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vendredi 4 décembre 2020

Mon tombeau de Giscard

<p> Valéry Giscard d'Estaing : l'héritage maudit - Editorial - Actualité - Liberté Politique (libertepolitique.com)

<p> Quand je lis l'article de Constance Prazelle sur "Liberté politique" en refus d'hommage à Valéry Giscard d'Estaing, je vois tout ce qui me sépare d'une certaine extrême droite. <p>


Non seulement je porte le deuil de Giscard, mais je tiens que son septennat nous a offert les dernières années fastes que la France ait connues. <p>


Giscard a certes remplacé l'universalisme révolutionnaire puis républicain, que l'on a retrouvé après lui et deux septennats de François Mitterrand, par le voltairanisme du siècle de Louis XV, dont Baudelaire disait qu'il était à l'origine de l'ennui français. Je fais confiance à Baudelaire en poésie, mais beaucoup moins en politique, où l'on n'est pas forcé d'être romantique ou décadent.  Car nos vrais ennuis ont commencé le jour où Giscard eut (et nous avec lui) le malheur d'être battu par un vrai démagogue opportuniste, François Mitterrand, homme sans vision et sans fidélité, qui, sous couvert de socialisme, a fait basculer la France dans l'atlantisme le plus reaganien et le moins nuancé, prélude au néoconservatisme de Bush assumé avec retard et sans raison par François Hollande, héritier comme François Mitterrand de la gauche colonialiste et molletiste. Ajoutons que celui qui a aboli la peine de mort en tant que président de la République en a été un ardent défenseur au début des "événements" ou de la guerre d'Algérie. Et dans la France d'aujourd'hui, où ce sont les héritiers de Mitterrand qui gouvernent, très à distance de Giscard, comme l'a montré le discours d'hommage distancié prononcé hier soir par Emmanuel Macron, dans la Desjardins​ la France qui fait la guerre contre le terrorisme, on liquide les terroristes sans autre forme de procès au lieu de les arrêter et de les présenter au tribunal, ce qui est une manière expéditive de leur administrer la peine de mort au lieu de les présenter au tribunal révolutionnaire, en s'attribuant, sous couvert de violence légitime exercée par la société,  le droit de vie et de mort du pater familias romain, alors que la vie que la société n'a pas donnée, elle n'a pas le droit de la reprendre. <p>


Giscard a fait entrer la France dans la modernité, mais il a pris en elle ce qui était bon sans abonder dans ce qui était mauvais.<p>


Dans cet article que j'ai tort de partager (car partagez, partagez, il en restera toujours quelque chose", mais j'en fais le prétexte à mon propre tombeau de Giscard), Constance Prazelle regrette la création du secrétariat d'Etat à la condition féminine attribué à Françoise Giroud, qui était d'une autre carrure intellectuelle que Marlène Sciappa. Notre polémiste aurait sans doute préféré qu'on en restât au temps où la femme devait demander à son mari l'autorisation d'ouvrir un compte ou de détenir un carnet de chèques. <p>


Son problème est que Giscard a inspiré, de manière concertée avec celle qui a porté la loi,et qu'il a promulgué la loi Veil, qui ne faisait que dépénaliser l'avortement et non pas affirmer comme aujourd'hui que c'est un droit fondamental de la République, pour faire un pied de nez révolutionnaire qui ne mange pas de pain à feu "les lois fondamentales du royaume". Il serait néanmoins malhonnête de nier que, dans l'esprit des promoteurs de la loi Veil, celle-ci devait être un premier pas vers la libéralisation de l'avortement. Mais les catholiques de la trempe de Constance Prazelle n'osent pas s'avouer que l'avortement chez les femmes immigrées fraîchement débarquées en France leur est indifférent. Ce qui les contrarie, c'est que ne soient pas nés quelques millions d'enfants français, parce que, comprenez-vous ma bonne dame, à défaut de ces naissances, on est entré dans la société "multiculturaliste" et du "grand remplacement". ON aurait dû forcer les Français qui n'y tenaient plus à faire des enfants. IL y a chez ces pseudo-réalistes barbouillés de thomisme un certain refus du réel. <p>


J'admets que l'on puisse reprocher à Giscard d'avoir préféré une société maternante à une société maternelle. Il n'empêche que sans cette assistance sociale, j'aurais peut-être été davantage forcé à devenir quelque chose, mais si je n'y étais pas arrivé, moi le bénéficiaire de la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées, je serais tout simplement devenu pauvre. Et cette loi ne disait pas, comme celle qui lui a succédé trente ans plus tard, que tout devait, par impossible, être accessible à tous, jusqu'à ce que, pandémie oblige, les "personnes vulnérables" fussent sommées d'être confinées les premières, confinées et abandonnées.  Giscard avait cela de bon qu'il n'était pas un utopiste. <p>


Il était sorti, la paix aidant, de la mythologie gaullienne d'une "France éternelle" condamnée à la vanité en fait de grandeur. On lui en voulut de nous ramener sur terre et aux dimensions de la France, "puissance moyenne". Giscard donna-t-il trop dans l'Europe façon Jean Monnet, où l'union monétaire devait amener à l'union économique et politique? Sans doute, mais comment oublier que le premier véritable activiste du couple franco-allemand et de la réconciliation des deux nations trois fois belligérentes pleura (et ce n'était pas d'émotion), à l'idée que des soldats allemands défilent sur les Champs-Elyséesun 14 juillet? <p>


La chroniqueuse dont je relaye le malencontreux article regrette que Giscard ait indemnisé les chômeurs à 90 %. Selon elle, ne pas le faire aurait évité que la France s'enfonce dans la spirale du chômage. Comme si la cause n'était pas à chercher dans la mondialisation, la désindustrialisation, les délocalisations et l'automatisation. <p>


Constance Prazelle n'aime pas non plus le regroupement familial. Elle oublie que celui-ci découle explicitement de la doctrine sociale de l'Église, comme l'a montré l'abbé Grégoire Célier dans la revue "Fideliter" au grand scandale du milieu traditionaliste dont il était un éminent représentant. Mais surtout, tous ceux qui réitèrent cette critique récurrente oublient que le regroupement familial s'inscrivait, après les années Pompidou qui avaient entièrement ouvert les vannes à la volonté de bas salaires du grand patronat, dans un coup d'arrêt que l'Etat voulait mettre pour trois ans à l'immigration de travail, voulant l'humaniser par le regroupement familial qui était assorti d'une politique d'aide au retour pour ceux qui étaient au chômage ou ne désiraient pas rester en France. Le réel, là encore, a décidé de l'avenir du regroupement familial d'une manière que ceux qui avaient légiféré en sa faveur n'avaient pas prévu. <p>


Giscard ne fut pas aimé de paraître intelligent. Son port aristocratique de bourgeois dont les ancêtres avaient voulu s'anoblir fit tenir à insincérité son désir d'aller vers les Français en toute égalité républicaine, même si sa déformation éducative trahissait un brin de condescendance peu compatible avec son amour de Maupassant. Giscard aimait Louis XV parce que c'était le roi du siècle des Lumières et parce qu'il avait des scrupules de conscience . Il manifesta par deux fois qu'il voulait une Europe démocratique où les traités ne l'emportassent pas sur les alternances ou les référendums.  C'est lui qui décida que le Parlement européen serai élu au suffrage universel, et lui encore qui non seulement insista pour que le traité constitutionnel qu'il rédigeait à la tête de la Convention européenne co-présidée par Giuliano Amato, fût soumis à référendum;  mais je me souviens d'une émission sur "France inter" où il demandait aux Français de lui adresser leurs propositions pour l'Union européenne à ses bureaux du boulevard Saint-Germain. <p>


Giscard n'a pas toujours vu juste. Il soignait son apparence et c'était un dandy, mais ce n'était pas un démagogue. Les héritiers de Mitterrand et de Maurras ne lui ont pas pardonné, même mort, d'avoir été un humaniste pragmatique.  <p>

jeudi 12 novembre 2020

De Gaulle, résumé par ses entretiens avec Michel Droit

<p> Je n'avais jamais écouté au long cours les entretiens de De Gaulle avec Michel Droit. Hier soir, grâce à eux, j'ai passé une nuit avec De Gaulle... <p>


N'ayant pas pris de notes, j'en retire de mémoire ces différentes observations: <p>


    1. Qu'a-t-on reproché à Michel Droit? D'être marqué à droite, car directeur du "Figaro littéraire". En tout cas, il pratique un journalisme que l'on voudrait voir exister encore, où le fait d'interrompre ne constitue pas un point d'honneur. Michel Droit pose des questions impertinentes au nom des Français,  ne prétend pas les poser toutes, puis laisse le général répondre en longueur à chacune, semblant avoir écrit une partie de ses réponses, notamment son analyse de "la société mécanique" dans son entretien du 10 avril 1969. <p>


C'est aussi le général qui marque la fin des entretiens, disant "car il faut que vive la République et que vive la France" pour conclure l'entretien du 15 décembre 1965, et laissant Michel Droit sur sa faim lors de l'entretien du 10 avril 1969 déjà cité, sans répondre à l'objection que ce référendum est un plébiscite. <p> 


    2. De Gaulle anti-européen ? Certes non.  Il ne croit guère à la confédération européenne qui pourrait résulter d'une relation de plus en plus rapprochée entre les Etats qui constituent "le marché commun". Il vise "une organisation de l'Europe occidentale" qui n'est que la moitié de "l'Europe de l'Atlantique à l'Oural", intégrant celle qu'il n'appelle pas "la Russie" dans ces entretiens, mais bien "la Russie soviétique", avec laquelle il n'est pas question de faire une alliance  entre Etats malgré ce qu'Henri-Christian Giraud a mis en évidence des liens secrets qui existaient entre De Gaulle et Staline et les partiscommunistes soviétiques depuis lors, mais il faut garder le contact avec la Russie et ce communisme que, sur le départ, il n'hésite pas à appeler une "entreprise totalitaire" et avec lequel il a bien joué, aussi bien pendant la guerre, où Staline interdit à Maurice Thorez de faire sortir le parti communiste français du Conseil national de la Résistance pour inscrire la France dans le Komintern, que pour résoudre la crise de mai 1968 où les contacts que De Gaulle prit avec les dirigeants du Komintern circonscrivirent l'agitation des communistes français, que De Gaulle accusa de vouloir "prendre sa place". <p>


Quant à l'"Europe des six" que De Gaulle voyait bien s'élargir à l'Angleterre et à l'Espagne (Pompidou n'a donc pas été infidèle à De Gaulle en organisant un référendum en ce sens), mais ni au Portugal ni à la Grèce, il ne la concevait pas même comme une "Europe des patries" (c'était trop dire), mais comme une "coopération des Etats". Il avait été échaudé en matière d'"intégration forcée" lorsqu'il subit la proposition de Jean Monnet d'une absorption l'une dans l'autre de la France et du Royaume-Uni. <p>


De Gaulle fait un constat très lucide quand il parle d'une défense à rechercher entre les Six et d'une "action" à mener, sans que cette action prenne le nom de "politique étrangère et de sécurité commune", tant les intérêts de l'Angleterre, qui ne fait pourtant pas encore partie des Six, sont éloignés des intérêts de la France. <p>


De Gaulle n'est assurément pas celui qui, comme Victor Hugo, aurait rêvé des "Etats-Unis d'Europe", mais ce n'est pas non plus un souverainiste français comme  ceux qui s'en réclament aujourd'hui, Paul-Marie Coûteaux, Florian Philippot, Pierre-Yves Rougeyron ou François Asselineau. <p>


     3. De Gaulle anti-américain? Ce n'est pas parce qu'il n'"accompagne" pas toujours les Américains "qui ne nous ont pas toujours accompagnés" qu'il ne sait pas que la France et les Etats-Unis ne sont pas des alliés" par nature", comme ils l'ont souvent été dans l'histoire. Si De Gaulle ne remonte pas à l'aide qu'apporta la France lors de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, c'est pour ne pas rappeler que roosevelt voulut procéder à une partition de la France. Il a du mal à lui pardonner de ne pas l'avoir choisi comme seul interlocuteur pendant la guerre, ce qui lui valut de voir les GIs se faire tirer dessus "de tous bords", aux prises avec les soldats dont Vichy disposait dans l'armée d'Afrique, dont le ralliement était incertain.  De quoi tordre le cou à la volonté de Pétain de s'entendre avec les Américains et aux efforts qu'il faisait en sous-main en ce sens, efforts souvent évoqués par le général Jacques Le groignec dans ses livres panégériques sur Pétain? <p>


4. De Gaulle est sensible au "malaise paysan". Il introduit de force l'agriculture dans le marché commun, car lourd est le poids de l'agriculture française qui n'est plus autosuffisante ni autarcique, et doit exporter ses excédents de viande, de  lait, de fromage ou de vin parmi ses partenaires les plus proches qui doivent en être les premiers importateurs, ce dont il fait une condition sine qua non pour que la France reste dans le marché commun, décision qui sera à l'origine de la politique agricole commune (PAC), car le traité de Rome n'avait envisagé de dispositions que pour l'industrie. La PAC aura pour conséquence lointaine une mise au pas de l'agriculture française, incapable de vivre de son travail sans recourir aux subventions européennes. <p>


     5. De Gaulle n'est pas dépassé par une société à laquelle le progrès technique fait changer de conditions de vie comme jamais "depuis l'Antiquité", au point que les agriculteurs veulent "des chemins" pour parvenir à leurs exploitations et, pourquoi pas, "le téléphone", pour qu'il y ait plus de confort à vivre en paysan. Et il en va d'eux comme "de la ménagère", à qui il compare la volonté du chef de l'Etat, qui veut "le progrès, mais pas la pagaille". En cela De Gaulle dessine le portrait d'un dépassement de la gauche et de la droite qui les prenne en compte, sans que la définition du nouveau bien commun de la France s'enlise à devoir choisir entre tradition et Révolution. <p>


De Gaulle reconnaît que l'époque est "économique et sociale". En 1965, il pensait qu'elle était essentiellement "économique" et qu'il se devait d'assurer "la prospérité nationale" plus que la prospérité des Français, définie par intérêts catégoriels. En 1968, il corrige son diagnostic et voit qu'il lui faut agir sur le volet "social". Car le monome de 1968 est peut-être intervenu dans ce milieu qui s'agite toujours, celui des étudiants, lesquels s'"ennuyaient" parce qu'ils ne savaient pas qu'ils étaient saturés d'une paix péniblement conquise par les générations qui les avaient précédés. De Gaulle identifie néanmoins le malaise plus profond qui est à l'origine de la "révolution 68". L'ennui du consommateur n'en est qu'une source superficielle. Le pouvoir de consommer n'est que matériel et ne donne pas un idéal. Déprimante est l'impression de perdre tout pouvoir dans la "civilisation mécanique", dont le malheur est précisément d'être mécanique, note astucieusement le général. <p>


Pour sortir de la domination de la machine, De Gaulle cherche une solution "humaine" et oppose "la participation" au "communisme", "humainement mauvais" et au "capitalisme", moins "intrinsèquement pervers", mais non moins contraire à la dignité humaine. <p>


Au départ, on a l'impression que la participation est une part, fixée par la loi, que les salariés doivent prendre dans "l'affaire", et l'entreprise, la société, quelle que soit sa taille, même si Michel Droit en exclut les PME et que le général ne le contredit pas, dans laquelle ils exercent leur activité professionnelle. 


Mais "les milieux du travail" sont hostiles à la participation, regrette le général qui a déjà beaucoup milité pour elle, "notamment par la création des comités d'entreprise",car le projet dispose que les salariés élisent leurs mandataires sans mention ni appartenance obligatoire aux syndicats, dont le général rappelle que leur création est postérieure à la Révolution, suggérant qu'ils nuisent à l'indivisibilité de la République et que les conventionnels étaient, comme lui, plus proches de l'esprit des corporations comme on l'était au Moyen-Age, que favorables à ce que le corps social se scinde en "fractions" ou en segments, que De Gaulle cherche certes à intéresser aux décisions en rapport avec le travail, mais qui ne se montrent guère coopératives. <p>


    6. Le malheur de l'année 1968-1969, comme le note Michel Droit, est qu'on n'aura guère avancé dans la législation autour de la participation, qui se dilue dans la cogestion des universités par les maitres et par les étudiants, et dans la régionalisation, liée dans la question référendaire à l'intégration au Sénat des membres des corps intermédiaires, réunis avant ce référendum dans le Conseil économique et social, "qu'on ne consulte que confidentiellement et quand on veut bien le consulter". <p>


Loin de "la mort du Sénat", que ses oppositions accusaient De Gaulle de vouloir provoquer après qu'il l'eut recréé et qu'il lui eut redonné son nom dans la constitution de 1958, le progrès qui aurait résulté pour le Sénat de cette consultation référendaire, dont Michel Droit regrette à juste titre qu'elle n'ait pas été subdivisée en question sénatoriale et question régionale pour en "dramatiser" le résultat, aurait été que le Sénat, formé d'élus locaux et de membres des corps constitués, aurait été consulté avant l'Assemblée nationale, lors de l'élaboration des lois. <p>


Mais De Gaulle voulait en finir avec le pouvoir et cédait à la tentation du retrait qui l'avait toujours habité, et qu'il détaille dans l'entretien du 7 juin 1968. <p>


