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samedi 17 avril 2010

L'extension du chiffre de Dieu

Scoop théologique : Le mot Trinité est le troisième mot de la Bible (à travers Elohim, pluriel de dieu… Hypostase ? Eon ?)

Le monothéisme est plus stéréophonique qu'on ne pense. Certes, Paul Claudel parlait du "monogramme de Dieu" ou de la "voix sans voix" du verbe ( ) qui nous "(épellerait) à l'intérieur" ( ) et qui n'aurait besoin en somme que d'une oreille où déposer Son Bruit, qui est le germe de notre génitivité ou détermination de notre conscience par son message, de notre "personne" par son "destin" ( ) ou de notre vie par son oeuvre. Notre destinée a la couleur des sanguines et nous sommes épluchés par le Verbe comme un oignon jusqu'au "noyau central du sexe féminin", point d'incandescence maximal de la réceptivité animale (l'âme est le point central de la notion d'animalité) l'oignon femelle étant en outre un indicateur biologique du temps (je ne fais pas allusion seulement au cycle féminin : il y avait aussi des montres Oignon il y a cent ans...) !

Pour le Premier Testament, en cela repris par l'Islam, l'Unicité de Dieu est un dogme absolu. que Dieu Soit l'Unique est le premier des principes, celui qui interdit à la fois toute idolâtrie et toute représentation, toute iconostase, tout art. L'aspect duel de Dieu se révèle pourtant dans la distinction biblique d'Elohim et de Yahvé, (vocalisation massorétique incertaine du tétragramme que vaut bien celle de "Jéhovah" que ses "témoins" n'ont pas inventée, mais l'abbé Crampon à la fin du siècle avant-dernier), dualité divine présente dans chacune de Ses trois hypostases professées par le christianisme, (la Réforme exceptée et l'hypostase s'étant confondue, dans l'incompréhension du Mystère de la Trinité, avec la notion de personnes). L'aspect duel le plus connu du dieu chrétien, pourtant bien campé dans Sa Vie trinitaire, est la distinction des deux "natures" humaine et divine de la "Personne" (sic) du Christ, distinction qui renvoie plus souterrainement à la distinction-racine opérée par l'inspiration de la Bible hébraïque entre Yahvé et Elohim. Or cette distinction-racine, quoique bien cachée dans le christianisme, peut se retrouver par qui prend appui sur le mouvement de balancier entre la justice et la Miséricorde ou la nature et la Grâce pour tenter de scruter ce qui se passe en Dieu : le Père est à la fois Elohim lorsqu'Il est assimilé à "la nature" qui dote la Création, non seulement des phénomènes et beautés qui forment le livre de ses merveilles, mais aussi des lois de la nature dont certaines ressortissent du Mystère d'Iniquité, desquelles lois se désolidarise Yahvé, qui est l'équivalent pour les Hébreux de "la Grâce" pour les chrétiens par opposition à "la nature", ce qui évite à la sensibilité juive de faire appel, quand toutefois elle accepte la notion de Rédemption, à la médiation d'un verbe-Fils ; Lequel énonce les lois d'Elohim lorsque par exemple Il dit :
"celui qui a recevra encore ; quant à celui qui n'a rien, il lui sera ôté même ce qu'il a." Mais l'énonciation de ces lois ne fait pas que le Christ les légitime ou adhère à leur logique. Il y a un ordre naturel déficient qui est comme sous-jacent au Logos, Lequel est Verbe par assimilation à Yahvé, comme Yahvé Est elohim Prenant Conscience et S'imposant au-dessus des lois d'elohim comme pour leur donner un sens ultime. Pourtant, le Christ-fils doit "sacrifier à elohim", à cet ordre naturel qui veut qu'au plus élémentaire de la conscience religieuse, soit la notion de sacrifice. En la personne du Fils, Yahvé, le Verbe, Sacrifie à Elohim quand Il Passe du Verbe au Christ. Et il n'est pas abusif d'aller jusqu'à soutenir qu'Il devient Elohim, Saint-Paul affirmant par exemple que le Christ fait plus qu'endosser la Nécessité sacrificielle : Il "se fait péché à notre place" parce que "la loi met en évidence le péché" et qu'il faut dépasser la loi. Aussi, quelle régression représente le retour à "la loi naturelle" prônée par la scholastique sur la base de l'épître aux romains et dont Montaigne a fait pièces quand il a décrit comme parfaitement naturelles, au sein de peuples aux moeurs par ailleurs douces et plus sages que sauvages, les coutumes cannibales des Indiens d'Amérique, envers lesquels on a agi injustement en les forçant à confesser la foi catholique, sous prétexte de hauts-le-coeur éprouvés devant de telles horreurs, outre l'appétit de l'"or" qui n'a pas seulement servi une fois à fabriquer un "veau". En la Personne du Fils, la distinction entre Yahvé et Elohim me paraît plus pertinente et en quelque sorte plus parlante que celle que l'on a traditionellement faite entre les natures humaine et divine du Verbe incarné. Quant à l'Esprit, Il est Yahvé en tant que "souffle" "planant sur les eaux", comme acceptant des directions préexistantes à toute intention de Création ; mais l'Esprit devient elohim quand il est mobilisé en tant que "force" dans le combat spirituel. L'esprit est souffle et force comme, autant que Dieu Est Esprit, Il est Brise et feu, avec des différences quantitatives de température faisant naître des différences qualitatives élémentales entre l'air et le feu.

