Il y a un présupposé des luthériens qui me choque énormément (mieux vaudrait dire un préalable) : ils consiste à considérer que qui ne connaît pas le Christ, soit qu'on ne le lui ait pas enseigné, soit qu'ils L'aient refusé, est "spirituellement mort". Je ne sais rien de plus violent que cette affirmation. Pour moi, elle est directement incompatible avec l'amour du prochain. J'ai demandé au pasteur qui m'avait énoncé cette certitude :
"Mais comment peux-tu aimer un cadavre ?"
Il n'a pas botté en touche, mais je n'ai pu entendre sa réponse, tellement cette incompatibilité de l'amour pour un corps mort me faisait reculer d'horreur. Comme si je devais faire de la nécromentie sans le vouloir. Comme si, d'autre part (ainsi que l'a fort judicieusement fait observer ma mère, que ce langage a indisposée autant que moi) Jésus avait regardé si les hommes Le connaissaient ou non avant d'opérer des miracles dans leur vie et de les guérir !
"Mais enfin, relançai-je le pasteur, si quelqu'un dans la rue te gratifie d'un beau et vrai sourire et qu'il ne connaisse pas le christ, tu ne peux pas nier qu'il n'est pas mort puisqu'il t'a envoyé directement un reflet du visage de dieu."
"Il n'a fait que m'envoyer les marques qui restent imprimées dans sa chair du Visage de dieu, un peu comme sur une photo jaunie !"
Je n'osai pas lui faire remarquer que la photo est souvent moins jaunie que ne sont défraîchies les faces de ceux qui dessèchent dans une dévotion pointilleuse et craintive. Il n'en aurait pas démordu : pour lui, on pouvait être artiste ou philosophe, voire atteindre à un très haut degré de vérité dans telle discipline de l'esprit sans que cela n'infléchisse cet implacable verdict que, si l'on ne connaît pas le christ, non seulement c'est en vain pour son propre salut que l'on travaille, si ce n'est pour l'enrichissement des hommes mais la mort spirituelle est certaine à moins qu'on ne se convertisse :
"L'annonce de la bonne Nouvelle commence par une mauvaise Nouvelle", aime-t-il à marteler. Nos oeuvres ne sauraient en aucun cas être un motif de salut : le salut n'est pas une question de mérite, même si l'on ne saurait démériter pour ne pas se rendre indigne de la foi que l'on a reçue.
Le même pasteur, à peine commencions-nous de nous connaître, ayant appris que j'écrivais de la poésie, me dit :
"Quand j'étais adolescent, j'écrivais comme toi des poèmes, mais quand j'ai trouvé la
Foi, la source s'est tarie." Je lui ai répondu :
"Et tu ne trouves pas ça dommage ?"
A part moi, je pensais que la Foi aurait dû lui indiquer la source de sa
source et la faire jaillir d'autant plus vivement. Il ne voyait pas le rapport. Pour
lui, la foi était (en quelque sorte) une adhésion à une autre source ou le
branchement de sa source intérieure à un autre cours d'eau.
Ce que révèle néanmoins cette approche, si différente soit-elle de mon espoir un peu béat que la Foi soit une lumière irradiante, c'est que nous voulons bien être sous la motion de l'Esprit pour communier au Dieu Esprit et par là être rendus à nous-mêmes ; mais nous avons toutes les peines du monde à nous donner au Christ et à nous ouvrir à l'extériorité radicale et régénératrice de Son Action salvifique. Autrement dit, nous voulons bien que le christ soit notre "hôte intérieur" ; mais nous n'entendons presque pour rien au monde qu'Il nous extravertisse au point de nous faire les ministres de Ses relations extérieures. Nous voulons bien aimer le Christ pour nous-mêmes afin qu'Il Pense à nous, mais très peu pour Le Servir. Nous voulons bien que le christ Soit l'alpha et l'Oméga et qu'Il soit le Chemin pour mener du premier de ces deux points à l'autre, mais pourvu qu'il parte de notre porte et non pas d'un point si lointain que celui de l'origine, en quoi nous n'avons peut-être pas tort, car nous mesurons qui nous sommes. Encore ne faudrait-il pas tout à fait confondre notre conscience avec le christ, bien que, si notre conscience est rendue à elle-même par l'esprit, l'esprit fera probablement qu'elle devienne le Christ. Du moins voulons-nous bien que le Paraclet soit notre Consolateur et défenseur, car nous ressentons le besoin d'un avocat auprès de dieu, et nous voulons bien aussi que Dieu présente Sa défense aux indociles que nous sommes. Mais, de façon générale, nous acceptons plus volontiers que l'Esprit Soit notre Libérateur que notre booster. Nous préférons céder à nos pulsions plutôt qu'Il nous donne des impulsions et des inspirations dans l'expire de cette prière du coeur où notre inspire s'est fait un avec notre élargissement, que nous l'avons entendu prononcer. Nous acceptons sans réserve qu'Il nous élargisse, mais nous écumons de crainte à l'idée qu'Il nous fasse "avancer au large" !
