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jeudi 3 mars 2011

Des vieux malentendus de l'ingérance

(suite du dialogue entre le torrentiel et un croissant de lune, partie IV, herméneutique 15)

Envoyé par le torrentiel, le 3 mars 2011 à 7h49

Bonjour, mon croissant de lune,

"Insondable complexité des relations humaines"...

En effet...

Est-il nécessaire de revenir, en guise d'introduction, à l'amour que peut ou non éprouver un arabe envers une américaine, en dehors de visées qui lui permettraient d'obtenir un visa ou une "green card" ? Oui quand même. Car, si tu fais revêtir à tout amour une dimension politique, tu condamnes l'histoire des capulet et des Montaigu, de roméo et Juliette, à se reproduire indéfiniment. Tu trouveras qu'en ce cas, comme il s'agit d'un drame shakespearien, cela ne fera jamais qu'apporter la preuve que shakespeare a su mettre en scène les archétypes immémoriaux de l'humanité. Mais j'oubliais : tu convaincras Shakespeare de l'irrémiscible péché d'être le plus anglais des anglais. Ta condamnation ira-t-elle jusqu'à ne pas reconnaître la puissance archétypale de ses tragédies ? Je n'ose penser que tu en sois là, quel que soit ta rancoeur à l'endroit des anglosaxons. Mais redevisons sérieusement, la situation ne se prête pas au lancer de pierres à la légère. A la fin de la seconde guerre mondiale, te souvient-il, dans ce terrible mouvement d'épuration qui a suivi la libération, de ces femmes tondues pour avoir accordé, quelquefois pour des raisons d'amour, d'autres fois pour des motifs véniellement plus vénaux, quelques privautés du sexe et du coeur à des soldats allemands ? Rétrospectivement, je ne sache pas un honnête homme que ces faits n'aient indigné, comme un acte de vengeance relevant du plus pur sadisme, si l'on peut comprendre, a contrario, que l'on juge un collaborateur coupable de trafics, rompu au marché noir, et a fortiori un écrivain, coupable d'avoir galvanisé ces mouvements collaborateurs. Mais sans doute es-tu à présent agacé que ma grille de lecture, pour juger de ces faits d'amour d'une "érotique du métissage" araboaméricaine, revienne au critère d'appréciation qui se déduisent sans cesse de la remanducation continuelle de la shoah, comme nous nous repaissons avec morbidité, de méditations sur la Passion du Christ, où nous nous faisons fort de faire comme si nous avions été forcément à la place des bourreaux, sans imaginer un seul instant que nous aurions pu porter une main secourable au christ, en Sa Passion. Que n'avons-nous un regard moins sélectif et ne savons-nous nous émouvoir de la nakbah autant que de la shoah et de la Passion du christ, qui sont dans une continuité, comme toutes les catastrophes historiques, qui ont abouti à des pertes humaines suppliciées, comme est celle que traverse la Lybie à ce jour. Que j'aie des oeillaires, bien sûr ; et pourtant, l'amour n'est pas d'abord un fait patriotique. Je sais qu'il t'est difficile d'être d'accord avec moi, toi à qui il arrive d'appeler ton épouse "france". Je ne dis pas que la dimension patriotique ne joue pas dans l'amour ; si elle y joue un rôle, c'est pour le compliquer. La politique complique l'amour ; mais, ne t'en déplaise, il n'est pas certain que l'"érotique du métissage" soit à même de dissiper le mystère de l'amour, par exemple ce "mystère arabe" dont je t'ai parlé pour l'occidental moyen que tu croyais sans peur et acquis à ta cause, ce "mystère arabe" qui s'épaissit, à la lumière de ce récent sondage où, quand on demande l'opinion des Français sur les révolutions arabes, 69 % d'entre eux avouent qu'elles leur font peur. Ils n'auraient pas dit ça à propos des révolutions de l'Europe de l'Est, au sujet desquelles j'ai déjà établi un parallèle avec les révolutions arabes lors d'une de mes contributions récentes. Cette peur tient bien entendu pour une part à l'abâtardissement d'un individu qui ne sait plus savourer la liberté, quand elle est recouvrée par un de ses frères humains. Mais elle tient aussi au fait que nos relations n'ont jamais trouvé l'équilibre. Elles sont sans doute déséquilibrées par tout ce que tu incrimines l'occidental d'avoir fait contre toi ; elles le sont aussi par ce que les jeunes déracinés de ta nation font contre l'autochtone en le traitant plus bas qu'un chien, par exemple en le traitant de "souchien" ou d'"enculé de sa race", cet autochtone qui ne se rebiffe pas, qui se contente de baisser les yeux et d'avoir peur. Elle tient à ce que, pour que nous accédions à l'Union euroarabe que tua ppelles de tes voeux, il faudrait remettre les compteurs à zéro, solder le passé, "laisser ouverte la porte du pardon", selon le mot de qui tu sais, en gardant simplement l'esprit vigilant de part et d'autre, pour que le passé ne se reproduise pas.

Restons encore un peu dans nos perceptions différentielles de l'histoire. Qu'as-tu contre l'américain au point que ta république islamique héritée de l'iman Kohmeini n'a cessée d'appeler les Etats-Unis "le grand Satan" ? Ou, pour décliner ma question en deux autres qui te la rendront plus acceptable et moins choquante, qu'as-tu contre l'amérique, que je ne puisse avoir moi-même ? Ou bien encore, qu'as-tu contre l'américain moyen ? L'Américain moyen est un brave type ou une brave fille, qui sont très peu au fait de ce que trame l'administration de leur etat, parce que celui-ci les entretient dans un climat de "confort inculturel" qui leur tient lieu de confort intellectuel. C'est ce sourire du yankee qui n'est plus un cowboy qui fait que, moi qu'il a également bombardé peut-être plus que ne l'ont fait les Allemands à l'occasion du débarquement de Normandiie, moi qu'il a, non seulement bombardé, mais qu'il a voulu rayer de la carte en tant que france, je n'arrive pas à lui en vouloir, parce qu'il le faisait pour mon bien, en m'apportant des cigarettes et du chocolat, en me libérant pour la seconde fois, tu vois le truc ? Tu me diras peut-être que, si je ne lui en veux pas, jusqu'à ce qu'il m'arrive d'oublier qu'il a détruit dresde, Hiroshima et Nagazaki, c'est aussi parce qu'il a gagné la guerre, lui et son matérialisme désinvolte, lui et son plan Marshall qui m'a reconstruit, lui et sa "soft ideology" qui fait semblant de ne pas en avoir, lui et son cinéma dont je me gave tous les jours quand je vais dans les salles obscures, parce que mes gouvernants n'ont pas su négocier en mon nom, même pas la préférence cinématographique européenne ou la sauvegarde de "l'exception culturelle française", "mais le fait que, par des accords garantis au plus haut niveau, l'invasion du cinéma américain est gravée dans le marbre et n'est pas le fait du hasard. Le cinéma est l'un des plus vastes lieux de propagande. Serais-je la proie d'une propagande par l'hypnose ? C'est possible. Mais quand même : bourrage pour bourrage de crâne, dans quel état serait ma conscience si ce n'étaient pas les alliés, mais l'autre fou qui avait gagné la guerre ? J'en mènerais encore moins large moralement, conviens-en. Et toi de même ; car, contrairement à ce que l'opinion européenne a comme définitivement intériorisé, Hitler ne désirait pas outre mesure liquider les Juifs en les tuant. Il n'a imaginé la "solution finale", pour autant qu'il ait employé l'expression, ce sur quoi l'historien Edouard Husson émet des doutes, que parce qu'il a été acculé par l'avancée des alliés. A l'origine, Hitler n'aurait pas été défavorable au sionisme : "Chacun chez soi". J'ai l'insigne déshonneur (mais en amitié non plus qu'en amour, il n'y a véritablement de déshonneur) d'avoir eu un véritable ami, l'un de ceux qui vous donnent à manger quand vous n'avez plus rien, qui était des idées d'Hitler. Sur les juifs, il me disait que ce que pensait le parti nazi du début des années 1990, c'était que ce problème était du ressort d'arafat. Mais à l'origine, Hitler n'était nullement contre le sionisme, si ça pouvait débarrasser l'Europe des Juifs, c'est ainsi qu'il pensait. Toi dont le sionisme est devenu le principal ennemi, mystère sur lequel il faudra là encore que je te dise ce que j'en comprends, si c'était l'autre qui avait gagné la guerre, soit il aurait favorisé le sionisme, soit il aurait laissé régler le problème aux Palestiniens, mais, dans tous les cas, ç'aurait été une hécatombe pire que celle qui a surgi de la victoire de la guerre par les Alliés. Soutiendrais-tu que l'on pourrait comparer cette fiction d'hécatombe à celle que nous vivons ? Je ne saurais te suivre sur ce point, mais la question vaut d'être posée.

"Insondable complexité des relations humaines", il en va de même de l'identité des nations ! J'ai dit que les etats-Unis nous avaient libéré deux fois. En fait, au Traité de Versailles, ils n'ont fait que nous démanteler toi et moi, l'Autriche-Hongrie et l'Empire ottoman, tout cela au nom du droit donné à de petites nations, ferments de divisions, d'exister en tant qu'entités politiques, non pas en fonction d'une volonté désagrégative, mais parce que le Président wilson, sur lequel Freud n'avai pas tari de colère, avait des idées généreuses, dont il ne voyait pas qu'elles pourraient subir le même genre de retournement historique que tu accuses mon injonction d'amour d'avoir connu. Les 14 propositions du Président Wilson n'allaient pas sans qu'à la fois, il fût permis à l'allemagne de renaître de sa défaite, et qu'il fût commandé par le traité de Versailles que l'allemagne serait surveillée et démilitarisée. Lorsqu'Hitler a remilitarisé la Rhénanie, violant le traité de versailles, l'europe et le monde ont laissé faire, dans un esprit prémünichois. La surveillance des nouvelles entités que wilson, inspirateur du traité de Versailles, instaurait dans la région du monde où bat le coeur de ce que tuappelles le précarré de ta nation, s'est traduite, come les frontières qu'il traçait étaient fort indécises, par la mise en place du mandat britannique, dont on sait aujourd'hui l'empire calamiteux de sa gestion racketteuse de la région, qui commençait à se révéler un puits d'"or noir", que l'Occident estimait avoir grand besoin de se faire acheminer, car il était plus équipé en supports techniques dont cet "or noir" était le carburant, que les pays possesseur des gisements d'"or noir", qui en discernaient davantage l'intérêt que pourrait leur procurer ce qu'on appelle aujourd'hui la "rente pétrolière", rente que le mandat britannique leur a en majeure partie pillé, sans les acclimater eux-mêmes à une utilisation massive du pétrole, en quoi le mandataire britannique se serait sans doute montré bon prince, mais bon prince qui aurait joué contre ses intérêts.

Les Etats-Unis de wilson, voyant s'enfoncer leurs alliés naturels, la Grande bretagne et la france, dans la nasse d'une "guerre de tranchée" qui n'en finissait pas de secouer le monde entier, furent appelés ou intervinrent en arbitres, contrairement à la vocation que s'était fixée le "may flower", qui tenait pour l'isolationnisme de ces terres du "nouveau monde", qui ne voulaient pas s'immicer dans les affaires des autres Etats. Comme cette immiction n'était pas naturelle, mais qu'à chaque fois, les etats-Unis se retrouvèrent en position de force pour imposer leur règlement du conflit parce que leur intervention y avait été décisive, il en résulta que le règlement que les Etats-Unis proposèrent, entre bonnes intentions et volonté de profiter de l'aubaine, fut constamment déséquilibré. Les Etats-Unis ont assujetti l'Europe par le "plan Marshal" sans lequel elle n'aurait jamais pu se reconstruire. Ils ne vous ont fait bénéficier d'aucun "plan Marshal", mais se seraient volontiers accommodés d'un règlement pacifique avec vous des conditions de vente à leur avantage, de la manne pétrolière, si ce que tu appelles "l'élément sioniste" n'était entre temps venu jouer les trouble-fêtes, rencontrant progressivement un soutien des Américains, qui n'était nullement acquis dans ce qui a précédé la naissance d'Israël et qui, n'étant pas acquis à ce moment-là, pourrait très bien se retourner si les circonstances devenaient moins favorables à Israël, mon espoir personnel n'étant pas que ce soutien se retourne jusqu'à vouloir "rayer Israël de la carte", comme Israël se plaint d'être le seul Etat au monde à connaître l'évocation de ce sort, mais à rééquilibrer les relations entre Israël et ses partenaires. Comment ? C'est une vaste question, pour laquelle, si je voulais émettre un avis décisif et de quelqu'intérêt, il me faudrait avoir toutes les cartes en mains, et je ne suis pas le seul à devoir avouer mon impuissance, mais cette impuissance n'est pas une fatalité, il faudrait travailler à ce rééquilibrage et pouvoir l'imposer, en changeant suffisamment les rapports de force pour que celui-ci devienne de lui-même nécessaire, car un des traits de la puissance américaine ou de ce qu'il en reste, me diras-tu sans doute avec emmanuel todd, est de mener une politique pragmatique, pragmatisme qui participe peut-être à ta désaffection de cette puissance, car une politique sans dessein est assurément une politique du non sens.

L'Amérique t'a infiltré de ses mercenaires, elle t'a bombardé plus récemment que moi, tu n'y as rien gagné, je comprends que tu sois moins enclin à lui pardonner que, me sentant dans ses petits papiers, je ne sens porté à le faire. Elle t'a bombardé et envoyé ses missionnaires et ses mercenaires, les premiers moins intelligents, me dis-tu, que les missionnaires des religions bien établies par l'ancienneté, qui avaient collecté la culture des peuples qu'ils évangélisaient, et n'achetaient pas des conversions à prix d'argent, ce dont je voudrais être sûr, pisque c'est l'accusation que tu profères souvent à 'lencontre des évangélistes, pour lesquels tu me dis manifester d'autant moins de respect que c'est un prosélytisme nouveau et qui ne parie pas sur l'intelligence, qui profite de sa puissance financière et qui donne dans la surrenchère spectaculaire. Je te ferai observer que tu n'es pas toujours beaucoup plus indulgent pour les religions d'ancienne extraction, ainsi ne fais-tu pas beaucoup de cadeaux aux coptes, dont le patriarcat s'est à tes yeux mal comporté, je n'en disconviens pas a priori, je ne dispose pas des éléments susceptibles d'infirmer ou de confirmer tes informations.

Toutefois, pour fréquenter quelques évangélistes, il est vrai, enracinés, non dans le pentecôtisme qu'ils abominent, mais dans l'ancienne religion luthérienne qu'ils veulent garder dans la fidélité de son premier suc, courant auquel appartient entre autres le poète dont je t'ai envoyé la plaquette que j'ai réalisée pour lui, je tiens de celui-ci, homme extrêmement fouineur et cultivé, et qui a eu la chance de fréquenter en sa vie quelques esprits lumineux de ce temps, qu'il s'est trouvé parmi les évangélistes quelques ethnologues de premier plan, qui n'ont jamais pensé que la solution de l'évangélisation pût passer par des solutions brutales, d'autant moins que l'un de ces ethnologues, dont ce poète était l'ami, affirmait qu'il avait retrouvé maintes traces de ce qu'il appelait le "Logos Spermaticon", c'est-à-dire d'une révélation concordante avec celle de la Bible quoique ne s'y insérant pas, n'y appartenant pas et en divergeant sur des points non capitaux, comme s'il y avait la bible, arbre central de la Révélation générale, et les révélations privées ou particulières, par lesquelles Dieu continue à parler merveilleusement en tous les temps de l'histoire humaine.

Deuxième fait que je voudrais porter à ta connaissance en espérant par là t'apporter un peu de baume au coeur : j'ai eu il y a deux jours une conversation avec le pasteur de ce tout petit temple de luthériens évangélistes, où il m'arrive, à sa demande, d'accompagner le culte. Je lui demandai, mi par curiosité et mi parce que j'avais besoin de l'éclairage d'un de mes correligionnaires, fût-il d'une confession différente de la mienne, ce qu'il pensait des événements actuels, dont je lui disais que j'y étais immergé jusqu'au cou, en n'étant pas sûr de bien les comprendre, ce qui me posait des problèmes de conscience, et en n'étant pas sûr, par-dessus le marché, que l'intérêt que je témoignais pour eux ne me détournait pas de celui que je devais accorder à ma Révélation-Source. Il me répondit qu'en l'état actuel, il était incapable de prévoir l'issue de ces révolutions, qui ne sauraient s'enraciner que moyennant un travail historique à long terme ; que la tolérance mettrait du temps à s'instaurer dans des sociétés dont on ne pouvait que se réjouir qu'elles fussent en train de recouvrer leur dignité ; qu'il lui paraissait impossible, à ce moment de l'histoire, d'espérer convertir un musulman, qui ne pouvait être, à cette heure, accessible qu'à une rancoeur compréhensible. Difficile travail de la mission et quasi inconvertibilité de la majorité des musulmans, constituant, pour ce pasteur, un aveu méritoire et déchirant, parce que la Mission est la raison d'être de l'évangéliste, qui ne transige pas avec le fait que l'on ne puisse se sauver que par le Nom du christ, comme nous, catholiques, qui sommes devenus plus libéraux et qui pensons qu'on peut également se sauver à travers les lumières qui émanent des vérités qui, dans les autres religions, sont le reflet de la Lumière divine. Le catholicisme a abdiqué son adage anathématisateur : "Hors de l'eglise, point de salut" ! L'évangéliste, non, mais il remet l'impossibilité où il se trouve historiquement de porter son message entre les Mains de la Providence, tout en confessant que, s'il en est ainsi, les arguments que vous émettez valent, à savoir que le croisérisme, sous sa forme historique, a été cause d'une rancoeur qui peut avoir la vie dure. Sur ce que je lui faisais valoir que l'intention initiale des Croisades n'était pas illégitime, que le chrétien voulût, non seulement venir se recueillir sur le Tombeau du christ, mais que celui-ci ne soit pas aux mains des infidèles, selon la manière dont le christianisme ne pouvait que s'exprimer dans un contexte de chrétienté, il me dit qu'il ne partageait pas mon avis. Je lui répliquai que les pillages et les massacres dont s'étaient rendus coupables les croisés, relevaient du détournement de l'intention en des actes licencieux et transgressifs, comme il n'arrive que trop que l'homme se révèle incapable de faire coÏncider ses intentions avec leurs résultats, il me répartit que le Christ avait énoncé un excellent critère de jugement des actions humaines, opposable dans toutes les situations, lequel était qu'il fallait juger un arbre à ses fruits, ce qui l'amenait à conclure rétrospectivement et en bon Réformé que les Croisades n'avaient pas été bénies de dieu, puisque le fruit des Croisades était manifestement pourri, devvenues un obstacle à l'évangélisation, et ayant durablement infesté d'une haine inexpugnable les relations christianomusulmanes (ou islamicochrrétiennes). Je lui demandais enfin quel rôle il lui semblait que l'eglise pouvait jouer en pareil temps : faire en sorte que le conflit ne sembrase pas, être une force d'interposition qui, au risque de prendre des coups, essaie de retenir le bras, tant des juifs que des musulmans, pour ne faire renaître les fléaux, ni de l'antisémitisme, ni de l'oppression subie par les musulmans. Ce pasteur, d'obédience luthérienne, donc allemande, de préciser qu'il ne se sentait nullement sioniste. Nous ne pouvons qu^être le bras désarmé entre ces deux communautés, montrant par l'exemple de notre "amour du prochain" qu'il était plus que temps de faire un pont. Nous n'avions en cela que des coups à prendre, c'était un travail de longue, de très longue haleine, comme de purification de notre "amour du prochain" que nous devions enfin exercer gratuitement. Il nous faudrait le faire sans édulcorer notre foi et en étant en mesure d'en rendre compte à qui nous en demanderait. Voilà, j'espère, un évangéliste selon ton coeur. En tout cas, son discours m'a profondément revigoré et réconforté.

