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vendredi 28 février 2020

La nouvelle culture générale ou la transformation de l'honnête homme

Réaction au billet un peu alarmiste de Philippe Bilger sur "l'inculture générale", que l'on peut lire ici:

L'inculture générale : une plaie française

philippebilger.com

Cher Philippe,

J'ai toujours déploré les quelques conversations que j'ai eues avec des professeurs d'université se plaignant devant moi du niveau d'inculture crasse qu'ils constataient chez leurs étudiants, non que cette baisse du niveau ne soit réelle, mais elle est la conséquence d'un enseignement qui fait plus de la prévention contre les conduites à risques et contre la pensée incorrecte qu'il ne dispense des savoirs bien ordonnés. Et se repaître de l'idée qu'on enseigne à des ignares n'intéresse guère ceux-ci à l'enseignement qu'on se prépare à leur dispenser. Avec ce guillemic des professeurs d'université de prendre un malin plaisir de poser à leurs étudiants des questions dont ils savent très bien qu'ils ne connaissent pas la réponse: "Vous savez évidemment ce qu'a dit Stendhal à propos de son grand-père dans"La vie d'Henri brulard. -La vie de qui?", se demandent les étudiants confus en se regardant perplexes et en écarquillant des yeux pleins de honte sur le professeur triomphhant.

Vous pratiquez la bone approche dans votre Institut de la parole si vous proposez à ceux que vous formez de se poser tous les problèmes que charrie une citation que vous leur soumettez. Mais dans le second cycle du secondaire, les professeurs de français ne pratiquent pas ainsi. Les programmes scolaires leur font obligation de demander à des élèves qui n'ont pas le goût de lire de se poser en critiques littéraires ou d'écrire des essais littéraires en se positionnant dans des débats sur la littérature qui les dépassent de cent coudées. Les sujets d'invention rattrapent un peu ce mauvais pli, par lequel non seulement on ne leur donne pas envie de lire, mais on les en dégoûte.

Emmanuel Macron a remporté le concours de culture générale. On ne voit pas que cela lui ait donné une pensée générale, même si ça lui permet d'empiler les poncifes et de maîtriser ses dossiers en ce sens qu'il sait tout ce que l'on écrit d'un sujet, mais il le compile mal etdit qu'il va tout faire, sans jamais hiérarchiser les strates de son sempiternel "en même temps", dont il finit par s'amuser lui-même, et sans davantage indiquer les priorités de son action.

Montaigne savait ses auteurs latins par cœur, ce qui ne l'empêchait pas de puiser dans sa bibliothèque pour dicter en citant. Aujourd'hui, on ne sait plus guère des auteurs latins et ggrecs que l'argument de leurs œuvres principales et les racines des mots qu'ils emploient. Est-ce une perte? On revient à la racine pour former à partir des étymons une pensée exprimée dans des phrases françaises. Revenir à la racine, n'est-ce pas revenir au radical?

"Les livres nouveaux nous empêchent de lire les anciens", regrettait Jean d'Ormesson. Oui, bien sûr, mais la réciproque est vraie.

"L'honnête homme" de Montaigne a été. L'honnête homme d'aujourd'hui est celui qui sait cliquer d'une discipline à l'autre, sauter d'une idée à l'autre, comme Michel Onfray qui dresse d'excellentes panoramiques. C'est l'homme hypertextuel. L'interdisciplinarité est le mot qui désigne l'honnête homme d'aujourd'hui. C'est un mot barbare et qui tire en longueur. Il annonce une cuistrerie jargonnante regrettable sans préjudice de compétence.

Les enfants d'aujourd'hui ont moins d'orthographe et de grammaire que ceux d'hier. Ils écrivent moins bien, mais ils parlent mieux. Et ils sont loin de penser plus mal. Ils vont tout de suite à l'essentiel, droit au but. L'information dont ils sont gargarisés par le commérage de l'actualité y est pour beaucoup, et peut-être aussi l'épidémie d'hyper-activité qui frape les nouvelles générations et qui peut être un signe d'intelligence et de précocité. D'aucuns ont parlé d'enfants indigos. Pourquoi pas?

