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vendredi 25 novembre 2011

L'intégration scolaire précoce, le témoignage sur le vif d'une expérience déjà ancienne

Témoignage de CD.



Bonjour,

Je n'ai aucune prétention de résoudre la question, je ne peux livrer que ma propre expérience d'enfant DV intêgrée totalement dans tous les milieux sociaux ordinaire depuis ma toute petite enfance.

Juste pour donner une petite idée du contexte, mon handicap visuel vient d'une cataracte congénitale due à la rubéole que ma maman a contractée durant sa grossesse. Malgré des examens sangains qui lui montraient que l'atteinte n'avait pas eu lieu, je suis née quand même avec de gros troubles, jugée non-viable à la naissance, puis avec deux ans d'espèrance de vie maximum.
Mes yeux sont malformés, leur croissance et leur évolution ayant été stoppée net, j'avais un gros souci cardiaque et pas mal de petits défauts physiques, genre si je voulais passer inaperçue, c'était raté! lol.
Mes parents, absolument pas conseillés parce que de toute façon on leur avait dit de ne pas s'attacher à "ça" et de faire un "bébé de remplacement", se sont débrouillés comme ils ont pu.
Je grandissais, je guérissais de toutes les maladies qui me sont tombées dessus les unes après les autres, je parlais, riais, chantais, courais, fonçais partout... Donc un jour un médecin a donné une adresse sur Lyon à mes parents pour qu'on voie si je pouvais être opèrée des yeux.
C'est ainsi qu'à l'âge de 3 ans j'ai pu voir réellement un peu.
Pourtant, mes parents, qui travaillaient, se sont d'abord battus pour que je me fasse accepter en crêche, et apparamment ça a été très très difficile, puis à l'école maternelle.
Je me souviens qu'on m'avait mise dans une classe spéciale de mon quartier, avec une instit qui pratiquait une pédagogie différente et qui ne prenait que les élèves dont on n'espèrait rien. Je me souviens encore de cette chaleur humaine, de toutes ces petites choses qu'on apprenait en touchant, en répêtant, en regardant de très près, en comparant... Plus tard, je retrouverai cette pédagogie en exerçant mon métier d'éducatrice. ça a vraiment été une année extraordinaire et moi j'ai progressé.
Ensuite l'instit qui a pris le niveau du dessus ne voulait pas savoir que j'avais besoin d'aide, les récréations passées devant une feuille parce que je ne comprenais pas l'exercice, des punitions, des mises à l'écart parce que j'étais bête, c'est ce qu'elle disait aux autres.
Un déménagement m'a sauvé la mise et je suis retournée dans une classe avec une super instit, petit effectif, et je suivais normalement, il me fallait juste un peu plus de temps que les autres pour certaines tâches plus fines.
Je suis entrée au CP en même temps que les autres, j'ai appris à lire, écrire, même si je ne voyais pas bien du tout le tableau. J'avais le droit de me lever et de me planter le nez dessus, et même d'y revenir pendant la récré si je voulais, avec l'instit pour me réexpliquer ce que je n'avais pas bien compris.
Parce que moi, les récrés... à part me faire moquer, qu'on joue avec moi "pour du beurre", ça n'avait rien de bien interessant, et je n'avais pas trop le droit de courir, pour ne pas buter dans un autre camarade et casser mes épais verres de lunettes qui valaient si cher. Donc, autant que possible, j'évitais la cour.
J'ai fait toute ma primaire ainsi, sans redoubler, et je suis bien vite devenue meilleure en français plutôtt qu'en mathématiques, ça me demandait un temps infini pour bien cerner le problême et comprendre ce qu'on me demandait. Comme on ne me laissait pas ce temps, et que de toute façon tous les élèves ordinaires ont une matière faible, on m'a casée dans les nulles en maths et puis voilà.
Le souci qui se posait, c'était de pouvoir lire les livres scolaires, d'abord c'était pas mal gros pour les premiers livres de lecture, avec plein de couleurs, puis, plus les années passaient, plus c'était écrit petit et plus c'était sombre et triste.
C'est là que ma famille aurait eu besoin d'aide, de conseils et d'écoute.
Ils ne savaient même pas oû s'adresser vu qu'ils avaient refusé ma scolarité dans l'établissement spécialisé de ma ville, quand ils y sont allés, ils ont eu tellement peur des enfants qu'ils y ont croisé qu'ils ont refusé que j'y fasse même un essai. Donc on les a laissés dans la m..., non seulement eux mais moi surtout.
Personne ne leur a jamais parlé du matériel de base, je n'avais qu'une petite loupe pliante de poche, que je devais changer régulièrement pour un grossissement plus gros. Et rien que ça, ça m'en a occasionné des problêmes avec les autres élèves, des sobriquets idiots qui me suivaient partout, des moqueries incessantes, je n'étais plus moi, j'étais ce surnom, c'était invivable!
Comme chez moi, la tactique était de ne pas répondre pour que la rumeur s'en aille toute seule, évidemment ça a duré, duré, duré... jusqu'à ce qu'un jour j'explose et que je frappe littéralement les instigateurs de la dite rumeur. Puisque jamais aucun instit ni la Directrice de l'école n'ont rien fait pour ma défense, jamais expliqué aux élèves, ils se sont sentis coupables et je n'ai pas été punie pour ça.
Comme par magie, la rumeur s'est terminée définitivement ce jour-là précisément.

Au collège, pour que je sois dans une classe avec de bons élèves, mes parents m'ont fait prendre allemand première langue, effectivement j'étais dans la crème de la crème niveau travail mais dans le sommet de l'idiotie niveau camaraderie. J'ai dû les supporter 4 ans, jusqu'à la fin de ma 3ème, parce qu'en plus ma famille m'a fait choisir anglais et latin, pour ne pas tomber avec n'importe qui et continuer à travailler comme il fallait.
ça, pour bosser, j'ai bossé, je n'avais que ça à faire d'ailleurs faute de camarades de classe sympa et faute de solidarité si j'avais besoin de voir quelque chose au tableau.
J'ai très très vite appris à écouter ce que racontait le prof et à prendre en note par écrit. Résultat, je ne faisais pas du tout perdre de temps à la classe et il avait été un temps question que je sois la référence pour la prise des cours aux copains malades. J'ai refusé en bloc parce que, quand moi j'avais besoin qu'on me copie au carbone un shéma au tableau, personne ne voulait le faire, certains se faisaient même payer pour ça!
De moi-même je suis donc aller enquiquiner les profs pour qu'ils m'aident et j'ai fini par aller voir le Chef d'établissement pour avoir gain de cause.
Evidemment, "la ptite handicapée", elle s'est très vite faite mal voir et les moqueries ont recommencé de plus belle...
J'ai terminé mon année de 3ème par de terribles crises d'angoisses, une phobie scolaire qui a duré plusieurs mois et j'ai dû être prise en soutien par un pédopsychiâtre tellement j'avais plus envie de rien et tellement les autres en général me dégoûtaient.
Malgré tout, je me suis accrochée, je suis retournée en cours et j'ai eu mon BEPC, puis je suis entrée au lycée.

Là j'ai fait une section d'études qui me plaisait énormément, j'avais décidé depuis longtemps que je m'occuperai d'enfants, alors en sciences médico sociales, c'était le top!
J'ai appris beaucoup, sur des tas de domaines très diff"érents, de bonnes bases en droit constitutionnel, droit de la famille, médecine, psychologie, éducation, secrétariat, sténo, synthèses et analyses de documents, confrontation des idées, jeux de rôles pour défendre un point de vue sur un projet par exemple (pour la construction d'un autoroute, être l'architecte, l'écolo ou la personne expropriée...), c'était très très intense et enrichissant.
Evidemment, toujours des idiot, ou plutôt des idiotes puisque je n'étais que parmi des filles dans ma classe. Mais là, les profs ont réagi et de lourdes sanctions ont été prises contre certaines, et la plupart de mes camarades me soutenaient, m'aidaient pour que je puisse avoir les shémas soit au carbone soit en photocopie sur grand format. Pour travailler, les conditions étaient plutôt bonnes. Fallait juste donner beaucoup de soi et de son temps, mais ça en valait la peine.

Après avoir eu le Bac, je suis entrée en formation d'éduc-spé. J'étais super motivée, j'avais eu le concours d'entrée au bout de la seule et première tentative, alors que je n'avais pas encore le Bac! Je me suis rendue compte après coup que pas mal de mes camarades de promo ont dû passer ce même concours dans divers endroits et à plusieurs années coup sur coup avant de l'obtenir. Aïe, je suscitais déjà des jalousies à peine arrivée, qui sait si on ne lui avait pas donné son concours à "l'handicapée"? ça commençait mal!
Evidemment, ces souppçons m'ont poursuivie durant les 3 ans de formation... En plus j'avais un suivi personnalisé, manque de bol c'était un formateur tout jeune et tout mignon, et bien il a été dit que j'y allais pour qu'il m'augmente ma note en échange de quelque petit plaisir partagé!!!
Ignoble, infâme!
J'ai donc fait stopper ce suivi et j'ai bien fait préciser que mes notes n'étaient que le reflet de mon travail, bonnes quand elles devaient l'être et mauvaises quand c'était le cas.
ça n'a jamais calmé les rumeurs, et même lorsque j'ai eu mon D.E, une membre du Jury m'a dit en sortant que si je n'avais pas été handicapée, jamais je n'aurais eu mon diplôme et qu'elle allait s'arranger pour que je ne sois jamais embauchée en CDI sur Reims, parce que je n'avais pas à faire ce boulot, c'était pas ma place.
Je vous assure qu'elle l'a fait...

