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samedi 19 mars 2011

Le sens de la mortalité

L'usure est la corrosion de la matière. La matière part en rouille. Elle finit en fines lamelles qui retournent à l'énergie. La mort, c'est le retour à l'énergie. La corruption, c'est l'atomisation à travers l'agonie de la rouille qui laisse les objets raccornis cependant que des ongles continuent de pousser aux cadavres. La mort est onguleuse parce qu'elle est anguleuse. Les arêtes marquées de ses coins signifient qu'il est difficile de s'arrêter d'habiter la forme, même empesée, que l'on a connue. La mort, c'est l'inconnu. La corruption, c'est l'éventation des particules élémentaires. L'atomisation, c'est le retour aux mouvements rotatif et nucléaires auxquels il ne manque que d’avoir été continu ou d’être spontanés. Le vent, c'est le marchand de sable qui en pulvérise des grains dans les yeux jusqu'à l'énucléation. La pulvérisation des yeux, c'est le refus de l'assoupissement. L'assoupissement, c'est l'inassouvissement du rêve de toujours vivre souplement. La mort, c'est la rétention du sommeil par la peur du silence et de l'inconnu. L'agonie, c'est le raidissement jusqu'à la calcification d'un corps qui bougeait pesamment, pour que ce qui peut se minéraliser aille se recomposer plaisamment dans les sables mouvants du limon, tandis que la toile de gaze de ce qui peut se détacher sans souffrance a vacance d'aller plus avant que la musique là où on ne l'entend pas (la musique est sous-entendue…) partout où l'air ne manque pas pour faire un matelas pneumatique à l'atmosphère afin qu'elle puisse songer sur sa couche à la génération spontanée des moustics et des oiseaux qu'on ne voit jamais boire et qu'on trouve si rarement morts). Ce qui se décompose sent. La fétidité de l'olfaction, c'est la matière qui se pleure de ne pas savoir si elle va avoir une couche où reposer, ni à quoi elle va naître. L'eau n'a pas de goût et l'air n'a pas d'odeur pour être des avant-goûts, non de l'égoût de la matière qui se dégoûte, mais de la sérénité de l'énergie qui a perdu le goût de diriger à raison qu'elle est plus ductile et plus subtile. Le goût et l'odeur ont peur de la vision : le regard est le courant télépathique de la Création, tandis que le goût et l'olfaction sont de la censitivité pure, qui vont sans s'inquiéter du sens, avides seulement de la sensation et des frémissements d'explication qu'elle instille par les éclats de présence dont cette éprouvée se prouve aux réprouvés, qui n'ont plus de religion que celle de la Présence, sensationnel empirisme. « La lumière évolue à peu près dans les formes » (Michel Houellbecq) La lumière est de l'énergie qui se dirige et se dissipe, l'air et l'eau sont de l'énergie dirigée sans dissipation. En réalité, la lumière n'est que de la vitesse prise pour autre chose que de la direction réflective. Donc la lumière n’existe pas. La lumière n’existe pas, mais dieu Est. La vitesse rayonne de ne pouvoir être tenue en laisse. Le regard envie la lumière parce qu'il rêve comme la liberté de ne plus avoir de liens. Au contraire, l'air va sans énervement. L'air est sans névrose parce qu'il n'a rien à fixer : il n'a qu'à se laisser porter et n'est pas soumis aux conductions compulsives de l'électricité, tantôt statique, tantôt frénétique, dans sa course survoltée. La lumière est de l'énergie qui se dirige tandis que l'air et l'eau fourmillent de résonnances. L'eau reçoit le chant des ondines et l'air entend les plaintes du fil de l'eau comme les appels de la montagne. L'air et l'eau sont toujours prêts à répondre comme le regard à se fixer, possessif parce que possédé. Aussi l'impide est l'eau qu'elle est rapide dans la fluidité de l'air. Le regard est à l'agonie tandis que rien ne paraît avoir le pouvoir de troubler l'automatisme spontané de la respiration. La respiration est un automatisme à couper le souffle. Mais c'est l'électricité qui coupe, le regard qui est coupant, la lumière qui est coupée, quand elle n’est pas éblouissante, pas comme ce qui est là au naturel comme l'air et l'eau, en énergie non commandée. L'agonie est de la matière qui ne veut pas se perdre et de l'énergie qui veut se diriger, tandis que ce qui est déjà perdu n'a pas besoin de se diriger et que ce qui est déjà dirigé à la manière de l'air et de l'eau a perdu le sens du commandement. La rouille qui suit la corruption n'est que l'expression d'une résistance à ce que parte en lamelles de la matière libérée. Ce qui raidit la mort est qu'elle est résistance. La mort est réactionnaire tandis que la vie ne subit pas d'être agie. Ce quie est en proie à l'agonie ou au combat quotidien de la vie et de la mort sait moins réagir qu'il n'est agité. L'usure est un retour corrosif à l'énergie.



Julien weinzaepflen

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