J'ai attendu deux jour pour publier ce post. Avant-hier 27 mai, j'ai fêté les quarante ans de mon recouvrement de la foi. M'at-il converti? La preuve que non: samedi dernière, j'inventai ou je découvrai cette blagounette ou devinette:
"Quelle est la différence entre la religion et la rumeur?"
"La rumeur croit en l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme."
"La religion (chrétienn en l'occurrence) croit en l'homme qui a vu l'homme qui a vu Jésus qui a vu Dieu."
Le recouvrement de la foi m'a-t-il converti? Il a dû transformer mon regard sur le but et le sens de la vie, mais pas mon caractère. Est-il indispensable de se convertir quand on découvre recouvre la foi? Un prêtre de ma ville (le P. Miguel, dont je comprends ainsi le message, mais peut-être est-ce que je le comprends mal en ne voyant pas où il veut en venir) laisse entendre que la conversion est absolument nécessaire, mais que c'est impossible.
C'est impossible: saint Paul est passé de zélote et de persécuteur des chrétiens à zélote du Christ et non persécuteur, mais terreur de ses communautés.
Hier, j'ai lu un article visant à démontrer que tout les néophytes ont tendance à commencer par être dogmatiques.
https://croireenliberte.wordpress.com/.../pourquoi.../
Je n'ai pas échappé à la règle. Le jour même où je fus transporté par l'Esprit-Saint -et rencontrai l'Esprit-Saint plus que je ne rencontrai Jésus-, mon premier réflexe fut de passer l'après-midi à essayer de me déprendre de ma croyance toute neuve en la réincarnationdont je croyais avoir accumulé des preuves à travers des articles, une émission du "Parcours de l'étrange" et un film sur une régression dramatique dans une vie antérieure où une petite fille remourait brûlée vive de confondre sa vie actuelle et sa vie précédente où elle était morte de cette façon. Je voulais rentrer dans le dogme comme on entre dans le rang et m'y appliquai dard dard. Deux mois après cette expérience, j'écrivais un livre qui servit à une catéchèse, que j'ai enregistré et aussitôt perdu. J'en écrivis un deuxième sur l'itinéraire d'amour que devait représenter la découverte de Dieu dans la transformation du monde et de soi-même, mais je n'arrivais pas à le terminer, d'une part parce que ce livre sonnait faux et d'autre part parce que j'entrai bientôt dans l'adolescence, c'est-à-dire que je perdis ma première enfance spirituelle, entrai dans ce que j'appelle ma seconde enfance et eus mauvaise haleine de ne plus faire une confiance instantanée en l'Esprit-Saint pour préférer croire au diable et avoir peur de lui. On suit plus volontiers ce dont on a peur que ce qui nous transporte. Je partis donc à la dérive. Et voilà comment la vie peut devenir une diablerie.
Si je ne peux ou n'ai pu me convertir, vaut-il la peine que je fête mon retour à la foi? Qu'en reste-t-il aujourd'hui? Elle a toujours été largement allégorique: je crois en un Jésus humainement paranoïaque (il s'est pris pour le Fils de Dieu et tout le monde l'a cru) et dont je ne sais pas, au plan divin, s'Il a existé le premier ou si c'est l'homme qui L'a créé tel un egregor (pourtant je ne suis nullement franc-maçon) pour qu'Il le sauve et Lui fasse du bien. Mais quand bien même cette dernière hypothèse serait la bonne, l'homme peut avoir découvert et développé par intuition le personnage du Christ et la question est insoluble de qui a existé le premier entre la poule et l'oeuf. Je serais plutôt un chrétien feuerbachien, mais Feuerbach me semble le plus grand théologien négatif occidental.
Si je devais redécrire par écrit mon itinéraire defoi, je ne serais plus un zélote ou un apologète en herbe, mais je relirais tout mon itinéraire et essaierais d'en tirer les enseignements pour mon prochain et pour moi-même. C'est un projet que je médite, outre que je m'y emploie déjà d'une certaine manière dans une écriture de la déconstruction.
Je regrette d'avoir été un athée libre et heureux et que mon retour à la foi ait assigné ma cécité dans son cloisonnement et dans son intériorité prisonnière, mais je ne crache pas sur la religion comme les évangéliques, car la liturgie et la vie sacramentelle m'ont relié à Dieu et ce qui m'émerveille davantage en ce moment, c'est que l'Église, qui est tellement vilipendée par ses ennemis extérieurs et par ceux qui, de l'intérieur, ne rêvent que de la détruire, tant elle les a abusés ou déçus, c'est que l'Église prie pour moi quand j'ai besoin d'être fort dans le combat et qu'elle croit pour moi lorsque ma foi vacille, de même que mon rôle d'organiste liturgique me fait participer dans ma modeste mesure à ce que fait Dieu en descendant dans les sacrements, et me fait accompagner la peine des familles en deuil lorsque je joue un enterrement.
Quant au dogmatisme, j'ai été surpris de lire dans l'article mis en lien que le christianisme que Paul présentait comme affranchissement d'une loi s'était caractérisé par sa fixation en dogmes dès 40 ou 50 de son premier siècle, avec une ritualisation du baptême et de l'Eucharistie très précoce, si bien que l'affirmation de Michèle Reboul, que j'ai eu le bonheur de rencontrer, n'est pas si naïve, quand elle suppose que Jésus aurait appris à ses apôtres la manière de dire la messe en latin entre la Résurrection et l'Ascension, ce qui en ferait "la messe de toujours"...
C'est que le christianisme dès les temps apostoliques (et nombre d'épîtres apostoliques, y compris celle de saint Jean en témoignent) s'est d'emblée construit contre les faux prophètes et contre les hérésies (le magistral ouvrage de saint Irénée Adverses haereses est là pour en rendre compte.)
On dit parfois que le christianisme est une secte qui a réussi. Une "secte"réussit quand elle agglomère des croyants autour d'une construction dogmatique assez rapide. Cette célérité est déterminée par une raison interne dans le christianisme :il faut un mur porteur à cette Eglise, dont le Christ veut qu'elle ne comprenne pas une pierre où reposer sa tête, pour qu'on y vive à ciel ouvert. La doctrine est ce mur porteur ou cette colonne vertébrale.
Mais (le fait est documenté par la sociololgie des religions) le dogmatisme peut tout à fait laisser subsister une dissonance cognitive au périmètre impressionnant entre les "croyances construites" du groupe et les croyances complètement différentes développées à l'intime du "vraiself" du confessant, qui ne sait pas qu'enadoptant des croyances qui ne sont pas les siennes, il développe un "fauxself" qui lui permet de coïncider avec son "idéal du moi".
Alors et pour lors, je continuerai, non pas à être un croyant de façade, mais à servir cette identification secondaire que me donne le Christ et l'Eglise catholique, quand bien même ils m'empêchent tous les deux d'assumer que je ne suis pas un type bien. et que je ne suis pas assez fort, ni pour le reconnaître, ni pour le devenir.
Je continuerai de servir l'Église parce que ma grand-mère a fait en sorte que j'ai la liturgie dans la peau.
Une chanteuse solaire me disait un jour: "Quand tu m'accompagnes, je me sens toujours rassurée." Je lui ai répondu que tout le monde avait quelque chose dans la peau dont il ne pouvait comprendre comment il s'y était glissé. À part moi, je pensais que j'aurais préféré avoir cette chanteuse dans la peau, car elle était charmante, plutôt que la liturgie qui est souvent ennuyeuse. Mais on ne choisit pas ce qu'on a dans la peau.