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lundi 23 août 2010

LES METONYMIES DE DIEU‏

(Rappelons que la métonymie est une figure de rhétorique qui consiste à employer la partie pour le tout).



saint-Mathieu nous montre que « le trône de dieu, c’est le ciel ». L’estrade du trône (dont parle le second livre des rois au chapitre 16 et que le roi Achaz fait supprimer du Temple de Yahvé) symbolise sans doute cet aspect célestiel de dieu. « Dieu Règne parmi les ovations » et son trône est dans le ciel. C’est pourquoi, lorsque nous disions à l’âge classique (et Dom Juan n’était pas avare de cette périphrase sous la plume de Molière), par métonymie, « le ciel » pour parler de dieu, nous ne nous trompions pas vraiment davantage, quoique sur un autre plan, que lorsque nous disions « la Nature » pour parler du dieu créateur, quoique par cette métonymie-là, nous donnions à entendre que c’était la créature, la nature, qui faisait œuvre créatrice. Mais la nature ou création est Langage de dieu, et « la terre et les cieux racontent la gloire de dieu ». La métonymie de Nature pour Dieu peut donc être perçue comme une manière de dire que, si ce langage fait tellement corps avec ce qu’il contient que, héraut de dieu, il est le récitant, le récit et, par une Grâce infuse de dieu, le récité. La nature fait entrer par voie d’individuation nos organismes créés dans la dimension à la fois fonctionnelle, temporelle et personnelle de la Création. Car la Création est organique. Bien sûr, confondre la Nature avec dieu, c’est assimiler l’organe à la fonction. La métonymie de la Nature pour Dieu a ceci de déroutant qu’elle procède d’un panthéisme trop charnel, d’un immanentisme trop corporel. Dieu n’est pas immanent à l’univers, mais Il Se veut Présent dans l’univers. Ce que renferme la métonymie du « ciel » pour dieu est que Dieu veut S’assimiler aux organes auxquels Il a assigné certaines fonctions, et Il veut S’y assimiler au point d’être mangé ; Il S’incarne pour Se rendre comestible ; Il habite le ciel, puis le Temple, puis nos cœurs pour faire corps avec notre besoin de demeurer, pour qu’il ne soit pas dit que dieu Soit plus aspatial qu’Il ne serait intemporel. L’éternité en dieu n’implique ni l’intemporalité, ni l’aspatialité. La finalité intime de l’espace, sa face cachée, pour ainsi dire, étant donné que l’espace est potentiellement une surface plane subordonnée à l’étendue, est d’avoir une intention. L’espace est une étendue intérieurement intentionnelle. Dieu Se fait spatial pour que l’espace soit intensif. Intensif plus qu’extensif ou expansif, intensif et non « fortuit », comme le fait croire cette dernière assimilation métonymique de dieu au Sort de la fatalité destinale, qu’à la Renaissance, on exprimait en invoquant « la Fortune » pour mettre Dieu à part du jeu d’épreuves, qui ne pratiquait pas une « rétribution (juste) des actes » qui eût égard aux mérites. Dieu Se grime en Hasard pour faire la part du jeu :

« La vie est un jeu, accepte-le », a dit mère Thérésa de calcutta, d’une manière où il ne se peut pas qu’elle n’ait voulu inculturer (ou qu’elle se soit laissée aculturer) par l’illusion, la maia » hindoue,la bienheureuse fondatrice des petites sœurs de la charité ayant vécu dans l’orbite culturelle de cette idée de la vie comme illusion.



« Le sort en est jeté, l’esprit-saint peut quelquefois se faire l’arbitre de certains tirages au sort, et cependant rien n’est fortuit : le Hasard est le nom que prend la Providence lorsqu’elle veut Se cacher ; le Verbe est moins le Maître du jeu (encore que « la Sagesse ait joué sur la terre » et ç’a été Sa manière de créer, nous dit le siracide) qu’Il n’est principe et Providence. Rien n’est fortuit, mais rien n’est nécessaire ; rien n’est joué, surtout pas notre conscience, prise dans une dimension personnelle bien qu’étymologiquement, la personne ne soit qu’un masque, qu’une fonction, qu’un rôle. Notre habitacle est un jeu de rôles. Et pourtant, Dieu vient satisfaire notre passion de demeurer. Y satisfaisant, Il Se fait mortel pour que nous connaissions l’immortalité. Mais Il Se fait aussi demeure pour que, contrairement à Lui qui n’a pas où reposer Sa Tête et Dont nous pouvons prendre exemple, nous ayons où nous abriter. Dieu Se fait Demeure pour satisfaire notre besoin pyramidal. En témoigne que, de même qu’il arrive à la Nature d’être commise à parler de dieu jusqu’à emprunter la fonction verbale, un autre aspect de cette fonction nous est présenté par ce signe : la première lettre du premier mot de la bible, « bereschit » (cette première lettre étant le beith), a la forme d’une maison. Dieu Se fait récit de création pour que nous trouvions Maison de Parole. Nous sommes les destinataires de Sa Libéralité répandue à profusion, mais nous devons nous la destiner. La Grâce ne fait pas tout, nous devons nous faire porte-paroles et « devenir ce que nous disons ». En effet, nous devons moins « devenir ce que nous faisons » que ce que nous disons : c’est peut-être ce qui se cache derrière l’intuition new agiste qu’ »il n’y a rien à faire » aussi bien que derrière l’insistance paulinienne et luthérienne à parler de « justification par la foi ». Nous devons devenir les destinataires de ce qui nous est destiné. Nous devons « devenir ce que nous disons » pour que nos œuvres s’y conforment, non par la vertu performative d’une magie qui aurait droit de cité si le monde était inhabitable au lieu d’être un espace habité, mais par simple attraction du faire au dire. Nous devons devenir ce que nous disons pour que nos œuvres nous deviennent. Nous devons devenir notre dire pour aller vers « où nous sommes ». La bonne question de la condition humaine n’est pas celle qu’elle se pose :

« qui suis-je ? », mais celle que Dieu lui pose :

« Où es-tu » ? Le « Va vers toi » que Dieu, qui est Stabilité et Mouvement perpétuels, propose à Abraham, peut se traduire en termes nietzscheens ainsi :

« Deviens vers où tu vas » !

dimanche 22 août 2010

La théorie des Goths

On a beaucoup accusé les études indoeuropéennes d'être basées sur un mythe
que Georges dumézil a largement contribué à fortifier, tordant la réalité
des sociétés qu'il étudiait pour obtenir une concordance avec les trois
fonctions qu'il voulait dégager. La réalité ou le mythe indoeuropéen font
se développer sur le même plan des langues si différentes qu'on a peine à
croire qu'elles aient même racine. La preuve la plus convaincante de la pensée de dumézil concernant la société persane repose sur le constat que l'Islam de la Perse a un clergé (d'où le régime des mollah actuel), preuve s'il en fallait une de plus que la persanité (avec notamment le zoroastrisme) est antérieur à l'Islam dans cette civilisation vieille de 2500 ans qu'est la Perse devenue Iran, qu'on persécute aujourd'hui. La Perse persécutée…

Les études indoeuropéennes ont fortement contribué à enraciner le mythe ou la réalité que l'humanité a deux langues sources : le sanskrit et l'Hébreu. Le recours à une descendance aryenne (avec un y grec) dont se réclamaient les nazis trouve peut-être lui aussi son origine dans ces études indoeuropéennes. Du moins se trouve-t-il une concordance assez bizarre entre la mythique race aryenne (avec un y grec) et l'arianisme gothique (avec un i), l'arianisme des Goths, dans lequel la langue allemande a commencé de se codifier réellement, bien avant que Luther ne traduise la bible en allemand. Arius fut un hérésiarque dont la caractéristique était de ne pas croire en la divinité de Jésus-Christ. Saint-Augustin s'y est opposé, mais pas aussi vertement que saint-athanase. Les principaux hérétiques avec lesquels Saint-augustin eut à croiser le fer furent les Pélagiens, qui croyaient en une primauté quasi absolue du libre arbitre.
Mais revenons à arius. Avant d'être un hérétique, c'est un évangélisateur. Il traduit l'évangile pour les goths et, quand il a à trouver comment il va rendre le tétragramme imprononçable des Hébreux, sous quelle forme choisit-il de la traduire ? Il la traduit tout simplement par goth, non sous lequel continuent de le désigner les allemands. De là à trouver l'origine du nationalisme allemand dans l'arianisme (avec un i), il n'y a qu'un pas que peu de chercheurs, ilme semble, se sont décidés à franchir. Si l'on pousse donc les conséquences de la traduction d'Arius dans ses retranchements, ce n'est pas seulement "Goth mit uns", "Dieu avec nous" que peuvent dire les Allemands comme ils l'arboraient sur leurs drapeaux durant la première guerre mondiale, mais "goth ist ich", "Dieu, c'est moi". On aurait dans l'arianisme (avec un i), non seulement l'origine du nationalisme allemand, mais l'origine de l'individualisme et de l'autodivinisation de l'homme, pour laquelle le choix de goth, désignation des goths eux-mêmes, pour traduire dieu, était un miroir très fidèle des idées que voulait promouvoir Arius par ailleurs en refusant la nature divine de Jésus-Christ pour la donner à l’homme. Or, quand, faisant un pas de plus, on s'aperçoit que "ish" (transcription i s h) en Hébreu veut dire l'homme, on y perd carrément son latin. Si, avec cela, l'inconscient sémantique n'existe pas, je rends mon tablier à la recherche sauvage...

Julien WEINZAEPFLEN

L'ASSOMPTION, MARIE AU CIEL ET AU DESERT

ô mèrechérie,

Ma méditation de ce soir commence par une prière. Tu sais bien que mon âme a tant de mal à vivre dans la dépossession et que, pour autant, à moins que ce ne soit à cause de cela, elle est au désert. O mère chérie, ô mère bénie, la dépossession est-elle le contraire de la possession ? Le Christ cherche la brebis perdue, mais je sais que c’est toi qui vis avec moi dans le désert :
« au ciel, il y a un cœur !» (P. gilles Rétinger) et pourtant, ce cœur a été exilé dans le désert qui est « vallée de larmes » dans la mesure où il est espoir d’une oasis.

Que vient faire le désert dans ton élévation dans la Gloire de ton fils ? Par l’ascension que précède la Résurrection sans laquelle la Transfiguration ne saurait être comprise, « l’humanité est, par le Fils, élevée dans la Gloire du Père » ; mais, par l’assomption que précède la dormission, selon les orthodoxes, l’humanité est élevée dans la Gloire du Fils, c’est-à-dire que l’assomption est la prise en charge par la mère de l’avancée au large de son fils. Lors même que le fils connaît l’angoisse de Gethsémani, Il « sue Sang et eau », mais Il ne pleure pas, sinon sur Jérusalem. Il entre virilement dans Sa Passion. Mais sa mère « pleure sur Son fils », d’une douleur dont celui-ci ne montre pas qu’elle lui étreint le cœur, mais à laquelle Il doit être plus sensible qu’il n’a paru puisque, quand Longin, l’homme à la lance, lui transperça le cœur, c’est du sang et de l’eau qui en sortirent. Et Saint-Jean d’insister :
« Pas seulement l’eau, mais l’eau et le sang » sans que nous autres, chrétiens, comprenions très bien la raison de cette insistance.

Une place est préparée au désert pour la Pieta qui vient d’enfanter et à qui est retiré l’enfant, contrairement aux images que propage l’art sacré en général. Une place est préparée au désert pour Marie, « élevée corps et âme au ciel, dans la gloire de son Fils », qu’est-ce à dire ? Les deux images ne présentent peut-être pas des significations similaires. Essayons de les comprendre une à une.

Dans le premier cas, tout se passe comme si le Père, voyant que le dragon va se précipiter pour dévorer l’enfant dès Sa naissance, est pris d’un réflexe presque instinctif de protection des tribulations qui menacent la nature divine qui vient de S’incarner. C’est comme s’Il la reprenait auprès de Lui, comme si, dans un premier temps tout au moins, il ne s’agissait pas que l’enfant soit conscient des dangers qui le menacent et auxquels Joseph a été commis pour y faire face. En passant, notons que la rivalité entre dieu et le dragon n’est pas une rivalité de pacotille : rien à voir avec la scène de Job où on nous présente dieu et Satan en négociation, non ! Non seulement Satan nous est montré comme christophage sur un plan cosmique, mais Satan comprend très bien l’essentiel de la Mission du christ, Qui sera d’être Eucharistie, au-delà de la durée de sa vie terrestre, la Cène étant un Mémorial, c’est-à-dire une actualisation de cette vie « pour les temps et les temps » que durera ce qu’on appelle « le siècle », par quoi l’on entend le monde en sacorruptibilité. Cela met un bémol à l’émerveillement qu’on peut éprouver parfois à entendre satan faire la plus belle apologie de foi qui ait jamais manifesté la reconnaissance du christ sur la terre :
« Nous savons très bien qui tu es, le saint, le Saint de dieu ».
Et nous d’en conclure hâtivement à « LA FOI DES DEMONS » ! Mais non ! La confession démoniaque n’est prosternation que parce qu’elle n’a pu se faire infanticide ou cannibale. Satan ne veut pas que soit mis fin à la perpétration des sacrifices d’enfant par les Aztèques ou je ne sais quelle autre culture ignorée de moi et capable d’une telle barbarie. Quant à la Vierge, elle vit jusqu’à l’intime cette menace qui pèse sur la vie de sonenfant. Elle la vit pour ainsi dire « sur la terre comme au ciel ». Sur la terre, elle doit moins seconder que suivre les initiatives de Joseph qui, dans la tradition de celui dont il est comme un patriarche éponyme, reçoit un songe et retourne en egypte pour soustraire l’Enfant des mains de ceux qui veulent le massacrer. Il y retourne parce qu’il sait interpréter les songes comme ce fils préféré de Jacob vendu par ses frères, et parce que, comme ces autres fils d’Israël, il sait que c’est en Egypte qu’il pourra se protéger contre la famine, c’est-à-dire ici contre la menace. Il monte en Egypte pour permettre à Jésus de refaire en sa Personne et en sa destinée l’ensemble du chemin : d’abord de canaan en egypte, et puis d’Egypte à Canaan, jusqu’à la remontée davidique vers Jérusalem où il sera attesté que « Sa Royauté n’est pas de ce monde ». Marie, elle, ne reçoit pas de songe, une place a été préparée pour elle au désert onirique. Bienheureuse eût-elle été, aus sens humain du terme, si elle avait pu se réfugier dans un songe. Mais il n’est pas jusqu’à l’événement de sa dormition qui ne soit comme soustrait à la possibilité de recevoir un songe. Comme le désert d’un sommeil sans rêve.

Dans cette première fuite au désert de Marie, la mère de Dieu vit sa première Croix : l’enfant est doublement détaché d’elle. Sa nature divine est comme « rendue à Son Père qui est aux cieux ». Quant à Sa nature humaine, elle est confiée au fiancé que Dieu lui a choisi, ce père putatif qui a failli la répudier, même si c’était « en secret » pour ne pas la déshonorer. Marie apprend bien avant l’heure le mystère du détachement maternel. Son Enfant est arraché à Marie. Il est dit que les fils doivent quitter leur père et leur mère pour s’attacher à leur femme. Quelqu’un faisait très plaisamment suivre ce commandement de Dieu d’une exhortation de sa façon qui disait à peu près ceci :
« Mères, laissez vos fils se détacher de vous ! » La vierge Marie a dû laisser s’opérer ce détachement en un moment où son cœur n’était probablement pas prêt. L’enfant a été retiré de son sein. Et c’est la deuxième Croix qu’aura à connaître Marie pour configurer sa vie comblée, mais tragique et qui sourit, mais à travers ses larmes : Marie sera transpercée par le glaive de l’indépendance de son fils, d’une moindre manière lorsqu’Il faussera compagnie à Ses parents pour aller s’entretenir avec les scribes dans le Temple, mais dans une expression qui pourra passer pour un reniement lorsque ce Fils, après avoir demandé :
« femme, qu’y a-t-il entre toi et Moi » à cana, refusera de sortir à la rencontre de sa mère et de ses frères, lorsque ceux-ci voudront lui parler dehors en conseil de famille, arguant que :
« (Sa) mère et ses) frères, ce sont ceux qui font la Volonté de son Père », sous-entendant par là que Marie, voulant « Lui mettre la main dessus » comme le fera plus tard Marie-Madeleine, n’est pas toujours au diapason de cette volonté. Enfin, la troisième croix qu’aura à porter Marie sera d’assister à la mort de Son fils et de recevoir son cadavre dans les bras. Comment peut-on se remettre d’un tel événement ? La Résurrection suffit-elle à effacer le traumatisme ? Le fait est que Marie restera très discrète durant les quarante jours où Son Fils Se manifestera de nouveau auprès de Ses disciples et autres saintes femmes. On dit Marie présente au Cénacle, mais dans un tel silence que c’est comme si elle n’était pas de la partie.

Les traditions divergent concernant l’élévation au ciel de la vierge Marie entre catholiques et orthodoxes. Les uns disent qu’elle n’aurait pas connu la mort, ce qui la rattacherait à Enoch ou à eli d’une manière qui ne correspondrait guère avec sa figure De nouvelle Eve dont la vie n’aura pas été celle d’une « fille du feu » ni d’une spectrographe des fonds souterrains, comme l’ont été respectivement ces deux prophètes. Les orthodoxes préfèrent penser que Marie aurait connu la mort, ce qui rendrait du coup l’Assomption incompatible avec le dogme de l’Immaculée Conception, dont il faut bien reconnaîtreque, révérence gardée à l’eglise qui l’a proclamé, même si l’Immaculée conception a été confirmée de façon miraculeuse à Lourdes, ce dogme paraît plutôt ressortir d’une inflammation de la piété mariale que d’un développement naturel de la foi concernant le destin naturel et surnaturel de la mère de dieu. L’immaculée conception est incompatible avec la dormission orthodoxe pour la raison que ne peut connaître la mort que celui qui n’a pas été exempté du péché, si c’est le péché qui entraîne la mort. Or l’Immaculée Conception fait réputer Marie être « sans péché ». Quoi qu’il en soit, la Tradition orthodoxe veut que Marie se soit « endormie dans la mort », à la manière dont l’épitre aux Thessaloniciens nous apprend que telle devrait être notre destin d’après la mort que, dans un premier temps, ’avant que le Christ ne reparaisse, nous devrions, non point revivre comme dans tout l’imaginaire chrétien qui a eu cours depuis, mais dormir en attendant d’être réveillés par les trompettes du Jugement dernier. Marie aurait été dans cet état lorsque thomas, « le disciple qui arrive toujours en retard », sourit le père Michel Hebdokimoff, demande qu’on ouvre la châsse de la Vierge, non pas, cette fois, parce qu’il ne croit pas qu’elle soit morte ou qu’il anticipe un miracle : mais il voudrait revoir une dernière fois le visage de la Mère de dieu. C’est alors que les apôtres se seraient aperçus que le tombeau était vide et en auraient déduit qu’elle avait été enlevée au ciel.

Mais comment Marie pourrait-elle à la fois avoir été enlevée au ciel et continuer d’être au désert ? On pourrait rétorquer que d’avoir connu le ciel, lorsque « l’esprit-saint la prit sous son ombre », ne l’a pas empêchée d’avoir été, par protection, enlevée au désert. Mais on peut souhaiter que son élévation au ciel soit à présent définitive. « Au ciel, il y a un cœur », mais ce cœur est au désert. Le désert de cette assomption sans bruit me semble comme annoncé parce que l’assomption n’a pas été précédée de la Résurrection comme l’ascension, mais d’une dormission, nouveau sommeil sans rêve, sommeil profond comme la mort sans tunnel. Comme je l’ai déjà souligné, le tragique de la vie de Marie tient à ce que, partout où tous les autres connaissent rêves et tempêtes, tribulations, décisions, elle est dans une espèce de passivité qui saisit son intimité jusqu’à la torpeur. Marie n’a pas moins, mais plutôt plus d’intériorité de ne pas rêver. Et pourtant, quelque chose nous empêche de lui envier une pareille forme d’intériorité.

Marie est au désert de toutes les mystiques qui connaissent à la fois, dans un mouvement alternatif que rien ne semble pouvoir expliquer que les sacs et ressacs de l’amour déjà très bien décrits par le cantique des cantiques, l’Union la plus ineffable avec la Majesté du fiancé de nos âmes et la sécheresse spirituelle, qui rend le visage de ces mêmes mystiques revêche dès qu’elles sont sorties d’extase. Leur conversation est incommode, elles paraissent tristes. C’est peut-être qu’elles reviennent chaque fois de si loin ! C’est dans ce désert que beaucoup annonnent à l’infini des rosaires sur un ton monotone, desquels on ne voit pas comment Marie peut ressentir tomber sur elle une pluie de roses. C’est parce qu’elle est dans ce désert que, presque chaque fois qu’elle apparaît, c’est avec le visage accablé, mouillé de larmes et pour nous annoncer des catastrophes. C’est de ce désert qu’elle tire ce pessimisme, cet alarmismme asséché, tandis que son visage n’en paraît pas moins resplendissant. C’est que, depuis ce désert, Marie n’en a pas moins vue sur le ciel. C’est que, si peut-être une place avait été préparée pour Marie dans ce désert, elle a choisi d’en faire son ciel de lit, son ciel de dormission, tant qu’il y aura des abandonnés. Le don de Marie, c’est peut-être de vivre avec les égarés, c’est peut-être d’avoir dévoué sa vie à être le refuge de ceux qui n’ont plus personne et que personne ne semble appeler sur la montagne. Marie est peut-être « la porte du ciel » qui, aussi inattendu qu’y soit un cœur, est à chercher dans le désert. Jusqu’à ce que retentisse le signal que la Création est affranchie et peut s’abandonner tout entière à « la Paix de Dieu, qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer.


17 août 2010

Si le mal n’est qu’un manque à être, le péché n’est que l’écume d’un être.

Pourquoi a-t-il fallu néanmoins que cette écume soit si grave que notre Sauveur ait dû mourir pour cette écume ?

Il faut forcer les portes de l’indifférence.

Que penser du jugement de Dieu ?

1 - Quant au Jugement de dieu, qui suis-je pour présumer que nous puissions « en finir avec lui » sous l’effet d’une absolution générale ? Aurions-nous seulement les moyens anthropologiques, si nous était coupée l’herbe sous le pied de cette sentance judiciaire divine qui sert d’aiguillon à notrebesoin de justice, de vivre comme des humains ? Notre conscience, dépourvue de garde-fou moral, saurait-elle y parer ? Sans parler du sacrilège qu’il y aurait à dérober à Dieu ce secret d’une absolution de Sa Création tout entière. La seule chose que je crois à propos de dire au sujet du Jugement de dieu, c’est que nous avons peur de lui quand il s’agit de nous, sans pouvoir nous empêcher de juger quand il s’agit des autres. D’autre part, quelque chose nous informe au-dedans de nous que le Jugement de dieu est trop grand pour nous et trop petit pour Dieu. Ce qui ne nous empêche pas de demeurer perplexes face à cette information : car, que disparaisse toute menace d’un châtiment divin entièrement dissout dans la Bonté de dieu, et notre instinct de la Transcendance, qui tient à préserver les intérêts du tout Autre, se révolte contre l’irénique enveloppement de la bonté du tout Proche.

2 - A propos du jugement que portent sur nous les autres comme aussi bien à propos de celui qu’on et tenté de porter sur eux, nous rappeler cette phrase :
»Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ».
Il en va du jugement comme du pardon :
»Pardonnez et vous serez pardonnés ». « Père, remets-nous nos dettes (et pardonne-nous nos offenses) de la même manière que nous serons en mesure de remettre leurs dettes à ceux qui nous auront offensés ». C’est une question qui a rapport à la logique dans laquelle on veut vivre. Quand on entre dans une logique de jugement, on se prépare à être jugé. Quand on entre dans une logique de vengeance où l’on croit que certains torts qu’on nous a faits sont irrémissibles, irréparables, on ne connaîtra pas la rémission. Le Jugement est sans doute trop grand pour dieu ; mais si on Le rapetice au point de l’obliger à rendre sa sentence, Il larend.

3 - Il en va peut-être de même en ce qui concerne le paradis. Sans doute « il y (aura) plusieurs demeures dans la maison du Père » comme, dès ici-bas, il y a plusieurs courants idéologiques ou spirituelles qui correspondent à des sensibilités, à des goûts et des aspirations différentes. Si quelqu’un a besoin d’un paradis matériel où coule à flot le bonheur luxuriant dans la matérialisation du désir, il sera comblé dans un palais de lait, de miel et de vin où il jouira d’une conversation permanente avec ceux dont il aspirera à recueillir les avis dans la proximité de dieu. Si quelqu’un n’a le cœur et l’âme tournés que vers le désir de contempler Dieu et de chanter sa gloire, il connaîtra sans ennui la vision béatifique. Si quelqu’un enfin n’a pas du tout besoin de dieu, rien n’interdit de penser qu’il connaîtra un paradis sans dieu. On accuse les musulmans d’avoir une religion tellement basiquement orientée vers la rétribution de la foi et des œuvres que, de leur paradis tout matériel, Allah serait absent. Mais, tout d’abord, allah sera dans son paradis s’Il le veut, et Il n’y sera pas, pour ses fidèles qui n’auront pas besoin de lui. Ce non besoin de dieu n’est pas assimilable à la seconde mort. Il peut très bien se produire qu’il y ait un paradis sans Dieu qui ne soit pas la seconde mort. Un consensus semble depuis le Moyen age se dégager pour dire que la seconde mort (que certains appellent damnation) sera réservée moins à ceux que Dieu aura jugés indignes d’habiter dans son paradis qu’à ceux qui n’auront pas voulu de la Lumière de dieu.

4 - Il y a plusieurs manières d’aspirer à la sortie de crise que sont la maladie ou le mal-être. Il y a celle, très courante dans notre société de la performance où il y a comme un impératif à ce que notre vie soit réussie, de ne pas souffrir que les autres s’accommodent de trouver un équilibre avec leur mal et une manière de vivre avec leurécharde, en en ayant si peu honte qu’ils en arrivent même à l’aimer. Ceux-là n’ont apparemment pas la volonté de guérir, et on leur dit qu’il leur faut la demander à Dieu. C’est en partie vrai bien sûr. Mais la manière dont dieu leur répond consiste peut-être à direà ses malades :
»Va, ta foi t’a sauvé : dès Aujourd’hui, j’habite avec toiau milieu de ta maladie comme, puisque tu la reconnais, tu habites avec Moi dans mon paradis. » C’est ce qui permet sans doute à des gens qui pourraient être enfoncés dans le malheur de connaître la joie intérieure. (réponse de mon ami Patrick à mon dilemme intérieur).

Julien WEINZAEPFLEN

L'HOSPITALITE

travail et propriété, utilité et sainteté


autrefois, on naissait à la maison et on mourait à cette place. Entre temps, on assurait sur la terre une vie bâtie sous l'ardoise. Aujourd'hui, on naît à l'hôpital et c'est là qu'on meurt aussi. Entre temps, il ne nous aura manqué que les moyens de vivre à l'hôtel.



Adieu, "chambres Hautes", "tours d'Ivoire" et "Instinct de Propriété", la société est à la rue, c'est le point de l'histoire où nous avons atteint et il était heureux que nous ayons abandonné l'âge des cavernes pour parvenir à cette adolescence du ciel ouvert. Désormais, nous assumons que notre vie, commencée en "chambre noire", se développe en "chambre d'hôte". Toutefois, prenons garde à ne pas nous infantiliser (nous voulons bien que les enfants, conditionnés comme les bouteilles d'eau minérale, soient nos nouveaux maîtres de sagesse pourvu que nous les ayons conditionnés en personne et que leurs "mots" n'interrogent plus notre philosophie. Ce que nous demandons à ces malheureux "rois" que nous avons établi sur nos « villes » et nos "divertissements", nous qui ne savons plus jouer tout seuls, c'est de nous confirmer en paraissant émerveillés par notre propre morale que nous les engageons à nous réapprendre alors que nous venons tout juste de nous la passer par le cerveau) :

"Il faut sauver la planète", s'exclament les enfants modèles en étalant leur sourire moralisateur sur les encarts publicitaires des bouteilles d'eau. Mais, comme disait Plastic Bertrand (qui porte un pseudo fait de la matière dont sont fabriquées ces bouteilles non biodégradables, mais qu’on peut plier pour s’amuser comme on claquait naguère les sachets plastique, ), c'est "Tout patit, tout patit, ma planète !"

"Sauver la planète" est donc un réductionnisme implacable que nous nous imposons par bourage de crâne et qui nous empêche d'"aller vers nous-mêmes", selon le conseil du bon dieu à Abraham, tandis que nous ne dirons pas que ce qui est grand, c'est le microcosme que nous serions à côté de l'universel macrocosme qui manquerait tant d'éclat auprès de notre splendeur : pareille grossièreté de bouche serait absurde et tellement gonflé à l'hélium que nous retomberions sur terre, ayant perdu toute crédibilité. Les ballons nous font voler, mais sans eux, nous sommes sans "ailes", nous sommes "comme des avions sans ailes" comme aurait pu chanter Mortimer Schuman("allô, Papa tango Charly"), mais comme il s'est crashé au Triangle des Bermudes, c'est Charlélie qui a repris le créneau... Par contre, ce qui marche et mérite d'être dit, ce que nous dirons par conséquent comme des gens méritoires que nous ne sommes pas, c'est, non pas que ce qui est grand est le microcosme par opposition au macrocosme ; mais que le plus important dans "la chambre d'hôte", c'est l'hôte et, dans le passage de la Maison à l'Hôpital, c'est l'Hospitalité. Nous avons troqué un instinct de propriété contre un Sentiment d'Hospitalité. Nous concevons une reconnaissance quasi infinie envers cette attitude inattendue de la vie que nous pouvons apprécier, il est vrai, du fait des progrès de la modernité au sein desquels nous avons vu le jour: parce que la vie nous reçoit de façon plus hospitalière aujourd'hui que dans les conditions d'hostilité où, dans l'Antiquité lointaine et par ce passé si moyenâgeux que l'on y avait mal aux dents, seul, l'instinct de propriété assurait la survie conservatoire de l'amour de la vie. Il ne faudrait pourtant pas tirer de cette désappropriation reconnaissante qui suit le sentiment d'hospitalité, de cette dépossession, de ce dépouillement qui est peut-être un exhibitionnisme qui ne dit pas son nom et qui se dévêt de ses breloques sans intention de les donner à quiconque serait dans la gêne, une jouissance de l'expropriation qui nous ferait approprier par la terre qui, sous couvert qu'elle nous serait hospitalière, aurait tout lieu de nous avoir en usufruit, au lieu que nous mégoterions dans "l'usage de la vie", dans l'usage des fruits de la terre, à les cueillir, à les extraire, à en profiter. La terre serait devenue dominatrice à notre endroit et nous jouirions de cette domination unpar fantasme masochiste. La bonne manière de tirer parti du changement de paradygme qui a substitué l'Hospitalité à la Propriété serait, sans faire du naturisme, de se laisser gagner par le vertige d'être accueilli et de s'en montrer si reconnaissant que l'on voudrait rendre ses devoirs d'hospitalité à la vie qui a bien voulu de nous, éventuellement à dieu Qui nous l'a donnée et à la terre qui est la planisphère d'hospitalité où cette vie sans toit ni loi a cours de se manifester. En fait de loi, il n'y a - et elle n’est même plus requise, mais est une catégorie de la Distinction par la politesse -, que celle de la "reconnaissance de dette".



Encore sommes-nous avares de cette reconnaissance depuis que Freud a assimilé le fait d'être redevable à la culpabilité en jouant sur la synonymie du mot "Schuld" en Allemand, qui signifie à la fois la dette, la charge et la faute. La dette l'emportant sur la faute, la culpabilité devait changer de mode et de motif : nous sommes coupables parce qu'on nous a donné et non plus parce que nous avons mal reçu en commettant une erreur ou faisant une faute. Par glissement, nous voulons bien être masochistes et subir par fétichisme la domination d'une terre qui ferait sa loi sur nous par les "impératifs écologiques" qui auraient pris le pas sur les "impératifs catégoriques" qui nous gouvernaient autrefois, mais nous ne voulons plus avoir de remords. Or, à mon humble avis, celui qui va en enfer est celui qui refuse le remords et qui préfère "mourir deux fois" (être re-mort) que de se mettre en responsabilité devant les réussites et les échecs de sa propre vie.



La non réquisition de la loi de reconnaissance s'exprime, outre au travers de notre "ingratitude" habituelle dont Balzac, par Vautrin interposé, a fait le ressort principal de la nature humaine accapareuse dont les broyeuses sentimentales, quand elles rayent le parquet, sont toujours en manque de couper de la barbaque (nous sommes d'incorrigibles carnivores, on peut pas y couper), par cette autre transformation génétique (par"génétique", il faut aussi entendre ici l'adjectif qui se rapporte au livre de la genèse dont la réception encore plus que l'exégèse, a été remise en cause comme il va être expliqué aussitôt) : c'est que, dans les premières interprétations qu'on donnait de la Création telle que rapportée par la Bible, l'homme n'était admis à jouir du paradis terrestre que dans la mesure où le jardin où il se trouvait placé n'était planté que d'arbres fruitiers. Par la suite, la civilisation poussant les peuples à s'amollir aprè s'être cultivés et à s'abandonner insensiblement plus à la contemplation des oeuvres d'art qu'ils ne voyaient la nécessité de faire leurs chefs d'oeuvre en bons compagnons, de s'installer artisans ou d'être simplement constructifs ; les incitant plus à jouir des merveilles de la technique qu'ils ne se mettaient en peine de découvrir ses secrets par esprit scientifique ; plus à jouir qu'à produire en général, il advint que les peuples, sans jamais se départir de leur "culte de l'Arbre" qui est resté, jusque dans l'existentialisme et les philosophies les plus déconstructionnistes, l'archétype généalogique du rattachement des hommes à l'existence, se mirent à vouer un culte à des arbres non frutiers. Göte chercha l'inspiration du paganisme piétiste du romantisme allemand dans la méditation sous les tilleuls ; Mauriac poussa le culte celte et français du chêne sous lequel Saint-Louis rendait la Justice jusqu'à simuler une fausse confession où cet "ADOLESCENT D'AUTREFOIS" s'accusait de n'avoir plus d'yeux que pour cet arbre séculaire, le Grand Chêne et, à mesure qu'il formulait cet aveu, le voici qui tombait dans une exaltation dont le pauvre M. le doyen se voyait dans l'impuissance de le sortir sans le concours d'un exorciste qu'eût-il envoyé chercher, il n'aurait pas trouvé à la ronde dans ces landes bordelaises qui vivaient à perte de vigne sous l'empire du marché de ses fruits dont l'abondance et la qualité des récoltes décidaient des valeurs domaniales. Le lien qui s'inventa entre l'identité des nations réputées les plus civilisées (l'arbre à palabre était-il fruitier ?) et des arbres à qui, s'ils produisaient du fruit comme le chêne le gland, emblème du tempérament et de la fertilité masculine, on ne demandait pas qu'il fût comestible, aboutit de proche en proche, par contamination de la civilisation des loisirs, à ce que la vie sans toit ni loi des "gens de la ville" n'exigeât plus d'eux qu'ils aillent "à la pêche aux moules, moules, moules", à ce que leur vie ne valût plus à proportion de son utilités, en un mot à ce qu'ils ne fussent plus que moralement soumis à l'obligation de travailler pour s'estimer, même si la pression social s'alliait toujours à la tacite obligation morale pour apporter un cruel démenti à la possibilité pour un homme d'être rentier ou faux chômeur sans avoir à en répondre, y compris à soi-même.



En pratique bien sûr, il demeurait peu admissible de vivre sans travailler au point que l'émancipation des femmes, leur persuadait-on, ne pouvait s'obtenir que par le travail. Mais on ne pouvait pas non plus lutter contre la diminution du "gâteau du travail" à partager, non qu'il ne fût extensible autant qu'on le voulait, mais le voulait-on ? C'était toute la question. Le machinisme accomplissait beaucoup de tâches sans répondre à tous les besoins comme l'utopie robotique en avait rêvé. Or, comme les besoins qui restaient insatisfaits n'étaient pas répertoriés, que la "boîte à idées" restait désespérément vide parce que, d'abord, il n'y avait pas de "boîte à idée", on ne parlait jamais d'un "centre de ressources" faisant référence et dûment référençant les besoins insatisfaits et la manière dont on pourrait y remédier par des services à rendre ou la polyvalence de divers métiers exercés par le même individu au cours d'une même journée ; comme le génie ni l'inventivité humaine n'étaient pas plus stimulés à trouver des idées que pour compenser les ressources en train d'être épuisées de la terre sur lesquelles on disait qu'on tirait au détriment des générations futures ; comme "la recherche" ne cherchait pas à trouver la composition chimique de cette matière organique qu'est le pétrole, ne développait, ni la voiture électrique, ni le moteur à eau, ni n'anticipait les ravages des "guerres de l'eau" en puisant dans la mer et en désalant l'eau puisée, ramenée comme à un fleuve, à une source ; comme enfin stimulation du génie humain et polyvalence dans l'exercice des métiers ne participaient pas à la certaine étroitesse de conception de l'inspection du travail qui préférait à l'inventivité encouragée garder les yeux rivés sur la pendule et la tête obsédée par le respect des "amplitudes de travail", le travail se mit de plus en plus à remplir une fonction occupationnelle, les employés du secteur tertiaire étant, pour beaucoup d'entre eux, des machines à faire perdre du temps. L'offre ne se souciant même plus de répondre à la demande, il était patent que les conditions pratiques allaient comme de plein gré dans le sens instillé, pour ne pas dire arbitralement tranché par l'inflexion théorique. Comme toujours, la sémantique fut la première à enregistrer cette inflexion sans dissimulation, mais avec cette "obscure clarté" qui fait que nous vivons sur des mots qui nous disent l'état du monde en presque toute vérité et exhaustivité, mais sur l'imposition desquels on préfère ne pas réfléchir ni lever le voile de discrétion qu'on a jeté pour ne pas troubler la nuit de l'opinion. La "fonction occupationnelle du travail" fut enregistrée par le ravalement du "travail" en "emploi" sans qu'on entendît jamais la dégradation dénoncer. La possibilité pour des peuples non oisifs de vivre à l'abri d'arbres non frutier sans perdre leur identité instaura, plus qu'une oisiveté, une désagrégation latente entre travail et utilité. Comme il s'avérait viable que l'arbre auquel se sentait énergétiquement lié un peuple ne produisît pas de fruit, l'homme, piqué au vif dans ses conditions quotidiennes d'existence par la dégradation des liens de la société industrielle, dont les délocalisations n'étaient qu'un exemple topique, acquit la souterraine, mais souveraine conscience et conviction que le travail n'avait plus à posséder l'usufruit de sa force qu’il était en tant qu’individu. L'Individu-Force se dissocia de la contingence d'un travail qu'il jugeait de moins en moins fructifère et la "valeur humaine" s'accrut à mesure que la "valeur travail" diminua, pour achever de falsifier les prédictions économiques de Marx.