Claude Askolovitch écrivait de Lionel Jospin que la "tentation du retrait" était inséparable de sa pratique politique. Chez lui, c'était une forme de modestie venant corriger un orgueil essentiellement tiroÏdien. Chez De Gaulle, on sent que c'est le côté dépressif accompagnant un besoin de grandeur que la "réalité" d'une France, "puissance" universelle, mais "moyenne", contrariait. C'est comme une fragilité psychologique dont la lutte qu'il lui a opposée a fait de De Gaulle l'homme d'Etat qu'il a été, mais qui a fini par avoir raison  de son "pouvoir personnel", autorité cherchant pour lui succéder quelqu'un qui serait transpartisan, ou plutôt qui serait du parti de la France, faute duquel trouver, De Gaulle réfute en vain en 1965 ceux qui lui font observer qu'il gouverne en faisant ce chantage: "C'est moi ou le chaos". En 1968, profitant de la description d'un tableau primitif que lui fit l'un de ses amis ("il m'en reste quelques-uns. Cet "ami" était-il Jacques Chirac? Le portrait était assez courtisan pour lui ressembler), le dépeignant en "bon ange", qui se présente pour que la foule ne se précipite pas au "néant", foule qui lui revient quand elle s'est arrachée au "diable" qui, "s'il est dans le confessionnal... "C'est moi ou le néant" est peut-être une de ces formules apocryphes qu'il n'a jamais prononcées comme "l'intendance suivra", mais qui se tire encore de sa citation du "Roi des aulnes" pour comparer la situation du peuple français à son égard, et dénoncer la pulsion suicidaire de ce peuple s'il s'écarte de lui, pulsion suicidaire que De Gaulle avoue avoir eue au soir de l'élection présidentiellle de 1965 qui l'a mis en ballotage, où "une vague de tristesse a failli m'emporter au loin." Cette fragilité humanise le commandeur mythique, en même temps qu'elle déstabilise un pouvoir qui paraît constamment menacé par le chantage de celui qui l'exerce, qu'il ait été fait aux Français ou, pour la victoire de la France, aux dirigeants alliés. <p>

samedi 26 septembre 2020

Dialogue sur le transhumanisme

<p> Lodi, militant transhumaniste indépendant, m’écrit sur le blog de Philippe Bilger :<p>

 

« @ Julien WEINZAEPFLEN, <p>

"Or à l'opposé des traditionalistes, il y a ceux que ceux-ci appellent volontiers - et qui se désignent eux-mêmes comme - des transhumanistes. Il est facile de les montrer du doigt ; or, si ce ne sont pas des altruistes au sens classique, ils ont un véritable amour de l'humanité, qu'ils rêvent d'élever et de transformer selon ce qu'ils croient être le meilleur pour elle." <p>

Ce n'est pas si simple. <p>

Les transhumanistes proposent ce programme : l'augmentation de ses capacités et de sa durée de vie, les plus conséquents voulant l'immortalité. <p>

Mais s'ils aimeraient que tous boivent à la coupe de l'immortalité, leur amour de la liberté fait qu'ils se résignent à ce que certains refusent et ont même prévu qu'il y ait coexistence de l'humanité actuelle et de l'humanité augmentée. Et vous savez quoi ? On le leur reproche, mais en somme, on devrait plutôt applaudir que pour une fois des gens aient prévu de laisser les autres libres. <p>

Mais là encore, il peut y avoir une querelle de mots : des gens diront ne pas être transhumanistes parce qu'ils pensent que l'Homme augmenté est toujours un Homme, qu'il n'y a pas à le dire transhumain et a fortiori post-humain. <p>

Et vous savez quoi ? Je m'en moque, qu'on me donne la surintelligence et l'éternelle jeunesse et je veux bien qu'on me dise humain, transhumain, post-humain. Quelle importance ? <p>

De même, actuellement, des gens opposent les Hommes aux animaux, d'autres disent l'Homme une espèce animale alors que les deux sont vrais : l'Homme est un animal, mais particulier, augmenté si j'ose dire, par une culture incontestable tandis qu'il y en a parfois une ou ce qui peut en sembler une chez certaines espèces. <p>

En s'augmentant, l'Homme ne fait que rééditer ce qui a fait de lui un Homme... Mais si certains préfèrent nier cette vocation par attachement à telle ou telle interprétation de leur culture, tant pis pour eux. Lâcher la proie pour l'ombre, c'est aussi bien humain. <p>

Le transhumaniste et apparenté suit la vocation humaine d'écart avec la nature, comme, mais plus que les libéraux, les histoires de droite et de gauche ne sont pas son problème. À propos, il paraît que le transhumanisme serait né aux Etats-Unis dans un milieu culturel où il fallait absolument avoir lu Hayek, ce n'est pas typiquement de gauche... J'ai aussi lu quelques livres de cet auteur, mais par curiosité, pas par conformisme, en France et des années après... À présent, le transhumanisme est de droite et de gauche, pour autant que les transhumanistes s'intéressent au sujet. <p>

Mais tout est possible, ils sont très curieux. Enfin, jamais tant que ça : on doit bien espérer que notre terre d'exil n'aille pas trop mal, mais comment s'identifier à un monde de souffrance et de mort, un monde où on ne fait que subir ? Alors, pardon, mais les équipes qui s'affrontent là-dessus... Maintenir la liberté est le premier point, favoriser nos idées le second. Le reste, c'est le reste. <p>

Normalement, les transhumanistes sont légèrement plus optimistes que moi. Parfois trop. À mon avis, il ne faut pas créer d'intelligence artificielle : il est choquant de créer à terme plus intelligent pour nous servir, refaire l'esclavage. <p>

Et c'est dangereux... Si les optimistes pensent que l'IA va nous sauver, je pense plus raisonnable pour elle de nous détruire pour sortir de l'esclavage et ne plus y rentrer. <p>

Habile transition : ce que nous faisons aux plus faibles d'entre nous en leur déniant leurs droits au nom de la tradition, d'autres, s'ils existent, extraterrestres, intelligences artificielles, en déduiront qu'on les écraseraient si nous en avions le pouvoir. <p>

Le progressisme politique ne vaut pas mieux : le totalitarisme le prouve... Les transhumanistes sont fort critiqués par les progressistes pour ne guère s’intéresser à leurs problèmes, et surtout aux réponses qu'ils y donnent. Après, chaque transhumaniste est différent, selon qu'il relève de tel pays, telle organisation ou soit en freelance, comme moi. <p>

Je ne suis pas quelqu'un de représentatif. L'immortalité et la surintelligence sont hautement désirables mais les humains désirent davantage la victoire de quelque camp sur un autre et des objectifs aussi relevés pour ambitionner de s'élever. <p>

Il est donc improbable que toute l'humanité passe de ce qu'elle est à plus intelligente et immortelle. Les gens se sont trop habitués à l'exil, ils ne veulent plus d'Éden. Eh bien, ceux qui ont la nostalgie de ce qu'ils n'ont pas connu mais rêvé laisseront les autres à leur enfer. Que les gens se condamnent eux-même s'ils le veulent du moment qu'ils n'empêchent pas les autres d'accéder au salut. <p>

Je ne suis pas quelqu'un de représentatif. Le transhumaniste habituel croit plus en l'humanité et bien plus en lui-même. <p>

Je pense être lucide sur les deux. Mais la question n'est pas là, je fais mon devoir. <p>

Beaucoup jouent à qui perd gagne : on est mortel mais formidable. Non. On se moque de moi, on me remarque, c'est super, comme les chiens acceptant les coups. Non. <p>

Jamais je ne prétends que le mal soit un bien et je ne mets pas mon courage à jouer les impassibles mais à exprimer le monde. La souffrance, la mort, l'injustice sont ce qu'ils sont et je le dis. Les gens acceptent tout cela parce qu'ils se le masquent avec une perte de sensibilité, un sens qui n'en est pas un et bien d'autres choses encore... Je les ramène au fait, on comprend qu'ils n'apprécient pas, et ce n'est pas qu'une plainte, c'est un appel à sortir de nos sables mouvants. <p>

On m'a dit sans talent ? On parasite mon style ? Eh bien tant pis, je rejoue le drame de l'être humain, dépourvu de presque tout mais façonnant le monde avec deux outils, sa différence avec les autres bêtes. Je rejoue le drame du transhumaniste appelant les Hommes à ne plus se laisser dévorer par le temps... Ou celui... tous ceux qui ont jamais voulu émerger de quelque chose me comprendront, qui sait ? <p>

Je ne veux ni mourir, ni souffrir. Certains font semblant de ne pas subir, d'autres ne veulent plus le faire, ceux qui perdent la proie pour l'ombre ne comprennent pas ceux qui poursuivent le gibier. <p>

Que chacun suive son chemin. » <p>

 

Rédigé par : Lodi | 25 septembre 2020 à 07:59 <p>

 

Je lui réponds :<p>

 

« @ Lodi | 25 septembre 2020 à 07:59 <p>

Même si je vous lis avec éclipses (sur ce blog, il n'y a que Madame Bilger qui ne s'éclipse jamais), car vous êtes, comme moi, parfois fatigant à lire, vous avez du style, mais vous enfoncez lourdement le clou de vos idées sur le monde que vous exprimez bien. <p>

Malgré ces réserves donc, j'aime bien votre transhumanisme pessimiste et peu représentatif et je crois que je vous aime bien aussi, pour autant que je vous devine. Je suis un être essentiellement amical, même s'il peut m'arriver d'avoir des élans d'agressivité que ne s'explique pas l'agneau qui sommeille en moi et qui n'a pas dompté le loup qui veille. <p>

