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jeudi 6 octobre 2011

Intervention d'un tiers arbitre, ancien professeur de lettres, musulman et kabyle d'origine

"je n'interviens que sur quatre points. C'est, de ma part, plus une réaction à chaque fois qu'une réponse:

1. J'ai écouté cette émission "Répliques" et j'ai plus appris par l'analyse ou compte-rendu de Julien que par l'écoute directe, distraite à vrai dire car je m'occupais en même temps de mes messages.

Savoir si ce crime fut strictement commis par antisémitisme (donc haine raciale) me paraît indécidable. Quand on décide, c'est seulement pour servir (dans les deux sens du mot: servir sur un plateau et être au service d'une cause) une thèse. Il y a du racisme (qui est une haine), le phénomène de bande (où il y a le mythe du chef auquel obéir, où il faut accomplir un acte grave pour être admis [livre "Suzanne" de Jean-François Deniau], rivalité, émulation, ennui [un roi sans divertissement" de Giono, Baudelaire "au lecteur", sorte de préface aux Fleurs du Mal"], drogue, misère, religion fanatique [il me semble que revenait souvent dans l'émission "je vais me faire un juif"]. (NDLR, DU TORRENTIEL/ "Ceci est inexact).

J'avoue que je me rappelais vaguement ce meurtre, mais que j'avais davantage retenu le jeune juif qui s'est fait tabasser dans le XIXème arrondissement. Je crois que cette grave agression correspondait à l'intervention sanglante israélienne dans les territoires occupés.

Là, je pense qu'il y a un lien. "Je vais me faire un Juif" relèverait du sacrifice à faire pour plaire à Dieu. C'est horrible en soi et horrible à dire. Peut-être est-ce au niveau de l'inconscient. ça me fait frémir. Je ne voudrais pas mourir sans avoir vu et vécu l'éradication du fléau drogue car pour de la drogue, on "tuerait père et mère" comme on dit.

2. Croissant de lune, je suis quelque peu gêné qu'à l'encontre des Evangélistes tu imputes tant "l'argent et les femmes". Je dis simplement mon sentiment; toi, tu as sans doute suffisamment de données pour en faire un argument.

3. Un jour, vers 93, je disais à des amis (chers alors) que j'étais la banlieue de leur famille. Pour moi, c'était un compliment car la banlieue n'est pas la ville principale qu'elle entoure, mais son extension, sa voisine. Eux l'ont mal pris, trouvant que c'était péjoratif. Je regrette donc que le mot "banlieue" signifie maintenant population rejetée, misérable, méprisée, crainte, etc.
Il y a à cela des facteurs socio-économiques qui jouent pour entraîner ce sentiment, mais comme j'aime la psychologie et y crois (à ses explications, ses éclairages), on peut dire aussi que le sentiment d'être abandonné, d'échouer toujours, la perte de tout espoir, entraînent l'ennui, la résignation, d'où l'appauvrissement, le déclin de la cité et la révolte est un sursaut pour s'en sortir, malheureusement en accusant parfois à tort et à travers.

Un jour, je dirai mon mot sur l'échec scolaire, la violence à l'école, la tarte à la crème de "l'inégalité des chances". L'école n'est que le reflet, le produit de la société: une société malade (je le crois) ne peut qu'engendrer une école malade et pourtant, ô paradoxe, l'école a pour mission (explicitement ou implicitement) de donner les fruits en vue d'une bonne société. On demande tout et son contraire à l'école.


4. "le musulman qui se convertit au christianisme est rarement bien vu dans sa famille". En 73, je suis retourné à mon bled (Ayaten = les criards, d'où mes cris); retour aux sources après 18 ans... Comme le veut la tradition, beaucoup du village sont venus me voir (politesse et, sans doute aussi, curiosité). Je disais en toute simplicité que j'avais pris la nationalité française. Une fois entre nous, mon deuxième frère aîné (celui qui est mort le 17 août dernier) m'a dit:

"nous, on le sait que tu as pris la nationalité française et on l'admet; mais ne le dis pas aux étrangers à la famille".

Alors m'est venu à l'esprit qu'en kabyle "se faire naturaliser" et "trahir" étaient le même mot: on retient surtout "trahir".

De fil en aiguille, je suis amené à raconter qu'à l'aéroport d'Alger, alors que mes compagnons français (nous voyagions par Nouvelles Frontières) passaient comme une fleur, moi, on me retient, fait passer dans un bureau pour m'interroger:
"depuis quand vivez-vous en France?
- 1954.
- Quand la naturalisation?
- 6 juin 1963.
- Et pourquoi?
- J'avais 19 ans. Je ne pensais pas qu'aveugle, je pouvais faire quelque chose en Algérie, parce que je ne voyais d'avenir qu'en France."

Et on m'a laissé passer. Je n'ai compris seulement qu'après qu'existait une liste noire des Harkis.

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