Dans les profondeurs cachées des mentalités, on aurait peut-être admis que le vote fût quelque jour rendu obligatoire, mais on n’aurait jamais admis que "le travail" eût plus que le rang d'un "droit" et devînt quelque jourobligatoire, comme le travail des enfants fait à l’école à raison de plus de 35 heures par semaines, et cela même si les "droits de l'homme" ont savamment entretenu la confusion entre le droit et l’obligation en employant indifféremment le mot de "droit" pour désigner le droit et le devoir. L'ambiguïté est si entortillée qu'on ne sait jamais avec certitude quand on est dans le "domaine du droit" et quand on entre dans "l'ordre du devoir". Adoucir le devoir en en faisant le synonyme d'un droit, c'était habile et bien pensé ; mais, à la fin du compte, c'est toujours le sens premier, le sens usuel du mot choisi qui l'emporte sur "la confusion des termes. La préférence donnée à la participation au processus décisionnaire plutôt qu'au devoir d'être utile devait s'expliquer comme une compensation demandée à ce que l'homme considérait comme "le péché originel" du Créateur à son endroit, à savoir d'avoir prétendu lui avoir donné la liberté sans l'avoir consulté s'il voulait bien "se donner la peine de naître". Cette obligation imposée à sa liberté faisait demander à Dieu une compensation, via cela qu’Il lui donnât une délégation d'autorité jouant un rôle symétrique à la punition que, mythiquement, Dieu avait demandée à l'homme, pour Lui avoir désobéi, d'avoir à travailler désormais comme intendant de la terre. De même qu'il y avait eu conflit entre les valeurs de l'Hospitalité donnée gratuitement, selon le pléonasme en vigueur, et à la manière bénédictine, et l'Instinct seigneurial de propriété avec ses droits de passage (et de cuissage) induisant la possibilité d'être chassé du paradis si l'on ne payait pas son tribut, fût-il indû, un antagonisme du même genre devait s'animer entre Travail et Liberté, non que la Liberté refusât de rendre ses devoirs au Travail : mais dans quelles conditions, moyennant quelle personnalisation du travail, selon quele articulation entre la personnalisation du travail et la nécessité que les citoyens soient utiles, voilà ce qui était, ce qui serait toujours à négocier dans le Nouvel Ordre Social qui se cherche. Et l'Hospitalité ne nous dispense pas d'avoir à trouver ce modus vivendi, car l'Hospitalité a ses règles, ses dispensaires et l'on aura beau faire, il faudra toujours des infirmières. On pourrait peut-être se passer de police et de légistes, mais pas de médecins ni d'infirmières. C'est en face de la maladie que la question de l'Utilité devient irréductible à nos revendications d'émancipation les plus libertaires. Hospitalité oblige, la figure de l'Infirmière se révèle au bout de nos angoisses et vient nous réveiller de nos torpeurs d'infirmité. et, comme les mères sont mal remerciées de leurs épanchements sur nos couches hurlantes, puantes et capricieuses, les infirmières sont mal payées, mal récompensées et méprisées de ne plus avoir la vocation...



la plupart de nos compagnons de rue et de vie sociale, pour ne pas en parler comme de "nos contemporains" (quelle est cette stupide distance hautaine que nous établissons entre Nous, en majesté éthique et "nos contemporains" qui seraient tout juste bons à être"de leur temps" sans pouvoir vivre dans aucune autre dimension de l'Intrinsèque et sans savoir, à notre sens, analyser ce temps qu'ils vivent ?) se réjouisse assez qu'on naisse aujourd'hui sous péridurale entouré des soins obligeants d'une "sage-femme" dans une "maternité" tout confort, mise à notre disposition, dans une proximité domiciliaire, par le roi déchu Etat, devenu l'auxiliaire d'une société qui a cessé d'être paternaliste et clanique pour devenir maternante et clinique. Mais, où il commence à y avoir divergence de vue, c'est à propos de la fin du voyage : il y en a pour aimer que l'on meure à l'hôpital et d'autres, plus nombreux, apparemment majoritaires (mais qui ne savent pas forcément ce qu'ils disent en terme de ce qu'implique, en pratique, leur refus d'être soignés, car il n'y a pas trente-six façons de l'être : il faut être à la portée des blouses blanches) pour déplorer qu'on ne meure plus à la maison, comme si se cachait sous cette "médicalisation machiniste de la mort à tuyaux" je ne sais quel refus diffus de regarder en face cette tigresse, cet aspirateur psychopompe, cette ogresse qui fait râler le dernier bourdon à seize pieds de notre orgue personnel. Ceux-là préféreraient retrouver leur "chez soi" par le chemin de terre qui mène de n'importe quel coin d'un bois perdu à la chaumière tourangelle où se resserre, passés le bal ou la ducasse, l'austère foyer un rien brutal, violent et prédateur où, dans la fermentation nidifiée des rancoeurs familiales, les femmes n'ont le droit de passer à table qu'après que le père adîné, roté, pris congé sans mot dire et plié le couteau. C'est oublier qu'on ne vit plus à la campagne et qu'un des enseignements que transporte cette évolution de l'exode rural comme la ruée vers l'or des villes formicatées, les listes d'attente interminables de leurs HLM, leurs bars branchouilles aux cocktails qui ne sont dans le pouvoir d'achat que des "bobos" et leurs "cinés" qui ne sont pas souvent d'art et d'essai (dans la France qui est une "République décentralisée" depuis qu'une raffarinade réformiste l'a inscrit noir sur blanc dans la Constitution, la province, c'est le Saël), c'est que la terre est moins un chemin pour l'homme que chaque homme n'est un chemin pour la foule, une espèce d'Evangile à soi tout seul, destiné à se proclamer, tambouriner, si possible comme une "Bonne Nouvelle" exclamative : pour que la nouvelle reste bonne et que Mercure ne tourne pas à l'aigre en se mettant comme un méticuleux vinaigrier à défaire les plombages dont la clinique dentaire a comblé nos caries,il faut que la faim d'être entendue du messager trouve satiété dans une oreille charmée. La ville ayant un service municipal de la voirie, chaque homme est une provocation et veut susciter l'adhésion ou la répulsion de ses "contemporains", en vrai "signe de contradiction". Sur les chemins de terre menant vers les propriétés gardées par des chiens méchants ou bizarres, chaque homme est une pierre d'achoppement.



Je veux bien qu'il y ait des tempéraments plus timorés qui ne tiennent pas à tant s'exposer, qui ne voient pas la beauté du geste, qui ne croient pas par-dessus le marché que l'art soit un geste aussi subjectif, qui n'éprouvent pas le besoin de connaître leur "quart d'heure de célébrité" à la andy Warol, qui ne voient pas la nécessité de faire de leur vie une oeuvre d'art comme Marcel Proust et qui aiment encore moins à choquer comme moi : ceux-là sont notre part d'enfouissement, la condition invisible de toute sainteté sociale, laquelle elle-même a changé de mode d'expression en ceci que la sainteté n'est plus l'apanage de héros érigés qui doivent soulever le monde comme autant de révolutionnaires politiques, mais est dévolue à des gens épris de modestie, simples et enfouis qui, en toute légèreté d'âme et d'esprit et sans souffrir du décalage, manifestent par leur érémitisme moins solitaire que célibataire que, quand même, il y a autre chose que la ville et qu'avant de délivrer son message, il faut déjouer "la conspiration contre l'intériorité" qu'est une vie à la rue, dans l'écléctisme passant des badauds et des milieux. Simonne Weil déjà était à la recherche d'une nouvelle sainteté par laquelle le catholicisme se serait vraiment universalisé, comme la liturgie ferait bien de s'en inspirer pour chercher un nouveau langage rituel afin qu'il n'y ait pas d'incommunicabilité autistique entre les recommençants espérés comme une visite de Vendredi dans une église de robinson et les finissants écoeurés de les attendre impatiemment en criant à l'apostasie quand ce n'est que leur propre incarnation du christianisme qui est en train de le faire "mourir de vieillesse". ([1])



Une chose entre deux ou trois autres dont l'Eglise devrait tenir compte à propos de cette sainteté des temps nouveaux, c'est que le monde ne veut plus être porté. Il est devenu cette femme-tronc qui vit dans une maison sans toit, en quoi la cité terrestre est une parfaite icône de la Cité de Dieu puisque l'Eglise elle-même est présentée par Saint-Paul comme un Corps séparé de son chef et qui ne retrouvera sa tête que lorsque le corps en grandissant aura acquis "la stature du Christ en récapitulation". N'en déplaise aux anticonciliaires, la différence entre l'Eglise et le monde s'est réduite sinon abolie du simple fait que le monde est devenu l'icône de l'Eglise, même s'il s'est toujours trouvé des réarrangeurs de doctrine pour supposer que Saint-Paul ne parlait pas du corps entier, mais seulement de l'Eglise militante, ou des bâtisseurs de cathédrale pour régler le problème de la récapitulationen édifiant des monuments où l’Evangile serait annoncé à l’intérieur du temple, et des monuments si hauts qu'on n'en voyait plus le plafond, de plainpied comme était le temple et que, dans cette acoustique captive de toutes les résonnances, tant avait-on l'esprit embrouillé de musique qu'on n'avait plus qu'à en perdre la tête. Le monde ne veut plus être porté, soulevé, mais couvé, soulagé. Libéré serait peut-être exactement à mi-chemin entre ce que le monde veut encore et ce qu'il n'accepte plus. Or le monde peut être couvé par des saints qui soient des îles et qui ne demandent qu'à s'offrir à le décharger en soutenant ses frondaisons et fondations, ce qui n'en fait en rien des fondateurs, exactement ce que le monde veut : vivre la tête en l'air sans une idéologie qui vienne le banaliser au principe. Ces saints qui s'offrent à être les souteneurs d'unmonde qui se sait prostitué, mais qui, en le reconnaissant, ([2]) a déposé le règne hypocrite et pharisien de la société bourgeoise à qui il a fait perdre la bataille du Verbe, ces saints qui s'offrent à panser le monde ("Infirmière, des pansements, les penseurs au trou" !) ne sont ni réactionnaires ni antiréactionnaires. Ils ont renoncé à la réactivité face à la vie dans laquelle ils voient s'ébattre et se perdre les autres, soit quils se laissent porter par le courant ou qu'ils nage contre en se braquant. La vie passe sur les saints, il faut seulement faire attention à ne pas la laisser les piétiner. Les saints ne font pas leur vie, ils ne la subissent pas non plus, peut-être l'épuisement et le Malheur les auront-t-ils amenés dans un premier temps à cette résignation qui les fait laisser la vie leur passer dessus. Les saints des temps modernes sont ceux que les langues qui charrient l'insulte traite de "dépressifs", comme si la mélancolie était infâmante, eux qui font de leur dépression un travail pour le monde au lieu de chercher à s'en sortir en "allant voir quelqu'un" pour faire "un travail sur soi" :

"Il faut lutter pour réussir, se battre pour s'en sortir, balivernes !" me disait mon ami Franck Bourel. Ce ne sont plus, ces saints, les prêtres ouvriers dont Gilbert Cesbron disait, écrivait, parce que ça faisait bien sur RTL que "LES SAINTS VONT EN ENFER", à l'usine, glorifier la valeur-travail en perdition dans la société postindustrielle et panser les plaies du prolétariat. Pas une époque ne pourra échapper à la sombre iniquité de cette odieuse loi qu'il y a des gens qui sont frappés parl’acharnement du sort, nés sous le signe de l'Innocence et du Malheur, rejetés par leur époque et qui pourtant la sauvent en alimentant le moulin à prière où "la samaritaine" (je sais bien qu'elle est fermée pour travaux) vient tous les jours puiser de l'eau. Les saints des temps modernes sont épuisés comme ceux de jadis et rejetés par notre époque infatigable ; mais, une fois étendus sur leur lit et blottis dans leur bulle, ils ont pris deux résolutions : ne pas porter le monde, mais lui rester ouverts et le voir à travers leur bulle. Ils ont dépassé la résignation et le stade de la dépression réactionnelle en décidant de devenir des îles, avec cette différence par raport aux vraies que leur mobilité réduite n'est pas une incrustation géologique, mais une séparation révocable avec le continent et que, s'ils ne veulent plus couver le monde dans l'éloignement où ils le veillent et dans l'état d'insularité qu'ils ont choisi temporairement, s'ils ne supportent plus d'être exposés à tout vent de perméabilité et transparence de leur visage sur l'écran et de leur visage comme écran, on doit leur amener un radeau, il ne faut pas les abandonner, les laisser s'enfoncer, laisser détruire leurs digues par les vagues, ce ne sont pas des barrages. Vous entendez, ho-hé, oui, vous, messieurs les curés ? De combien de suicides êtes-vous responsables, vous qui ne venez même plus administrer l'extrême onction après que vous n'êtes pas venus voir les gens, vous eussent-ils appelés à l'aide, et cependant que vous ne visitez plus les malades, trop occupés, mon cul ! dans des réunions qui ne servent à rien, Vous les envoyez « voir quelqu’un », ou bien vous envoyez quelqu’un qui vit sous votre juridiction à moins que vous ne viviez sous la sienne, car les laïques sont devenus les tyrans des chargés d’âme, leur apporter la communion. Vous n'enterrez même plus les macchabées, vous envoyez des "dames pipi" pour les mettre dans la boîte avec cérémonie religieuse, vous ne vous dérangez même plus. Vous ne comprenez même pas, cloches que vous êtes, que "les trois cloches" de la vie d'un homme (comme il y a "LES VINGT-QUATRE HEURES DE LA VIE D'UNE FEMME") qui ont vraiment besoin d'être accompagnées par l'onction rituelle, Mages, sont la naissance, les noces et la mort, surtout la mort parce que le mariage se délite, rapport à ce que vous en avez fait une institution beaucoup plus qu'un Sacrement. Et où avez-vous donc pris, bon Dieu, qu'il n'y a que deux vocations que puisse avoir un être humain : le mmariage ou la vie religieuse ? Etes-vous si peu "experts en humanité" que vous ne remarquiez même pas que votre offre ne recouvre pas l'éventail de la diversité humaine qui ne pourra jamais tenir entière dans les étroits filets de votre alternative ? Quant à la mort, vous en étiez raides dingues au temps jadis. A présent, c'est vous qui ne voulez plus la regarder en face et, comme vous aimez bien battre votre coulpe sur la poitrine des autres, vous accusez la société de pourrir d'indifférence, parce qu'elle envoie périr les siens dans des hôpitaux qui sont peut-être impersonnels, mais qui peuvent leur prodiguer des soins et leur procurer de la morfine, du chloroforme contre l'angoisse, de l'apaisement contre la douleur, des soulagements palliatifs, de la sérénité pour passer le cap, pourvu que les patients en Passion ne préfèrent pas à souffrir et à tout se retrouver dans leurs meubles qu'ils n'emporteront pas au paradis. Mais vous, messieurs les curés qui ne savez même plus ce que c'est que d'avoir "charge d'âme" et croyez qu'à vous encercler dans des réunions-tupperware pour vous déchiqueter entre gens de même conviction pour des vétilles de sacristie, vous allez retrouver le chemin des coeurs par la Grâce des conseils pastoraux (les coeurs ne bêlent pas, ils battent), qui sait si, mauvais pompiers, vous ne favorisez pas les suicides des "morts de solitude" parce que pas le temps, et puis ceux qui vous importunent à vous appeler à l'aide sans avoir le profil à ce que vous passiez les voir : ils sont trop à l'Ouest, ça servirait à rien. Tout de même, vous avez pas donné votre vie au bon dieu pour ça : favoriser des suicides par négligence pour des formes de détresse qui sont pas dans vos cordes de sensibilité. et, quand vous prévenez pas les coups de grisou que la météorologie des sociétés anonymes ne sait pas prévoir, pour lesquels elle peut pas lancer un "avis de tempête" parce que les gens transparents sont invisibles bizarrement, invisibles et imprévisibles, vous laissez passer, trépasser, échapper, s'inanimer des fidèles inadministrés qu'après ça, vous n'enterrez pas plus que les suicidés d’autrefois.



