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dimanche 30 octobre 2011

Le sabre et le goupillon (II), le goupillon...

Du torrentiel:

Croissant de lune,

Que me parles-tu de sabre, à moi qui ne suis que le goupillon ! J'ai l'air de plaisanter, mais vais-je dégoupiller ? Encore une fois, le propos est plus sérieux qu'il n'en a l'air.

Je vais probablement émailler ce message de considérations symboliques, voire de problématiques personnelles, mais le fond n'en conservera pas moins quelque vérité supérieure universelle, comme ce que tu me disais du sabre de rodomont.


Pour commencer, on recherchait naguère, comme tu sais, l'alliance du sabre et du goupillon, de l'armée, gardienne de la nation et de l'eglise, du Trône et de l'autel. Nous avons désavoué cette alliance depuis la révolution, mais le désaveu vient de plus loin.

Il était en germe dès l'amour courtois, où le chevalier combattant devait dégainer son sabre dans de cruels tournois, mais surtout ne pas en faire usage auprès de la dame dont il se déclarait le chevalier servant fidèle inconditionnel. L'amour courtois a renforcé l'enfant de chrétienté dans l'emprunt platonique de la relation amoureuse non consomée, comme le mariage annulé de ne pas l'être. Mais moins il y avait d'amour et plus s'ouvrait le mariage.


Troisième image : la force de samson était dans ses cheveux. Il a suffi d'une nuit où son amour baissait la garde pour que dalila la lui dérobe. Il la recouvrera miraculeusement pour massacrer sans tempérance les Philistins surpris. Lorsque je tombai amoureux pour la première fois, je m'étais mis sous la garde d'une amie très mystique, qui me représenta la fille que j'aimais comme une véritable dalila, qui allait dérober sa force tigniacière au chevelu Samson que j'étais, et allait, non le castrer, mais le décapiter (il était entendu que je n'étais qu'une tête...) de sa faculté d'exercer la fonction de juge ou de prêtre, prêtre sans sabre à dégoupiller, ne disposant que d'un goupillon pour asperger le peuple d'eau bénite.

Asperger pour bénir. Bénir en jetant de l'eau avec mon goupillon. C'est-à-dire, en quelque sorte, devenir un éjaculateur précoce. Un éjaculateur onaniste.


Qu'est-ce que la bénédiction ? C'est la recherche d'une protection dont on prétend disposer au moyen d'un rite. Mais d'un rite auquel il manque en effet l'adjuvant matériel. Il faut avouer que la religion de l'Incarnation se trouve étrangement la plus désincarnée de toutes.


Dernier focus : l'islam qui te structure et vertèbre refuse que Dieu ait une Image de fils. Pour ma part, j'ai un très grand problème avec la filiation. C'est que j'ai été trop fils. Lorsque mon père était gravement malade, ce qui dura deux ans, mes frères et moi essayâmes de gérer ses affaires au mieux. Nous nous croyions obligés par ses ordres à y mettre l'ordre qu'il n'y avait jamais mis et quelque mal que nous nous donnions, nous n'y parvenions pas. Nous avions des déjeuners homériques au cours desquels chacun donnait sa façon d'envisager de sortir du labyrinthe. Nous n'étions jamais d'accord sur rien, l'essentiel étant sauf. J'en vins un jour à dire à mes frères que, si nous étions ainsi, c'était que chacun de nous représentait un tiers de notre père. Je ne me souviens plus si nous en tombâmes d'accord. Je crois plutôt que cette parole glissa sur eux. Mon frère aîné était trop occupé à ressembler à notre père et le cadet, très engagé dans sa psychanalyse, à ne pas lui ressembler, sans du tout être capable d'envisager sa mort physique, contrairement à mon frère aîné et moi, mais en ne voulant pas moins le tuer symboliquement. La preuve en fut qu'il fut le plus acharné à vouloir se défaire au plus vite de l'héritage que notre père nous laissait, au motif que chacun de nous avait sa vie et devait la construire, martelait-il. Voilà comment la filiation avait dégénéré en cette triade ou en cette trinité de frères que nous étions face à notre père.