Je ne sais pas si la culture générale favorise une pensée générale. Compte beaucoup plus pour moi l'originalité de la pensée. Quand, très jeune, j'ai commencé à écrire,je pensais qu'on écrivait mieux si on avait moins lu. Je ne me rendais pas compte que ce que j'écrivais pastichait maladroitement Pagnol ou Molière, que j'aimais bien (je les aime encore aujourd'hui), pour une pièce de théâtre et un petit roman que j'avais écrits.

En sixième, notre manuel de grammaire, rédigé entre autres par Henri Mitterand avec un "R", comportait cette question: "Les livres que j'aurais voulus écrire". Je me disais: "Les miens". J'étais comme le Brel des "Bourgeois" étant déjà aussi saoul que lui-même, tandis que son ami Jojo se prenait pour Casanova. Étudiant en lettres, je révisais mon jugement et me disais que tout de même, j'aurais bien aimé écrire "Les souffrances du jeune Werther", si l'ouvrage ne s'était pas terminé par le suicide du héros.

Le premier jour où je pénétrai à la Sorbonne pour y assister à mon premier cours, le 22 octobre 1990, je me souviens d'avoir éprouvé du dépit et de m'être dit: "Ce n'est pas possible, on pratique ici le culte des grands morts. Or moi qui suis chrétien, je pratique le culte de Dieu, et je suis tributaire d'un Evangile où il est écrit: "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame Ta louange, car ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout petits." Comment vais-je me débrouiller avec cela?"

D'autant que s'ajoutait à ma méfiance pour la patrimonialisation d'auteurs choisis pour être des phares de notre civilisation, l'impression qui ne m'a jamais quitté que, si la sélection naturelle à laquelle je ne crois pas relève de l'adaptation, la sélection culturelle relevait de l'arbitraire.

Qui sait, si je m'étais adapté, j'aurais peut-être été sélectionné. Mon père me conseillait de préparer "Normal sup". Je lui rétorquais que je ne voulais pas devenir un bourgeois. "N'importe, tu apprendras à travailler et tu t'y feras uncarnet d'adresses qui te servira dès que tu auras écrit quelque chose." Je voulais devenir prêtre, j'estimais ne pas avoir besoin de carnet d'adresses. Finalement je ne suis pas devenu prêtre et je n'ai pas de carnet d'adresses, "mon père avait raison" comme en convenait Sacha Guitry dans une pièce où j'ai vu s'affronter les Brasseur père et fils, Claude et Alexandre, il y a une dizaine d'années, était-ce au théâtre Édouard VII ou à la Comédie française? Je ne sais plus.

dimanche 23 février 2020

Gribouille à fessenheim

Mardi dernier, Gribouille est venu à Mulhouse pour expliquer à une cité qui ne l'intéresse pas qu'elle est fâcheusementgangrennée par "le séparatisme islamist". Il ne faut pas que la République de Gribouille abandonne la cité qui menace sécession. La République ne sera pas aux abonnés absents, promet Gribouille. Mais gribouille fait aussi de la politique. Le lendemain de sa visite de la cité qui va craquer, il signe un décret qui décide la fermeture de la centrale de Fessenheim promise depuis des années par un caprice de Hollande en peine de promesses à faire et de vision programmatique. Ça va faire perdre des emplois dans le bassin de la cité qui menace guerre civile entre les autonomistes alsaciens de "Unser Land" et les partisans du dar-el-islam. Le musée de l'auto est en danger. Or voilà que "le palmipède" nous apprend que la centrale de Fesssenheim exportait vers l'Allemagne l'essentiel de sa productiion d'électricité décarbonée. Pour compenser, l'Allemagne devra s'alimenter auprès d'une centrale à charbon qui s'ouvre dans la Ruhr. Gribouille est très écolo. L'écologie sera le maître mot de l'acte II du quinquennat de Gribouille. Vive lui!

