Pages

dimanche 4 avril 2010

CONFERENCE DE MICHEL DENEKEN AU CENTRE PORTE HAUTE

CONFERENCE DE MICHEL DENEKEN AU CENTRE PORTE HAUTE
(30 mars 2010)

Quelle formidable gageure a réussi Michel Deneken hier soir au centre Porte Haute, non pas de tenir en haleine son auditoire pendant plus de deux heures (ce n'était pas là un bien grand exploit pour cet universitaire accessible, orateur plein de souffle et ne refusant aucun débat, pas même celui du créationnisme… qui n'a pas droit de cité en France), mais d'avoir su parler de l'espérance chrétienne, non pas à partir des fins dernières ("le christianisme n'est pas une religion de la consolation", nous dira-t-il), mais à partir du fait de Pâques dont, une fois que les cloches ont sonné à toute volée, qu'on a ramassé les œufs, qu'on s'est réjoui dans de grandes embrassades, qu'on a mangé l'agneau et le lapin, on ne sait vraiment trop que dire, et il n'y a pas jusqu'à l'inspiration artistique, jusqu'à l'esthétique, jusqu'à l'amour du beau, vous savez ? de ce beau "qui sauvera le monde" qui ne se refuse à se laisser découler de cette source, préférant que "les chants désespérés (soient) les chants les plus beaux" !

Or l'auteur de "LA FOI PASCALE" a su nous communiquer la joie pascale. Celle-ci prend sa source, nous dit le conférencier, dans "la confiance inaugurale" qu'éprouve Jésus envers Dieu, dans la certitude absolue qui sous-tend son engagement que "le Père est avec Lui". Nous situer dans le sillage de Jésus, c'est entrer dans cette confiance, dans cette fiducia, à laquelle Michel deneken nous apprend que la contreréforme a dénié le rang de Foi :
"Le monde ne souffre pas d'un manque de Foi : il y a plutôt trop de foi dans le monde ; ce dont le monde manque CRUELLEMENT, c'est de confiance".
Et le vice-président de l'Université de strasbourg d'exhorter les chrétiens à "se tenir au plus près de la mort" (au risque d'encourir le reproche de Michel Onfray que "la religion s'est toujours construite en haine de la vie"), mais aussi de "sauver la conscience du collectif", celle de l'espèce, celle du "genre humain" :
"Le salut est un NOUS" (avec des connaissances de Grec ancien de pacotille, on DIRAIT VOLONTIERS que c'est un "nous" parce que c'est une âme) : nous disons "Je crois en dieu", mais "notre Père"…

seul registre peut-être où cette conférence nous laisse sur notre faim : on recherche (désespérément) la spécificité chrétienne. Dans la quête insatiable d'identité qui caractérise notre époque, le christianisme cherche son identifiant. Il nous avait pourtant été annoncé au début de la conférence que le christianisme s'était construite en opposition spécifique aux religions antérieures : mais il n'apporte, pour ainsi dire, que "la confiance inaugurale". Or celle-ci ne fleurit-elle pas dans le bienheureux athéisme ? celui qui écrit cette critique ou ce commentaire a avoué publiquement hier soir à avoir été athée et heureux enfant, et se trouver plutôt malheureux de sa "mauvaise foi" d'adulte. Nous avons des leçons à recevoir de l'athéisme, et nous pouvons retourner aux athées le compliment qu'ils nous font d'"avoir la chance d'avoir la foi" en saluant leur force morale de pouvoir se passer de dieu, répond Michel deneken. Bien que Michel Onfray, croisé par lui, lui ait plutôt fait l'effet de porter un hédonisme sinistre : mais il a traversébeaucoup d'épreuves !

Mais ne nous quitte pas cette question lancinante : comment rendre compte de la Rédemption si elle n'empêche pas les hommes de continuer de mourir ? Et si la vie du Christ, donnée une fois pour toutes, a si peu éteint la nécessité du martyre qu'aux dires de l'institution vaticane, "le sang des martyres est semence de chrétiens" ? Il faut repenser la Rédemption, semble répondre Michel deneken, comme une surcréation ou comme une création de surcroît. Et par là, on ne veut pas tellement dire que Jésus nous a sauvés en mourant dessus la Croix qu'Il ne nous a donné un surcroît de "confiance en dieu", cette confiance qui ne Lui faisait pas craindre d'être un provocateur et de nous prendre à rebrousse-poils, cette confiance qui doit nous faire lire de préférence tout ce que nous ne comprenons pas dans l'evangile…

Bravo à Michel deneken d'avoir su montrer en quoi la Résurrection était la Création du huitième jour ! Mais bravo surtout aux organisateurs de cette conférence de n'avoir pas appréhendé l'espérance sous l'angle des fins dernières : notre scepticisme saturé d'enfer a peut-être besoin de mettre cette question en sommeil, en berne, le temps de mieux la remûrir et la reformuler. Si l'on avait parlé des "fins dernières", sans doute se serait-on écharpé entre "ceux qui croyaient en l'enfer et ceux qui n'y croyaient pas", au contraire de la façon dont jadis, on savait coexister, nous chanta Aragon, entre "ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croyaient pas". Mais on était en temps de guerre et notre modernité consumériste doit se trouver malgré tout assez heureuse de son abondance pour, non seulement se payer le luxe de pleurer dessus comme autrefois le Christ sur Jérusalem, mais ne plus se connaître de menace autre que fantomatique ou apocalyptique à quoi résister. Aux temps vraiment troublés, s'interrogeait Michhel Deneken :
"Pour un René Char, combien de Brasillach ?"

Julien WEINZAEPFLEN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire