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vendredi 25 novembre 2011

Nos doléances, sous bénéfice d'inventaire

Chers amis,

Tout au long de nos échanges, je me suis efforcé d'inventorié nos popositions et doléances.

C'est cet inventaire que je voudrais vous proposer ici.

Pourquoi me permettre de proposer mon inventaire ?

1. Pour que vous le complétiez;

2. Pour aider le modérateur de cette liste, mais oui, je me pique de cette ambition !

3. Pour l'aider en lui accordant toute ma confiance, mais parce qu'il faut en même temps que nous exercions notre vigilance.

4. Pour dresser une liste sur laquelle j'espère que nous aurons un droit de suite, mais aussi un devoir militant.

Voici donc mon inventaire, à compléter par vous, à moins que vous ne préfériez m'opposer le vôtre :

I Revendications sociétales

Parentalité et déficience visuelle :

- Développer des unités semblables à celle de Madame Edith Thoueille de préférence à des recherches sociologiques, la nomenclature des besoins concrets des parents aveugles étant largement recensée et leur compétence à savoir élever leurs enfants étant depuis longtemps mises à jour ;

- Sensibiliser les services sociaux au fait qu’il est infâmant de menacer a priori de retirer ses enfants à des parents aveugles, dont beaucoup font écho qu'ils ont subi cette menace de la part des services sociaux de la maternité ou de la municipalité où ils habitent;

- réinterroger le "dogme" de l'intégration systématique des jeunes enfants dans le tissu scolaire ordinaire,

-laisser coexister les deux modèles: l'enseignement spécialisé et l'intégration scolaire précoce;


Accompagnement et sensibilisation

- accompagner psychologiquement les personnes devenues aveugles ou qui perdent progressivement la vue, se rapprocher d'elles, via les oftalmologues, pour qu'elles bénéficient des informations nécessaires,

- concevoir une vaste campagne nationale d'information et de sensibilisation sur la nécessité de rééduquer spécifiquement toute personne qui perd la vue,

- devenir les acteurs de la sensibilisation médiatique à la déficience visuelle et nos propres conseils en accessibilité, sans mépriser l'ingénérie de ceux qui se sont spécialisés dans ce domaine,

- devenir plus exigeants quant à la formation de nos auxiliaires de vie, de gériâtrie et de nos accompagnateurs dans le transport des personnes à mobilité réduite en général,


II Intégration sociale

Accessibilité

- savoir prioriser nos demandes en matière d'accessibilité,

- Promouvoir l'adaptation des appareils du commerce à notre usage : télécommandes de téléviseur, poste de radio, Iphones, écrans tactiles, téléphones portables, distributeurs de billets de banque, de tickets de train, de métro, ou de bus, orgues électroniques, pianos numériques, synthétiseurs...

- accessibilité du matériel plus encore que des lieux parce que l'intégration sociale passe par le recours à l'aide humaine,


Intégration sociale

- Créer une antenne des Auxiliaires des aveugles dans chaque ville où c’est possible, ou une structure similaire ; trouver des volontaires pour y participer ;

- Faire des établissements scolaires anciennement dédiés aux déficients visuels des antennes naturelles de leur intégration sociale, en partie pour désengorger les MDPH, en partie aussi pour pérenniser leur présence dans le tissu local comme interface de la déficience visuelle avec les partenaires institutionnels,

- donner un statut particulier aux Centres Régionaux de transcription du braille et créer partout des pôles d'accès aux nouvelles technologies ;

- encourager le maillage national de SAVS et de centres médico-sociaux de suivi des personnes déficientes visuelles ;


Intégration par l'emploi

- Réévaluer la pertinence des dispositifs d'aide au retour à l'emploi, les simplifier et les unifier,

- Augmenter les moyens alloués aux ESAT et les rendre attractifs, même à des aveugles ne souffrant d’aucun « handicap associé », voire à des personnes non handicapées, pour développer un modèle d’intégration alternatif horizontal, du milieu ordinaire vers le milieu spécialisé

- (Proposition faisant débat et suscitant une forte opposition, sans doute à retirer) promouvoir le Couplage ou la compatibilité de l’AAH et du RSA, avec astreinte similaire des déficients visuels à effectuer sept heures de travail d’Intérêt général Hebdomadaire pour leur conférer le statut d’ »actifs visiblement employables », dotés d'un poste de travail un tant soit peu adapté,

- développer le statut du travailleur indépendant auprès de l'AGEFIHP pour qu'elle contribue à cet équipement préalable et personnel, transférable dans le futur emploi,

- veiller à ce que des mesures incitatives soient prises, en vue du retour à l'emploi des déficients visuels ne souffrant pas de pathologies cumulées (dépression, schizophrénie par exemple)et s'étant résignés à ne pas exercer d'activité professionnelle, dans la crainte sans doute abusive de travailler à perte;

- donner un statut rémunérateur à la plupart des activités bénévoles des déficients visuels comme des précaires de façon générale;


III Nos revendications en termes de ressource

Philosophiquement,

- En débat, proposition disputée: revenir sur la notion de « situation de handicap", critère indistinct de la compensation de celui-ci, et substituer à cette notion une distinction entre la déficience objective, dont la compensation doit être personnelle, et le handicap (subjectif), dont la diminution est dévolue à la société et d'ordre social, et entraîne des réponses en termes d'accessibilité.

