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jeudi 25 novembre 2010

AIDE, AIDANTS, AIDES

EXTRAIT DU BLOG DE NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET (suivi de mon commentaire de cet analyse et, en regard, du commentaire d'un autre déficient visuel qui s'est exprimé sur ce blog, à l'opposé de mes convictions, dans une optique plus habituelle)

Nathalie Kosciusko-Morizet:
Première journée nationale des aidants : ouvrir le chantier de la dépendance
Vendredi 8 octobre 2010 à 16:09



"Cette journée a permis pour la première fois de trouver ensemble les mots pour repenser le modèle social français, la « Fraternité » de la devise républicaine, les mots pour désigner les solidarités nécessaires à la vie quotidienne. Nous les avons trouvés dans le cas crucial des personnes atteintes de pathologies invalidantes. Le propre du modèle français, c’est que ces solidarités sont plurielles : nationale, professionnelle, mutualiste, assurantielle, bénévole et familiale. Leur articulation doit être soigneusement réfléchie pour ne pas conduire à un accroissement des inégalités.

Pour désigner les formes les plus concrètes de ces solidarités, celles qui engagent des personnes et non des mécanismes financiers, c’est le mot « aidants » qui s’impose désormais, et il s’impose au bon moment, à la veille du dernier grand chantier de réforme de ce quinquennat, le chantier des politiques de la dépendance.

Il est temps de voir en effet, derrière les questions financières incontournables, les personnes elles-mêmes, aidés et aidants.

Avec le concept d’aide, nous tenons une des traductions du concept anglais de « care » qui, en dehors de cercles très restreints, entraîne aujourd’hui malentendus et incompréhensions (la ville du Caire ? me dit-on lorsque par erreur j’utilise ce mot codé là où il n’a pas cours). L’aide engage une relation entre celui qui donne l’aide et celui qui la reçoit, une relation ambivalente, positive bien sûr, avec le dévouement, l’entraide, l’attention à l’autre, mais négative aussi, lorsque l’aide est servile ou que le don non adapté risque d’enchaîner celui qui le reçoit, de l’humilier, surtout lorsque pour des raisons de politesse ou de contrainte institutionnelle il est impossible à la personne aidée peut-être contre son gré de refuser ce don. Cette dimension humaine de l’aide, et ce n’est pas là son moindre paradoxe, se retrouve aussi dans le cadre d’un contrat de travail salarié ou d’une prestation marchande, qui ne l’effacent pas mais s’y ajoutent. D’où les difficultés des professionnels à mettre à distance la dimension intime de l’aide, car il faut s’en protéger, mais pas trop.

Le mot d’aidant a bien des vertus. Il franchit la barrière de l’âge inscrite depuis 1994 dans les pratiques administratives : dans la même situation, avant 60 ans on est une personne handicapée, après 60 ans on est une personne dépendante. Il surmonte les conflits potentiels entre les aidants familiaux et les aidants professionnels, mais aussi les inégalités de position et de carrière entre les professionnels de l’aide à domicile et les professionnels de l’aide en institution. Dernière vertu, et non des moindres, parler d’aidants, c’est parler de l’aide au masculin. C’est rompre avec la féminité supposée des aidants, vérifiée statistiquement, injustifiable idéologiquement. Sachons saisir ces opportunités.

L’aide n’est pourtant qu’un des trois niveaux du concept anglais de « care », les deux autres sont le choix des objectifs (de qui se soucier ?) et le choix des moyens (comment prendre en charge ?). En termes d’objectifs (les travailleurs et leurs familles), en termes de moyens (la Sécurité sociale à base professionnelle et familiale), la France a construit très tôt une solidarité nationale, même si nous en éprouvons aujourd’hui les limites. À quoi bon alors reprendre la conceptualisation américaine du « care », née dans un pays sans sécurité sociale ? Séparons plutôt ces trois niveaux pour tâcher d’être à la hauteur des grands constructeurs du droit et de la protection sociale qui nous ont précédés.

Parce que la langue est un fait social, et une arme pour penser et pour agir, les mots qui émergent aujourd’hui dans la langue française – aidants, solidarités – ont de quoi me rendre optimiste."

Publié par nkm dans Libre cours


MA REACTION/

Chère Madame le ministre,

Après les félicitations d'usage auxquelles je m'associe de tout coeur, permettez-moi de revenir au sujet de votre article: l'aide, l'aidant, l'aidé. Il m'inspire plusieurs réflexions:



1. L'invention d'un nom dans un colloque fera-t-elle quelque chose à l'afffaire, surtout lorsque CE NOM est mal formé comme le substantif "aidant" qui a plutôt l'allure d'un participe passé ou d'un adjectif verbal que CELLE d'un substantif?