Mais si, malgré vous, malgré tout, les dépressifs trouvent encore le courage, s'ils veulent encore tout ça : couver le monde, être des îles, il ne faut pas penser a priori que ça les rend malades de ne pas bouger comme le commun des mortels trouvant toute sa raison d'être dans le "moi social" toujours en alerte, malade de mouvement. Il faut se laisser surprendre par leur chemin sans le juger, d'autant que notre vie sans demeure ne pourrait se couler si elle ne passait à travers eux qui sont dans l'Actuel parce qu'ils ne sont pas dansl’actualité. Notre vie s'actualise par la réceptivité de leur méditation. Ils ont comme souscrit des actions sur notre "capital moral", mais ce ne sera jamais eux qui nous demanderont des dividendes. Ce ne sont pas eux qui vivent à travers nous, mais nous qui vivons à travers eux, qui vivons d’eux. Ils sont loin d'être inutiles comme le suggèrent de manière à les indisposer, ceux qui ne cessent de leur demander ce qu'ils font de leurs journées ou dans la vie sans se douter que, si n'existait pas le présent qu'ils font au monde de leur disponibilité, de cette nouvelle manière de prier qui n'invoque pas l'avenir, mais est un don de présence qui regarde passer le temps, le côté droit du corps calé contre l'avenir dans le lit tandis que le passé qui ne passe pas toujours du côté gauche, est en enfantement de deuil dans la zone réservée aux rêves ; est un don de présence, cette prière de qualité, un pilotis, une fondation du monde qui le protège contre les bourrasques et la dépression atmosphérique, qui rend la vie lisse et pure come un lac. S'ils n'étaient pas là comme des paratonnerres, les saints, ils sauraient ce que c'est que la crise, les traders. Tout contribuable l'est moins qu'une âme sensible et blessée qui ne peut plus sortir de son cocon et dont l'avare blâme l'inactivité en se fâchant contre l'assistanat sansimaginer que lui-même vit sous l'assistance respiratoire des petits poissons à branchies qui souffrent que la vie leur ait coupé les ailes, si bien quils ne peuvent plus être oiseaux comme avant à moins que leurs ailes ne repoussent, mais qui voudraient en attendant s'épanouir comme une primevère printanière et non s'évanouir comme un nénuphar des bords de mare qui, n'étant pas "un taxi de la Marne", ne pourra pas prendre la course du trader qui veut qu'on l'amène où déjà ? Pas à la guinguette, ça c'est sûr ; mais sur un marché où ça ne lui ferait rien de mettre son pays en loques. Le travail sans foi ni loi de ces traders maniaques courrait à la ruine et au crack si les saints n'étaient pas là, et il y a longtemps que leur Société à ces "contribuables" (république de cons finis !) aurait périclité et fait faillite dans cette conjoncture où "la bourse" "n'a plus confiance

Et dans les bourses, l'impuissance

Nous fait gagner en castration". ([3] Car, aussi vrai qu'il est heureux qu'on puisse enfin respirer à l'air libre quand on a la tête hors de l'eau et qu'il y ait des maisons sans toit pourvu qu'on les agrandisse aux dimensions du dehors sans qu'on ait à craindre un préjudice pour le monologue des intimités, on n'a pas encore trouvé le secret de bâtir une maison sans pilotis qui ne se ressource, même retourné pour ascensionner les racines, dans une transfusion sensasionnelle des valeurs minérales au ciel ramenées d'un "voyage au centre de la terre". On ne peut vivre sur une terre désaxée, ou plutôt on ne peut se faire à l'idée que l'axe de la terre ne soit qu'imaginaire. Mais on peut transplanter ses racines dans les cimes, c'est ce que nous aident à faire les îles-saints en se laissant, pour leur part et notre compte, et sans se vouloir victimes et cibles, sans embrasser l'état victimal comme faisaient les antiques épouses du Christ qui avaient peur de leur Bien-Aimé, noyer un peu par la vie pour respirer l'eau de nos oedèmes et que nous restions à la surface. Mais si cela devait leur occasionner des oedèmes à leur tour, il fautrait leur amener notre astronef périurbain et notre ambulance-radeau pour les transporter jusqu'à l'Hôpital où les infirmières les soigneraient de tout leur amour et où nous les visiterions pour leur témoigner notre infinie reconnaissance.



Le regain du "Sentiment d'Hospitalité" ne nous est un gain en effet que si la société ne tire pas sur ses ambulances : les curés qui ne sont plus assez nombreux et les saints qui sont à bout. Mais les assistés sociaux que sont ces saints qui sont des îles sont bien plus utiles au soutien du travail de nos villes, je ne dis pas que les assistants sociaux eux-mêmes, mais que les administrateurs de l'Assistance publique qui ont réussi ce prodige de transformer la Providence en un état. Comme si la Providence n'était pas une résurgence de l'Instinct de Propriété aussi contraire à la prévalence du Sentiment d'Hospitalité qu'une assurance vie, garantie contre l'Insolite. Les administrateurs de l'Assistance Publique ont ressuscité la Providence sous la forme d'un état, comme si, en premier lieu, il convenait à la Providence d'être passive et de subir la moindre action dont elle ne fût pas commanditaire, et comme si, d'autre part, la Providence n'était pas la seule part divine absolument inapte à mourir. Or "Dieu S'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu", disent les Pères de notre sainte mère, l'Eglise, et parmi eux, saint-Irénée de Lyon, auteur de la formule et turcophone qui évangélisa ces galates de gaulois et devint le primat des Gaules, précédent historique ne faisant pas jurisprudence comme on dit que "Comparaison n'est pas raison". Son adage peut se traduire plus brutalement sous cette forme plus assassine (les familles françaises passant toutes leurs soirées télé, c'est-à-dire toutes leurs soirées tout court, devant des séries policières, à part cela qu'ils réprouvent comme un seul homme les agissements des gangsters et des auteurs de e faits divers, on est bien obligé de s'adapter pour se faire comprendre, c'est mal vu d'être hermétique...) :

"Dieu S'est Laissé Tuer (je n'ai pas osé dire S'est Tué, mais j'aurais pu dire S'est Fait Tuer) pour que qui vive ? L'Homme." de même que l'homme doit se tuer pour laisser vivre dieu, c'est ça ou ça, les Hindouistes ne sont pas d'accord, je sais, parce qu'ils ne se font pas notre idée très manipulatrice de la Providence. Pour eux, le "libre arbitre", c'est la roue de la volonté qui tourne un point, c'est tout, sauf qu'il faut beaucoup méditer pour que ça tourne rond et qu'après bien des vies ratées, tout s'arrange aussi à la fin, que ça s'arrange, que ça se termine bien comme dans toutes les religions, Mystérieusement. La vie est mathématique, elle pose le problème. La religion est équanime et magnanime, elle trouve la solution, miraculeusement. Elle pose le signe "égal" et l'équation est résolue, l'harmonie est rétablie, la division est abolie.

"Dieu et l'homme, combien de divisions ?" Le diable Vauvert, pendant la vie. Ce sont des rangs de soldats qui s'observent, bien alignés, une vraie guerre de tranchées, un "combat spirituel" plein de plomb où l'aplomb de l'homme blasphème, pousse Dieu dans Ses retranchements,tandis que le Doit de Dieu se met sur la bouche de l'homme et que Son Amour le bénit en le blessant. et puis, quand vous finissez par bien vous connaître, vous ou Dieu, vous et LUi, quand vous passez la porte pour vous rendre de l'autre côté ou que vous allez au fond de la religion avant ce terme , vous devenez indivisible avec l'Invisible, vous "faites Un" par amour ou vous l'êtes avec l'Amour , et vous découvrez que c'est ce nombre par lequel tous les autres sont divisibles et qui, divisé par lui-même, ne donne que lui,même, que c'est lui qui est le plus proche de l'Infini.



Mais la rouerie consommée des administrateurs de l'Assistance Publique qui sont des démentis vivants à ce qu'Assistance puisse jamais rimer à la lettre, sous leur juridiction inhumaine, avec Charité, c'est d'utiliser pour faire du chiffre un Dieu en Lequel ils ne croient pas, puisqu'ils prétendent ressusciter la Providence Qui est précisément la seule part de dieu que la mort ne peut pas atteindre. Mais ils ne se dotent pas de ce pouvoir surhumain de ressusciter la part immortelle de Dieu pour laisser Dieu vivre, non, non : c'est uniquement pour avoir la peau d'un nombre déterminé d'hommes qu'ils jugent surnuméraires. Ça remonte au moins à la terrible rationalité des Grecs - il a pas fallu attendre Hitler, malheureusement, pour devenir barbares -, cette manie de trouver que les hommes sont toujours en surnombre sur une terre surpeuplée, et le moins que l'on puisse faire d'après aristote, c'est d'observer un strict "contrôle des naissances", les Chinois l'ont bien compris, les administrateurs de l'Assistance Publique aussi.



Tout "Dieu est Mort" et la Providence avec, pour que le sentiment d'Hospitalité l'emporte définitivement sur l'Instinct de Propriété qui, même amoindri par "la destination universelle des biens" enseignée par Saint-Thomas d'Aquin, n'a jamais pu être civilisé ni perdre de sa sauvagerie, s'étant même ranimé durant les troubles révolutionnaires qui instauraient l'"égalité" comme un "droit" puisqu'il n'accepta qu'elle n'accédât à cette dignité que s'il était inscrit au même titre que celui de propriété, ce droit-ci devant bouffer celui-là, car il avait la force pour lui. Au contraire, c'est à la seule condition de la Mort de Dieu jusqu'à l'Imprévoyance que l'on put dresser des autels et, dans le "Mémorial" d'un Dieu ranimé, célébrer des Eucharisties, ces "sacrifice de louange", consécrations sans réquisition de la primauté de la "loi de reconnaissance" sur celle du tribut et du sauf-conduit de bonne conduite à tout crin.



Moi qui suis un messalisant, je m'y retrouve dans cette urbanisation de nos vies sans boussole qui nous fait mourir à l'hôpital, d'abord parce que je perds souvent la mienne, de boussole et puis parce que je suis un citadin sans complexe qui se sentirait plus rassuré de "mourir en scène" entouré d'infirmières que de râler tout seul à la maison. Quant à cette dernière façon de botter en touche qu'est "l'hospitalisation à domicile", c'est un piège des Administrateurs de l'AssistancePublique, n'y tombez pas ! Elle est préconisée par ceux qui veulent faire des économies sur la santé publique parce qu'ils ne savent plus (et par conséquent ne veulent plus)soigner personne (Pour une infirmière, il y a dix administrateurs qui encadrent alors que, pour dix infirmières, il devrait y en avoir un). Non plus que faire la cuisine d'ailleurs, ils ne savent plus rien, d'un genre d'ignorance analogue à celui dont l'écologie est un retour à la nature de qui n'a jamais mis les pieds dans une forêt ou dans une ferme. En l'absence de garde-malade, ne restez pas chez vous et ne parlons pas d'hospice, mais une bonne "maison de retraite", je vous assure, est un asile agréable pour y finir ses jours, histoire, par l'attraction du mot de "retraite", de connaître une phase de monachisme qui n'est pas de trop par nos vies qui savent plus se replier, Peupliers, et histoire aussi d'hiberner enfin en manière de dernière prière, non parce que Dieu est un "Fluide Glacial", mais parce que la vieillesse, quand elle ne se mêle pas de juger le monde auquel elle n'a plus part et cesse d'exercer dessus les dernières percées de son "oeil terrible", ([4]) qui la rendent amère et acariâtre à ceux qui l'entourent, prend de son naturel un air contemplatif, par effet de ressasser ses souvenirs. L'hibernation de la vieillesse qui resasse est une prière suffisante parce que tout au plus, la prière est adossée à l'avenir et que l'avenir est sans nécessité. Ou pour mieux dire, l'avenir est contingent tandis que la prière n'aspire à rien d'autre, Hasard ou Nécessité, qu'à être la mémoire de Dieu.

