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vendredi 4 novembre 2011

Pour un rapport alternatif des aveugles aux médias et réciproquement, quelques éléments

Cher Monsieur Mantel,

Votre memorendum est des plus intéressants, tout à la fois concis et
circonstancié. Voici les quelques idées qui m'ont personnellement arrêtées,
éventuellement assorties d'un petit commentaire, les citations entre
astérisques comme d'habitude :

*"Diffusion par internet :
En même temps que la diffusion hertzienne, les films audiodécrit pourraient
facilement être accessibles en podcast ou en "replay" sur les sites
Internet des chaînes, et ceci sans coût supplémentaire."*

C'est en effet une fameuse bonne idée, d'autant plus que les sites internet
des chaînes sont relativement immédiatement accessibles, à ceux, bien sûr
qui sont équipés pour y accéder. Il en va autrement des sites de pod-casting
et, à plus forte raison, des sites de téléchargement de musique en ligne.
Mais je crois qu'un autre groupe travaille à faire des propositions dans le
domaine de l'accessibilité du net, sur laquelle j'ai personnellement
tendance à être assez pessimiste. Car quand sera-t-il notamment quand les
courriels seront remplacés par la discussion instantanée, si cela arrive un
jour, et quand sera généralisé l'usage du web 1.0.

"* - Les audiodescriptions pourraient également être diffusées par les
radios nationales, avec l’établissement par exemple d’un créneau horaire
mensuel et être présent sur les podcasts des sites des radios."*

C'est tellement vrai que l'audiodescription n'est pas autre chose en fin de
compte qu'un "film radiophonique" adapté au cinéma, et qu'il ne faut jamais
perdre de vuela prépondérance du médium radiophonique dans l'usage des
déficients visuels, prépondérance qui n'est pas prête de s'éteindre, sauf si
la Radio Numérique terrestre fait disparaître les transistors, et si son
développement ne fait pas l'objet de la vigilance des techniciens présents
dans nos milieux pour que la radio nous demeure un médium facile à utiliser.

Selon moi, la seule radio publique qui pourrait, presque par définition,
être ouverte à la présence de l'audiodescription, sur ses antennes, serait
"france culture", dans la mesure où cette radio donne chaque année lecture,
un mois durant, de scénarios primés lors d'un festival qui leur est dédié.
L'audiodescription serait un prolongement naturelle de cette lecture de
scénarios, bien qu'il faille tenir compte que "france culture" a
radicalement changé de politique, depuis que les pièces radiophoniques ne
sont plus appelées des dramatiques, mais des fictions.

"France inter", médiat plus immédiat, si je puis me permettre ce raccourcis,
pourrait également être intéressé, d'autant que, depuis la mort de Patrice
galbaud, les "tréteaux de la nuit" ont du mal à trouver ce qui pourrait les
remplacer.

Mais je crois qu'un autre prolongement de votre idée pourrait concerner la
création d'une antenne nationale spécifiquement consacrée à la lecture
radiophonique, antenne sur laquelle l'audiodescription trouverait toute sa
place. Cette idée peut paraître saugrenue à qui l'entend énoncer pour la
première fois, mais je crois qu'elle serait à creuser, d'autant qu'il faut
tenir compte de la baisse du temps consacré à la lecture parmi la
population en général et que "france culture" ou "France inter" constituent
d'excellents produits d'appel vers des livres, mais que beaucoup s'en
tiendront aux commentaires qui en auront été donnés, mais ne se reporteront
jamais aux originaux. Lecture d'oeuvrres patrimoniales et, moyennant
indemnisation des éditeurs, lecture aussi d'oeuvres conçues plus récemment,
n'étant pas ouvertes à la balado-difusion pour ne pas attenter
outrageusement à la propriété intellectuelle.

*" - Pour le cinéma, les films audiodécrits devraient être annoncés sur
les serveurs vocaux du type "Allociné"."* J'ai bien peur que ce service
vocal n'existe plus et ignore à quoi cela tient. Dans le prolongement de
cette proposition, ne pourrait-on pas envisager la création d'un serveur
vocal des programmes de télévision, dont la construction pourrait être à la
fois télématique et humaine, et dont l'usage pourrait être soumis si
nécessaire à la souscription d'un abonnement.

"*- Pour les DVD, un logo en braille devrait être gravé sur la pochette. Dés
l'insertion du disque un menu vocal pourrait donner la marche à suivre pour
sélectionner simplement la piste de l'audiodescription."* Où en est-on dans
l'avancée de l'accessibilité des DVD ?


Un site Internet dédié à l'audiodescription :-
*Tous les acteurs du secteur seraient tenus de lui communiquer leurs
programmes. Cela permettrait également de répertorier les audiodescriptions
disponibles et d'éviter d'audiodécrire plusieurs fois les mêmes films. *

Nous nous trouvons exactement dans la même problématique que pour ce qui
concerne la mutualisation de l'adaptation d'ouvrages par les différentes
associations qui sont présentes dans ce secteur. Si un site Internet et une
institution existaient, non seulement pour recenser en aval d'une façon
fréquemment mise à jour le fonds de chaque association, mais pour avertir
chaque association de qui est en train d'adapter quoi, on éviterait bien des
doublons. Seulement, les associations sont rétives à mutualiser leurs
efforts. En aval, la Banque de donnée de l'Edition adaptée existe certes ;
mais beaucoup d'associations se refusent à lui communiquer le fruit de leur
travail. En amont, je crois que seule une institution contraignante pourrait
inciter les associations à plus de bonne volonté. Mais la tradition
française veut que l'etat se défausse sur les associations.

