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mercredi 11 janvier 2012

Méditation sur l'epiphanie

6 janvier 2012





Epiphanie





L’épisode de l’Epiphanie a toujours fait écho en moi. Il m’a toujours invité à de profondes méditations. Que dire aujourd’hui de cette « fête de la Manifestation » où les orthodoxes fêtent la Nativité du Seigneur ?



1. Il y a deux cheminements que font les mages pour comprendre l’événement : l’un est extérieur et l’autre est intérieur.



De l’extérieur, les mages sont constamment conduits de la prévision à la vision et de la science à la contemplation. Ils essaient de calculer un espoir pour le genre humain et ils voient se lever l’étoile d’un « roi des juifs ». Ils suivent cette étoile et ils la perdent. Ils la suivent et elle les lâche. Ils reviennent donc à leur réflexe premier : retrouver ce qu’ils cherchent en convoquant - ou plutôt en se faisant inviter par - les autorités politiques. Ils posent au roitelet en place la question de savoir où est né son successeur dont ils ont vu se lever l’étoiles. Leur question intéresse le potentat du moment qui réunit son conseil. Il les reconvoque pour leur répondre. Ils sortent de chez lui en saisissant dès avant le songe l’incongruité de leur question posée à cette créature du pouvoir. Ils sont obligés de constater le double échec de leur prévisionnisme et de leur prospectivisme, de la magie qu’ils activent et du pouvoir avec lequel ils frayent, de la science et de la politique dépourvues de vision.



Ayant quitté le palais du roi, l’étoile les retrouve, les précède à nouveau. Pas un instant, ils ne se sont demandés pourquoi elle les avait abandonné. Cela leur paraît la trajectoire normale de la vie, quand on est en face de l’énigme : on perd et l’on retrouve ce qu’on cherche, on voit et on ne voit plus la lumière. Ses éclipses s’expliquent à la fois parce que la lumière s’éteint quand on ne sait plus la regarder et parce que la Lumière, cette « lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde », veut se faire désirer. La vie ne requiert pas notre simple participation biologique, la vie demande que notre liberté lui apporte le sceau de notre adhésion, l’assentiment de notre foi.



On peut naître en refusant de vivre. Choisir la vie, c’est apprendre à l’aimer. Subir une éclipse de lumière, c’est recevoir de la Lumière l’avertissement qu’on la désire mal. Devenir sec de l’âme, c’est recevoir, à la surface de son âme immortelle qui ne s’hydrate pas aux sources de son immortalité, que l’on n’aime pas assez la vie. Il faut désirer l’éclaircie.



Les mages savent tout cela. C’est pourquoi ils ne se révoltent pas contre l’éclipse de lumière qui les a obligé à faire un pas de côtévers leurs anciennes habitudes en allant consulter, non pas un mage (ils sontdes mages eux-mêmes), mais un faiseur de plans sur la comète politique.



Les mages n’invectivent pas l’étoile de ne pas leur être restée fidèle tout au long du chemin ; ils ne savent pas si cette infidélité de l’étoile est de son propre mouvement ou ne fait que refléter qu’ils l’ont mal cherchée. Les mages n’invectivent pas l’étoile ; mais quand ils la retrouvent et voient qu’elle se lève à nouveau, « ils éprouvent une très grande joie ». Cette joie a quelque parenté avec celle de la femme qui retrouve la drachme perdue, elle est le commencement de la joie intérieure qui prélude un itinéraire d’intériorité auquel ils ne s’attendaient pas. La joie de vivre est une condition de la joie intérieure, et La joie intérieure est le commencement de la joie parfaite.





2. Cet itinéraire intérieur, le cardinal barbarin, lors des JMJ de cologne,auxquelles le pape allemand a certainement appelé dans cette ville reliquaire des mages pour apprendre à l’eglise à respirer de son poumon orthodoxe, l’a très bien résumé en isolant les six verbes qui se succèdent à toute vitesse dans l’evangile selon Saint-Mathieu, une fois que les mages passent de la quête au but de leur voyage : ils entrent, ils voient, ils adorent (ou se prosternent), ils ouvrent, ils offrent, ils repartent.



Ces six verbes se passent de commentaires, mais ils révèlent tout de même que la première disposition est d’entrer dans la maison :
»Venez et voyez » !

Quelques trente ans plus tard, les premiers disciples de Jean-baptiste, au premier rang desquels Saint-Jean, l’évangéliste, demanderont au seigneur désigné parle baptiste, qui ne se souvenait plus de L’avoir connu d’un tressaillement de son fœtus dans le ventre de sa mère Elisabeth :

« Maître, où demeures-tu » ?

