Pages

samedi 18 mai 2024

La misère, la souffrance et le malheur

La souffrance et le malheur

Personne ne comprend ce que je vais essayer d'expliquer, mais il est tard et j'ai beaucoup vécu.

Une femme toute simple (elle devait être taxie ou vendeuse) me demande avant-hier si je comprends la différence entre la misère et le malheur. Je lui réponds que je la comprends parfaitement et elle me dit que je suis bien l'un des seuls à qui elle ne parle pas Chinois. J'en discute avecMarie-Noëlle Mulle,r, qui peint des coeurs en bois les yeux fermés, pour moi, ça veut tout dire, c'es tune de "mes" choristes et je lui ai demandé un coeur pour Nathalie, elle m'a dit qu'elle n'en trouvait pas à sa dimension, alors elle en fabriquerait un rien que pour elle.


Et nous reparlons de la distance entre la souffrance et le malheur. Cette distance infinie entre la misère et la souffrance d'une part, mais surtout entre la souffrance et le malheur d'autre part,"(Il y a une distance infinie entre la misère, la souffrance et le malheur", a écrit Simone Weil, en propres termes ou peu s'en faut.), je vais essayer de l'expliquer, c'est redoutable.

Qu'est-ce que le malheur? C'est un truc qui t'arrive tellement fort qu'il n'y a plus personne entre le monde et toi. Il y a un mur, ça s'apparente à l'autisme, mais ça ne circonscrit pas l'autisme. Toi qui te crois "normal" (et tout le monde se croit normal, quelle est la différence entre le normal et le pathologique? René Leriche a mieux répondu que ce médecin féru de sciences humaines inexactes qui se croyait intelligent de Georges Canghillem: Canghillem s'est contenté de citer Leriche sans donner une définition qui dépassât la sienne: "La santé est le silence des organes", C'est ça. La santé, c'est quand tu n'as pas de gargouillis ni de ballonnements. Donc c'est quoi la différence entre la souffrance et le malheur? Disons que toi, le souffrant, le souffreteux, le mélancolique, le romantique, , tu voudrais entrer dans le monde du malheureux et tu essaies de traverser le mur qui sépare le malheur de la souffrance, mais tu n'y arrive pas et tu ne comprends pas pourquoi. Pourquoi le malheureux te rejette-t-il et a-t-il raison de te rejeter(il a raison par définition puisqu'il souffre plus que toi)? "Nous ne sommes pas du même monde, il te dit, "il y a un abîme entre toi et moi" pourrait dire le pauvre Lazare au mauvais riche si ce dialogue avait lieu antemortem. "

Il y a une scelle interjetée entre la souffrance et le malheur, mais la brèche qui se fait naturellement dans cette scelle est le chagrin. J'ai connu le trauma, j'ai connu la souffrance, j'ai vu le malheur de près, mais je ne l'ai pas subi. J'ai essayé de l'appréhender, je ne l'ai pas compris et pour cause: je ne l'ai pas vécu. Mais quand même, mais tant pis, j'ai essayé de le rejoindre.
Le chagrin s'était simplement chargé de me rendre malheureux, j'aurais dû m''en tenir là, ne pas revendiquer davantage de malheur, par romantisme et goût de la mélancolie.

Mais voici le chagrin. Le chagrin pleure et il veut être reconnu par le malheur. Le chagrin est la seule toute petite brèche qui existe entre la souffrance et le malheur.
Mais que dire de la misère? C'est une hérédité sociale de pauvreté qui fait que les parents ne transmettent aucune valeur à leurs enfants parce que personne ne les leur a transmises (la méritocratie républicaine n'est pas pour eux), Même des gens bien disposés come j'en étais pensent que la misère reproduit la misère=invention du quart monde, et la misère fâche tellement tout le monde que l'Evangile (qui est un manifeste d'économie libérale, c'est la seule chose intelligente qu'a dite Charles Gave) appelle les miséreux les pauvres, et n'appelle pas les pauvres les "miséreux". Au contraire, "des pauvres, [il faut que] vous en [ayez] toujours avec vous.")


Pourquoi?