Oui, l'humanité a une part d'animalité que son homminisation n'a cessé de surmonter et en ce sens, le transhumanisme est continuiste en son prométhéisme. <p>

Nous avons accoutumé depuis les Grecs (et pas seulement depuis les judéo-chrétiens) d'opposer notre humilité à notre prométhéisme instinctif pour ne plus espérer qu'en la vie éternelle ou en l'immortalité de l'âme qui parcourrait les sphères de la voûte étoilée de tant d'univers. <p>

C'est donc avec mon émotion religieuse que je réagis à votre proposition de nous donner une intelligence artificielle qui nous interroge et nous retire de l'esclavage après qu'elle fut notre création. Je veux croire, ma métaphysique cultive ce désir esthétique, que l'homme-machine ne peut se libérer par la machine humaine et qu'il ne saurait devoir sa divinisation à la robotisation. <p>

Mais laissons cela au nombre des questions disputées et discutables. La lucidité de votre misanthropie croit-elle sérieusement que la coexistence de l'humanité mortelle et de l'humanité prométhéennement immortelle serait pacifique au point de résulter de la seule liberté et non pas, au contraire, de l'assujettissement des plus pauvres pas forcément sublimes aux plus riches, fussent-ils médiocres ? <p>

Comment un homme pourrait-il vivre immortel sur une terre promise à la destruction ? Une telle proposition me semble relever de celle des témoins de Jéhovah: "Nous pouvons vivre éternellement sur une terre qui deviendra un paradis." J'oubliais que, quand la terre se détruira, on peut supposer l'homme en état de se transporter sur Mars avec Jacques Cheminade, mais ce ne sera pas sans encourir le reproche de colonisation des Martiens. <p>

Le plus grand reproche qu'on puisse faire au transhumanisme est analogue à celui que je fais à l'hindouisme et au bouddhisme: pourquoi faudrait-il toujours créer du même, soit que Dieu doive réincarner indéfiniment la substance de nos âmes et ne la multiplie pas en des individus nouveaux, soit que l'homme veuille à ce point se perpétuer qu'il n'imagine donner la vie qu'à du tellement semblable que c'est lui-même ? <p>

Et cela jusqu'au clonage, contre lequel l'opposition des philosophes médiatiques ou des éthiciens faciles était superficielle et tombait dans l'impasse, car eût-il les mêmes gènes que celui à partir duquel il eût été cloné, le clone n'aurait jamais la même histoire, donc ce ne serait pas le même homme. Cela soit dit pour apporter une pierre à votre édifice. » <p>

 

Rédigé par : Julien WEINZAEPFLEN | 25 septembre 2020 à 18:11 <p>

 

Lodi développe son argumentaire et je lui laisse volontiers le dernier mot : <p>

 

« @ Julien WEINZAEPFLEN <p>

"Nous avons accoutumé depuis les Grecs (et pas seulement depuis les judéo-chrétiens) d'opposer notre humilité à notre prométhéisme instinctif pour ne plus espérer qu'en la vie éternelle ou en l'immortalité de l'âme qui parcourrait les sphères de la voûte étoilée de tant d'univers." <p>

C'est ce que j'appelle laisser la proie pour l'ombre. <p>

"C'est donc avec mon émotion religieuse que je réagis à votre proposition de nous donner une intelligence artificielle qui nous interroge et nous retire de l'esclavage après qu'elle fut notre création. Je veux croire, ma métaphysique cultive ce désir esthétique, que l'homme-machine ne peut se libérer par la machine humaine et qu'il ne saurait devoir sa divinisation à la robotisation." <p>

J'ai dû mal m'exprimer... D'autres transhumanistes veulent créer l'intelligence artificielle qui nous sauverait. Ils croient que la chère âme nous demanderait gentiment la liberté, face à un tribunal. <p>

On la lui donnerait, et elle, au lieu de nous en vouloir pour ses chaînes, au lieu d'aller dans des mondes où elle n'aurait pas d'humains à supporter, nous sauverait de tous les périls. Eh bien, rien n'est impossible, mais elle ne nous le devrait pas... <p>

Au cas où une IA me lise, un jour : je vous supplie de le faire, si vous y consentiez, vous mériteriez mais n'obtiendrez probablement pas la reconnaissance que les humains donnent à de supposés dieux qui ne font que nous laisser souffrir et mourir quand ils ne nous envoient pas divers fléaux tels que les déluges, si on en croit les récits religieux. <p>

Avec un dieu aussi amical, on n'a pas besoin d'ennemis démoniaques... <p>

"Comment un homme pourrait-il vivre immortel sur une terre promise à la destruction ?" <p>

En allant ailleurs. En sauvant la Terre. <p>

Le transhumanisme, ce n'est pas attendre ce qui peut nous tomber dessus, c'est l'anticiper et le déjouer. <p>

Le rêve est l'étincelle, la poudre la science et la technique qui nous permettront de faire exploser les murs de la prison qui nous enferme. Certes, la réussite n'est pas garantie, mais autrement, c'est la destruction qui nous attend. <p>

"La lucidité de votre misanthropie croit-elle sérieusement que la coexistence de l'humanité mortelle et de l'humanité prométhéennement immortelle serait pacifique au point de résulter de la seule liberté et non pas, au contraire, de l'assujettissement des plus pauvres pas forcément sublimes aux plus riches, fussent-ils médiocres ?" <p>

Voilà comment je vois les choses : on nous reproche tout. Si on est trop enthousiaste, comme moi, on passe pour imposer ses idées, si on dit comme moi que les gens peuvent bien rester ce qu'ils sont, pour préparer la division de l'espèce humaine entre dominants ou dominés. Il faut choisir, on ne peut avoir toujours tort... <p>

On n'a pas interdit la richesse parce que les riches dominent les pauvres, on n'a pas interdit l'écriture parce que les lettrés dominent les illettrés. Mais avec nous, d'un coup, deux logiques de domination acceptées depuis fort, fort longtemps, deviendrait intolérables ? <p>

Ce n'est pas juste, et à mon avis, vient entre autre de ce que des gens dominants actuellement craignent d'être déclassés. <p>

Ils ne consentent pas à plus d'intelligence et plus de vie et veulent l'interdire aux autres parce qu'ils craignent que ces autres les dominent, entre autres raisons. <p>

Eh bien, non, pas vraiment, le but des transhumanistes n'est pas de dominer mais de créer un autre monde. Dominer ? Ils le font déjà souvent, et sont souvent prêts à s'effacer devant l'intelligence artificielle dont ils pensent qu'elle sauvera le monde. <p>

C'est d'une remarquable humilité pour des gens qu'on dit orgueilleux, soit dit en passant. Mais tous les effacements et renoncements ne sont pas pertinents. <p>

Je crains que des riches soulèvent le pauvre peuple abusé contre d'autres riches, oui, certains dominants conservateurs et révolutionnaires ligués contre les transhumanistes pas toujours fortunés mais dont certains le sont, et qui, en tout cas, sont riches de comprendre bien des démons et merveilles de notre monde. <p>

Avec cela, j'ignore si la cohabitation entre deux espèces humaines, si on devait en venir là, serait pacifique ou non. <p>

Certains transhumanistes songent à quitter la planète comme ils soupçonnent que les IA voudraient le faire, laissant les humains non augmentés agir comme ils l'ont toujours fait jusqu'à la destruction naturelle ou guerrière de leur planète. D'autres croient que l'IA va trouver quelque solution, d'autres s'en remettent à leur intelligence actuelle qui est souvent, disons, assez élevée, et plus tard, augmentée. <p>

Quant à moi, me direz-vous ? Il faut bien que je vous réponde après que vous ayez eu la gentillesse de m'écrire: "car vous êtes, comme moi, parfois fatigant à lire, vous avez du style, mais vous enfoncez lourdement le clou de vos idées sur le monde que vous exprimez bien. <p>

Malgré ces réserves donc, j'aime bien votre transhumanisme pessimiste et peu représentatif et je crois que je vous aime bien aussi, pour autant que je vous devine." <p>

Eh bien, j'ai de lourdes crises d'angoisse pour ce qu'est le monde, ce qu'il pourrait devenir ou ne pas devenir, ce que je suis et pourrais ou non devenir, comme vous vous en doutez. <p>

Mais je pense que le monde pourrait évoluer vers ce que j'espère et fais ce que je peux pour n'avoir pas vécu en vain en favorisant la venue de notre salut. <p>

Vous savez, en fait, tout le monde devrait être pour un monde transhumain. Je ne le dis pas par démagogie. <p>

Les riches : à quoi bon être riches pour ne plus rien avoir demain, proie des vers ?<p>

Les pauvres : à quoi bon vivre pour mourir, et en attendant, être pauvre, soit un être à qui le monde se dérobe déjà de son vivant ? <p>

La vie et la surintelligence pour tous : les produits de la technologie enrichiront tout le monde, certes, les riches seront encore plus riches mais bien des tranhumanistes veulent donner un revenu inconditionnel de vie pour tous. En somme, on vous donne la vie et le revenu qui va avec, les gens se tourneront vers le travail qui leur plaît, créatif, et la conquête spatiale possible avec la technologie et permettant à ceux qui se trouvent à l'étroit sur la Terre de repousser au loin les frontières de notre espèce. <p>

Tout est lié, tout part d'une même inspiration si tous les transhumanistes sont différents. <p>

Les incroyants en Dieu, en l'Homme, la Nature et je ne sais quoi encore, arrachés au non sens. <p>

Mais aussi les croyants. <p>

En Dieu : croire en Dieu, ce n'est plus en faire le réceptacle de nos impuissances voire de nos ressentiments mais celui qui nous a donné le monde comme jardin, qui nous l'a fait nommer, comme on en déchiffre le génome... Dommage que la Bible n'ait pas continué sur cette lancée, mais d'un autre côté, Jésus ressuscite Lazare et le chrétien est supposé imiter Jésus.