Le Maître leur répond :

« Venez et voyez » !

Saint-Jean ajoutent qu’ils virent et qu’ils demeurèrent avec Lui ce jour-là. Le premier contact avec la Maison du roi ne peut guère durer plus longtemps. C’est à peine l’affaire d’un jour. Mais, quand le Seigneur ressuscitera, Saint-Jean sera le premier des disciples (hommes) à pénétrer dans le tombeau derrière saint-Pierre, et il reprendra la même formule en la personnalisant :

« Il vit et il crut ».



L’adoration tient à la fois d’une capacité du regard à s’immobiliser et du cœur à commander aux genoux de fléchir, quand ce qu’on a vu nous dépasse tellement, que la seule attitude convenable est « la crainte révérencieuse ». Mais la crainte de dieu n’est pas destinée à durer ; ou plus exactement elle n’est pas destinée à se fermer sur elle-même, ni en tant que vertu, la crainte, ni sur son objet qui est dieu : elle est destinée A provoquer, non pas à proprement parler une dilatation (la crainte est en elle-même une dilatation par l’humiliation de l’angoisse dans la piété), mais une « ouverture de cœur » qui n’est plus simplement une disponibilité du regard, mais qui devient une offrande. Je n’offre peut-être pas immédiatement ma vie, mais j’offre quelque chose, et puis s’en va. Je suis dans la course de l’étoile, si je ne suis plus dans la course aux étoiles.



Décidément, quelque chose a changé en moi. Je ne suis plus le même. Celui qui Est le Chemin ne me dit pas par oùrevenir, mais me dit de ne pas rentrer par le même endroit. Mon regard a été transformant. Ou Plus précisément, c’est ce que j’ai vu qui m’a transformé. Celui Qui est le chemin ne me fait pas raccompagner par son Etoile. Il ne me fait pas non plus donner un plan pour retourner autrement d’où je viens. Moins encore, Il ne m’engage tout de suite à Le suivre : comment ferait-Il, Il ne sait pas marcher ! Il ne me commande pas de devenir un autre, mais il m’invite à lutter contre la force de l’habitude, qui aurait tôt fait de me figer, de m’identifier à mes réflexes ou la manière dont je crois avoir trouvé comment marcher dans la vie. Il ne me fait pas changer pour changer, c’est de le voir, de m’ouvrir, de m’offrir qui m’a changé et transformé. C’est de Le voir qui m’a ouvert.


3. Par opposition aux mages qui vivent toutes ces transformations, sont les habitants de Jérusalem qui ne vont pas à bethléem, depuis Hérode qui consulte les scribes à ceux-ci qui ne se demande pas pourquoi on lesfait venir. Aucun d’entre eux ne se déplace. Les habitants de Jérusalem ne vont pas à bethléem parce qu’ils vivent sur un capital de dons qu’ils ne veulent pas se voir spolier par des étrangers. Mais ils vivent sur un capital de dons dont ils ne font rien. Il suffirait de presque rien pour que, de simples bénéficiaires, ils deviennent des adorateurs. Mais ils ont trop peur d’adorer ce qu’ils ont reçu et de ne pas s’adorer à travers ce qu’ils croient leur appartenir. Ils savent que, dans l’état d’esprit où ils sont, s’ils adoraient maintenant, leur adoration serait dérisoire ; elle tournerait en dérision ce qui devrait ne leur inspirer que de « la crainte révérencieuse », la même qui a saisi « les mages venus d’Orient » dont ils ne font que soupçonner l’existence.



Mais, si d’aventure ils devaient constater que quelqu’un d’étranger à leur foi était saint des valeurs qu’eux-mêmes ne font que posséder, mais n’exploitent pas, vous verriez comme, non seulement ils refuseraient de le déclarer saint, mais ils le pourchasseraient. Car ce saint étranger les détrôneraient et ils n’entendent pas se laisser déchoir. C’est précisément parce qu’Hérode ne veut pas se laisser détrôner que, ne voyant pas les mages revenir et comprenant qu’ils ont été avertis sur ses intentions et que donc, il s’est passé quelque chose, il fait procéder au « massacre des innocents ». « Car je t’excommunie, toi qui viens prier sur mon Trésor sans avoir forcé mon coffre-fort et sans avoir l’intention de me dévaliser. Tu te trouves là sans que l’on sache par où tu es entré, et pourtant tu as averti de ta présence. Tu es trop pur, que ça me donne le vertige ! tu ne veux pas assez me nuire, qu’il faut que je te pourchasse avant que ton innocence me gagne ! »

Julien weinzaepflen

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