"Insondable complexité des relations humaines", avoue que nous avons bien erré tous les deux ! Toi et moi sommes tombés d'accord, dois-je te le rappeler ? Sur le fait que la menace d'une ingérance étrangère s'éloignait, si ce n'est sous la forme d'une protection aérienne : "gel des vols en Lybie" comme "gel des avoirs", détention des ressources pétrolières par les insurgés, donc signe décisif que le colonel Kadhafi serait obligé de capituler, que c'était une question de jours, il fallait espérer pas de mois, car alors, ce serait un bain de sang. Notre ami algérien qui m'envoie bon nombre d'articles, fut le premier à s'étonner dans un courriel privé qu'il m'adressa, de l'absence d'évocation obamienne de la situation lybienne. De fait, la voix de celui qui se croit encore le grand manie-tout du "bureau oval", ne mit pas moins de huit jours à se faire attendre et entendre. Pour une fois, les autres chancelleries l'avaient précédé. Les interventions obamiennes regardant les révolutions précédentes n'avaient guère été brillantes :
"L'egypte doit, la Tunisie doit..."
Par sa voix, la diplomatie américaine ne se reconnaissait pas très reconnaissante envers les dirigeants qu'elle avait sustentés, leur parlant sur un ton qui aurait révélé leur véritable nature de valet, moins à qui en doutait, qu'à qui ne se rappelait pas qu'au lendemain de son élection, dans un aveu d'hégémonisme confondant de cynisme puéril, William Jeferson clinton avait proclamé :
"L'amérique continuera à guider le monde", comme si le monde avait demandé aux Etats-Unis d'être son guide et comme si cette position de Clinton devait apaiser, au cas où elle existerait, l'inquiétude du monde de ne plus être sous tutelle. Obama, sans y prendre garde, emprunte au même registre rhétorique. La première réaction par laquelle il se manifesta fut pour dire que "le régime lybien aurait à rendre des comptes" du sang qu'il versait de son peuple. A bon entendeur, ça voulait dire qu'il "devait" rester en place, mais il auraient des comptes à rendre. Dans une deuxième phase de ce qu'on prit pour la suite de l'hésitation obamienne, mais qui se révéla activiste , pendant laquelle les esprits sages, comme se révéla être Dominique de villepin en cette nouvelle occurence, , voulurent limiter l'interventionnisme de la "communauté internationale" à un blocus aérien qui protégerait les insurgés, phase durant laquelle toi-même écrivais qu'il semblait que les américains avaient renoncé à intervenir militairement, Obama disposait ses arsenaux militaires autour de la Lybie. D'où vint que le mouvement ne fut pas vu des journalistes de l'Algézira ni de personne ? Il y a deux jours, on sut que tout était en place pour, le cas échéant, intervenir, spectre que redoutent de concert le tyran et ses insurgés, qui pourraient bien se réunir si tel était le cas, et manoeuvres dont on ne peut pas dire qu'au moins de bouche, les chancelleries européennes l'aient approuvées, l'inamical Alain Juppé, qui a perdu le vernis diplomatique qu'il avait su montrer durant les deux ans où il exerça la fonction de ministre des affaires étrangères, n'en défendant pas moins une position villepinochiracquienne (n'oublions pas que Villepin avait été son collaborateur à la même époque), disant qu'une intervention étrangère serait du pire effet, ne saurait se déclencher du jour au lendemain, sans avoir obtenu l'aval du conseil de sécurité et que, si elle avait lieu, on devait bien savoir que ça nous placerait dans une situation où on "ferait la guerre" ! Ca faisait plaisir, tout de même, d'entendre que, pour une fois, les choses étaient appelées par leur nom. On ferait la guerre, que ne s'est-on exprimé aussi clairement avant le déclenchement de l'opération "tempête du désert" au début 1991 ! Ca aurait fait réfléchir le vulgum pecus belligerens de l'opinion publique des Européens pacifiques, et ça aurait évité à l'Irak, comme tu le dis fort justement, de se désagréger pour des raisons qui ne sont rien moins qu'intrinsèques aux divisions plus générales des sociétés du monde arabe. De son côté, Kadhafi a beau jeu de se remonter le moral en disant qu'une "intervention étrangère" et, soyons clairs, américaine, créerait une situation à l'irakienne, voire encore pire que l'Irak : ici, on reconnaît l'effet des exagérations dont notre orateur est coutumier.