Enfin bref. Si je me définis par rapport à ces catégories que j'ai moi-même inventées, découvertes ou mises en lumière (mais qu'est-ce que la lumière? C'est de l'air qui entre dans des yeux aveugles et comment je crois? Si "Dieu est lumière", j'aimerais donner quelque chose de ce petit air qui entre dans mes yeux à travers ces petits airs que j'ai dans la tête. Maisz je ne sais pas si je crois, je ne sais pas ce que je fais.) si donc j'essaie de savoir si je suis malheureux (je n'en suis pas digne),, miséreux (ça va encore !) ou simplement ultra-torturé (et ça, c'et sur!), je suis un souffrant souffreteux et pathologiquement compassionnel qui aurait voulu offrir toutes les peines du monde à ma première petite amie Stéphanie qui ne les connaissait pas, car c'était une petite fille heureuse, sauf qu'elle avait du chagrin, sauf qu'elle avait perdu la vue, sauf qu'elle devait vivre dans un internat stupide, lugubre et méchant chaque semaine du lundi au vendredi. Mais son bonheur apparent, rural et bourgeois rendait amoureux d'elle, à l'idée que rien ne lui suffisait, même pas d'être chouchou des profs, même pas qu'on lui accroche son manteau avec plaisir parce qu'elle était petite alors qu'elle nous traitait d'imbéciles. Quand on a tou, on n'a rien. Ma poupée avait du chagrin. Et J'étais trop bête pour le comprendre et pour voler vers elle, la prendre dans mes bras (elle m'aurait donné une claque) et tenter de la consoler. Ma poupée avait du chagrin, C'est toujours ma poupée, elle peut me traiter tous les jours d'imbécile. Je l'adore, quarante ans après. Pourquoi? Juste à ce niveau-là, parce que c'est moi, pas parce que c'était elle. D'"elle et moi", il n'y en aura jamais qu'entre Nathalie et moi.Je n'adorerai réciproquement que mon bébé Nathalie, mais je continue d'adorer toutes les femmes que j'ai aimées, car j'ai compris de quoi elles soufraient. Elles étaient petites, mais elles avaient un très grand bobo. J'aurais dû lui souffler dessus. Elles avaient un très grand bobo, mais Nathalie avait très mal. 

jeudi 16 mai 2024

Faut-il cracher sur les dissidents européens?

On nous explique de plus en plus que les Français seraient de moins en moins hostiles au Frexit. C'est-à-dire que, contrairement à l'analyse assez lâche que j'ai faite il y a deux ou trois semaines sur ce fil, sans être des activistes de l'activation de ce débat, ils ne pensent pas qu'il faille attendre que la bureaucratie européenne fasse tomber l'Union européenne (et non pas l'idée européenne) comme un fruit mûr pour la ramasser.

J'ai un temps pensé m'abstenir à ces élections. Je pense que ce n'est pas digne. Si je persiste dans mon intention pas tout à fait assurée de voter pour un candidat frexiteur (alors que le Frexit est le débat interdit en Europe et malgré le fait que je vis en Alsace qui devrait être le centre de gravité de l'Europe intégrée commeelle a été un des noyaux du MRP, mais je ne veux pas pousser plus loin "le paradoxe de l'enracinement" que j'ai décrit ailleurs), je dirais que:

-Je ne comprends pas comment #Jean-FrédéricPoisson pour prendre un élu expérimenté ou #Pierre-YvesRougeyron dans le monde métapolitique peuvent aliéner leur sort à celui de #FlorianPhilippot dont la légende disait qu'il travaillait, au contraire de #MarineLePen alors que toutes ses interventions sur les réseaux sociaux montrent qu'il est obsédé par le buz et les happenings et ne produit en termes idéologiques qu'un salmigundi complotiste conglomérant son idée fixe anti-européenne avec ses analyses lucides covidosceptiques ou antivax.

-Comme il s'en vante, #FrançoisAsselineau a le mérite de la persévérance et de la naïveté (il a été tout étonné que Charles Pasqua puisse l'avoir traîné dans l'impasse de sa vraie fausse candidature à l'élection présidentielle de 2002). Mais plus que d'autres, il fait de la politique avec une idée fixe, qui n'était pas sa passion carriériste ou administrative originelle, du temps où il faisait une carrière administrative financière et diplomatique. Il a le double défaut d'être très susceptible et de vouloir faire de la politique avec une idée fixe.