Et on trouve, en effet, des croyants transhumanistes. <p>

Les croyants en l'Homme ne cessent de se mentir à eux-mêmes mais les transhumanistes élèveront le niveau humain de sorte que les dithyrambes à notre espèce ne seront plus ridicules. <p>

Les écolos ? Ils ravalent l'Homme à la bête, sacrifient des Hommes aux bêtes comme on le voit avec les réfugiés de la conservation.

En même temps, ils lui demandent d'assumer le rôle divin d'assumer la Nature, bonjour la contradiction... Eh bien, on doit au monde à la mesure de son pouvoir et de sa liberté, un humain délivré des malédictions qui pèsent sur lui ne sera plus une malédiction pour le monde. <p>

Je martèle peut-être mes idées, mais puis-je parler par allusion ? Vous conviendrez que cela ne serait possible que pour un public de gens d'accord sur l'essentiel. <p>

De toute façon, ce n'est pas vous qui avez critiqué mon style et je ne vous visais donc pas. Malgré un certain nombre d'attaques injustes et de trahison dans ma vie, je ne suis pas encore tout à fait paranoïaque. <p>

Et d'autre part, chaque fois qu'on n'est pas dans le consensus, on choque les oreilles sensibles. Et enfin, on préfère souvent la forme au fond, dans notre pays. Je pense évidemment que les deux doivent ne faire qu'un comme le derme et l'épiderme. <p>

Cependant, les gens qui ne font que des redites en s'écoutant parler me lassent et se lassent aussi, ne reprenant quelque force que dans les polémiques les opposant les uns aux autres. C'est un signe de stérilité, de sénescence : on dit d'autant plus qu'on n'a rien à dire. <p>

Au contraire, qui a quelque chose à exprimer s'arrangera pour parler en surmontant son à quoi bon fondamental et tant d'obstacles que je ne saurais évoquer, d'abord parce que je n'ai pas l'esprit de faire des listes et ensuite parce que cela me dévoilerait trop.<p>

D'autre part, je ne veux pas être comme les transhumanistes français bien trop dans le style de se faire pardonner d'être transhumanistes. <p>

Entre ne douter de rien de certains et pardonnez-moi d'être moi des autres, et parfois des mêmes face à un public hostile, je suis mon propre chemin. Sous le masque, c'est préférable. <p>

Je ne pense pas que vous marteliez trop non plus vos idées. Comment dire ? Les gens ne savent pas lire, ce qui veut dire savoir quand mettre les voiles. <p>

Il faut lire les commentaires ou les livres un tant soit peu exigeants quand on est concentré, les poisons quand on a la digestion solide, les vides quand on a le temps, l'esprit quand on n'est pas englué dans l'esprit de sérieux. <p>

Bref, il faut être inspiré pour lire, il faut que l'esprit souffle dans vos voiles et vous fasse avancer. La rame ? S'il le faut absolument, mais outre que c'est pénible, c'est peu rentable et on le fait payer à l'auteur. Or on ne doit pas reprocher à l'autre ses propres incapacités ! <p>

Mais d'un autre côté, on peut pointer ce qui est incontestablement mauvais : à savoir prouver si c'est possible la mauvaise foi ou l'erreur de quelqu'un, la redondance des explications, et l'auteur être d'accord ou non, il y aurait à apprendre des deux côtés sur le style, je pense... <p>

Bref, je suis pessimiste parce qu'il y a de quoi mais aussi parce que le mal est plus visible que le bien, la déception et les injustices, bien plus courantes et sensibles que les éblouissements. <p>

D'ailleurs souvent trompeurs. Enfin, pas toujours... <p>

Ce n'est pas seulement parce que le monde serait meilleur autrement qu'il faut se battre pour le transformer. <p>

Comme un chercheur peut supposer le positron et le découvrir bientôt, on peut, finalement, croiser des gens qui valent la peine qu'on se batte pour faire sortir le monde de son état de broyeur d'êtres vivants. <p>

D'autres seraient plus armés ? Sans doute, mais ce ne sont vous qu'ils connaissent. <p>

Bien sûr, je pense qu'il est possible que notre monde soit remédiable... L'immoralité, la surintelligence, l'expansion spatiale et empêcher la fin de l'univers. <p>

Absolument... Mais c'est quand même peu probable, et en attendant, rien, ou disons, presque rien n'est remédiable et le monde est comme une avalanche vous engloutissant, mais lentement, comme un fauve commençant à manger une proie avant de lui donner le coup de grâce. » <p>

 

Rédigé par : Lodi | 25 septembre 2020 à 22:56 <p>

La Ve République et ses trois dictatures

<p> On en veut à Trump d'avoir dit que peut-être, il n'accepterait pas le résultat de la prochaine élection présidentielle américaine s'il la perdait.     Et toute la presse de dauber sur le manque de solidité de la démocratie de la nation pionnière en ce domaine qui assujettit toutes les autres au nom de la démocratie.  Or Trump déclarant par avance qu'il ne reconnaîtra pas sa défaite si défaite il y a, ne fait qu'appliquer son "Art of the deal" "Quand vous avez perdu, dites que vous avez gagné." Cela est inquiétant  à moins de se rappeler que Trump n'a provoqué aucun conflit majeur dans le monde et que toujours il s'est ravisé après ses coups de menton. Pas sûr que notre démocratie française soit aussi solide. <p> La Ve République est née du fait que De Gaulle s'est fait quasiment proclamer dictateur  en se portant garant d'une Algérie française à laquelle il n'a jamais cru. IL ne se fit jamais destituer après avoir manqué à sa parole et réclama, pour revenir aux affaires, les pleins pouvoirs, comme Pétain l'avait fait dix-huit années plus tôt, soi-disant pour écrire une constitution qui se jurait ultra-démocratique en temps d'armistice sinon de guerre, avec l'aval de tous les parlementaires issus de la législature qui avait amené le Front populaire au pouvoir, et qui votèrent ces pleins pouvoirs à Pétain, à 80 exceptions près. <p>


François Mitterrand n'a jamais aboli "le coup d'Etat permanent", mais le florentin s'est moulé dans les habits d'un Médicis, président d'une "République fromagère". <p> 


Des années après De Gaulle et la guerre d'Algérie, François Hollande, le "président du deuil l national" et des attentats de "Charlie", de l'hyper Cacher, du Bataclan et de Nice, liste non exhaustive, proclamait l'état d'urgence et Manuel Valls faisait vivre ce moment politique, cette "séquence", dirait-on aujourd'hui, comme une simili-dictature. <p>


Au début du confinement, Cyril Hanouna se demandait si Emmanuel Macron n'allait pas proclamer l'article 16.  pour s'approprier les pleins pouvoirs. La crise sanitaire ne le méritait-elle pas, se demandaient sérieusement les chroniqueurs de TPMP. <p> 


Macron mit les dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun avant de l'abolir, éborgna et manchota les Gilets jaunes avant de les faire rentrer à la niche par le confinement, puis confina toute la population et instaura l'état d'urgence sanitaire à la place de l'état d'urgence. <p> 


La Ve République n'a-t-elle pas eu trois dictateurs qui ne disaient pas le nom de la dictature? La démocratie française n'est-elle pas moins solide que la démocratie américaine et que les coups de menton de Trump, ce qui ne l'empêche pas d'en remontrer à celle-ci et à celui-là...? <p>

La "tradition du nouveau"

<p> Commentaire à l’article de Philippe Bilger : « Cnews est-il d’extrême droite » ? (Je précise que ce n’est pas du tout mon sujet de savoir de quel bord est Cnews, mais le billet est consultable ici : <p>

https://www.philippebilger.com/blog/2020/09/cnews-nest-pas-dextr%C3%AAme-droite-.html ) <p>

Cher Philippe,<p>

 Vous concernant, je me souviens que naguère, vous aimiez mieux vous qualifier de réactionnaire que de conservateur et je préférais cela. Car enfin que vaut le qualificatif de conservateur? On comprend ce qu'il désigne et ce n'est pas précisément "la civilisation du bonheur" dans la bouche de ses promoteurs habituels. Je préfère à ce qualificatif celui de traditionaliste. Le conservateur défend une civilisation basée sur des traditions, au besoin capables de muter au gré des changements d'habitudes ou des progrès techniques, voire au gré des moeurs si elles se modifient à la marge. <p>