Et cependant, pourquoi ces atermoiements de l'administration américaine, qui n'a jamais montré autant de précipitation, à réunir ses arsenaux militaires à proximité de l'Iran ? Allons-nous laisser aux Etats-Unis le bénéfice du doute ? Les Etats-Unis veulent-ils réellement protéger des populations civiles que Kadhafi massacre sans état d'âme ? Mais comment les protéger si on les bombarde, ce qui ne fait qu'ajouter du massacre au massacre, et comment intervenir sans bombardement ? Nous ne sommes plus habitués à des manifestations d'ingérance proportionnée, si bien qu'on en vient à se demander si elles ont jamais existé ! Ou bien, banalement, Obama veut entrer en Lybie pour s'y établir un tant soit peu durablement, comme en afghanistan, comme en Irak, peut-être pour y connaître quelque chose d'un "bourbier afghan", ou d'une anarchie irakienne que provoquera sa présence, mais non sans s'assurer ce qu'il recherche avant tout: que la manne pétrolière ne puisse lui échapper ? Obama est-il vraiment rassuré que la majorité des gisements soit sous le contrôle des insurgés ? Le pétrole... On est bien loin d'avoir fermé les robinets... C'est le motif qu'on continue à donner aux ingérances états-uniennes dans quasiment toutes les guerres et, au vrai, le pétrole n'est jamais loin. Quand les Etats-Unis, sous l'ère Clinton, ont voulu faire croire qu'ils se donnaient un motif purement moral avec la YOugoslavie, l'expérience n'a pas été très concluante;

Et en même temps, l'ingérance reste un problème moral. Peut-on laisser une guerre civile aussi meurtrière et meurtrière en peu de jours sévir sans organiser la moindre intervention ou ingérance ? L'ingérance aérienne, très bien : elle interdirait le transport des mercenaires, mais elle n'empêcherait pas Kadhafi de massacrer les Lybiens (on compterait déjà 6500 morts à ce jour). Tu entrevois une solution par l'entremise égyptienne. C'est où ton idéalisme a tendance à te perdre. Car crois-tu l'armée égyptienne capable, sur le front intérieur, de veiller à ce que la révolution ne dégénère pas sur son territoire, et de demander au conseil de sécurité de l'ONU, qui, prudenciellement, ne peu la considérer que comme la gardienne assez peu légitime d'un régime encore fragile, de veiller au règlement lybien, même si l'egypte y serait légitime en tant que "mère des patries", rôle qu'elle a jouée dans un temps si lointain des civilisations que cela ne veut pas dire qu'elle puisse le faire éternellement, et singulièrement à ce moment plein de périls de sa propre histoire, où de régler le problème lybien pourrait l'unir et la galvaniser comme la diviser et la fragiliser ? L'egypte est-elle prête à prendre ce risque ? ? Cela ne me semble pas très réaliste, cependant qu'elle et plus encore la Tunisie sont submergées par des vagues migratoires, pour lesquelles la Tunisie au moins supplie "la force étrangère" de lui venir en aide, qui veut le faire, non pas en évitant une catastrophe humanitaire, mais en rapatriant ces migrants d'où ils viennent. Tu vois l'Egypte confrontée en même temps, sur le plan intérieur, à cet afflux de réfugiés que sa propre pauvreté ne sait pas comment accueillir, sur le plan politique et social, à l'organisation de l'après-Moubarak et enfin sur le plan international au règlement d'un conflit militaire qui a lieu hors de chez elle ? Tu me diras que ça n'a pas dissuadé les troupes issues de la Révolution française, mais elles avaient un an de convention derrière elles, c'était la France qui était attaquée et non un pays tiers, et l'on dit même que la victoire de valmy aurait été truquée. Bref, les situations se suivent et ne se ressemblent pas. Tout ce que j'entrevois, pour qu'on ne laisse pas la situation actuelle plonger dans le cahos, serait que la "force étrangère", comme tu l'appelles, pour éviter une catastrophe humanitaire, fasse ce qu'elle sait faire : envoyer la "croix rouge" et des organisations humanitaires, triées sur le volet par l'egypte et la tunisie pour leur honnêteté éprouvée et reconnue, que ces organisations pénètrent en Lybie, qu'elles organisent l'accueil des réfugiés en tunisie et en egypte, qu'elles les nourrissent et organisent leur vie là-bas, le temps que ça se tasse. Je comprends que tu craignes pour la confiscation du caractère exclusivement arabe du mouvement qui relève le monde arabe. Mais la sagesse n'a jamais interdit d'appeler à l'aide, quand on est submergé. La sagesse et peut-être la sagesse immanente, qui ne doit pas complètement laisser croire à la révolution arabe qu'elle ne doit son salut que si l'arabie débordée règle ses problèmes en parfaite otarcie. Il va de soi qu'il faudrait surveiller que les menées de ces organisations ne dépassent pas le mandat qui leur serait confié, et que des organisations telles que le Secours Islamique devraient compter au nombre des ONG participantes. Le fait qu'on ne l'exclue plus du concert des ONG dans une situation qui concerne une zone d'influence islamique serait un gage qu'on a au moins pris la mesure du ressaisissement qui se passe à l'occasion de ces révolutions arabes, troublées par le fait qu'un tyran oppose une résistance inattendue, mais le vent de ces révolutions ne pouvait pas balayer les tyrans comme au pays des bisounours ou des "trois petits cochons", même si Julie clarini-Nafnaf a, à son tour, après les rumeurs internautiques colportées, pour ce qui nous concerne, par notre correspondant algérien, relayé l'impact qu'aurait eu, dans les révolutions égyptiennes et tunisiennes, le livre de M. Jim sharp, Président de l'Institut Albert Einstein.