- Proposer cette nouvelle distinction, y compris pour l'établissement du budget de la branche de la sécurité sociale allouée pour partie aux personnes handicapées,

- suggérer des mesures de redéploiement du budget alloué au handicap, moins vers les structures et davantage vers les personnes,

- réfléchir à la situation des personnes souffrant de handicaps cumulés (ALD par exemple),

Plus concrètement

- aller vers des formulaires, lors du renouvellement de nos droits auprès de la MDPH, qui rappellent clairement le droit à la non rétroactivité de l’ACTP ,

- mais aussi militer pour qu'on sorte de l'absurdité du renouvellement systématique des preuves à apporter tous les dix ans de sa cécité, ce qui serait générateur d'économies pour la CPAM, dans les cas où celle-ci est irréversible,

-s'interroger sur les critères d'évaluation de la cécité et de la surdité, avant ou après appareillage prothétique ou/et orthétique;

- faire bénéficier les travailleurs reconnus handicapés commerçants, artisans et libéraux, de la diminution à trente ans de la durée de cotisation donnant droit à la retraite, acquise pour les autres travailleurs handicapés par la loi de 2005;

- Ne pas arrêter le versement des rémunérations pour les étudiants masseurs- kinésithérapeutes aveugles et malvoyants en reconversion professionnelle,

- en débat: ne pas définir le statut financier de l'étudiant aveugle en fonction de son âge, mais lui ouvrir le droit à une bourse d'étudiant, et récompenser son effort d'intégration en le mettant à l'abri du besoin de compléter ses ressources par des "petits boulots" ; le traiter financièrement avec une considération analogue à celle que constitue le tutorat pour son intégration universitaire, avancée récente et fort magnanime;

-ne pas priver de leurs droits à rémunération de formation des personnes ayant perdu la vue et s'engageant dans une reconversion professionnelle.


A présent que voici achevé cet inventaire, qu'il vous appartient de compléter, laissez-moi vous dire qu'il me semble que le handicap offre à la société une chance de se montrer magnanime et humaniste, ces deux adjectifs étant assez synonymes et le second pouvant paraître passé de mode à l'heure où la crise économique a l'air de passer au tamis l'humanisme comme l'ambition pour un pays d'être social.

Or, au-delà des redéploiements qui sont, ici comme ailleurs, considérables, si l'on veut bien se donner la peine d'évaluer les bonnes pratiques et de dévaluer les usines à gaz, qui se sont discréditées et disqualifiées, le handicap, par le simple fait qu'il ne rappportera jamais autant qu'il coûte, si ce n'est que l'enrichissement qu'il peut procurer peut faire fluctuer positivement la qualité des relations humaines, le handicap peut donner une chance à la société de renouer avec le sens de la gratuité.

C'est là au fond son privilège le plus insigne et le plus extravagant : rappeler à la société que l'utilitarisme n'est pas tout, qu'il y a une valeur intrinsèque à la vie humaine, dont gratuit faisant une irruption fatale dans une mécanique fonctionnelle.

Le handicap, qui est dysfonctionnel, est aussi un non sens économique. Il a pour fonction de rappeler à la société qu'elle n'est humaine que si elle est ordonnée au plus faible.

Mais il faut que noblesse oblige ! Il faut que le handicapé soit le premier, non pas à croire qu'il est corvéable à merci à l'enfer de la preuve et du dépassement de soi, non pas qu'il doit être jugé premièrement sur sa réussite, mais sur sa capacité à reconnaître qu'il a besoin des autres et à regarder comme à se rendre accessible à plus malheureux que lui.

Il ne faut pas que son "autonomisme" devienne un "tout-le-mondisme". Il faut qu'il essaie de ne pas céder à prendre son cas pour une généralité, mais qu'il apprivoise au contraire sa singularité ontologique. Il ne faut pas qu'il passe toute sa vie à essayer de rattraper ceux qui courent plus vite que lui. Il faut enfin et surtout qu'il ne renvoie pas à la société par un autonomisme exacerbé le reflet de son propre individualisme social.

Puisqu'il a intégré, pour le meilleur et pour le pire, qu'il a un devoir d'exemplarité, que celle-ci se déploie dans une humanité qui n'ait rien à prouver, mais beaucoup à donner et qui sache écouter beaucoup plus que se montrer.

"Le bonheur est une idée neuve en Europe", disait saint-Just au temps de la révolution. Que la conscience d'être un miroir de la gratuité tendu à la société soit une idée neuve dans le monde du handicap ! Que cette conscience passe dans les psychologies jusqu'à la réhabilitation de la pitié, de cette "pitié naturelle", qui est le premier sentiment de l'homminisation d'après rousseau, non seulement pitié que les autres peuvent avoir de nous, mais que nous aussi pouvons avoir des autres ! Que nous nous rappelions que le contraire d'une société pitoyable, c'est une société impitoyable ! Que nous sachions ne pas nous mmontrer impitoyables, et ces etats généraux n'auront pas manqué leur but : ils nous auront fait avancer, et la société avec nous.

Cordialement, dans une projection vers demain, ses luttes pour nos droits et l'accomplissement de nos devoirs,

Julien weinzaepflen,

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