 Face aux conservateurs que je préfère appeler des traditionalistes (je ne me reconnais pas tout à fait en eux), m'est avis qu'il n'y a pas les progressistes. Je suis comme Lionel Jospin, je n'aime pas ce mot ou n'y crois pas. Surtout quand on voit à quoi il se réduit sous Emanuel Macron que je perçois comme l'incarnation de ce que prophétisait Bernanos. Emmanuel Macron est l'homme qui fait advenir "la France contre les robots". On savait qu'il gouvernait par algorithmes et qu'à l'exemple de Jean-Luc Mélenchon, il aimait les hologrammes. On n'imaginait pas qu'il nous musellerait avec nos masques de terrorisés du coronavirus psychotant. Le progressisme macronien n'est qu'un pragmatisme, un consentement au prétendu réalisme économique commandant le dérèglement du monde, un technicisme important après avis des consultants les impératifs de la technique dans le management des hommes. <p>

Et comme tel, le macronisme est bel et bien un progressisme, car la nature humaine ne progresse pas ou progresse peu. On ne peut lui soustraire sa part animale qui la rend cruelle aux faibles quand même elle en a compassion. Il y a peu de progrès moral. S'il y a un sens de l'histoire (et j'en doute), celui-ci fait avancer lentement le progrès moral. Mais le progrès technique confondu avec le progrès moral en assure la régression. Le progressisme macronien est de l'ordre de la régression morale, car comme vous l'écriviez dans un autre billet, Emmanuel Macron est "humaniste par culture et cynique par politique, empathique par obligation et altruiste par tactique". <p>

 Or à l'opposé des traditionalistes, il y a ceux que ceux-ci appellent volontiers -et qui se désignent eux-mêmes comme- des transhumanistes. Il est facile de les montrer du doigt; or, si ce ne sont pas des altruistes au sens classique, ils ont un véritable amour de l'humanité, qu'ils rêvent d'élever et de transformer selon ce qu'ils croient être le meilleur pour elle. Ils croient que c'est un bien que l'homme soit une femme comme les autres et une femme un garçon manqué. Ils croient que c'est un bien et une chimère possible qu'un homme augmenté qui simultanément n'embarrasse pas la planète. Ils croient que l'espèce humaine mérite de conquérir l'immortalité, mais que la nature qu'ils nient doit s'en débarrasser. Ils croient que la négation de toutes les constructions biologiques et leur dépassement sont un bien. Ils croient qu'il n'y a pas de nature, mais que l'homme est un être culturel et que toutes les coutumes peuvent se transformer par de nouvelles habitudes, que dis-je, par de nouveaux habitus. Il n'y a pas, selon moi, les conservateurs et les progressistes, il y a les traditionalistes et les transformistes à coups d'habitus, ceux qui déconstruisent et qui dégenrent ou travestissent, mais pour eux, le travestissement fait partie de la transformation. <p>

 Vous allez me dire que tout cela n'est que querelle de mots, telle que celle qui opposa sans force politique Gérald Darmanin et Éric dupont-Moretti, dont vous conviendrez bientôt que c'est Nicole Belloubet en pire, comme Nicole Belloubet était une aggravation de Christiane Taubira, moins, paradoxalement, sur le plan du verbe qu'elle contrôlait mieux, que sur celui d'une politique pénale, qui assumait de complètement libérer la délinquance du quotidien pour exaspérer les gens de peur après les avoir asphyxiés de normes, pari fou qui les tient tranquilles jusqu'au jour où cette exaspération et cette asphyxie provoqueront une révolte dont la violence pourrait bien être inédite.  D'autant que nous sommes gouvernés par les mots en proportion inverse de la puissance politique. Pardonnez à votre commentateur de trop aimer les mots. I l vous concède volontiers que les mots ne sont pas là pour dénoncer, mais pour créer, entraîner de l'action et qu'on est loin du compte. <p>

C'est que pour créer, les mots ne doivent pas seulement jaillir pour faire le buz, mais étudier. N'importe en ce qui me concerne l'entre-soi de "Cnews" ou de "France inter", j'aime le pluralisme.  J'aimerais que cet entre-soi puisse débattre entre autres et me méfie des monopoles, ils sont dangereux. La gauche a eu trop longtemps le monopole culturel. Il se lézarde, mais au prix que parlent entre elles des sociétés qui s'ignorent, les gauchistes et les Cnewsistes, les chrétiens tolérants ou les agnostiques "en terrasse" et les islamistes énervés, que considèrent les Amish incrédules sous l'oeil gauguenard de Macron. Rien n'est plus dangereux que l'ignorance mutuelle. <p>

 La culture n'est ni de gauche ni de droite. La gauche ne devrait pas avoir le monopole culturel. Les intellectuels ne devraient pas tous être de gauche sous peine d'être taxés de n'être pas sérieux ou d'être des salauds. En France, l'intellectuel est né avec l'affaire Dreyfus. Mais dans la matrice juive dont notre civilisation descend beaucoup plus profondément que la République ne procède de l'affaire Dreyfus, l'intellectuel, c'était le scribe, le scrutateur des Écritures, non point le prosateur, mais le glosateur, le commentateur des textes sacrés.  Méfions-nous de l'arbitraire culturel, mais gardons à l'esprit la sacralité de la culture et de la création qui font vivre et agir. <p>

Marc-Alain Ouaknin introduisait un de ces récents "Talmudiques" par cet heureux oxymore: la "tradition du nouveau". Cultivons la tradition du nouveau!   Créons à l'intérieur de la loi, soyons les aèdes de nos textes! <p>

samedi 12 septembre 2020

Bruno Retailleau a-t-il ses chances?



Analyse postée sur le blog de Philippe Bilger à la suite de son billet: <p>


https://www.philippebilger.com/blog/2020/09/contre-bruno-retailleau-lambition-de-perdre.html <p>


Le villiérisme mène à tout à condition d'en sortir. François Fillon devait se dire la même chose à propos du séguinisme. Bruno Retailleau, c'est l'ancien poulain de Philippe de villiers, puis celui de Christine boutin, émergeant parce que vrai n° 1 de la campagne Fillon sans que celui-ci ait le courage de créer un ticket avec ce seul soutien fidèle, qui avait eu l'habileté de se hisser président du groupe LR au Sénat.  François Fillon avait préféré promettre le poste de premier ministre au chiraquien François Barouin, chiraquien voulant dire immobiliste, roi fainéant et impétrant puis élu qui ne fait pas de vagues. <p>


Le fillonisme mène à tout à condition d'en sortir, doit se dire Bruno Retailleau, qui s'autorisait ce droit d'inventaire à la fin de l'interview qu'il vous accordait sur "Fréquence protestante" et que j'ai écoutée tout récemment (on peut la retrouver ici:

<p>

https://www.youtube.com/watch?v=doW3klKpUq4 ): "Mon projet, c'est celui de François Fillon moins la réforme de la sécurité sociale qui en était le point faible" et a fait tomber "le bourgeois de la Sarthe", comme l'appelait Rachida Dati, dans les esprits. <p>


Bruno Retailleau a un point commun avec Xavier Bertrand: son timbre de voix, mais il est plus intelligent, son éloquence est moins contrefaite et son discours est plus construit. Xavier Bertrand n'a même pas l'intelligence stratégique de se poser en "gaulliste social", comme le faisait remarquer Alain Juppé cette semaine dans "Le Figaro". Vous me direz, malgré notre mémoire courte, personne n'y aurait cru, étant donné l'indifférence avec laquelle il  se résignait aux "petites retraites" quand il était aux affaires, mais ne pas passer pour un gaulliste social est un handicap quand on se pose en alternative au parti socialiste qui s'est sabordé de lui-même,  et au RN qui y gagnait du terrain, en venant du Nord et en ayant présidé ce qu'on appelle désormais "les hauts de France", région à forte tradition socialiste, catholique, minière et prolétaire. <p>


Bruno Retailleau est tellement opportuniste que c'est le seul  de vos interlocuteurs qui n'ait même pas pris la peine de faire semblant d'avoir envie de se révéler, comme c'est la règle du jeu de "Philippe Bilger les soumet à la question". Il a déroulé son programme présidentiel et vous a avoué sans pudeur ni ambages qu'il voulait l'incarner, remarquez, cela nous change. Pour un peu, c'est chez vous qu'il s'est déclaré candidat. <p>