Julien WEINZAEPFLEN



6 août

Pensée du ciel

Si l'air est l'élément du ciel, inspirer, c'est faire entrer le ciel en soi ; et faire entrer le ciel en soi, c'est recevoir l'inspiration. Quand on quitte ce monde, on expire. Expirer, c'est être aspiré par le ciel.

Julien WEINZAEPFLEN, pensé et élaboré avec Franck BOUREL

La grâce et le vide :

Le contraire du vide est l’avidité. L’homme se retire du vide par le moyen de l’avidité et quand il croit, vaincu, se rendre au vide, c’est la Grâce qu’il trouve à sa place.

LES INAPERCUS DE L'ACTU (Quatrième chronique)

10 août 2010


Sommaire :

19. Oui mais.

20. DU BIENFAIT D'AIDER DES INGRATS

21. JUGES DE gauche ET JUGES DE DROITE

22. Rama Yade et les mercenaires.

23. LA CREMATISTIQUE ET LES CHINOIS.

24. L'AUTOSABORDAGE DE LA BARQUE DE PIERRE

19. « OUI MAIS ».

Au moment du référendum sur la participation que le général de gaulle organisa au sortir de mai 1968, Valéry Giscard d'Estaing, ministre des finances et chef des « REPUBLICAINS INDEPENDANTS », se crut bien inspiré, partie parce que la longévité du général de Gaulle lui faisait de l'ombre politique, de se prononcer pour un :

« Oui, mais », donnant le « la » à Jacques chirac, qui n'eut de cesse de tout le mandat de celui qu'il avait soutenu, d'être un opposant systématique à l'intérieur de la majorité, accueillant chaque réforme proposée par le Président, dès qu'il ne fut plus premier ministre d'un :

« Oui, mais » dubitatif, dont le caractère réprobateur puisait ses sources, non seulement en ce que ce jockey était téléguidé par Pierre Juillet et marie-France Garaud, mais dans l'inimitié personnelle que Chirac éprouvait pour giscard, inimitié dont les années jamais n'atténuèrent la rancune ni de part, ni d'autre. Le « oui mais » chiraquien devint la règle de conduite du Président du RPR à l'égard de la politique européenne jusqu'à ce qu'exerçant à son tour les plus hautes fonctions, on le vît rattrapé par ce que ses amis appelaient pour le dédouaner le principe de réalité, et lui qui avait fustigé depuis l'hôpital cochin la trahison du « parti de l'étranger » qui gouvernait la France en Giscard, on le vit, Président, proclamer, lors de la désignation de Jean-claude Trichet (le bien nommé) comme Président de la BCE (Banque Centrale Européenne), un enthousiasme, qui n'était pas que de façade, à ce que l'europe n'avançât qu'à force de compromis, pour ne pas dire de compromissions.

Le « oui mais » giscardien se transforma en « non » fabiusien, par lequel cet autre ancien premier ministre signataire de l' »ACTE UNIQUE » (et que traita de « roquet », à son désapointement, le même Jacques chirac qui devait lui succéder quelques mois plus tard), prétendit à la fois se faire le chantre d'une Europe plus populaire et déplorer que l'Europe n'allât pas assez loin en matière de supranationalité des institutions. Les médias ne donnèrent guère de publicité à ce dernier argument fabiusien, préférant simplifier le débat. Cette ambiguïté a enveloppé tout le « non » de gauche jusqu'à Jean-Luc Mélanchon compris et à l'exception de Jean-Pierre Chevènement, car on voit mal comment l'internationaliste Mélanchon, de tradition trotskiste, a pu soudain reprendre sa cocarde tricolore pour se déclarer protectionniste, si ce n'est qu'il a, ce faisant, emboîté le pas au PCF ancienne manière, dont les slogans partisans de la fermeture des frontières au marché concurrentiel de l'emploi dont avaient à souffrir les travailleurs français n'avaient rien à envier, la rhétorique étant à peine différente, à la « préférence nationale ». Quant à Jean-Pierre chevènement, on le sait nationaliste, mais de ce nationalisme républicain qui naquit sous la terreur et s'émancipa sous la troisième République. Une même influence des thématiques maçonniques dans la version jacobine du grand orient de France en matière historiquement politique de la conception de l' »identité nationale » essentiellement républicaine enveloppe les langages de Jean-Luc Mélanchon et de Jean-Pierre Chevènement, si divers soient-ils sous le rapport de la radicalité.

Lorsqu'il fut nommé premier ministre, alain Juppé déclara :

« Je ne serai que le maçon des réformes de l'architecte chirac ».

Fallait-il y voir un message subliminal par lequel un premier ministre, faisant un aveu d'appartenance à la franc-maçonnerie, désignait Jacques Chirac comme « LE GRAND ARCHITECTE DE L'UNIVERS ». français ? Quant à Giscard, il trouva tactique de désavouer de Gaulle d'un « oui mais » derrière lequel on entendait claquer les dents du futur Président au grand front qui réfléchissait et qui allait bientôt battre Mitterrand d'un cinglant :

« Vous n'avez pas le monopole du cour ».

Si l'on réécoutait la bande-son du débat Giscard-Mitterrand de mai 1981, on entendrait comment celui qui allait renvoyer Giscard à ses volcans d'auvergne se prélassait dans son fauteuil. Je me rappelle l'impression que cela produisit à l'enfant que j'étais, déjà passioné de politique et de tout petits signes imperceptibles : le grand bourgeois tous conforts n'était peut-être pas celui que l'oncroyait. Je n'avais pas encore remarqué le cléricalisme makiavélique qui perçait sous « la force tranquille » du bon vieillard un peu girrouette. Mais sans doute, Mitterrand se prélassait-il parce qu'il savait qu'il ne pouvait que l'emporter, lors d'une élection ayant lieu un 8 mai, contre « l'homme du oui mais ».

20. DU BIENFAIT D'AIDER DES INGRATS

En chaire, m'a dit mon frère, le curé de Saint-Laurent, paroisse parisienne dirigée par la communauté de l'emmanuel, s'est irrité contre Liliane bétancourt qui, si elle donnait à des bonnes ouvres qui auraient besoin de son argent plutôt que de faire de l'évasion fiscale, mériterait qu'on s'apitoie en chrétien sur l'acharnement dont elle est victime. Mais ce curé ne savait pas que, sans l'argent de Mme Bétancourt, la chaîne « CATHEO » n'aurait CERTAINEMENT jamais vu le jour.

21. JUGES DE gauche ET JUGES DE DROITE

Quant à Eric Woerth, est-il tellement coupable d'avoir cumulé les postes de trésorier de son parti et de ministre du Trésor. public, entendez du budget ? Pas si sûr, quand on s'aperçoit que tous les juges qui, à un moment ou à un autre, ont eu à instruire des affaires politiques, se sont retrouvés à en faire, de la politique, jusqu'au cas le plus emblématique de Thierry Jean-Pierre, disparu prématurément à l'âge de 50 ans alors même qu'il était encore trésorier de « DEMOCRATIE LIBERALE » et après avoir fait un passage éclair par l'écurie villieriste, sous les couleurs de qui il se fit élire député européen, comme le petit-fils du général de gaulle, portant le même prénom que celui du grand-père, avait dans le même temps prêté main forte à l'entreprise lepéniste, ce tribun de la plèbe n'étant jamais si heureux que lorsqu'il pouvait se placer sous l'égide ou sous le nom d'une personnalité charismatique et pourquoi pas dictatoriale, qu'elle soit française ou étrangère.

Mais reprenons notre liste des grands instructeurs politiques qui ont fait la bascule : tout récemment, ce sont mesdames eva Joly et Laurence Vichnievsky quiont verdi, non pas dans le sens du Van Ruymbeke, car ce juge est peut-être le seul à qui l'on ne peut reprocher d'avoir joué de ses aquintances politiques, si tant est qu'elles soient connues, pour entrer dans la carière, ce qui n'est pas le cas, nous dit-on, du procureur de Nanterre Philippe courroye, qui s'illustra en incarcérant dans le cadre de l'affaire falcone le pauvre « Papa-M'a-dit » (allias Jean-christophe Mitterrand) qui, à 59 ans, vivait encore dans les jupes de maman, laquelle pleura misère pour qu'on le libérât sous caution (traitement égalitaire s'il en est) auprès de Pierre Berger et de son riche beau-frère communiste Roger Anin, qui seuls avaient les moyens de sortir le petit de ce mauvais pas. Lorsqu'il revint d'avoir passé ce triste Noël à la santé, le petit Jean-christophe alla s'épancher auprès des caméras de « la grand messe », non de minuit, mais du 20h. Il assura que le méchant juge Courroye « suait la haine », et l'expression était si fleurie qu'on aurait dit qu'il la puait, fermantant sous la frustration. La même accusation de célibataire jaloux jaillit sous la langue volubile de Bernard Tapie à l'encontre de Charles-Amédée de Courson, dont il se demandait pourquoi ce sénateur, à qui l'on semblait ne pas connaître de liaisons, s'en prenait à l'argent dont on le remboursait, après le préjudice moral qu'il avait subi de la part du crédit Lyonnais, lui qui ne semblait pas nourrir la même compassion à l'endroit des employés qu'il avait licensiés dans lecadre de plans sociaux, pour redresser les entreprises qu'il avait rachetées au franc symbolique, avant de les revendre à prix d'or, sur les conseils avisés de l'avocat d'affaire Jean-Louis Borloo, l'avocat le plus fortuné de France avant que la mouche de la politique ne le pique et n'en fasse un maire de Valenciennes qui, pour se faire élire, employa le même parler populaire que son Tapie-mentor de flamboyant client. Y a-t-il un lien entre l'indégommabilité ministérielle de cet ancien auxiliaire de Justice diplômé d'une faculté de théologie protestante que l'alcool fait tourner à la cloche etla soudaine réhabilitation de Bernard Tapie, rentrant dans ses droits par une décision hâtive dont l'arrêt fut rendu, entre autres magistrats irréprochables, par l'ancien Président de la cour de cassation Pierre truche, élevé au grade le plus honorifique parce qu'il avait été procureur général au procès de l'ancien milicien Paul touvier, ce qui n'a rien d'infamant, au contraire, à cela près qu'on oublie de dire qu'à l'exception d'un seul, tous les magistrats en charge à l'époque de l'entrée en fonction du gouvernement de Vichy qu'on appelait alors « l'Etat français », prêtèrent serment au maréchal Pétain, ce qui n'empêcha pas des membres de ce corps d'être désignés juges à son procès, de même que la classe politique, de retour, quelquefois de captivité, quelquefois d'exil et le plus souvent de n'avoir rien fait que de voter les pleins pouvoirs à 80 voix prêts pour donner quittus à ce vieil officier de 84 ans pour rédiger une constitution après avoir négocié l'armistice (comme si l'on n'avait rien de mieux à faire en temps de guerre et après une défaite que de rédiger une constitution ou de faire une révolution nationale), fut rétablie dans sa charge. Jean-Noël Jeanneney est le fils de Jean-Marcel qui, présidant la séance où l'on avait émis ce vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, n'en devint pas moins ministre de de Gaulle comme Paul reynaud ne cessa jamais d'être honoré jusqu'à sa mort par les régimes qui se succédèrent, ou comme il fut loisible à Edouard Dalladier, signataire des accords de Mûnich, de déposer au procès de Pétain que celui-ci avait « gravement failli aux devoirs de sa charge » : Pétain, mais pas lui, le signataire de la conférence de Münich chargeait l'homme qui avait dû rencontrer Hitler à Montoire et qui serait condamné, pas la classe politique, pas le corps préfectoral ou judiciaire.

Et maintenant, ne sauraient faillir davantage que, pour de brèves périodes, ceux qui ont crevé l'écran : Bernard Tapie, Henri emmanuelli ou Julien dray ont beau avoir fait l'objet de condamnations plus ou moins sévères (Julien Dray s'en est tiré avec un rappel à la loi, preuve qu'il l'avait enfreinte), ils s'en tirent toujours avec du sursit (à l'exception de Charles Pasqua, dont la condamnation à de la prison ferme ne saurait s'exécuter sans de si longs recours qu'il sera hors d'âge au moment d'être écroué) et qu'il leur suffit d'accepter un moment de traversée du désert équivalent à un peu de purgatoire de leur vivant, et l'on dira que la Justice a passé et, soit qu'ils ont purgé leur peine, soit qu'ils sont sortis blanchis de ses griffes. Ce qui n'empêche qu'avant qu'ils en soient sortis, la traversée du purgatoire par laquelle ils doivent accepter de passer comporte que l'on ne respecte pas du tout la présomption d'innocence à laquelle ils auraient droit comme tout prévenu, qui n'est respecté pour personne, mais encore moins pour eux : c'est bien la seule fois où ils jouissent d'un droit inférieur au droit commun. Pourquoi ce retour de balancier en amont de la pesée de leurs délits par les balances de la Justice ? Précisément peut-être parce que cela se passe avant que leur affaire ne soit jugée, ce qui permet de les blanchir, quelle que soit l'issue de leur procès, quand bien même seraient-ils déclarés coupables et convaincus de concussion.