samedi 22 février 2020

Affaire Jean Vanier, scandale dans une Eglise qui fait l'ange

Selon moi, ce scandale révèle, frappe et interroge une Église qui fait l'ange. Et comme on sait, "qui veut faire l'ange fait la bête". -Jean vanier faisait l'ange, en faisant unilatéralement l'éloge de la faiblesse, de la fragilité et de la vulnérabilité. J'ai toujours suspecté que cet éloge contenait une possible manipulation des personnes faibles, vulnérables et fragiles. Car on doit rréparer ce qui est fragile plutôt que de le couver du regard. Je me suis toujours demandé ce que cachait ce discours, et je ne ferai pas la bête en me laissant aller à dire que maintenant, on a la réponse, car la réponse se trouve dans la complexité humaine et le clivage d'un homme qui, pour avoir été un abuseur, croyait peut-être sincèrement, comme le Père Thomas Philippe, y compris dans les raisons qu'il alléguait de ses abus, raisons qu'il ne pouvait communiquer à ses frères et sœurs de communauté dès lors que la tempête sur les abus sexuels dans l'Eglise avait éclaté, déjà sous Benoît XVI. -Anne-Marie Pelletier elle-même a tendance à faire l'ange, quand elle présente dans une même phrase le visage du Christ travesti par les traits grimaçants du mensonge, que lui donnent ceux qui se sont recouverts de Son Nom pour prendre du plaisir, sous de fallacieux prétextes mystiques, et qu'elle contemple aussitôt après "le Christ qui pleure sur les vies fracassées". Elle semble se réfugier dans ce lieu commun contemplatif. Or il faut d'abord se livrer corps et âme,coeur et chair, chair et esprit, à la contemplation inouïe du Christ travesti par les péchés de l'Eglise. -Nous aussi faisons les anges quand nous croyons que les abuseurs, c'est les autres, qu'ils sont extérieurs à notre spectre émotionnel et à notre manière de réagir, à nos ambivalences,à nos déviances. -Nous ferions les anges si nous ne reconnaissions pas que les communautés nouvelles ont décidément eu un fonctionnement principiellement sectaire,sous le joug de gourous dotés d'une emprise exorbitante, "accompagnant des milliers de personnes sans avoir [eux-mêmes] d'accompagnateur particulier", un invariant anthropologique du fonctionnement des sectes voulant que le sommet de la jouissance de l'aura du gourou se trouve dans la consommation de chair fraîche, dans l'abus sexuel, qui entraîne un clivage d'autant plus féroce chez le gourou ecclésial que sa sexualité est censée être inactive et en sommeil. L'Eglise interdit toute activité sexuelle à ses ministres, ses clercs et ses consacrés, qui font les anges en répondant qu'il n'y a pas de sexualité que génitale. Pirouette! L'appareil génital est le siège de la sexualité. -Mais l'Eglise des anti-sectaires, des anticléricaux inclusifs des laïcs, des progressistes, fai l'ange elle aussi quand non seulement elle croit que les abus sexuels, c'est les sectes, mais quand elle se réfugie dans le concept abscons de "cléricalisme", concept qui fait système comme celui de "modernisme" au début du siècle dernier, concept imaginé pour noyer le poisson, pour convaincre que tout est un problème de pouvoir dans l'Eglise, tout en revendiquant plus de pouvoir pour les laïcs, car eux-mêmes n'aimeraient pas le pouvoir, pouvoir que le pape refuse aux femmes et aux laïcs sous prétexte de ne pas les cléricaliser. Le piège conceptuel se referme sur les candides qui avaient cru y trouver un levier d'émancipation. Tout le monde aime le pouvoir, il y a du pouvoir partout, mais je crains que dans l'Eglise, du fait de la crise d'identité spirituelle qui cherche une redéfinition des fonctions que l'on croit prioritaire et salutaire, mais plus encore du fait de la crise d'identité théologique qui interroge tout le contenu de la foi et le relativise presque entièrement sous prétexte de le définir à nouveaux frais, la confusion ne soit telle qu'il n'y a plus que du pouvoir dans l'Eglise, et donc potentiellement que des abus de pouvoir. Nous ferions les anges si nous n'affrontions pas l'état où nous laissent ces questions. -Benoît XVI a fait l'ange -ou a manqué de laisser l'Eglise se faire harakiri- en mettant tellement l'accent sur le scandale de la pédophilie dans l'Eglise que cela a induit qu'il n'y avait plus que de la pédophilie dans l'Eglise, et que chacun s'est cru fondé à rejeter l'Eglise, enfant de Dieu, dans les égouts où doivent être rejetés non pas les abuseurs, vivants ou morts, dans d'impitoyables chasses à l'homme, mais les abus. -Nous faisons enfin les anges quand nous croyons nous soulalger d'un exclamatif : "Plus jamais ça !". Nous faisons les anges quand nous poursuivons les abus du passé sans tracer les dérives du présent. Et nous ferions les anges si nous croyions pouvoir faire l'économie d'une mise en cause, entre autres, de la discipline du célibat sacerdotal, source, non seulement de bien des hypocrisies et des doubles vies, mais d'abus sexuels d'entre 7 et 11 % des clercs selon les pays, si j'ai bien en mémoire les chiffres donnés par Marie-Jo Thiel.