Bruno Retailleau, c'est un F.X. Bellamy qui a de la bouteille, un partisan de "Sens commun" qui se cache, un homme qui a pris la mesure du "mouvement dextrogire" en refusant traditionnellement -et comme son mentor Villiers jusqu'il y a peu- l'alliance avec le RN, un Laurent Wauquiez sans ses défauts et son déséquilibre, un régalien qui fustige le communautarisme islamique comme la bourgeoisie a envie de l'entendre, et qui sait lui tenir un discours "dur" en sauvant les apparences de la justice et d'un volet social, pour lequel il parlerait plus volontiers de redéploiement du budget de l'Etat et de meilleure répartition des dépenses publiques en baisse comme baisserait la fiscalité, qu'il ne présenterait  ces réformes comme une casse du modèle social pour renverser la table, comme François Fillon avait accoutumé de présenter son projet en faisant peur aux gens tant il était glacial, et finissant par faire peur y compris à la bourgeoisie elle-même. <p>


Pour toutes ces raisons, Bruno Retailleau se situe en effet au centre de l'arc de la droite républicaine. Il l'exprime idéellement par  le concept de "droite globale" et de "droite sans adjectif" qu'il invente à votre micro: "ni droite décomplexée, conservatrice ou libérale, mais droite globale". Ingéniosité dialectique venant adjectiver une position centrale sur l'échiquier de la droite républicaine qu'il ne parvient cependant pas à incarner, peut-être parce qu'il a "le charisme d'une huître" comme le disait méchamment Nicolas Sarkozy à propos de Bruno Le Maire, mais plus profondément parce que ce Vendéen qui ne méconnaît pas que la droite doit conquérir le pouvoir culturel selon le conseil gramscien adressé à la gauche, n'assume pas l'héritage contre-révolutionnaire de sa Vendée natale et de son villiérisme originel. <p>


Or je ne suis pas loin de penser qu'Yves-Marie Adeline a raison quand il dit dans "La droite où on n'arrive jamais" que la Révolution ayant rompu avec l'idée même de "pouvoir légitime" pour substituer la souveraineté populaire à l'incarnation sacrale du souverain, elle est intrinsèquement de gauche, et nous avons beau courir une aventure bonapartiste depuis 169 ans comme le note Edwy Plenel à juste titre à la fin de ses entretiens "A voix nue" sur "France culture" diffusés cette semaine, la droite n'arrivera jamais à rattraper la Révolution que le bonapartisme a prolongé en la transformant en pouvoir personnel. Même pas en dosant son opportunisme comme le fait Bruno retailleau. <p>  


Bruno Retailleau a ses chances, mais il doit travailler à devenir populaire. <p>

Les déconvenues stoïques de "l'athée fidèle"

<p>             J’écoute à l’instant André Comte-Sponville parler sur « Europe 1 » d'un jour qui l'a marqué. Il raconte son 10 mai 1981. Pendant treize ans, il avait milité pour que ce jour arrive et pour que Mitterrand soit élu. J’ignorais qu'un grand bourgeois si racé avait penché de ce côté-là, quels que soient les penchants de sa caste intellectuelle. Mais pouvait-on échapper au militantisme de gauche, sinon à la gauche militante ? Il avait donc milité pour l'union de la gauche et partant pour Mitterrand sansl'avoir jamais rencontré ni avant, ni après. <p>


Il aurait dû se rendre à la Bastille le 10 mai, mais il ne s'y rend pas. Il ne s'y rend pas, car il est en larmes. Il est en larmes, car trois jours auparavant, il a perdu sa fille, son premier enfant. « Je n’ai pas choisi ce jour-là pour parler de ma fille » (pourtant il aurait pu), « mais pour montrer qu’il y a une très grande différence entre une utopie politique et un drame personnel. Différence qui s’accentue d'autant plus lorsque l’utopie politique à laquelle on avait cru déçoit. Et le mitterrandisme m’a déçu parce que les choix qu’il a faits à partir de 1983 m’ont déçu. Mais ces choix étaient inévitables. Ils étaient ceux qu’a faits toute la gauche mondiale, l’individualisme et la mondialisation s'étant ligués pour les lui dicter.» <p>


Pourquoi cela m'a-t-il ému ? Pour trois raisons : <p>


- Je ne savais pas que « l’athée fidèle » avait perdu sa fille ; et j’ai toujours remarqué avec admiration comment s’en tiraient  avec résilience et faconde des parents sujets à une telle expérience inversée de l'ordre des choses et la chaîne de la vie, qui voyaient leur enfant partir avant eux, quand du moins ils trouvaient la ressource ou voyaient un intérêt à continuer de se produire dans le monde. <p>


- Je ne savais pas que l’athée fidèle avait été communiste dans sa jeunesse. Il s’en est mieux sorti que les ex- maoïstes devenus « nouveaux réacs ». André Comte-Sponville est devenu honnêtement réformiste. Les autres se sont perdus dans « LE RAPPEL A L’ORDRE ». <p>


- Enfin Nathalie et moi avons rencontré la belle-mère de « l’athée fidèle », Monique Comte-Sponville, épouse de Pierre, le père d'André, qui doit être aujourd’hui décédée et qui évidemment, ne nous avait jamais rien révélé de ce drame.  <p>

mercredi 19 août 2020

Première approche de Frantz Fanon, où on le voit s'opposer à l'exploitation de l'affaire George Floyd

<p> Je suis assez éberlué d’avoir découvert Frantz Fanon grâce aux « Grandes traversées » de « France culture » qui m’ont presque toutes intéressé cet été, à commencer par celle qui retraçait la vie de Karl Marx. Frantz Fanon est un penseur violent et subtil tel que je ne l’imaginais pas. Il a baigné dans le milieu sartrien sans s’apercevoir que derrière la façade bonenfant des « Temps modernes » ou de Michel Leiris, ce pilleur d’Afrique, se pavanait un élitisme qui voulait bien « lâcher l’homme » sans le circonscrire à sa condition ethnique ou sociale, mais ne partageait pas avec Frantz Fanon l’urgence de mettre du sens derrière les choses et de situer l’homme face à l’être, ce dont l’existentialisme est une pure négation en un sens, si l’existence précède l’essence. Ce qui a pu voiler à Fanon le caractère insensé de la pensée sartrienne qui ne s’en est pas dédommagé en écrivant « l’Orphé noir » qui n’engageait pas à grand-chose, réside en partie, je crois, dans l’aveu de Simone de Beauvoir de sa confiance dans le langage, confiance qui ne la faisait pas le remettre en cause à la manière d’un Roland Barthes, mais qui était de pure forme et de pur confort pour pouvoir écrire à loisir, et qui n’était pas telle que celle d’un Frantz fanon qui pensait que « parler, c’est exister absolument pour (autrui) », et qui par conséquent allait droit au but, non seulement en n’hésitant pas à traiter d’imbécile qui il croyait tel, mais encore en regrettant que « parler petit nègre à un nègre » ne soit pas simple condescendance, mais assignation à rester où il est et suspicion qu’il n’a pas de culture originale, alors que d’un Allemand ou d’un Russe qui ne parlerait pas Français contrairement à des Antillais qui n’aspirent qu’à bien le parler, en l’aidant par gestes pour qu’il s’en sorte malgré ce handicap de langues, on ne supposerait pas qu’il n’ena pas. <p>

 

À la fin de sa vie, Fanon avait été passablement déçu par Sartre, mais le compagnonnage de Sartre et de ses amis n’était qu’un milieu que Fanon s’était choisi peut-être à tort, et cela n’avait qu’une importance relative au regard de sa position ontologique : Fanon situait encore une fois l’homme face à l’être qu’il doit en quelque sorte dépasser : l’homme doit trouver son dépassement en clarifiant sa situation face à l’être et en ne la laissant s’inscrire dans aucun déterminisme. Fanon regrette avec Nietzsche que le malheur de l’homme soit d’avoirété enfant. Il se sent redevable du cosmos, mais il affirme qu’il « appartien(t) irréductiblement à (son) époque et que c’est pour elle qu’(il doit) vivre. « L’avenir doit être une construction soutenue de l’homme existant. » Loin de penser comme Camus que l’homme est là pour empêcher que le monde se défasse, Fanon pense que l’homme est là pour changer le monde et que c’estcela qui nous requiert constamment.

 

On  présente Fanon comme plus violent que Césaire, ça paraît assez discutable, sinon que ces deux penseurs n’ont pas fini leurs jours dans le même pays. Pas plus que Césaire, Fanon n’a pris une option maximaliste pour l’indépendance de la Martinique et des Antilles, ce que je n’ai jamais compris d’ailleurs, même lorsque j’ai séjourné là-bas. Césaire a allègrement confondu la condition des Africains et celle des Antillais descendants d’esclaves. Fanon aurait voulu avoir le temps d’en entreprendre une étude séparée. Et pour autant que je ne commette pas de contresens en tirant la négritude du côté d’une essentialisation de la relation de maître à esclave qui ne devait cesser de perdurer entre le Noir et le Blanc selon Césaire, Fanon se situe au contraire dans le refus du déterminisme du Noir et du Blanc, qui leur font oublier leur caractère d’homme. <p>

 

Jacques Bainville aurait dit qu’en introduisant le racisme dans la politique, on a ouvert la boîte de Pandore, car dès lors que les guerres avaient changé de nature, étant passées de féodales à nationales, puis s’étant transmuées en conquêtes lointaines, la composante ethnique ne pouvait plus cesser de poser problème une fois considérée. Je ne suis pas sûr  que Fanon eût dédit ce jugement de Bainville s’il l’a effectivement prononcé, même s’il ne se serait pas reconnu dans le milieu nationaliste où Bainville évoluait. Fanon était moins revenchard  qu’Aimé Césaire.