Mais peut-on toujours faire la fine bouche à l'encontre des dissidents et de ceux qui ont le tort de penser avec quelques coups d'avance, c'est-à-dire d'avoir prévu ou d'expliquer avant que la majorité puisse le comprendre que l'Europe qui s'est construite pour la paix va vers la guerre, que l'Union européenne au lieu d'être une idée, est devenue un "machin bureaucratique" qui ne peut que tomber du fait de sa complexité, qu'elle est un obstacle à la démocratie et est une façon de faire taire les citoyens sous l'exaspération normative qui les empêche de respirer?

Doit-on cracher sur les dissidents européens pour masquer son refus de choisir entre des gens qui ne savent pas s'unir et privilégier l'intérêt national à une stratégie d'union? 

mercredi 15 mai 2024

Raphaël Enthoven, LFI et la politique à contre-emploi

RaPhaël Enthoven a traité dimanche soir sur "BFM" LFI de "premier parti antisémite de France". Raphaël Enthoven est le philosophe du spectacle, un enfant gâté dont l'ouvrage "le Temps gagné" est un exercice d'ingratitude envers un père qui lui a permis d'avoir une enfance dorée en dépit de certains accès de violence qui n’avaient rien à envier à ceux du compagnon lacanien de sa mère, le parfait héritier qui, fort de l'amitié de son père pour BHL, commence par épouser la fille du commandeur avant de la délaisser pour la future femme de Nicolas sarkozy, puis s'amourache d'Adèle Van Reeth  qu'il fait nommer directrice de "France inter". Cet homme que j'ai entendu pour la première fois animer une excellente émission sur Marx dont il tirait le bilan en positif et en négatif, qui a le mérite de citer abondamment et à bon escient est aussi un philosophe qui vous bloque sur Twitter dès que vous avez le malheur de le contredire. Un philosophe qui ne supporte pas la contradiction n'envoie pas un bon signal. Il se fait à bon marché l'arbitre des élégances, trouvant transgressif de comparaître à la réunion jadis organisée par Robert Ménard du temps où il s'intéressait à l'union des droites et faisant la fine bouche à ce qui devrait être sa famille politique dont la direction a été temporairement récupérée par la France insoumise et son leader caractériel, dont le parler cru et dru ne cadre guère avec le snobisme du philosophe du spectacle qui aurait pu en cosigner l'éloge avec Frédéric Rouvillois. 

Il n'empêche que Jean-Luc Mélenchon entretient un curieux rapport avec le judaïsme. Son trotskisme devrait lui avoir fait contracter une dette envers ce peuple et ses menées émancipatrices dès que le messianisme des Hébreux quitte son territorialisme littéraliste pour comprendre que la promesse de la terre est une allégorie qui doit le faire accéder à un universalisme humaniste.

Il me revient une anecdote qui mérite d'être relatée et dont je ne me suis jamais expliqué comment elle a été passée sous silence. On n'a pas détecté ce quasi-dérapage.

Il y a quelques années il était l'invité de l'émission "des Paroles et des actes" où Jacques Attali lui donnait la réplique. L'évolution de cet adepte du marché prêt à chercher la croissance avec les dents et à mettre Emmanuel Macron en orbite après avoir été le conseiller de François Mitterrand du temps où il était le plus économiquement irréaliste est un sujet en soi, mais Jacques Attali avait depuis longtemps revêtu les habits du réaliste diseur de bonne aventure ("Brève histoire de l'avenir) de l'économie de marché. Il étrille très courtoisement Jean-Luc Mélenchon qui contient sa colère et est prêt à le dégommer en lui assénant une remarque acerbe dans le genre: "Il se prosterne devant le marché, le". Il articule le phonème "j" par où l'on voit qu'il allait dire le "juif" avant de se reprendre et de conclure : "le socialiste", ce qui venait d'autant moins à point nommé que Jacques Attali tenait un discours rien moins que socialiste.