§Ce que tu m'écris du retour dans son village de ce guide Rached El-Ganouchi qui, longtemps exilé, de retour au pays, après y avoir reçu un accueil plutôt froid des Tunisois, m'évoque, je ne sais pourquoi, le personnage légendaire mis en scène par Kahlil Gilbran dans"Le prophète". El-Mustapha s'en retourne dans son pays après avoir longtemps résidé dans une ville dont il était la lumière muette et qui, avant de partir, veut entendre ses derniers oracles pour que la cité vive en paix et selon son exemple. Peut-être, depuis son village, aimé des siens, revenu de là où l'el-Mustapha de gilbran n'était pas encore parti, pourra-t-il tenir des propos qui feront mouche. Faut-il qu'il suscite un candidat à l'élection présidentielle ? Le premier ministre tout nouvellement investi n'a-t-il pas fait une sage proposition, en préconisant de réunir, avant l'organisation de toute élection présidentielle, une Assemblée constituante à l'islandaise, et même à la française, quand la révolution aurait encore pu ne pas basculer dans la terreur ? L'inquiétant vu d'ici est que, malgré le caractère libéral de cet homme d'Etat rappelé au service de son pays, aussi bien à cause de son grand âge que parce qu'il fut l'un des dignitaires du bourguibisme, tous les opposants ne peuvent guère plus le voir en peinture que son prédécesseur, et démissionnnent les uns après les autres du gouvernement d'Union Nationale, de même que nos constituants français n'ont pas fait l'effort de rester jusqu'au bout dans des dispositions qui favorisent ce que tu appelles "le gouvernement par la concorde" préconisé par l'Islam. Puissent les Gardiens de la Révolution jouer ici et là tout leur rôle ! Puissent-ils garder la flamme de la liberté et surveiller les intentions de l'étranger, s'il est avéré qu'il soit décidé à jouer encore une fois un rôle nocif. Une fin de non recevoir opposée à Barak Obama signifierait que le monde ne lui permet plus de dire à chaque nation ce qu'elle "doit" faire, pour se mettre en accord avec celui qui n'a jamais été institué leur maître. Puissent toutes les nations lui envoyer ce message !

Torrentiel pris dans les tribulations arabes

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