jeudi 20 février 2020

Les paradoxes de Michel Onfray

Analyse de l'entretien qu'il a donné à PHilippe Bilger sur "Fréquence protestante" et disponible sur son blog à l'adresse:

https://www.philippebilger.com/blog/2020/02/entretien-avec-michel-onfray-fr%C3%A9quence-protestante-du-20-f%C3%A9vrier-2020.html

Michel Onfray attend qu'on le démente et ce "toutologue" déployant une puissance de travail hors du commun reconnaît pouvoir deci, delà, se laisser aller à quelques approximations (« qui n’en fait pas ? Plus on travaille, plus on en fait »). C'est pour le moins compréhensible en effet, quand on entreprend d'écrire seul une "Brève encyclopédie du monde" ou une "Contre-histoire de la philosophie", fresques hugoliennes dans leur ampleur, même si Onfray ne prétend pas avoir écrit une "œuvre" de l’ampleur de Victor Hugo (quoiqu’elle brasse tous les genres, y compris la poésie, tient-il à préciser), et se montre en cela modeste et lucide sur la portée de son travail.

Je ne connais pas la moitié des sujets abordés, certains pourraient dire effleurés par Onfray. Mais je passe pour ou je me persuade que je suis un peu chrétien. Un universitaire, Jean-Marie Salamito, s'est lancé dans une campagne d'éreintement du philosophe panoramique, que j'ai trouvée ridicule. Salamito, largement relayé dans la cathosphère, se vantait de n'avoir lu d'Onfray que les passages relatifs à la non historicité du personnage de Jésus, qui n'existerait (mais n'en existerait pas moins selon Onfray) que comme un personnage conceptuel, dont la figure reprend les caractéristiques messianiques décrites dans le pentateuque (il aurait pu ajouter dans les prophètes" comme le prouve assez Pascal dans son "Apologie"). Les arguments qu'invoquait Salamito pour réfuter Onfray étaient tous de seconde main. Et pour cause. On ne possède pas les minutes du procès de Jésus ni des tablettes reprenant son enseignement saisi sur le vif par ses non scribes-apôtres-étudiants-disciples, comme Claude tresmontant suppose que ces notes ont été la base d'une première version hébraïque des evangiles. Tout ce qu'on sait de Jésus, on le sait de réputation, à partir de textes, sinon écrits beaucoup plus tard, du moins dont les originaux qu'on a retrouvés sont très tardifs. Antécédentes aux Évangiles, enseignements de Jésus qu'on n'a jamais cessé de devoir canoniser, jusqu'aujourd'hui où les exégètes croient avoirl'autorité de séparer les vraies "logia" ou paroles de Jésus de celles qui lui ont été prêtées, sont les attestations sur les chrétiens de Pline le jeune ou sur Jésus de Flavius Josèphe, lesquelles datent du Ier siècle, comme la première lettre patristique extérieur aux canons apostoliques. Salamito croyait donc pouvoir attester, contre Onfray qu'il avait à peine lu, de l’existence historique de Jésus en alléguant les témoignages d'une littérature secondaire. Si c'est ainsi qu'on réfute à l'Université, ilvaut mieux ne pas en être, même si on y perd du prestige aux yeux de Patrice charoulet.