Mais élargissons la focale. Il y a un mystère LFI qui fait que les jeunes émeutiers sont toujours excusés et qui pourrait faire parler d'islamo-gauchisme si on les assignait à résidence identitaire de faire cause commune avec les Palestiniens en les soutenants comme les pays arabes ont soutenu la Palestine comme la corde soutient le pendu, Palestiniens ne franchissant jamais la reconnaissance de leur État aux Nations unies par veto américain et décimés à Gaza après que le Hamas a attisé la volonté génocidaire d'un Netanyahou qui ne survit politiquement que par son soutien aux colons et son alliance avec l'extrême droite israélienne que les israélites de France ont longtemps interdite aux démocraties européennes en même temps qu'ils soutenaient les indépendances. Entre temps les nostalgiques du fascisme et des régimes autoritaires ont viré leur cuti et se sont tournés en zélotes de l'israélo-droitisme au nom de leur hostilité aux islamo-gauchistes, hostilité qui ne s'explique pas par ce qui pourrait relever d'une islamophobie résiduelle (une peur de l'islam bien compréhensible en ce que cette religion est intrinsèquement guerrière et que la révélation coranique repose sur la geste guerrière du prophète Mohamed), mais par une vraie haine des musulmans.

Dans cette reconfiguration du paysage politique qui tient de la régression historique, chacun joue à contre-emploi. Le bloc central qui prétend être sage et avoir tiré les leçons de l'histoire verse dans ce qui pourrait nous mener à une Troisième guerre mondiale et qui pour l'instant est une guerre des nerfs, une Drôle de guerre où le facteur déclenchant se fait attendre sans qu'on puisse exclure qu'un des protagonistes ne perde ses nerfs. Les populistes parlent populo à un moment où le peuple a abandonné le langage grossier. Les uns parlent de paix sur un ton tellement agressif  qu'on ne voit pas comment ils pourraient en être les artisans. On le voit d'autant moins qu'ils ne comprennent les rapports de force au sein de la société que dans la conflictualité. Les autres ont l'air de désirer la guerre civile qu'ils prétendent redouter. Les populismes de droite et de gauche parlent sur le même ton, même si leur différence de fond est abyssale, les uns étant islamo-gauchistes quand les autres sont israélo-droitistes, comparaison que j'ai faite avant de découvrir que Paul-Marie Couteaux l'avait servie à Éric Zemmour en même temps que je relevais cette opposition dont aucun terme de l'alternative n'est préférable à l'autre. Les nations occidentales font dissociété et reprochent à la Russie, non pas d'avoir des vues invasives sur le reste du monde (Poutine n'est pas Hitler), mais de ne pas se résoudre à ce qu'on ne respecte pas son aire de civilisation. 

lundi 6 mai 2024

Emmanuel Leclercq, un combat de gratitude

https://www.philippebilger.com/blog/2024/04/entretien-avec-emmanuel-leclercq.html#comments