2. Osera-t-on parler de ce sujet tabou qu'est l'humiliation qu'infligent "les aidés" à ceux qui leur viennent en aide, humiliation due à l'ambivalence de la relation d'aide que vous évoquiez fort justement et au fait que les "aidants", pour adopter votre langage, s'immicent dans le territoire intime de ceux auxquels ils se dévouent?


3. Pourquoi faut-il à tout prix sacrifier à la théorie du "gender" en refusant que l'"aide" soit une valeur féminine? La société a été assez longtemps paternaliste pour pouvoir s'offrir le luxe de ce retour normal du refoulé qu'est le besoin de "maternalisme" et de valeurs féminines (au moins autant que féministes). Certes, il ne faudrait pas que notre société, après avoir été paternaliste et clanique, devienne maternante et clinique.


4. A l'encontre de mon "confrère et concitoyen en cécité" qui a commenté cet article avant moi, oserai-je dire qu'il faut réhabiliter, sinon la pitié, du moins la compassion, autre nom de la solidarité; que l'absence de recours à une personne humaine ne fait qu'ajouter à la déshumanisation ambiante de la société; que la personne handicapée n'est pas en permanence corvéable à merci à l'enfer de la preuve ("donnez-nous du travail, nous vous donnerons du résultat"; qu'il n'est pas sain qu'elle demande que tout lui soit dû et accessible, mais qu'il faut avant tout qu'elle accepte les limites de cette utopie et ses propres limites? Il y a des situations qui sont ultraprioritaires: que l'on donne des places aux autistes adultes avant de satisfaire tous les caprices, entre autres, des déficients visuels. Cessons une bonne fois d'être corporatistes.


5. Enfin, le "modèle social français" tel qu'il fait effectivement s'articuler comme vous le dites les professionnels de l'aide et le bénévolat, est-il viable, quand on songe au gisement d'emploi inexploité que représenterait le "service à la personne", mais quand on prend conscience également de l'état de précarité dans lequel vivent bon nombre de personnes très lourdement invalides, précarité à laquelle n'a fait qu'ajouter la loi de 2005 parce que, chaque fois qu'elle invente un nom ou un nouveau concept comme celui d'"aidant" (quand même moins pire que la "situation de handicap"), elle crée une nouvelle usine à gaz?


Le "handicap" ne serait-il pas la chance dont la société pourrait se saisir pour retrouver le sens de la gratuité?


En vous souhaitant un plein succès dans vos fonctions ministérielles

Julien WEINZAEPFLEN


En miroir, dans la corne de brume, voici la position plus "servili et handicorrecte" de mon « concitoyen en cécité » auquel je faisais référence dans mon poste :


El Jamil Soufiane
11 novembre 2010, 04:08

"Bonjour,

Avant tout, je vous remercie pour l’accessibilité de ce blog avec la synthèse vocale car je suis non-voyant et que j’utilise un lecteur d’écran pour vous lire.
Vous avez fait un bon texte concernant ce colloque dont vous avez parlé dans ce billet.
Je trouve certains commentaires trop politisés alors que la solidarité devrait être l’affaire de tous.
Sur internet, on se sert beaucoup des sujets du handicap pour faire des commentaires sur autre chose.
Je pense qu’il faut encore plus responsabiliser la personne handicapée dans la société française quand cela est possible.
Confiez-nous du travail, on vous donnera du résultat.
Offrez-nous des formations, nous deviendrons encore plus autonomes et rentables.
Vous parlez d’aidés et d’aidants…
Ne pensez-vous pas que si l’on met certains outils à la disposition des personnes handicapées, cela ne les aiderait pas à s’affranchir de l’aidant?
Je vous donne un exemple simple et concret dans mon cas.
Si j’ai la possibilité d’obtenir un moyen de lire un livre, pensez-vous que je vais avoir besoin d’une personne pour le faire à ma place? La réponse est évidemment non.
Le numérique et le handicap, c’est une formidable rencontre malheureusement mal comprise des éditeurs de contenu et des fabricants de contenants comme la plupart des appareils qui restent inutilisables pour nous de façon autonomes.
L’accès à l’information de qualité est malheureusement pas encore arrivée à maturité chez les personnes non-voyantes malgré l’accès à internet qui nous a ouvert une grande fenêtre sur le monde par où un vent de grand savoir a soufflé. Le numérique rend de bons et loyaux services à l’homme et l’Homme doit mettre du coeur dans le numérique pour faire en sorte que chaque battement ne soit pas juste une succession de 0 et de 1.
Je vous souhaite une bonne continuation dans votre carrière politique en espérant que vous garderez tout ces éléments en tête.

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