Je ne saurai dire ce qui est bon ou pas, ce qu'il aurait fallu faire, c'est mon parcours.
J'ai eu la chance de pouvoir suivre niveau compréhension, d'avoir un reste visuel suffisant pour que je puisse me débrouiller seule, même si je dois bien avouer que, avec le recul, avoir fait beaucoup d'imprudences et avoir dépassé souvent les limites de la sécurité étant enfant. Mais je naviguais entre le laisser-faire, histoire de se donner l'illusion que j'étais comme les autres, et le coocooning, parce que, la pauvre petite... Mais me dépasser me plaisait beaucoup, donc voilà.

Le plus dur, est le manque de relations sociales normales, le manque d'amis, de contacts autre que malsains avec les autres.
Les profs et instits n'étaient pas du tout informés ni formés pour gèrer ça, eux aussi comettaient pas mal de maladresses, faut être super solide pour résister à tout ça.

Après, on ne peut pas généraliser, mon parcours n'est pas celui d'un autre, un enfant aveugle de naissance ne réagira pas comme un enfant malvoyant, chaque cas est à prendre de façon individuelle me semble t il.

C'est ce qu'on faisait quand j'étais éduc-spé. Les gamins déficients intellectuels qui pouvaient être intêgrés l'étaient et ceux qui ne le pouvaient pas poursuivaient leur projet, soit en leur donnant plus de temps, soit en en modifiant les objectifs. On ne peut pas prendre un groupe et faire un projet d'intêgration pour un groupe, c'est de l'individuel.

Pour ma part, je me dis que j'ai eu beaucoup de chance d'avoir pu en faire une force de tout ça. Certes ça m'a forgé un caractère que beaucoup n'apprécient pas, mais au moins je suis toujours là malgré tant de nuisances envers ma personne.
Alors quand on a bien cerné à fond la connerie humaine chez les valides et que, quand on arrive auprès des personnes DV et qu'on pense y trouver un peu de solidarité, d'écoute et de conseils... et qu'au lieu de ça on trouve des gens, même si c'est pas une majorité entendons-nous bien, mais ce sont les premiers que j'ai rencontré durant des années, des gens disais-je qui ne pensent qu'à se moquer, qu'à être méchants, qu'à propager eux aussi des rumeurs niveau maternelle, qui ne partagent pas leurs informations, qui vous cassent si vous osez dire que vous n'êtes pas d'accord... je vous assure que ça ne fait pas spécialement envie de s'en sentir solidaire, de penser en faire partie... Combien de fois ai-je plutôt eu envie de fuir cet univers pire que celui des gens qui voient!!!
Faire partie d'une quelconque communauté... euh non, pas vraiment.
Je me sens surtout plutôt genre extra-terrestre, pas comme les voyants mais pas comme les DV non plus, enfin pas dans une certaine forme de mentalité qui attendent tout sur un plateau, qui ne savent pas se tenir correctement en sortie quand ils sont à plusieurs, auxquels rien jamais ne convient... non, surtout pas à ces personnes-là.
Mais il faut de tout pour faire un monde, alors qu'ils tracent donc leur route et moi la mienne, avec juste du respect quand on se croise, c'est tout.

Pour finir, je me dis que votre message ferait beaucoup de peine à une amie, maman d'un petit garçon autiste et qui se bat pour qu'il soit intêgré à mi-temps dans une classe spécialisée sinon le petit devrait rester chez lui sans stimulation adaptée à son handicap et il serait condanné, à long terme, à terminer ses jours en institution psychiatrique...
Ne rien généraliser surtout...

Cordialement.

C.

Pour lire d'autres témoignages, on se reportera utilement aux archives publiques du forum des etats Généraux de la Déficience Visuelle consacrées à l'aspet social du problème.

Rechercher sur google socialegdv, forum Yahoo.

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