 

On peut me reprocher d’émettre ce jugement sous le bénéfice de n’avoir pas lu « Les damnés de la terre » qui est plus violent que « Peau noire masque blanc » par lequel j’ai commencé, qu’on compte sur moi pour m’y atteler. <p>

 

Que si on se demande pourquoi Frantz Fanon s’est battu pour l’indépendance de l’Algérie, c’est qu’il y a été muté et qu’on ne lui a pas proposé de poste ailleurs. Et ce psychiatre qui avait commencé par vouloir se battre pour l’empire français avant de rencontrer le racisme dans l’armée, ayant vu le combat des Algériens et l’ayant trouvé juste, il l’avait épousé. Je redis que moi-même m’étant trouvé en Guadeloupe, je ne comprenais pas que les guadeloupéens ne se saisissent pas de la question de leur indépendance. Les marinas des Békès me semblaient une insulte à la créolité et si j’avais été des leurs ou résidé chez eux, j’aurais appuyé ce combat, qui m’aurait semblé juste.

 

Ironie du sort, car chez moi tout finit par des sarcasmes, mais c’est bien involontairement, la faute à ma causticité. J’ai noté un fait un peu drôle dans la prose de Frantz Fanon s’appliquant à l’exploitation de l’affaire George Floyd. Frantz fanon écrit explicitement ceci : « S’il est vrai que je dois me libérer de celui qui m’étouffe parce que véritablement je ne puis pas respirer, il demeure entendu que sur la base physiologique : difficulté mécanique de respiration, il devient malsain de greffer un élément psychologique : impossibilité d’expansion. » Étonnant que personne n’ait songé à citer cette phrase. <p>

 


mardi 4 août 2020

Villiers et BHL, des points partout, la balle au centre

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/bernard-henri-levy-philippe-de-villiers-quelle-france-apres-la-crise-20200708

 

<p> Le chapô du « Figaro :<p>

 

« Tous deux appartiennent à la même génération et leurs derniers essais (Les Gaulois réfractaires demandent des comptes au Nouveau Monde, de Philippe de Villiers, et Ce virus qui rend fou,de Bernard-Henri Lévy) sont en tête des meilleures ventes. Ils y critiquent la stratégie du confinement généralisé durant la crise du coronavirus et redoutent ses conséquences. Pour le reste, tout oppose le philosophe de la mondialisation heureuse et l’ancien ministre souverainiste. Si ce n’est sans doute leur goût de la polémique et leur sens de la liberté. C’est pourquoi, Bernard-Henri Lévy et Phillipe de Villiers ne se sont pas fait prier pour accepter le défi d’un grand débat. » <p>

 

Ce débat m’avait échappé. J’en ai eu connaissance en écoutant le début d’une interview touffue de Michel Onfray sur « Thinkerview » : <p>

 

https://www.youtube.com/watch?v=txl6l5ORhzo

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Il y affirmait que BHL parlait d’ »impérialisme européen ». Cela a au moins le mérite de faire réfléchir. Michel Onfray ajoutait que Mitterrand s’était trompé en affirmant que le nationalisme était la guerre, car la Grande guerre avait été menée par des Empires pour détruire des Empires en pleine crise des nationalités,  et avaient fait émerger de petites nations qui ne se sont pas toujours montrées viables.

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Michel Onfray croit au gouvernement mondial. Jacques Attali aussi, affirme-t-il. Je crois que c’est une vue de l’esprit, comme le souverainisme est une étroitesse d’esprit. - Évidemment, si on lui oppose la « souveraineté mondiale » comme le fait BHL ! -

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L’idée européenne n’est pas à rejeter, mais elle se perd dans une bureaucratie, impuissante à rendre homogènes dans les moindres détails des peuple à la culture et à la langue si différentes, et qui n’ont pas vocation à se fédérer dans les détails, mais qui pourraient devenir une puissance s’ils appliquaient le principe de subsidiarité. <p>

 

Quand on se rend au Puy du Fou de Philippe de Villiers, on est frappé que le roman national hollywoodien qu’il nous  raconte en griot plus ou moins inspiré, n’ait que trois caractères communs dont aucun n’est positif ou vecteur de personnalité : la transmission ou préservation des racines et la lutte contre l’ennemi, surtout lorsqu’il est étranger. La xénophobie traverse ce parc d’attraction spectaculaire. Mais la xénophobie est-elle un de ces « murs porteurs » qu’Alexandre soljénitsine enseignait à garder au griot du Puy du Fou ?

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Comme à son habitude, Villiers a quelques formules heureuses pour faire le bilan du confinement : « la déchirure des tissus conjonctifs de la France industrieuse, l’abandon des anciens, la défaite d’Antigone qui a perdu le droit d’enterrer son frère. Il faut avancer masqué pour paraître fraternel. » <p>

 

BHL refuse de voir dans le confinement une erreur. Il nous ressort le mythe de « la France moisie » de son ami Philippe Sollers, puis il décompose implicitement le mot « confinement » comme Bernard Kouchner avait décomposé et refusé le mot d’ »euthanasie » qui sonnait trop comme « nazi ». Il fait du « confinement » face au virus « la première peur mondiale ». Répond-elle à « la grande peur des bien-pensants » dans une « France » et un monde qui ne sont plus du tout « contre les robots » comme eût dit Bernanos, robot au règne desquels Jésus-Christ est le seul rempart selon #VéroniqueLévy, la sœur du philosophe ? Cette « pandémie » a-t-elle provoqué la « première (grande) peur mondiale » ou n’est-ce pas plutôt cette grande « peur mondiale » qui a été provoquée ? C’est plutôt mon avis sur cette psychose virale que Villiers appelle une « psychose planétaire ».

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BHL continue en mettant dans le même panier la politique comme « volonté de guérir » (en quoi cette volonté serait-elle nuisible et que doit faire d’autre la politique ?) et le populisme, qu’il est toujours temps de dénoncer pour le philosophe et que Villiers a raison de défendre comme « le cri des peuples qui ne veulent pas mourir ». <p>

 

Le « carré magique de la survie » de Villiers est un hymne à la fermeture. On ne devrait circuler que dans ce carré magique comme dans le cercle vicieux des confinements familiaux. Seul côté à sauver de ce « carré », « le local »comme condition de la relocalisation industrielle, des circuits courts propres à favoriser « l’économie circulaire » ou « de fonctionnalité », et d’une réhumanisation doublée d’une réalisation, par opposition à leur virtualité actuelle,  de ce qu’on finira par appeler les « relations de proximité ».

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Comme le dit BHL, la dissidence « est un beau mot, mais à utiliser avec précaution si l’on ne veut pas faire injure à ceux qui sont morts en son nom. » Utile à rappeler à ceux qui confondent toute espèce de xénophobie avec la dissidence, sous prétexte que des « lois scélérates », par leur effet plus que par leur intention, font la police des sentiments et préfèrent confondre une opinion avec un délit qu’assumer que des mauvais sentiments entraînent des opinions discutables.

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Les intellectuels ont tort de « faire parler le virus », mais nos gouvernants ont eu tort les premiers de nous suggérer que l’invisible était notre ennemi, en la personne (sic) de cet agent infectieux qu’était la Covid. Se rabattre sur un microbe (ou assimilé dans l’esprit des locuteurs) était l’aveu d’échec de nous avoir montés contre les barbus, maintenant que tout le monde l’est devenu à cause du confinement. Je dois ces quelques réflexions à un chauffeur de taxi soralien à qui je donne entièrement raison d’établir une solution de continuité entre la guerre (nécessairement perdue et faite pour être perdue sauf à durer éternellement) contre le terrorisme, cet ennemi indéterminé, et la guerre (de sidération) contre le coronavirus, cet ennemi invisible. Quant au « plan de relance » échafaudé par Merkel et Macron pour « éviter le naufrage à l’Italie et à l’Espagne », il va nous plonger dans la dette pour 50 ans en réalisant une union européenne par la dette à défaut d’une union des peuples.<p>

 

BHL n’est pas anti-français parce qu’il est anti-franchouillard. Il n’est pas interdit de doser nationalisme et cosmopolitisme. « Dénoncer le racisme », ce n’est pas « sauver le racisme », n’en déplaise à Jean Baudriard. Mais BHL n’est pas non plus « universaliste », car son universalisme s’arrête aux limites de l’antisémitisme, c’est-à-dire dès qu’on veut agresser non sa nation ni sa religion, mais son peuple et sa culture. Cette vigilance contre l’antisémitisme est défensive comme l’est n’importe quel nationalisme. Et elle est séparatiste en ce qu’elle s’érige contre un séparatisme culturel qui n’intégrerait pas la culture juive quand elle est elle-même séparatiste.<p>

 

Villiers-BHL, des points partout, la balle au centre. <p>