DROIT DE REPONSE
Comme j’avais adressé ce trait au pasteur incriminé ; comme ce pasteur est mon ami et aussi par pure et simple déontologie, voici la réponse qu’il m’a adressée :
« Bien aimé,
Le « présupposé luthérien » revendique quelques fondements bibliques :
Jn 5.24 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.
Jn 8.51 En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort.
Jn 3.16 Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.
Rm 6.23 Car le salaire du péché, c'est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur.
Rm 7.5 Car, lorsque nous étions dans la chair, les passions des péchés provoquées par la loi agissaient dans nos membres, de sorte que nous portions des fruits pour la mort.
2Co 2.15 Nous sommes, en effet, pour Dieu le parfum de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent,
2Co 2.16 aux uns, une odeur de mort, donnant la mort; aux autres, une odeur de vie, donnant la vie. - Et qui est suffisant pour ces choses? -
2Co 2.17 Car nous ne falsifions point la parole de Dieu, comme font plusieurs; mais c'est avec sincérité, mais c'est de la part de Dieu que nous parlons en Christ devant Dieu.
Etc, etc.
Petite correction aussi, si tu permets : ce n’est pas la foi qui a tari ma muse, t’avais-je confié : c’est l’amour.
Rédigé à la hâte entre deux travaux,
Bien à toi,
Ph
(le 24 novembre 2010 à 14h55)
Et voici ma réponse, postée le même jour à 17h49
« Cher ami,
Je suis conscient de t'avoir envoyé un texte fort au risque de chohquer ta sensibilité et je ne voudrais pas t'avoir blessé. Mais d'abord, je prétends avoir le charisme de la provocation. Et ensuite, la sensibilité du chrétien, mais avant tout de l'homme que je suis, prochain de mes semblables, cette sensibilité est choquée par la brutalité de l'affirmation de "la mort spirituelle" de tous ceux qui ne connaissent pas le christ. Car, comme je te l'ai dit dans la voiture, en dépit de tout et chronologiquement parlant, la Création précède la Rédemption. Saint-Léon le Grand a même avancé la thèse que le péché originel, cette "felix culpa", avait permis à dieu de réaliser le désir qu'Il avait conçu de toute éternité de sauver l'homme, autrement dit de le surcréer, de superposer une vie de la Grâce à la vie de la nature, qui n'est pas pour autant condamnée, mais surplombée.
Quant aux citations bibliques que tu m'adresses, on pourrait invoquer, pour la première, que le passage est métaphorique, mais ce ne serait pas recevoir le texte avec honnêteté que de lui retirer une partie de sa force. La deuxième et la troisième référence (mais cela se trouve déjà en germe dans la première) contient plutôt une promesse de Grâce et de salut que l'affirmation d'une mort actuelle. La quatrième affirme que la mort est le salaire du péché. La cinquième ne dit pas que nous étions morts, mais que nous portions des fruits pour la mort. La sixième parle en propres termes de l'"odeur de sainteté". En comparaison, la septième oppose une "odeur de mort", c'est-à-dire un parfum de mort attachés à un certain mode de vie, mais ne nous envoie pas tout vivants dans la fosse. Enfin, la huitième nous (et en particulier me place, j'en suis bien conscient) devant le danger d'imposture. Ce danger est réel, il ne faut pas le sous-estimer, j'en parle dans l'article que j'ai rédigé ce matin. Je suis peut-être menacé par l'imposture, mais non pas par volonté de falsification, mais par incapacité d'entendre. On dit couramment qu'"il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre". Je dirai en l'occurrence qu'il n'y a peut-être pas plus sourd que celui qui ne peut pas entendre. Si la Parole de Dieu est comme "une épée à deux tranchants", il ne faut pas s'étonner qu'elle blesse et qu'elle soit parfois, humainement, quoique juste, aux limites de l'irrecevable.
