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dimanche 2 septembre 2018

La bulle Macron (an II)

Pendant la campagne présidentielle, on disait que le macronisme était une bulle spéculative. Il se révèle une mystification collective. Sur quoi a-t-elle reposé? Certainement pas sur le charisme très surfait de la vedette gonflée à l'hélium de la séquence électorale qui devait aboutir à la victoire de ce candidat non désiré. Emmanuel Macron n'a cessé d'accumuler les bourdes comme Ségolène Royal avant lui (la Guyane qui était une île, l'inexistence de la culture française, la colonisation, un crime contre l'humanité, Villeurbane, une ville du Nord de la France), il n'y avait personne pour établir le parallèle entre Ségolène et lui. -Tiens! Et si on pariait pour elle pour succéder à Nicolas Hulot. Elle est assez old school pour ne pas trop faire nouveau monde, qui est déjà has been.-  Le "nouveau monde" était un slogan, un peu comme "l'autre politique" de Jacques Chirac en 1995: "Mangez des pommes, luttons contre la fracture sociale".  La stratégie macroniste du "et en même temps" consistait à effacer qui était Macron pour assurer qu'il était son contraire. Il réinventait l'adage: "Fuis-moi, je te suis" en ne cessant de se fuir pour qu'on le suive. Quintessence du système, il se déclarait le candidat anti-système.  Environné de conflits d'intérêt, il se drapait de probité candide au point d'incarner la vertu au pouvoir ou de le promettre. Marine Le Pen avait bien identifié le clivage entre patriotes et mondialistes, il se déclarait le plus patriote des deux, bien qu'il fût discernable que ce président, qui s'apprêtait à diriger un pays qu'il ne connaissait pas, serait aussi à la tête d'un peuple qu'il n'aimait pas, composé de "Gaulois réfractaires et incultes" (puisqu'"il [n']y a [que] des cultures en France"-pourquoi dès lors tirer sur le soldat Nissen?-), d'"illettrés", d'"alcooliques", de "fainéants", même pas fichus de travailler comme François Fillon pour se faire payer un costume. Emmanuel Macron taillait des costars à son peuple, pas seulement depuis l'étranger, et allait remplacer le "Casse-toi, pauv'con" murmuré du parvenu Sarkozy par un "je vous emmerde" insonorisé, mais assumé (son bon plaisir est bien la seule chose qu'Emmanuel Macron assume), inspiré par un mépris de classe de bon élève qui a au fond toujours douté de ses résultats, et a bien des raisons d'en douter, non seulement parce qu'il a raté le concours de Normal Sup, mais parce que, pour s'assurer de l'admiration de son auditoire, il fait des discours longs comme ceux du leader Massimo et creux comme ceux d'un potache sciences potard .
Emmanuel Macron est passé du chevènementisme à l'européisme. Comme quoi le chevènementisme mène à tout à condition d'en sortir.  Le bon élève surévalué entendait, en fait de nouveau monde, conserver les valeurs sur lesquelles la génération d'après-guerre avait espéré stabiliser "le monde d'hier", sans se douter que l'histoire ne se repose jamais et est toujours, non pas  à recommencer, mais à continuer. Même cet européisme de pacotille était une escroquerie. Tous les gens bien en cour applaudirent au mauvais discours de la Sorbonne ou à celui d'Athènes sans jamais demander comment Macron comptait s'y prendre pour s'imposer à des gouvernants, dont il ne fallait pas être grand stratège électoral pour prévoir que, de l'Autriche à l'Italie, on connaîtrait un mouvement dextrogire de protectionnisme identitaire.
Macron retourne dans la bulle dont il n'aurait jamais dû sortir en reproduisant les coups de menton de Sarkozy et les couacs indécis de Hollande . La déception par laquelle s'ouvre l'an II de ce quinquennat est elle aussi issue du vieux monde, celui où l'on pense que la démocratie consiste à laisser les clefs à un potentat élu pour qu'il fasse ce qu'il veut de "l'Etat, c'est moi". La mystification du macronisme a été orchestrée par les errements des consciences éclairées. "L'éternel recommencement des illusions perdues" (Philippe Bilger) est une très belle formule. Mais le meilleur moyen de s'en prémunir, c'est de ne pas se laisser berner par les illusionnistes.

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