L'aspect trinitaire étant le point focal de ces aperçus, je n'en soulignerai que quelques traits pour mieux y revenir à la fin de cette "extension du chiffre de Dieu". Claude Vigée prétend que la poésie naît de l'arythmie suspensive résultant de la différence du souffle et des battements du coeur. ( ) J'en dirai autant de la prise de conscience de la Trinité. La ténuité des espaces et des temps qui lui sont laissés au milieu d'automatismes qui ne savent même pas quand ils sont en apnée, la faible perception d'autre part, qui se tourne en exécration, qu'ont de la Trinité les deux autres monothéismes, mais aussi bien, sur le plan poétique, la tendance contemporaine à priser la forme brève et qui en dit le moins possible depuis l'effacement mallarméen de "la fonction élocutoire du poète", tiennent à ce que la suspension est rare, où peuvent se confondre l'état modifié de "conscience poétique" et le passage pour l'homme du duel au trine. De sorte qu'on n'est pas infondé à ne pas trouver mauvais que l'on qualifie indifféremment l'état de celui qui essaie de faire entrer sa psyché dans la vie trinitaire, de "poétique" ou de "spiritualité".

Or comment expliquer que Dieu Se Soit littéralisé pour les Hébreux par un tétragramme (ou Nom de quatre lettres) ? Certes, le "chiffre de Dieu" n'est pas 4 en gamatrîa kabbalistique classique, mais 26, car importe beaucoup moins le nombre de lettres dont est formé un mot que la somme de leurs valeurs numériques : ici yod=10+hé=5+vav=6+hé=5=26. Tout à l'heure, c'est à dessein que je me suis amusé à brouiller les pistes en parlant du "chiffre de Dieu" alors que je ne voulais pas faire monter l'enchère de son nombre à plus de quatre. Mais qu'est-ce à dire si, se surajoutant au triangle trinitaire, le quadrilatère de la tétralogie peut exprimer un aspect divin ? Quelle réalité est-il donc question de remettre en question ?