Mais de trop violentes tirades contre un régime corrompu ne sont pas à tort blâmées comme démagogues (bien qu'y soit préféré le qualificatif de « populiste », qui ne saurait être une insulte en démocratie) : car, de tout temps, l'argent a été près du pouvoir ; le prince de ce monde a gouverné par l'argent et le pouvoir ; et mieux vaut un homme politique corrompu qui fait bien son office qu'un personnage falot aux mains propres qui n'a à montrer que la candeur de ses mains qu'il n'a jamais trempées dans le cambouis. Mettez-vous à la place d'un homme qui tiendrait dans sa main gauche la clef de la caisse, de qui vous venez de serrer la main droite et qui refuserait de vous rendre service. Vous n'en voudriez plus pour patricien, ainsi n'en saurait-il aller autrement en démocratie représentative et clientéliste.

On aimerait tout de même que les juges, si près de la politique que les mettent les affaires qu'ils instruisent, ne cèdent pas à finir leur carrière par ce passage de l'état de magistrat, exécuteur de la loi, au pouvoir magistral d'être un législateur, si ce n'est l'un des membres du pouvoir exécutif. Qu'y a-t-il de commun entre Bernard tapie et eric Halphen ? Rien, si ce n'est que ce juge chaffoin, après un bref passage par le chevènementisme, qui est le villierisme de gauche et qui fut son erreur de casting à la Thierry Jean-Pierre, a pensé faire une fin au PRG, comme l'ancien ministre de la ville dont la directrice de cabinet m'a fait personnellement l'aveu, à l'aumoneri de la sorbone, que, sous son ministère, pendant l'été, on payait les caïdes pour qu'ils aillent voir ailleur si le ministre y était (l'histoire ne dit pas si c'était sur les fonds secrets). Aurais-je dû mieux respecter le secret de l'instruction en ne répétant pas cette confidence qui m'a été faite par une invitée de l'aumonerie de la sorbonne, du temps que je fréquentais cette plaque tournante et pieuse ? La pauvre femme ne pouvait se douter qu'à mes heures perdues, je deviendrais journaliste. C'est pire : elle ne se doutait pas qu'elle deviendrait une source et que je la citerais.

22. Rama Yade et les mercenaires.

L'ancienne « personnalité politique préférée des français » a été au plus mal avec les mercenaires. Il va de soi que ce mot désigne les joueurs de Football, qui sont des esclaves achetés à prix d'or, qui sont sans foi à la moindre équipe, qu'elle soit locale ou nationale. Ce sont des apatrides que les équipes se revendent et transfèrent au gré du mercato. Ce sont des esclaves en cela seulement distincts des esclaves qu'au lieu d'être échangés à vil prix, on les achète et on les revend à prix d'or et ils en tirent les bénéfices, même si ce ne sont pas eux, mais leur agent qui s'occupe de la transaction. Si la partie africaine de ces esclaves avait montré le patriotisme élémentaire de jouer pour leur pays d'origine, il est plus que probable que c'est un pays d'afrique qui aurait gagné, pour cette première coupe jouée sur « le continent », comme on dit, comme si c'était le seul continent, pour le consoler de ne s'éveiller encore à l'histoire que par son poids démographique, qui atteindra sous 25 ans les 900 millions d'hommes, après quoi ils pourront rentrer dans l'histoire, comme on a fait grandement reproche à Henri gaynot d'avoir fait dire à Sarkozy qu'ils n'y étaient pas entrés, alors que « le continent » n'avaient-ils pas été le berceau de l'humanité ? Mais d'être le berceau de l'humanité ne relate-t-il pas un témoignage de la préhistoire, sans qu'on en sache beaucoup plus de l'histoire africaine ? Il en va de notre connaissance de l'histoire africaine comme de ce que dit cette chanson de notre amour de la musique africaine :

« Tu dis que tu aimes la musique de chez moi, mais tu ne l'écoutes même pas » !

Tu dis que l'afrique est « le continent par excellence, et tu ne le développes même pas !» Oh toi, l'occidental, qui n'as plus de langage que pour parler par antiphrase, tu parles des « quartiers » où ça se passe à la barbare comme « des quartiers », comme si les autres quartiers n'existaient seulement pas. Mais tu es plus faux-jeton encore : tu dis que ces quartiers sont « sensibles », alors que c'est tout le contraire que tu penses et que tu veux suggérer, non que tu n'évoques, par ce mot de «(sensibilité) », qu'il suffit d'un regard de travers pour que ça dégénère et ça tourne à l'émeute. Mais tu feins de trouver que ce sont les quartiers par excellence qui t'émeuvent à ton comble, mais tu ne les désenclaves pas. Tu te satisfais si bien que ce soient des zones de non droit que tu y envoies le moins de policiers (la Seine Saint-denis est le département français le moins pourvu en effectifs de police) ou les professeurs les moins chevronnés que tu envoies au casse-pipe, sans autorité. Ttu boucles ces zones de non droit enclavées, tu t'arranges pour que « les loups (ne puissent pas) entrer dans Paris », tu places ces ghettos comme hors du territoire de ta République, tout en tenant le double langage qu'il ne saurait y avoir, dans la République, de territoires qui ne vivent dans l'exemption du droit.

Et toi, ignoble chroniqueur, qu'es-tu en train de suggérer par cet ignoble lien que tu fais entre « les quartiers » et « le continent » ? Que tu es sensible à la propagande qu'il y a un lien entre insécurité et immigration ? Ne sais-tu pas que tous les jeunes originaires d'afrique noire et du Nord et nés sur le sol français ont perdu toute africanité, mais sont français, n'est-ce pas ce que dit ta République ? »

« C'est bien ce que dit la République, afrique, ma sour, mais ce n'est pas ce que je dis, d'abord parce que ce n'est pas vrai : tous les jeunes nés sur le sol français ne sont français qu'après avoir atteint l'âge de 18 ans et s'ils en font le choix. Ce choix s'impose d'autant moins à l'évidence que beaucoup de ces jeunes ne se sentent pas du tout français. Or ils ne devraient faire allégeance à leur pays d'accueil que s'ils sentent que son identité (ce mot même est devenu un gros mot) l'emporte dans leur cour sur celle du continent dont leurs parents leur ont transmis l'amour et la culture. La France leur demande de choisir trop tôt l'école qui en a fait des mal appris comme de tous leurs camarades scolarisés contre leurs parents qui sont peut-être déracinés, mais non pas sans honneur. Ce n'est pas, enfants de tout pays, parce que vous n'êtes pas du mien que je ne vous considère pas comme tout aussi humains que moi. Ce n'est pas, enfants de pays frères, parce que vous n'êtes pas moi que je vous en aime moins d'être mes frères. Croyez-vous que ce soit moi qui me propose d'aller vider votre continent d'une immigration choisie pour exercer tous les métiers que les miens et moi avons la médiocrité de trouver sots au point de ne plus vouloir en embrasser la carrière ? Est-ce moi qui fais si peu de cas de la parole donnée qu'après vous avoir criés à grand renfors de fanfare médiatique (j'ai préféré écrire de fanfare que de tamtam) que vous étiez des français que nous serrions sur notre cour, au moindre délit, vous seriez déchus de votre nationalité, comme si la naturalisation était un acte d'importance mineure, comme si la nationalité se donnait et puis se reprenait au caprice du prince ? Mais, parce que je ne suis pas un esprit faux, ce n'est pas moi qui me serais vanté, comme l'a fait Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, d'avoir aboli « la double peine » dans le sens où il l'a fait. Naguère, un ressortissant étranger pris en flagrant délit d'agression grave devait d'abord purger une peine de prison en France avant d'être expulsé dans son pays. Si j'avais dû abroger l'une de ces deux peines, ce n'aurait pas été la première que j'aurais choisie. Parce que je ne suis pas un esprit faux, je ne me scandaliserai pas comme toutes les consciences à la voix de crécelle qu'il est honteux, comme l'a fait M. le Pen, puis M. sarkozydans sa roue, d'avoir repris cette phrase à l'emporte-pièce qui sert de devise à l'immigration américaine :

« La France, love it or leave it, aimez-la ou quittez-la ! »

Parce que je ne suis pas un esprit faux, je ne mentirai pas non plus à mon peuple sur le phénomène migratoire, comme la classe politique, qui en fait une variable de l'élection en semblant oublier qu'aux termes de la déclaration universelle des Droits de l'Homme qui sert de préambule à la charte de l'Organisation des Nations Unies qu'un de nos concitoyens français, René Cassin, agrandement contribué à rédiger, aidé d'un autre de nos concitoyens, un grand ancien, Stéphane Hessel, ami d'eleanor roosevelt, « la liberté d'aller et de venir » est l'un des droits de l'homme et que, partant, vouloir limiter l'immigration par principe est strictement interdit dans tous les pays signataires de la charte. On ne pourrait enfreindre ce principe et ce droit, à la limite, que dans des cas de délinquance manifeste, dont un pays peut légitimement ne pas accepter sur son territoire qu'ils soient commis par des étrangers, qui ne respectent pas ses lois et qui se montrent irrévérencieux à son accueil, lequel doit être irréprochable à cela près. Enfin, parce que je ne suis pas un esprit faux, je ne méconnais pas que la délinquance est toujours le fléau des populations les plus récemment arrivées et poussées par l'administration, qui interdit par exemple de travailler aux demandeurs du droit d'asile, à participer à l'économie informelle. Je ne méconnais pas non plus ce qu'a d'inéluctable le phénomène migratoire sous le double effet, de la démographie d'une part , galopante sur « le continent » (pour parler comme ceux que j'étrille) alors qu'elle est déclinante en Europe, et de la révolution des transports d'autre part. L'afrique n'a pas encore accompli sa transition démographique. Je ne méconnais pas enfin ce qu'a d'inédit, au sein de ce phénomène migratoire inéluctable, le fait que c'est une des premières fois dans l'histoire où le caractère massif de ce phénomène n'obéit pas à une fin conquérente. Il n'en va pas de l'immigration comme de l'américanisation, laquelle a beau être le dernier soubresaut d'un « EMPIRE EN DECLIN » comme l'a diagnostiqué Emmanuel Tod à la risée générale bien avant le 11 septembre (de même qu'Hélène Carrère d'encausse avait écrit : « L'EMPIRE ECLATE » bien avant que le coup d'etat manqué en Union Soviétique après la chute du mur de Berlin n'ait précipité le démantèlement de l'Union soviétique en CEI), l'américanisation a été conçue depuis longtemps, quoiqu'ait été proclamée par l'ONU « l'abolition du droit de conquête », comme une « conquête par influence ». La différence, qui est de taille avec l'immigration, c'est que l'influence peut se révéler découler de l'imprégnation immigrée par un effet naturel de la loi du nombre et, bien qu'il se puisse qu'ici ou là, on dobe sur la conquête, la conquête n'est qu'une résultante : elle n'est pas une intention. C'est ce qui distinguera toujours l'immigration de la colonisation, quelqu'assimilation douteuse, par la voie d'une prétendue « invasion » immigrée, qu'on fasse entre les deux phénomènes, qui diffèrent en outre parce que le noyau colonial est riche alors que le noyau qui constitue la masse de la population qui émigre a beau être constituée de l'élite la plus entreprenante du pays qu'elle quitte, il n'en est pas moins pauvre. Et ce n'est pas non plus à cause de l'arrivée massive d'une population pauvre dans nos pays développés que ceux-ci se paupérisent. Ni ce n'est à cause de l'arrivée massive d'une population originaire du tiers-monde que nos pays se tiers-mondisent. S'il est vrai que nos pays se paupérisent et se tiers-mondisent, c'est à cause de l'impéritie de ceux qui dirigent notre économie , nos finances et notre administration, si tant est que nous vivions sous des régimes dirigistes, économiquement et socialement protecteurs. Nos Etats ne sont pas plus économiquement protectionnistes et socialement protecteurs qu'ils ne le sont au titre régalien de la sécurité, que la droite et la gauche reconnaissent pourtant de concert pour être l'une des fonctions régaliennes de l'etat. Quant à la différence entre l'immigration et l'américanisation, faisons-la une fois pour toutes, pour en marquer le caractère saisissant : l'américanisation est une conquête par influence, tandis que l'immigration est une influence sans conquête, ou en tout cas sans volonté de conquête a priori.