Cher Philippe,
Un regret pour commencer: c'est le prisme un peu "CNews" à travers lequel vous appréhendez le parcours et la personnalité d'Emanuel Leclercq: vous l'assignez à résidence en parlant de ses "origines préoccupantes" et vous insistez sur le fait qu'il aurait pu "mal tourner" alors que non, puisqu'il est un héritier décalé à la Moïse, sauvé, non pas des eaux, mais des détritus tel un diamant dans la boue, non par la fille de Pharaon, mais par "mère Teresa en personne" et confié à des parents adoptifs qui vont jouer à plein leur rôle en s'oubliant pour se mettre au service de son histoire et de celle de ses frères et soeurs.
Ëtre sauvé après un trauma originel apporte en dépôt un trésor inestimable. C'est une rédemption d'avant les échecs personnels qui garantit mieux que la rédemption d'après coup qu'est en partie la rédemption chrétienne, qui cautionne le baptisé, mais dans la nuit.
On a beaucoup reproché à mère Teresa (et je n'ai pas été le dernier à le faire) sa charité aux extrêmes: le mourant, l'enfant des poubelles d'un côté et ses liens avec des riches de l'autre, pour faire avancer ses causes. Mais le peuple indien lui sait gré de ses actions, c'est un premier indice de la fécondité de son apostolat. Elle les a menées dans le doute sur le sens de ces actions, dans la nuit de la foi, second mérite. Et puis j'ai le témoignage d'un ami qui allait régulièrement déjeuner à Paris chez les soeurs de mère Teresa rue de la Folie-Méricourt et qui me répétait très souvent combien leur accueil était réellement inconditionnel. Un indice faible est qu'elles ne privaient pas de vin les indigents. Chacun se servait à la fortune du pot et la régulation se faisait naturellement, par et dans la confiance.
J'ai écrit plus haut qu'Emmanuel Leclercq était un héritier décalé. Je m'explique sur cette formule qui ne se veut pas offensante. Tout d'abord, il doit apprivoiser un décalage. On le lui fait ressentir à plusieurs reprises au cours de sa vie à travers son professeur principal qui veut faire de lui un groom d'hôtel, puis à travers son directeur de thèse qui le lâche, puis ses référents de séminaire qui font de même. Ëtre sauvé a priori pour être lâché ensuite, dans sa descente aux enfers, il a dû se dire: "tout ça pour ça".
Une explication qu'il vous donne me parle en particulier: au séminaire, ses maîtres de théologie lui disent que la théologie n'est pas l'art de se poser des questions, mais de recevoir la Parole de dieu. Il ne fait pas bon être "l'enfant des pourquois" en théologie, mais la femme réceptacle, autre infantilisation de la figure féminine, infantilisation à la sainte Thérèse de Lisieux où l'enfant n'est pas le rebelle espiègle qui n'en fait qu'à sa tête, mais celui qui se précipite dans les bras de son père. La théologie pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses, encore faut-il qu'elle veuille se les poser.
Emmanuel Leclercq doit apprivoiser un décalage et c'est un héritier décalé, parce que l'adoption propose un héritage indirect et que, pour assumer cet héritage, il faut lui concilier son décalage. L'héritage est réel, même au sens que Pierre Bourdieu donne à ce terme. Il provient de la bonne volonté des parents qui ont fait le choix de transcender une stérilité apparente par une fécondité qui est un sport de combat. Mais comment faire entrer sa propre histoire dans cette bonne volonté parentale et faire de tout ce capital, actif et passif, un exercice de gratitude? C'est tout le défi qu'a relevé Emmanuel Leclercq et aussi celui que lui ont lancé oblativement ses parents adoptifs: "Considère chaque épreuve comme une preuve, tu dois faire tes preuves, tu es capable de faire quelque chose, donc tu dois réussir". Mais "pour réussir il faut t'épanouir, merci d'exister, il faut travailler bien qu'il n'y ait rien à faire (adage ésotérique), il faut se connaître et s'apprécier dans sa plus grande qualité (définition de la connaissance de soi dans l'acceptation donnée et trouvée par mon meilleur ami.)
Ce double message est l'aporie d'Emmanuel Leclercq. C'est l'aporie du décalage, c'est l'aporie du handicap, à laquelle je m'oppose à titre personnel: la personne décalée ou handicapée n'est pas corvéable à merci à l'enfer de la preuve. Son combat le plus difficile est de faire accepter son décalage.
Emmanuel Leclercq n'a pas résolu cette aporie, mais on n'est pas forcément en mesure de résoudre toutes ses contradictions. C'est pourquoi il veut, c'est tout à son honneur, "démocratiser la philosophie" à la manière d'un Michel Onfray dans ce qui était son Université populaire fondée après le "séisme politique" de 2002. Pour lors il démocratise l'éthique, il cherche une "sagesse pratique" avec Paul Ricoeur, il décline les applications de la prudence dans le soin et dans d'autres domaines.

L'éthique est une épreuve nécessaire, mais c'est une épreuve dans la preuve. Je souhaite à Emmanuel Leclercq de comprendre qu'il a été trop éprouvé pour avoir encore quelque chose à prouver, pour avoir encore à faire ses preuves. Il n'a pas de dette à payer ni de reconnaissance de dette à honorer. Il a reçu gratuitement, il peut donner gratuitement. Abandonné, puis sauvé à l'origine, il peut se donner par surcroît s'il veut, s'il est assez fort. En attendant et quoi qu'il choisisse, merci à lui d'exister.