Disons le chiffre quatre, maintenant que nous avons compris qu'il s'agit bien d'un nombre... Le chiffre 4 peut renvoyer au minimum à celui de l'homme, de la maison (dont un enfant dessine les quatre côtés) ou de la pensée (dont nous-mêmes avons tracé un quadrilatère). Pour commencer par cette première idée selon laquelle 4 est le chiffre de l'homme pour que la somme du chiffre de l'homme et du chiffre de Dieu atteigne à la perfection (puisque 4+3=7), j'en ignore l'origine, mais l'attribution de cette valeur à l'homme tendrait à suggérer que l'homme se trouve en capacité d'excéder Dieu sous le rapport du nombre, dont il est vrai également que le dénombrement croissant éloigne de la simplicité de l'Infini, raison pour laquelle, outre la rareté suspensive de l'arythmie du coeur et du poumon, le monothéisme reste ce qu'il est, saisissant mal la Trinité, et c'est quand il cède à l'attraction de la pluralité des Elohim qu'on retombe dans le paganisme, aspiré par les forces tellluriques ; si l'on admet pourtant pour un instant que la valeur numérique de l'homme puisse excéder le chiffre de Dieu pour qu'ensemble et l'une à l'autre ajoutées, ces deux valeurs touchent à la perfection, quand même ce serait aussi parce que le quadrilatère humain n'a pas la perfection du triangle divin, ce serait peut-être que l'homme n'est pas exactement paramétré (et périmétré) pour Dieu, ainsi que nous l'avions envisagé plus haut, pour justifier que l'homme soit contingenté à ce Seul non Nécessaire (au sens où l'existence de Dieu échappe à la contingence) et CREE POUR LUI Seul. ( ) Cet excès peut être envisagé selon différentes conséquences en fonction des monothéismes : il peut certes mener à l'Incarnation qui est "l'élévation de la nature humaine dans la Gloire de Dieu, d'où la célébration de "LA GRANDEUR DE L'HOMME ; mais il peut faire percevoir plus souvent l'homme comme plus dangereux de ce que L'HOMME EST UN DOUBLE DUEL. Non seulement l'homme est duel sans connaître la résolution harmonique de son accord par la médiante, non seulement l'homme a un double, mais c'est un double duel, un double qui provoque en duel son propre double duel. L'homme est en contradiction patente avec lui-même sans que rien puisse mettre fin à l'antagonisme torturé de son combat intérieur. Cette irrésolubilité de l'homme fait tenir pour impossible à la pensée juive que Dieu, non seulement Se Soit Outragé en prenant forme, mais entre toutes les formes, Ait choisi la forme humaine, la plus indigne exceptée l'animale de la "CONDITION DIVINE". C'est de la même façon que les anges se seraient révoltés contre Dieu :
"Tant qu'à Prendre forme, prends la nôtre, qui est infiniment plus belle que celle de l'homme !" se serait insurgé le tiers des insoumis. Et nous voilà prêts, un pas de plus, à diaboliser une fois de plus la pensée juive en assimilant son refus de l'iconostase à celui qu'y opposèrent les troupes lucifériennes, d'après ce qu'en avait conçu la théologie médiévale. Raison de plus pour un juif d'envisager comme un progrès ce que Claude Vigée a appelé "LE SILENCE DE L'ALEPH" : que l'inspiration biblique ne se soit pas emparée de la première lettre de l'alphabet hébraïque, l'aleph, pour la faire inaugurer les Ecritures ; avoir commencé par la deuxième, le "beth", la lettre de "la Maison" ou du "verbe", c'est avoir marqué "les commencements" de toutes les influences possibles, pour le meilleur et pour le pire. Le "beth" est d'abord une réceptivité, au bien comme au mal. Voilà pourquoi le Verbe contenu sous le "beth" (le "beth" n'affirme pas le Verbe, mais le dit sous le rapport où le Nouveau Testament le pose "au commencement" dans le prologue de l'Evangile selon Saint-Jean), est, avant même qu'Il Se soit Fait chair, un concept trop charnel aux yeux des juifs pieux. En quelque sorte, que le Verbe se Soit Fait chair ne serait pas loin de revenir à un pléonasme pour un juif. Les chrétiens ont accusé les juifs d'être "charnels" pour ne pas reconnaître le Christ : c'est qu'à la vérité, ils plaçaient la chair plus bas encore, à l'origine de toute représentation, et ils ne voulaient pas lui attacher leurs regards. La capacité performative du Verbe n'était pas pour les fasciner : que le Verbe ait proféré qu'une chose soit et qu'elle prenne aussitôt consistance ne pouvait qu'accentuer la représentation. dans le cadre d'une pensée chrétienne, on dirait que la vertu performative renvoie à "la pensée magique", et c'est encore le propre de la chair de faire de la magie. que le Verbe Se Soit Fait chair est décidément plus près d'un pléonasme que d'un miracle !

Cela doit-il nous empêcher de nous émerveiller de la fabuleuse capacité qu'a le Verbe de faire le monde en le nommant ? Voici que, sur un tohu-bohu informe et vide, l'Esprit a plané et qu'après avoir assimilé un sens aux choses, après les avoir ordonnées en raison, Il les a appelées par magie. De là procède la Création et de là encore l'Incarnation. C'est par cette voie que Dieu prend voix, grâce à cela que nous L'entendons. La voix de Dieu devient cointérieure à l'homme. Elle le nomme, le détend, s'incorpore à sa conscience, entre dans son corps, s'y enferme avec lui. C'est là, dans cette cage thoracique, que nous l'entendons sortir. Elle nous est renvoyée en écho dans la poitrine. Qui a osé dire que l'homme était le ventriloque de Dieu ? A ce niveau des entrailles, il se passe quelque chose de plus profond qu'une simple triperie qui n'ait rien de matricielle. Mais restons-en à ce qui a lieu dans la cage thoracique, à ce qui, de là, nous est renvoyé en écho : c'est la voix qui fait corps avec chacun de nous, et pourtant c'est chacun de nous qui est implanté dans le langage, d'où naît notre conscience. Notre seconde filiation, notre filiation proprement humaine, vient de là, que notre conscience naît du langage. Notre corps naît dans l'abandon de notre conscience. Notre conscience ne passe le témoin que lorsque les mots sont en place pour qu'elle soit plus qu'une simple perception simultanée sans aucune part à la mémoire. Les mots nous enchâssent dans le monde de la mémoire. Les mots accusent le passé des choses. Le Verbe plaque la raison de ce qui fut, avant de produire l'acte magique du choix d'un mot nouveau pour sortir du cycle et enclencher le jaillissement. Les mots induisent un ordre de préséance, de préférence. Ils veulent en tout premier lieu savoir s'ils sont antérieurs à la pensée ou si c'est la pensée qui les précède. Ils ne sauraient convenir que d'une séparation entre eux qui sont du Verbe et la Pensée que produirait une autre instance.