La structure ayant été une fois dégagée de la conjoncture, quel a été le problème de rama Yade avec les mercenaires ? Elle a joué sur le même terrain qu'eux. Elle les a critiqués d'avoir été logée dans un hôtel plus luxueux avant d'être surprise par les médias qui l'attendaient du coup au tournant, et qui la virent logée à la même enseigne, comme pour disputer avec les mercenaires une compétition d'amour, moins du lucre que du du luxe. C'est que mercenaire, ils sont et mercenaire, elle est aussi, ayant troqué « les droits de l'homme » contre les sports par un jeu de chaise musicale pour ne pas cesser d'être quelque choses au sein du gouvernement. Rama yade est devenue ministre des sports avec un esprit de mercenaire. Je ne dis pas qu'elle a revendiqué d'être un ministre apatride, mais ce n'est pas passé loin. Elle respectait, ô combien, les droits de l'homme, dont j'ai déjà cité en toute bonne foi qu'elle voulait défendre le legs. Et puis on l'a déshéritée et elle s'est laissée faire, parce qu'elle avait prévu le coup, n'envisageant pas qu'elle serait toujours ministre de laRépublique française, ni même ne faisant mystère qu'elle n'avait pas définitivement choisi la France comme patrie d'adoption. Je l'entends encore confesser à Edvige Chevrillon, sans voir ce qu'avait d'irrespectueux de sa fonction ce qu'elle était en train de dire, qu'elle se verrait très bien, après avoir été ministre en France, essayer de faire fortune à New York, qui pouvait présager où la vie la mènerait ? Seulement, se donne-t-on à tous les vents ? Peut-on prétendre être ministre et nourrir, par la suite, une ambition mercantile apatride ? Sans compter ce grief un peu mauvais qu'on lui a fait de vouloir être inhumée sur la terre de ses ancêtres. Or ce grief est-il si mauvais ? La patrie n'est-elle pas le lieu, si ce mot signifie encore quelque chose, non peut-être pour lequel on doit vivre ou mourir (car alors, on entre dans une idolâtrie de la terre qui ne vaut guère que de l'avoir précédée celle de l'écologie politique), mais du moins où l'on souhaite d'être enterrée ou de voir disperser ses cendres, comme un de mes amis, breton bretonnant, vient de commander que sa famille l'ait fait sur cette terre natale qu'il aimaittant, et je me demande même si on n'a pas accédé à sa demande d'avoir déversé un peu de ses restes dans la mer. Car il entrait dans son caractère breton d'être comme les gens du voyage, qui aiment à se laisser porter d'une rive à l'autre de l'océan ? Que Rama Yade n'a-t-elle dit qu'elle souhaiterait que ses cendres fussent dispersées sur la mer Méditerranée, pour voyager d'une rive à l'autre !

23. LA CREMATISTIQUE ET LES CHINOIS.

Un jour, comme on me faisait observer que « les espèces » avaient étymologiquement comencé par désigner une marchandise avant de prendre le sens sous lequel ce mot nous est connu aujourd'hui, soit pour évoquer le paiement en espèces, soit pour faire allusion au pain et au vin qui sont les saintes espèces et les sacramentaux en lesquels vient s'opérer la transsubstantiation, soit pour caractériser au singulier l'unité d'un groupe animaal ou de l'espèce humaine, j'apportai à mon correspondant cet éclaircissement de latiniste :

« « eclaircissement de latiniste ou de philosophe ? Il n'est pas étonnant que speci ait désigné la marchandise avant la monnaie puisqu'à l'origine du commerce, on faisait du troc. On échangeait un produit contre un autre. Ce n'est que par la suite, en fait, dès la très haute antiquité, qu'on s'est aperçu que ce système nécessitait des transports un peu lourds, au sens pondéral du terme, et qu'on a substitué la monnaie aux échanges de deux denrées de quantité équivalente. De là est née la distinction entre "valeur d'usage" et "valeur d'échange". Le calcul pour rendre ces deux valeurs les plus équivalentes possibles s'est appelé la crématistique. C'est ainsi qu'on a pu dire que la monnaie reposait sur la confiance. La monnaie est née d'une première dématérialisation de l'économie. L'introduction du papier-monnaie en a constitué une seconde. Aujourd'hui, l'économie est tellement dématérialisée que les capitaux, ces biens meubles, circulent plus vite que les personnes. Ce qui entraîne tous les déréglements que l'on conaît. »

Pendant la crise, il s'est produit un phénomène totalement inexplicable pour un esprit non habitué, comme c'est mon cas, à entrer dans les subtilités du calculmonétaire, une fois admis que, puisque la monnaie ne repose même plus sur le calcul de la valeur, même d'usage, même surestimée, d'une quantité équivalente de métaux dits précieux comme était l'étalon or. Le monde s'est mis tout à coup à manquer de monnaie. Les banques n'en avaient plus. Tous les Etats du monde se sont donnés la main pour aller en emprunter pour elles sur les marchés. Mais sur quels marchés, si ce ne sont les marchés bancaires ? Enfin, on leur en a trouvé et les banques se portent mieux que jamais, spéculent, font des bulles, tout est dans l'ordre désordonné d'avant la crise et l'éclatement de la bulle immobilière américaine.

Ce qui n'a pas empêché Hilary clinton d'avoir des sueurs froides. Tellement qu'à peine eut-elle été nommée secrétaire d'Etat qu'elle fit un voyage en chine pour supplier ce pays de continuer de prêter au sien des devises, ce que ce pays promit, trouvant avantageux pour le moment de faire des affaires avec un pays qui n'a plus d'industrie, qui vit sur une ancienne réputation d'invincibilité et d'élasticité dans l'esprit d'entreprise. La chine promit d'apporter son concours non sans revenir sur une de ses anciennes propositions, savoir que le dollar, puisqu'il n'était visiblement plus la monnaie à qui le monde entier se fiait sans contredit, cessât d'être la monnaie de référence, mais qu'on en choisît une, non pas qui serait la seule monnaie du monde, mais dont on fît en sorte qu'elle ne serpentât pas, afin que l'économie du monde reposât sur des bases plus justes et plus saines. Ce n'est pas qu'il n'ait été au pouvoir de la Chine de faire s'écrouler quand elle voudrait (et maintenant encore) « l'impéritie impérialiste d'un pays assis sur une montagne de dettes ». Mais la Chine voulait parler au monde un langage que le monde comprît, comme si le tempérament chinois souffrait de n'être pas plus universel et ressentait que le moment de sa domination en serait reculé d'autant. Comme si la Chine avait compris que, pour dominer le monde, il fallait s'en faire aimer et lui parler un langage monétaire . qui instaurât le règne d'une économie plus juste.

Idéalisé-je, en plus mauvais sinologue encore que je ne suis bon analyste monétaire, la propension chinoise que je suppose à asseoir sa domination, incontestablement émergente économiquement, mais qui n'a d'influence qu'industrielle, c'est-à-dire métaphysiquement nulle, puisque limitée, à la marchandise, sans empreinte philosophique oulinguistique ? Or, sans langage, point d'universalité. L'Occident peut-il se bercer qu'il reste le gardien du Logos ? Qu'en a-t-il fait en ayant programmé, après le meurtre du père qu'il se vante d'avoir perpétré, la mort du langage ? Toute l'économie repose sur de la psychologie, nous dit-on ; et, de même, la politique a beau se faire bien trop souvent à la corbeille, dans une expansion de la bulle capitalistique dont le capitalisme va peut-être crever, l'art premier de la politique n'en demeure pas moins la rhétorique et, au-delà même de l'art de persuader, ce qu'on appellerait aujourd'hui la sémantique, c'est-à-dire la philosophie qu'il y a derrière le choix d'employer un mot plutôt qu'un autre. Eh bien, je soutiens que si nous sommes de si piètres gardiens du Logos que nous montrions une joie presque suicidaire à proclamerla mort du langage, il ne faut pas s'étonner qu'un de mes correspondants, musulman fervent, faisant l'analyse des forces en présence, résume la revue de ces rapports des forces du monde en pensant que son avenir se résoudra, soit par la prépondérance de l'Islam comme contenant encore assez de doctrine pour que la nature ne s'enfonce pas dans le nihilisme qui lui donne horreur du vide, ou bien le triomphe apocalyptique du non sens. Dans cette configuration de l'islam contre le non sens, l'Islam aurait récupéré le Logos. Pour ma part, je crois davantage en l'avenir du non alignement qui peut très bien renaître de ses cendres, avec beaucoup plus d'efficacité qu'un altermondialisme ou qu'un écologisme qui ne sont que des cryptomarxismes, ces derniers râles d'une idéologie avide de Justice, mais fortement exterminatrice. Je crois au non alignement comme une alliance possible de toutes les composantes opprimées qui trouvent quelque chose à se dire. C'est pourquoi nos ennemis naturels n'ont jamais été l'Irak et puis l'Iran, le Pakistan, la Syrie ou la Libye. Quels que soient les faiblesses de l'homme Muammar Khadafi, autrefois précurseur et champion du non alignement, c'est un homme qui prend assez au sérieux la charte des Nations Unies pour la jeter à la figure de son secrétaire général parce qu'elle n'est pas du tout respectée. Dans le non alignement, il ne faut mépriser aucun des « caractères propres » des pays qui constitueront cette Alliance prochaine. Il reste peut-être encore à la France une place dans cette caravane, bien qu'elle se soit longtemps montrée suiveuse des seuls intérêts mercantiles de l'impérialisme américain, avec un progrès considérable et paradoxal de cette allégeance depuis l'accession au pouvoir de Mitterrand, qui a voulu rendre cette allégeance quasiment irréversible, dont Sarkozy n'est que le continuateur fasciné et vis-à-vis de quoi Chirac n'a fait qu'un retour très timide.

Chirac a été très loin de se montrer un gaulliste à la tête de la france. Pourtant, quoi qu'on pense du personnage historique de de gaulle, qui a ses forces et ses faiblesses comme l'homme Muammar Khadafi, s'il doit nous rester quelque chose de l'héritage gaulliste qui puisse nous faire exister dans le concert des nations, c'est que de gaulle a porté fièrement l'étendard du non alignement, dans lequel il a vu, en en faisant parfois une posture, le résumé de la vocation spirituelle de la France, fille aînée de l'eglise du Logos dans la « démocratie des nations » que doit devenir le monde réunifié dans l'esprit de 1945. On a assez reproché à de gaulle de n'avoir exercé que le ministère de la parole. Mais ce dernier mythe vivant a consacré en réalité ce mythe que la France avait fait partie des alliés et devait être porté parmi les peuples qui avait remporté la victoire sur le nazisme. La France n'a qu'à passer des alliés aux non alignés. La France n'a eu, depuis de Gaulle, que la puissance de sa parole. Qu'elle la retrouve et le monde ne l'oubliera pas, quand il se fera justice !

24. L'AUTOSABORDAGE DE LA BARQUE DE PIERRE

Mais comment expliquer que le chef actuel, sinon le représentant le plus visible de l'Eglise du Logos, de l'Eglise du verbe, de l'eglise du Christ, batte la coulpe de cette institution dont il disait lui-même qu' »elle prend l'eau de toutes parts » parce qu'elle ne sait plus se rendre audible, sur les déportements de rares prêtres perdus de mours qui ont « scandalisé des enfants » en promettant, d'une part que l'Eglise ne laissera plus faire, mais en ne changeant rien, d'autre part, à la discipline de l'Eglise pour que le prêtre n'étant plus conçu comme un ange, ne fasse plus la bête ? Ce pape a assez mal supporté le mouvement de repentance que son prédécesseur Jean-Paul II a voulu imprimer, initiative qui a été saluée par les médias et comprise du monde, à laquelle ne se sont opposés que de rares militants intransigeants, qui ne voulaient pas que l'on dise l'Eglise pécheresse, de crainte que cela mène à convaincre le Christ de péché, ce que Saint-Paul a risqué dans un raccourcis théologique d'une telle puissance que ne disait-il pas que le Christ s'Etait fait péché à notre place ? Par un paradoxe si commun à notre nature humaine et l'une de ces incohérences logiques qui font le bonheur malheureux de nos inaperçus, ceux qui en tenaient le plus pour le péché originel n'ont pas voulu de la repentance, en partie sous prétexte qu'il était bien facile à notre époque de se battre la coulpe sur la poitrine des fidèles trépassés, nos ancêtres, dont nous n'honorions pas la mémoire, fût-ce dans ce qu'elle avait de moins honorable, voire d'indéfendable, au-delà du respect que l'on doit aux personnes et de la recontextualisation historique où l'on doit resituer leurs actes. Le pape actuel, qui a contre lui le malheur d'être un vieil home dans une époque de jeunisme, croit prévenir cet écueil d'une repentance qui se battrait la coulpe sur des poitrines ancestrales tout en professant la Foi dans le péché originel, qui a pour conséquence la croyance en la solidarité dans le mal et est le revers de la communion des saints, à travers la manière dont il s'indigne de la façon dont ont déshonoré l'eglise ces quelques serviteurs qui ont indignement rabattu leur misère sexuelle sur de pauvres enfants. Mais, s'il fait cet acte de courage de parler d'un fléau présent et dans la dénonciation duquel il bénéficie de l'approbation médiatique, ce qui lui arrive rarement, que ne va-t-il à la racine du problème, qui est moins un problème mmassif de moralité publique des prêtres, comme il contribue à en enraciner la croyance, qu'un problème lié à l'identité sexuelle troublée des prêtres et de leur représentation, dont l'Eglise a voulu faire des vierges en les émasculant et, non seulement en leur interdisant de se marier, mais en les assimilant à des serviteurs de l'Epouse du Christ, eux-mêmes épouses, s'ils ont une vie mystique suffisamment sainte et dense. Est-ce au moment où la Foi est en perte de vitesse qu'il faut saborder la barque de pierre ; et au moment où l'Eglise est incomprise qu'il faut pousser cet incompréhension jusqu'à l'accablement, sans chercher ce qui peut être à la racine très profonde de ces troubles disciplinaires ?

Julien WEINZAEPFLEN