, car tous les fonctionnaires travaillent pour le ministère de l'Education nationale, comme chacun sait. 


Seul le secrétaire général de la CFDT trouve grâce à ses yeux et à ceux de son collègue Fillon. Quand les négociateurs envoyés par les syndicats ont quitté la table des âpres négociations, à trois heures du matin, les deux ministres éreintés prennent ensemble un petit whisky et trinquent à leur commun mépris de leurs partenaires du jeu social: "Les cons", trinquent-ils, à la manière de Dalladier. "Et dire que c'est pour eux que nous faisons tout ça." Car Luc Ferry, qui avouait ne rien connaître en économie, peut vous le jurer maintenant, lui qui a tout compris en quelques mois de ministère, au budget de l'Etat et aux affaires publiques: si les partenaires sociaux n'acceptent pas les conditions du gouvernement, il n'y aura plus rien, c'est plié,  dans leurs caisses de retraite et ils pourront se brosser. Les syndicats se mettent en grève, les fonctionnaires grognent et Luc Ferry est exfiltré.  La presse de l'époque bruissait du fait que Jacques Chirac avait eu tort d'aller le chercher: il hante les salons et parle de l'illettrisme, mais il ne travaille pas ses dossiers et fait craquer le mammouth.


Quand j'écoutais Luc Ferry et Jacques Julliard commenter sans la comprendre la crise des Gilets jaunes, cette révolte des déclassés, je trouvais qu'ils avaient mal tourné et m'étonnais que tant de beau savoir se répande en tant de cuisante incompréhension. Maintenant je comprends pourquoi je ne les comprenais pas et, privilège de l'âge, je pardonne plus à Jacques Julliard. 

lundi 14 novembre 2022

Affaire Hanouna-Boyard ou quand c'est la téléréalité qui se mêle de faire l'opinion

Extrait de "la Croix":"Humiliation


https://www.la-croix.com/France/Cyril-Hanouna-multirecidiviste-petite-lucarne-2022-11-14-1201242019


"Humiliation 

En juin 2017, l’émission a été condamnée à ne pas diffuser de publicité pendant une semaine à la suite d’une séquence dans laquelle le chroniqueur Matthieu Delormeau s’est retrouvé en « situation de détresse et de vulnérabilité manifeste », selon le CSA. Des images tournées en caméra cachée le montraient témoin d’une fausse agression mortelle commise par Cyril Hanouna, qui le suppliait ensuite de s’accuser du crime. Matthieu Delormeau n’a été informé de la manipulation que le lendemain, en direct."


#Meto télévisuel:

"Durant une émission « TPMP », Cyril Hanouna avait proposé à une chroniqueuse de se bander les yeux, puis de le toucher en devinant de quelle partie du corps il s’agissait jusqu’à ce qu’il lui fasse poser les mains sur son entrejambe."


Cyril Hanouna s'est fait connaître dans le sillage de Michaël Youn. On pouvait trouver de mauvais goût "l'esprit Canal", on peut difficilement soutenir qu'on ait gagné au change après le rachat du groupe  par Vincent Bolloré.


Celui-ci a-t-il trahi l'esprit Canal? Oui, si on compare ce qu'avaient fait André Rousselet et Pierre Lescure de la chaîne privée créée sous les auspices de François Mitterrand. Mais non, si l'on se souvient que celui-ci avait vendu la Cinq au plus offrant, sylvio Berlusconi, qui importa sa vulgarité en politique pour y faire la carrière que l'on sait en tant que premier ministre fantoche à la tête d'une coalition de la droite italienne. Le fascisme avait donné à l'Italie l'habitude de la droite caniveau, ce n'était pas dans la tradition française. C8, la chaîne de Cyril Hanouna, est la vitrine de sa petite soeur plus sage, Cnews, qui n'en vaut pas mieux.


Le 21 avril 2002 coïncidait avec le premier "Loft story". On a fait sortir les lofteurs pour dire tout le mal qu'ils pensaient du vote de leurs concitoyens dans la consternation générale qui faisait suite à ce premier tour. C'était la téléréalité jugeant la politique. Benjamin Castaldi qui présentait le Loft est chroniqueur chez Cyril Hanouna. Avec ce dernier, on a franchi un pas et c'est la téléréalité qui fait de la politique. Mais Hanouna est sans opinion. Il s'est zemmourisé parce qu'Éric Zemmour était devenu la créature de son employeur. Avant, il faisait les yeux doux à Emmanuel Macron.


La téléréalité fait comme les libres antennes pour les jeunes, lesquelles sont généralement animées plus que modérées par des professionnels du talkshow qui ont depuis longtemps cessé d'être jeunes. ON y parle indifféremment blessures affectives ou psychologiques, positions politiques et sexuelles. On y met tout sur le même plan. La raison a perdu l'habitude de les discriminer...