Mais surtout, les chrétiens manquent d'une position rabbinique du problème de l'existence de Jésus. Beaucoup de rabbins disent qu'ils ne savent pas répondre à la question de l'existence de Dieu et BHL notait dans une de ses dernières chroniques du "Point" que la question de Dieu apparaît chez Maimonide bien après qu'ont été traitées des questions comme la vérité. Dieu est le transcendant fondamental, mais ce n'est pas le transcendant primordial. Excepté quant à son Incarnation, ce qui ne constitue certes pas une exception mineure, l'existence de Jésus n'est pas amoindrie si elle n'est pas historique. Jésus peut être né du besoin que son peuple avait de Lui sans qu'il y ait déperdition de Son être. Au contraire, l'Incarnation de Jésus dans un destin historique limité conceptuellement pourrait gagner en relation réciproque si cette Incarnation a été appelée et comme "priée" par des créatures faisant retour au Créateur et Le suppliant de leur revenir à la façon d'un egregor, mot du vocabulaire maçonnique qu'Onfray ne cite pas pour appuyer l'existence conceptuelle de Jésus, en quoi il manque un pas mystique comme le dit Aliocha.

Hérésie que cette hypothèse? Assurément, mais faut-il avoir peur des hérésies dans une eglise dont le pape dit ne plus avoir peur des chismes? Mon ami l'abbé guillaume de tanoüarn aime à répéter après Pascal que l'hérésie n'est pas la négation de la vérité, mais l'oubli de la vérité contraire. J'ai bien peur en l'occurrence que, dans une Eglise qui a fini par séparer le Jésus de l'histoire du christ de la foi bien qu'elle se le soit formellement interdit pendant la crise moderniste sur laquelle vient de paraître un ouvrage, l'oubli de la vérité contraire soit celui de l'existence de Jésus générée, engendrée par les créatures par une sorte de retour de création, au profit de la seule existence d'un Jésus de l’histoire (existence avancée au détour d’une perte de foi) aux contours indéfinis et que l'exégèse s'arroge l'autorité de définir en séparant le vrai du faux ou l’ivraie et le bon grain bien avant la moisson.

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J'aime encore le paradoxe économique et le paradoxe géopolitique de Michel Onfray, que vous mettez en exergue, cher Philippe, à travers une question qui lui permet de l'énoncer: "Vous ne dénoncez pas le capitalisme, vous n’êtes pas défavorable à l’Etat et vous ne voulez pas qu’on porte atteinte au droit de propriété, mais vous dénoncez le libéralisme et êtes attaché à un capitalisme libertaire." "Le capitalisme existe depuis que l'homme est l'homme, vous répond-il, il n'y a que Marx pour croire que la chose capitaliste, parce qu'il a créé le mot, devrait mourir avec lui." Onfray n'est pas marxiste, c'est courageux dans le PIF (paysage intellectuel français). "Le capitalisme permet de produire des choses précieuses à partir de la rareté. Le problème n'est pas la production de richesse", surtout si l'on reconnaît que la frugalité est au principe de cette production, "mais leur répartition."

"Sur tout cela, qu'il y ait la liberté,ajoute Onfray. "Utopie?", lui demandez-vous. "Oui et non. Oui parce que le capitalisme libertaire n'a jamais eu lieu, et non parce qu'il est de l'ordre des propositions rationnelles et des choses instaurables, même si ce n'est pas en totalité."