"- *- Les films du patrimoine devraient tous être audiodécrits. "*
Encore une fois, combien je suis d'accord avec vous ! Le patrimoine doit
être accessible en priorité. Mais on a l'air d'être plus obnubilé par
l'adaptation des oeuvres présentes que par le rattrapage de celles du passé.
"*L'accessibilité du cinéma devrait faire partie des missions de la
Cinémathèqe Française par exemple."* Ici, vous rejoignez les propositions
que M. Théry affecte, dans le cadre du braille, à la bibliothèque Nationale.
Nous sommes dans la même logique vertueuse de cessation de désaffection de
ce qui concerne les déficients visuels à l'Etat. En fait-on beaucoup pour
les personnes handicapées ? Si oui, certainement pas dans le cadre du
ministère de la culture. Comme Francis Perez le souligne assez souvent, il
n'y a pas à proprement parler de budget du livre numérique ou du film
audiodécrit.

"- *Régulariser le statut de l’audiodescripteur"* entre dans une optique de
professionalisation qui n'a rien que de très sain et qui va dans le sens de
ce que je soulignais sur la liste dédiée au social, à savoir que, ni les
déficients visuels, ni ceux qui travaillent pour eux, ne peuvent continuer
indéfiniment à le faire bénévolement. Cette revendication va-t-elle de paire
avec une diminution programmée des ressources nécessaires à la simple vie
courante des déficients visuels ? Pas si le salariat de cette forme
particulière de participation à l'accroissement de la culture des déficients
visuels est financé par le ministère qui a vocation à le faire. Les
audiodescripteurs doivent en effet bénéficier du droit d'auteur, d'autant
plus qu'être autodescripteur pourrait devenir un débouché supplémentaire des
métiers du cinéma. D'autre part, la diminution des ressources vitales du
déficient visuel n'est pas nécessairement au bout de la revendication d'une
meilleure reconnaissance de son statut professionnel si l'on découple la
logique de compensation du handicap, et la décompensation que nous
subissons aujourd'hui, du simple fait de travailler. Il y a là encore une
exigence de justice que nous devons porter haut. Une société de chômage de
masse ne peut pas accepter, même d'un pint de vue budgétaire et comptable,
que les associations concentrent une énergie dont la valeur n'est pas
financièrement reconnue.

Je suis également favorable à une "participation des déficients visuels qui
en auraient le talent à la rédaction des audiodescriptions, mais plus
encore, non seulement à une *critique des audiodescriptions*, sur le site
dédié à l'audiodescription dont vous proposez la création, mais même à une
critique du cinéma avant audiodescription par les déficients visuels. Je
m'explique. Vous soulignez à juste titre que les déficients visuels sont
souvent cinéphiles. Eh bien, l'expérience m'a montré que, lorsque vous allez
regarder un film en compagnie de personnes voyantes, vous en ressortez
souvent avec des impressions différentes de celles de ceux avec lesquels
vous êtes sortis, et vos approches se complètent. Je suis persuadé qu'une
critique ès qualité, produite par des déficients visuels des films de cinéma
hors audiodescription, produirait des résultats tout à fait étonnants. On
devrait en faire l'essai dans la presse spécialisée. Si quelqu'un avait des
contacts avec "télérama" ou "les cahiers du cinéma", ce serait une
expérience à leur proposer. Mais pour pérenniser l'expérience, rien de tel
qu'un espace dédié à de la critique de cinéma hors audiodescription sur le
site consacré à celle-ci. Je prends le pari que la presse pourait bientôt
recruter les deux ou les trois meilleurs talents qui s'exerceraient sur ce
site.

L'"*audiodescription des documentaires"* serait, j'allais dire préférable à
celle des pièces de théâtre données sur une scène de théâtre. Je précise, à
l'intention de ceux qui n'aiment pas que l'on oppose les choses, que cette
opposition est dialectique et n'a pour seul but que de faire comprendre le
malaise, que je ne crois pas dissipé, que l'on peut éprouver à porter un
casque dans un théâtre, qui nous coupe de l'aspect théâtral de la
représentation. Comment pallier ce malaise ? Peut-être en proposant à ceux
qui l'éprouvent comme moi une audiodescription résumée et qu'ils pourraient
consulter après avoir assisté à la pièce. A l'intention des braillistes,
cette autodescription réduite pourrait leur être donnée sur support papier
au même titre que le programme, et ils pourrraient la consulter avant comme
après la pièce.

Mais on n'insistera jamais assez sur le fait que les images d'un
documentaire se voulant moins subjectives que celles du cinéma, destinées à
produire et appeler des sensations particulières, le documentaire plus encoe
que le film devrait faire l'objet d'audiodescription. C'est une proposition
que je crois lire pour la première fois sous votre plume, qui m'est certes
bien venue à l'esprit et à l'idée, mais jamais jusqu'à la formulation.

En m'excusant à mon tour d'avoir été beaucoup trop long

J. weinzaepflen

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