Quant à la psychanalyse, elle est un retour dépravé de la notion de péché originel, qui peut-être ne pouvait produire qu'une dépravation de ce genre. Il est à noter que Freud croyait en une "dette collective" et s'en rapportait au sentiment qui constituait le tabou dans toutes les observations anthropologiques. Il avait simplement déplacé la raison de cette dette à un parricide, du fratricide en lequel la genèse avait toujours cru en discerner l'origine. Les psychanalystes dans leur ensemble ont complètement oublié la croyance de freud dans le péché originel exprimé sous forme de "dette collective" de la première "horde". Ils n'en ont pas moins assuré la résurgence pratique de cette antique croyance dans l'impossibilité qui fut bientôt celle de l'enfant post-chrétien d'honorer ses parents. Non seulement il cessa de les honorer, mais il se mit à les accuser, et cette accusation devint systématique, et le passage obligé pour que l'enfant grandisse. L'ingratitude fut de règle. Il en résulta une impossibilité à peu près totale de fécondité de la génération qui intériorisa au maximum cette accusation parentale. Cette génération, soit au propre ne sut plus faire des enfants, soit au figuré se trouva démunie de tout savoir relatif à leur éducation et à la transmission en général. Ce retour inversé du péché originel tourrna à l'échec de la filiation.


Mais la filiation telle que nous l'avions conçue était en réalité vouée à l'échec bien avant que le péché originel auquel nous ne croyions plus nous revînt en boomerang. Dans le développement interne et patristique du christianisme, il se produisit ceci : alors que le Christ dans l'evangile n'avait jamais cessé d'affirmer qu'Il etait le fils de l'homme, nous en fîmes le fils de Dieu, non que nous nous trompâmes nécessairement dans l'affirmation doctrinale de cette filiation processionnelle, mais nous tînmes à ajouter ce codiscile que Jésus, fils de dieu, fils de Marie, comme tu dirais, fut "engendré, non pas créé". Là encore, l'affirmation eût pu tenir s'il se fût agi de la contenir à une génération spontanée de l'amour du Père commençant de se projeter ; si, par Fils, on avait entendu le verbe, ce que le Coran exprime très bien du reste, tandis qu'entre le christ-fils et le christ-verbe, il manque un maillon de la chaîne dans la révélation chrétienne, le prologue de Saint-Jean nous affirmant qu'"au commencement était le verbe", ce qui nous prive de toute dimension temporelle propre à asseoir l'idée de génération au sein de la nature divine, tandis que les Evangiles de Saint-Mathieu et de Saint-Luc nous dressent la généalogie de la nature humaine du fils sans qu'il soit question de L'appréhender comme Verbe consubstantiel au Père. Le coran, en récusant cette notion de fils, n'en instaure pas moins une génération puisque Dieu dit :
"sois et le verbe fut".
Au contraire, nous tînmes à préciser que ce que nous entendions par "engendré, non pas créé", ne touchait aucunement la Génération au sein de la nature divine, notion que nous n'allâmes pas explorer, mais regardait uniquement la manière dont l'esprit avait couvert de son ombre la Vierge Marie pour donner naissance au fils.

La religion de l'Incarnation tenait donc, en ce qui concernait le Fils de l'Homme, à faire abstraction des conditions normales de la génération et de la filiation humaines. Il importait à la fois que le Verbe Incarné, fils de l'Homme, ne soit pas le fils d'un homme, et que ce qui regardait Sa génération fût amputé de tout aspect charnel ou sexuel, comme si, dans le sexe, résidait tout le mal, alors qu'on aurait pu tout à fait considérer que Jésus était le Fils de la Vierge Marie, mais d'une façon qui n'absolutisait pas l'abstention de rapports sexuels à la source de la génération, mais qui insistait sur le caractère merveilleux de cette naissance unique en son genre.

Moyennant quoi, la filiation, châtrée de ce qu'elle avait de sexuellement humain et qui devenait ici déprécié, en était réduite à ce que la langue hébraïque faisait du bar, du fils : la cible de son père, la flèche qui devait être lancée dans la direction qui avait été celle de cet archer, d'où l'insistance de Jésus à dire qu'Il ne venait faire que la volonté de son Père, qu'Il n'était, en somme, porteur d'aucun message personnel, mais que, puisque Son Père n'entrevoyait aucune alternative à Sa mort pour sauver le genre humain, Il se rendait à cette sentence, ce que le genre humain retourna au Père de ce frère sacrifié, non pas en Lui portant secours pour que ce sacrifice ne fût pas consommé ni n'advînt (que se serait-il passé si le genre humain avait porté secours au fils de l'homme), mais en retournant ce sacrifice du fils en un meurtre du Père. Voilà où en est arrivée la chrétienté châtrée, dépolitisée, dont la force était dans des cheveux qu'on pouvait couper en quatre, désaffiliée, déshonorant son dieu, se déconstruisant sans même y prendre garde, par un travail sans doute nécessaire de purification, non plus de ses sens, mais de sa Foi.