-Je comprends d’autant plus le paradoxe géopolitique de Michel Onfray qu’il est à peu près le mien. Selon lui comme je l’ai immédiatement ressenti au partir de la crise, le monde a basculé lors de la première guerre du golfe, deux ans à peine après que la chute dumur de berlin a pu nous faire croire que nous étions débarassés du communisme et mûrs pour la « paix perpétuelle » et la « fin de l’histoire ». Le terrorisme islamiste nous fait récolter nationalement ce que nous semons internationalement, cingle-t-il dans un tweet rageur. BHL traita Chevènement de « sadamite » parce qu’il s’opposait à ce premier traumatisme international du monde reconfiguré d’après la chute du communisme et d’après la Seconde guerre mondiale. C’était suggérer au passage que les « sodomites » étaient des salauds, ce qui frisel’homophobie. Est-on sûr que le régime de Sadam Hussein était plus sanguinaire que ceux qui l’ont suivi ? La première guerre du golfe nous a fait entrer dans le monde pré-huntingtonien du « Choc des civilisations ». Et nous y sommes entrés par « islamophilie », conclut Onfray, « le soleil d’Allah [aveuglant] l’Occident », aurait dit le général galois, sans nous rendre compte que des Etats laïcs étaient préférables en pays d’islam que le totalitarisme islamiques et théocratiques de l’Iran, des émirats, de l’Arabie sahoudite et aujourd’hui de la Turquie d’Erdogan. Il valait mieux soutenir le shah d’Iran malgré la Savak, Sadam Hussein malgré le gazage des Kurdes ou Mouammar Khadafi malgré sa folie sous l’emprise des psychotropes, que de laisser prospérer des totalitarismes à l’état pur et des théocraties complètes, bannissant toute erreur humaine.

Onfray va trop loin et se permet ce qu’il ne devrait pas, quand il se propose de « penser » et réformer l’islam de l’extérieur. Ce n’est pas son affaire. Mais il a raison de reprendre avec Houellebecq le mot de « soumission », qui fait un réflexe au parquet d’instruire contre Mila, « jeune fille pas très élaborée », commente Onfray, et de nous poser en athées de l’islam, le respect des musulmans commandant que nous ne fassions pas la guerre aux pays musulmans, Onfray réprime toute violence, sinon la violence verbale, « car dans la colère, il entre de la violence et il y a de saines colères. »

mercredi 19 février 2020

Autrefois condamné,le modernisme a gagné dans l'Église catholique, mais l'Église catholique ne le sait pas

"La Croix" nous apprend la parution d'un livre sur "La crise moderniste revisitée".

https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/lecons-crise-moderniste-2020-02-19-1201079264?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_content=20200220&utm_campaign=NEWSLETTER__CRX_LIVRES_EDITO&PMID=6c6207cf973a7c0a7bfc56bfa12872d0&_ope=eyJndWlkIjoiNmM2MjA3Y2Y5NzNhN2MwYTdiZmM1NmJmYTEyODcyZDAifQ%3D%3D

Guillaume Cuchet y "revient" notamment "sur la thèse répandue selon laquelle le modernisme est inventé par l’encyclique qui le dénonce." Je ne suis pas assez érudit pour discuter cette thèse, mais instinctivement, je crois qu'elle est exacte, d'abord parce que l'appellation de "modernisme" est vague et s'il n'était cerné par une périodisation historique, on pourrait croire qu'il désigne ceux qui se veulent les contemporains de leur histoire et de leur temps.

Or saint Pie X, qui fait du modernisme "l'égoût collecteur de toutes les hérésies", pas moins!, a surtout le génie de le synthétiser. Le modernisme viendrait du "modus", de la manière, de la mesure propre à chacun et désignerait toutes les formes de subjectivisme, d'horizontalisme et d'immanentisme, jusqu'à celui qui fait procéder le dogme du besoin qu'a la communauté de le produire. Au point de vue de la foi, saint Pie X fustige vertement la prétention de séparer "le Jésus de l'histoire" du Christ de la foi".