La Pensée est un quadrilatère dont les quatre sommets sont la Logique, la Volonté, la Sensation et la Représentation, d'après la définition que nous en avons établie intuitivement dans "LE QUADRILATERE DE LA PENSEE". La Pensée est tout ce qui relie ces sommets entre eux, en ligne droite aussi bien qu'en diagonale : elle est "Logique de Sensation" et "Volonté de Représentation" ; elle est "Volonté de Logique" et "Logique de l'intention ; elle est "sensation d'une Représentation" et "Représentation d'une Sensation" ; elle est "Volonté de Sensation" et peut-être surtout "Logique de Représentation". Mais, si elle est désir, volonté de sensation, c'est que le quadrilatère ne se suffit pas à ses sommets :
"L'amour est suffisant, mais rien ne suffit à l'amour", a encore écrit Claudel. Si la Pensée ne se suffit pas à ses sommets, c'est que l'enfermement du Verbe dans le double duel de l'homme n'a accès qu'à la Pensée claustrale, causale ou accusative, qui essaie de déduire des causes et des effets, mais qui est emprisonnée dans cette mise en question. Si la Pensée est aussi Volonté (ou désir) d'une Sensation, c'est que son centre est dans le ventre : il se passe quelque chose au centre (et dans le ventre) du quadrilatère de la pensée. Ce qui relie ces sommets, mais n'en explique pas le rapport, c'est l'Intuition. au centre du quadrilatère de la pensée est l'Intuition comme dans le ventre, dieu travaille. dieu est en travail d'enfantement dans mon ventre : d'enfantement de Lui ou de moi ? Le sommet de la pyramide de la parfaite triangulation divine n'est pas dans le temple de la tête, mais dans le ventre du travail des humeurs de mon âme. Dans le cadre de la pensée juive, l'âme n'a acquis que tardivement l'immortalité. Le Verbe n'est un déploiement du Principe que relié à l'Esprit. C'est en nous l'esprit qui nous donne accès à l'Intuition. C'est en nous l'Intuition qui est Esprit. "Dieu Est Esprit" comme et en tant qu'Intuition.

L'extension tétragrammatique de la littéralité de Dieu se terminerait dramatiquement pour nous si d'abord, nous n'étions revenus à l'Esprit, prenant conscience des limites d'une construction conceptuelle ; mais surtout si nous ne nous avisions pas à l'instant que le Nom hébraïque de Dieu a beau comporter quatre lettres, la même revient pourtant deux fois ("hé", qui n'est pas une interjection !) de sorte que peut-être, le Nom de Dieu est formé de quatre lettres, mais il n'en comporte que trois. De même que le troisième mot de la Bible est le multiple de la divinité, Elohim qui, s'il est justement le troisième mot, doit bien nous donner une idée de la valeur abusive du nombre de déités dont seraient composés la symphonie des Elohim ! Libre à nous de voir des déités dans ce qui ne sont que des composantes de l'Unicité divine, je ne dis pas Emanant, mais Animant la Création de plusieurs manières ! Une indication peut être lue comme telle qu'il y a trois hypostases sous lesquelles se déploie essentiellement l'unicité divine, trois modalités d'une seule divinité, un Principe et deux Déploiements. Libre à nous aussi de ne pas voir qu'il y a trois monothéismes, que le plus ancien attend la reconstruction du troisième Temple, et que la Trinité, si elle n'est certes jamais explicitement mentionnée dans la Bible, en est implicitement le troisième terme !




J. WEINZAEPFLEN

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