C'est pourquoi je me sens catholique en ceci que je ne crois pas que l'on doive négliger de la resituer dans son contexte. Et, dans le contexte de l'inspiration, il y a le filtre de l'inspiré. En particulier, s'agissant de saint-Paul, nous sommes en face d'une personnalité particulièrement écartelée, d'un ancien persécuteur qui se met tout à coup du côté des persécutés parce qu'il a reçu un coup sur la tête, un coup de Grâce, je te l'accorde, mais il déploie le même zèle en se mettant d'abord du côté de ceux qui approuvent la lapidation d'etienne et puis en le muant en zèle apostolique. Le zèle fougueux de sa personnalité écartelée le pousse à développer une pensée particulièrement dualiste avec hyperbolisation des polarités chair-esprit, loi-Foi, mort-vie.
Pour ce qui est du tarissement de ta muse, dont acte : c'est vrai que tu m'as dit que c'est en rencontrant ta future épouse que tu avais cessé d'écrire. Je ne m'en souvenais plus. On peut dire que ta muse avait pris corps et forme humaine. Mais on peut aussi déplorer ce tarissement de ta muse dans la rencontre de l'amour. On pourrait s'attendre en effet à ce que l'amour décuple l'envie de le proclamer. Or c'est le contraire qui s'est passé chez toi. Comme si l'amour rencontré sous une forme réelle devait cesser d'emprunter les voies du lyrisme et de l'irradiation. Or je crois qu'il y a un lien entre cette perte de l'inspiration, une fois trouvé l'être aimé, et cette conception de la "mort spirituelle" qui, si tu l'appliques à des vivants, peut passer pour presque inhumaine. Je te le dis peut-être en parlant le langage des hommes. J'espère te le dire en frère, en ami franc et sincère. La "mort spirituelle" peut à la limite être reçue si elle est une catégorie du monde à venir, mais non pas si tu la plaques sur des vivants pour qui dieu fait briller son soleil, méchants ou justes. Encore que Luther et Saint-Paul affirment qu'"il n'y a pas un seul juste devant Dieu, pas même un seul", de même que Jésus affirme après la désertion du jeune homme riche que, "pour les hommes, c'est impossible, mais qu'à dieu, rien n'est impossible". Et comme l'evangile précise que Jésus en le regardant s'était pris à l'aimer, on se dit qu'il n'y a pas que le jeune homme qui est reparti tout triste et que le christ va le rattraper.
Pour moi, l'enfer n'est compatible avec la bonté de Dieu que s'il est une seconde mort et non pas une consumation sans combustion, auquel cas il serait le supplice le plus cruel jamais imaginé par aucun homme. Dieu a pourtant permis que l'homme se soit doté des moyens de détruire la planète, mais le plus grand tortionnaire n'a jamais su, n'a jamais pu et n'a peut-être jamais voulu que soit supplicié celui qu'il torturait sans aucune interruption dans les siècles des siècles. Mais quelque chose en moi incline à croire que, si dieu veut que tous les hommes soient sauvés et s'Il est tout-Puissant, il n'y a pas de raison que sa volonté ne Soit pas faite, dans l'accomplissement de son Règne éternel. J'incline à le croire, mais je n'ai pas le droit de l'affirmer. J'incline à croire encore que Dieu ne peut pas accepter de perdre ce qu'Il a créé, de laisser s'évanouir dans la mort ce qu'Il a appelé à la vie. J'incline à croie que, lorsqu'Il dit :
"Quand Je serai elevé de terre, J'attirerai tout à Moi", cette force d'attraction est presque irrésistible. Que, si c'est l'âme qui se juge, comme le pensent les théologiens scholastiques depuis le Moyen age, j'incline à croire que des yeux faits pour la Lumière ne puissent pas s'y fermer lorsqu'ils la voient. Il serait triste que le déni qu'oppose la chair à dieu continue d'être opposé par l'âme une fois libérée de ses chaînes de pulsions ou de passions. Evidemment, Jésus a menacé des foudres de l'enfer ses disciples inconséquents. Mais tout homme est inconséquent, plus ou moins, il est vrai, . En toute Justice, nous avons mérité l'enfer. Mais, par MIséricorde, Dieu penche pour le salut. Est-ce que le tempérament catholique n'est pas trop optimiste dans une espérance tellement béate de naïveté qu'elle a déjà reçu sa récompense, tandis que le tempérament protestant se veut pessimiste dans une espérance rigoureuse et scripturairement conséquente ? C'est possible. Mais je crois tout de même que, si Dieu a aimé Sa créature, l'homme, en raison de laquelle Il a fait tout cet univers, la foi divine doit avoir conservé une part d'humanité.
Désolé encore si, à mon tour, je t'ai choqué ou blessé par la résistance ou l'indisposition de mon âme en face de ce coup porté contre elle et de ce coup porté contre l'amour que lui semble être "la mort spirituelle".
En christ qui nous unit malgré nos divergences, même de fond
Julien
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jeudi 25 novembre 2010
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