Saint pie X condamnait tellement le modernisme que tout prêtre qui se présentait à l'ordination devait prêter le "serment anti-moderniste". Aujourd'hui, l'encyclique "Pascendi" n'est plus guère brandie que par les catholiques traditionalistes. C'est à peine si elle est connue des prêtres du courant majoritaire de l'Église catholique. C'est dommage à un double point de vue:

-C'est un bijou de synthèse et d'analyse, qui démontre l'étonnante capacité du pape Pie X à comprendre son temps, même s'il le fait aux fins de lancer contre lui des anathèmes. La synthèse ne me paraît pas avoir été dépassée.

-Mais surtout, la condamnation du modernisme révèle un formidable phénomène d'hétérotélie. L'hétérotélie est cette ruse de l'histoire par laquelle les résultats d'un geste historique se retournent contre les intentions de ceux qui l'ont posé. On ne dit jamais que le modernisme a gagné dans l'Église catholique, malgré lacondamnation qui l'a frappé., Le modernisme a gagné dans l'Église catholique et les pratiquants ordinaires, les chrétiens du rang, même les clercs ne le savent pas. En cela les traditionalistes ont objectivement raison de dire qu'"on leur a changé la religion" ou qu'on leur a volé leur héritage. Mais ils le revendiquent avec la morgue du fils aîné de la parabole de l'enfant prodigue.

Paris, première victime de la décentralisation

Commentaire au billet de Philippe Bilger:

https://www.philippebilger.com/blog/2020/02/rachida-dati-va-t-elle-gagner-son-paris-.html

Rachida Dati pourra-t-elle regagner à LR un Paris que Philippe Séguin lui a fait perdre, vissé à JeanTibéri qui ne voulait pas être débranché, mettant la capitale sous la coupe de la branchitude, sous l'égide d'un Bertrand Delanoë, chef des homo festivus et préposé aux plaisirs de tous les Paris-plagistes, qui démontrent aujourd'hui que l'homofestivisme, c'est la bidonvillisation de la plus belle ville du monde, ou que faire gouverner "Paris est une fête" par les femmes et les hommes de la fête mène Luthèce à la défaite. Paris n'est plus qu'une cour des miracles sale et grouillante où il a cessé de faire bon vivre. Mais soyons justes, tout n'est pas la faute d'Anne Hidalgo, des petits bonhommes verts et des homos festivus qui l'entourent. Paradoxalement, dans notre pays qui n'a jamais réussi une décentralisation qui se serait achevée par le constat que la province n'est plus le désert français, Paris est la première victime de cette décentralisation exclusivement bureaucratique, caractérisée par la non dotation des collectivités locales et territoriales, et la trahison par l'État de sa promesse de les abonder à l'euro près en fonction des compétences nouvelles dont il les doterait, trahison redoublée par la suppression de la vignette sous Villepin, dont les recettes allaient aux départements, et de la taxe d'habitation sous Macron, premier des impôts locaux. S'y ajoute à Paris la double incurie gouvernementale, qui laisse gonfler la bulle immobilière en haut, tout en laissant se gouverner en bas la marée humaine par la marée humaine, notamment (mais pas seulement) sous la pression de l'anarchie migratoire, mais il y a aussi les dealers de la colline au crack. Il suffit d'être passé une fois à la gare du Nord pour voir le résultat de ce "bordel" organisé par l'abandon gouvernemental, qui préfère laisser faire à Paris l'expérience de l'anarchie capitaliste, où le "peuple de Paris", qui n'est plus un peuple, se gouverne comme un territoire autonome et perdu de la République, en tout séparatisme, de sorte que c'est un miracle qu'il n'y ait pas plus de violence à Paris.

Rachida Dati aura-t-elle les épaules pour combattre tous ces méfaits à la fois à elle toute seule? Le combat serait titanesque dans la France-Titanique de Macron, dernier capitaine. Mais cette "formidable candidate", dont les forces décuplent "quand on doute d'elle", est une battante attachante qui s'est faite à la force du poignet. Sa valeur ajoutée est la crédibilité, car elle ne fait pas de surenchère et elle ne promet pas la lune. Elle ne veut déménager aucune gare, le réseau ferré sera intact, Guillaume Pepy et Julien Coupat doivent se le tenir pour dit. Les bobos parisiens lui en sauront-ils gré? Pas sûr.