Ce risque de blasphème que je prends, à te dire tout cela, fait partie à mon sens, de cette purification nécessaire de la Foi, en même temps qu'elle s'inscrit dans ma "lutte (personnelle) avec l'ange", dans cette relation à dieu qui n'est nullement de soumission, mais de combat, où le même qui débite ces insanités se fait voleur de la bénédiction de son père et a besoin, pour la voler, de la protection de sa mère, Rebeca, qui couvre ce dol fait à ce père aveugle.

Est-ce à dire que, toi qui offres ta protection au juge échevelé que je suis ou à la france que je prétends représenter, tandis que je voudrais t'offrir ma bénédiction par le goupillon de mon enseignement de l'universel désincarné, je vais répondre favorablement à ton offre ? J'aurais pourtant besoin, sous ta protection, de faire prendre une cure de virilité à ma foi en phase de purification. Est-ce à dire à l'inverse que toi, tu te sentiras le moins du monde redevable de recevoir la bénédiction de quelqu'un comme moi qui te semblera ne tenir que des propos jaculatoires ? La vérité est que nous ne sommes, ni toi, ni moi, prêts à consentir que j'ai besoin de ta protection et que tu as besoin de ma bénédiction. Je crois en la force qui est dans mes cheveux et tu crois qu'est suffisant l'enseignement contenu dans ta loi. Plus exactement, tu crois qu'une loi suffit à être le tout d'une sagesse. Je crois, moi, que la sagesse n'est rien sans l'érection de la liberté comme valeur cardinale. La liberté de l'esprit qui ne se peut rendre à la loi qu'une fois qu'il aura retrouvé sa liberté de corps au terme de la réincarnation de la religion de l'Incarnation, de la religion qui assume au plus haut point le paradigme de l'Incarnation.

Que nous n'y soyons pas prêts n'empêche pas que, si nous ne devenions conscients que de cela, nous nous préparions à faire cause commune, ou du moins à assurer une coexistence plus harmonieuse entre nous.

"Je ne te lâcherai pas que tu ne m'aies bénni", dit Jacob à l'ange de dieu.
Jacob se mue actuellement dans la peau d'Ismael, qui s'est toujours senti le maudit, l'errant du monde, le "mis à part" de ses frères, au point de préférer détruire le monde que le monde refuse de le reconnaître (souviens-toi que j'emprunte ces propos à l'un de tes messages antérieurs).

Si je te réponds que je te bénis, tu me répartis que cela ne me coûte rien, étant doné que ma bénédiction n'est que jaculatoire, l'agitation d'un goupillon sans sabre. Et d'ajouter :
"Je ne recevrai ta bénédiction que si tu acceptes ma protection."
Sachant bien que je ne suis pas protégé pour avoir le pouvoir de bénir, je te rétorque cependant que je ne veux pas être protégé, car je crains que par là, tu ne veuilles me soumettre.

"Je ne te bénirai que si tu renonces à me soumettre", te dis-je, sans tout à fait décliner ton offre de protection.
C'est ce que, pour l'instant, je ne sais si tu veux m'accorder.

Convenons de ne pas nous soumettre, même par retour de bâton ou de houlette. Tu me vois sans houeltte, moi qui t'ai soumis, et tu me vois, qui refuse de me soumettre. Sois plus grand que moi : accepte de ne pas rendre le mal pour le mal, et ne veuille pas me soumettre, dépasse-toi en ayant la satisfaction de m'avoir dépassé. Dépasse-toi en faisant en sorte que nous entrions dans un rapport de réciprocité, et je te rendrai tout ce que tu voudras, dans ma bénédiction jaculatoire et enseignante, autant que la justice le permettra.

Ton torrentiel ayant le pouvoir de bénir dont le pouvoir des clefs salue son protecteur éventuel, auquel il propose les clauses négociables d'un pacte de bonne intelligence, sans allégeance mutuelle inconditionnelle

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