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vendredi 10 août 2018

La présence intégrale


(Réflexions en mode poétique publiées en commentaire sur le blog d’Ahmed Berkani)

 

Idée très dépendante du kairos paulinien: "C'est maintenant le moment favorable, c'est aujourd'hui le jour du salut."

 

Un destin, un acte d'une très grande liberté, une oeuvre sont toujours le résultat de la rencontre exceptionnelle entre un caractère et une disponibilité aux temps et aux lieux.

 

Le destin a toujours un caractère exceptionnel, car l'homme ne perd pas volontiers sa faculté d'anticiper, son besoin de prévoir l'avenir et de calculer son aventure au lieu de suivre son étoile.

 

Qui croit perdre son temps, ou plutôt qui calcule le temps qu'il croit perdre, ne sera jamais disponible au moment opportun, si condensé, qui convient au but qu'il s'est assigné.

 

Le temps perdu est mur et mûrissement. Mur de l'oeuvre ou de l'acte qui tapent contre l'auteur ou l'acteur qui perd son temps, sans frapper contre Dieu dans son ciel ou cette autre réalité à ciel ouvert qu'est l'Histoire, auxquels ce qui frappe ne peut accéder, car Dieu et l'Histoire ne sont pas disposées, ils sont ailleurs. L'auteur ou l'acteur seraient tout disposés, mais c'est l'idée qui ne veut pas. L'idée, l'intuition de  l'acte ou de l'oeuvre, car elle est en train de mûrir. Il faut cueillir les fruits mûris du temps perdu.

 

C'est cela, poser un acte ou faire une oeuvre. Cueillir l'idée, ou les fruits de l'idée, juste au moment où ils viennent de mûrir. Au-delà de ce mûrir, est le mourir de l'acte ou de l'oeuvre. Pour saisir l'idée de l'oeuvre ou de l'acte au moment où, fraîche et dispose,  elle vient de mûrir,l'auteur doit être disposé, disponible. La disponibilité EST UNE DISPOSITION QUI commence lorsque le calcul a cessé.  La disponibilité est l'autre nom de la présence.

 

"Il faut être comme un enfant", m'affirma une soeur au détour d'un repas, "tout entier dans ce qu'on fait."  L'enfance, c'est la présence intégrale. Cette intégrité présentielle donne le sens de l'autre. D'où le fait que "l'homme providentiel" a perdu le sens de l'oeuvre ou du destin. L'homme providentiel a oublié de réaliser son destin. Il l'accomplit sans distraction, mais par disponibilité et altruisme.

Le mystère de Jeanne d'Arc


QUI EST JEANNE D’ARC ?

 

 

 

Qui est Jeanne d’Arc ?

 

Une précurseur des djihadistes ?

Une héroïne anticipée du combat des êtres non genrés et non binaires, bénéficiaires de la théorie du genre qui n’existe pas ?

Une victime de harcèlement qui s’en défend en armure (#BalanceTonPorc) ?

Une guerrière qui, avant d’être la Jeanne au bûcher, a vu enfermer 10000 Anglais brûlés vifs, sans en éprouver de blessure particulière ailleurs que dans l’imaginaire de Philippe de Villiers et son Roman de Jeanne d’Arc, elle qui voulait exterminer le seul Bourguignon qui habitait dans son village ?

Une révolutionnaire incorruptible assimilable à Robespierre terrorisant au nom de la vertu et de la fraternité ?

La femme qui trouve sa voie ou celle de ses voix ?

Une héroïne de la psychiatrie ou de la sainteté (les deux étant parfois liées), qui brûle de son mystère ou de ses rêves sans jamais regretter de les avoir faits et menés à bout ?

Une bergère ou une fuguese ?

Une victime de l’ingratitude des princes qu’elle légitime, et une humble du peuple qui met les puissants sur leur trône, au rebours du Magnificat qui attend que Dieu les en renverse ?

Une guerrière pour la paix ?

La libératrice d’Orléans, révérée par cette ville et passée sous silence à Rouen où on l’a brûlée sur la place du vieux-marché, en plein cœur du centre-ville ?

La sainte des identitaires, aspirant à la croisade après sa victoire sur les Anglais, ou celle qui vient proposer la conversion aux musulmans qui la révèrent et lui promettent le baptême si la France s’intéresse aux causes de la oumma ?

La sainte de Michelet (« la France, c’est la Révolution ») ou celle de Jean-Marie Le pen (la France, c’est la réaction ?)

Une « ombre insaisissable » protégée par son mystère contre l’interprétation des rêves ?

Une métaphore mystique de la France, qui signifie qu’aucune nation ne signifie rien ou au contraire que la France est l’emblème universel de la révolte contre toutes les injustices ?

Une réponse engagée contre le scepticisme du pays de Montaigne et le rationalisme du pays des carthésiens ?

 

Seules les questions m’ont toujours engagé.

(Questions formalisées en écoutant le documentaire de Martin quenehen, Jeanne d’Arc, une rencontre :

 

https://www.franceculture.fr/emissions/jeanne-darc-une-rencontre)

jeudi 9 août 2018

Macron, ma chronique (I). Maxime, le Dauphin


Le silence médiatique continue d’entourer les omissions de Macron. Le bruit médiatique se fait aujourd’hui sur la rencontre de Macron avec Maxime qui n’avait rien de spontané. Maxime, c’est cet enfant de six ans et demie découvert par « Europe 1 » et qui a deux idoles dans la vie : Macron et la reine d’Angleterre. Maxime, c’est Macron quand il était petit. Il succédera à Macron et régnera sur l’Angleterre, dans l’imaginaire de Macron. En Maxime, Macron a trouvé son « gentil dauphin ». Loin des fronts, Macron parle des flots à Maxime : « Je me suis fait construire une piscine, mais ce caprice m’a passé, je préfère le sel au chlore. Tu n’iras jamais sur le front, Maxime, comme Monseigneur le Grand Dauphin, et cependant tu régneras beaucoup mieux sur l’Angleterre que le prince William ou que Teresa May. Laissons-les s’embourber dans les marais de la Somme, parmi les braconniers. Nous n’irons pas à Amiens, Maxime, tel est mon bon plaisir, et je te ferai visiter l’Élysée pour les journées du patrimoine. « 

 

Les médias s’indignent que Macron ai mis en scène sa rencontre avec Maxime comme si elle avait été spontanée. Il est si rare que Macron soit gentil avec quelqu’un. Maxime ne lui fait pas de l’ombre, pas encore. C’est son continuateur, qui ne sera pas plus sacré à Reims que le prince Charles ne peut décemment devenir roi sans faire de l’ombreaux flamboyants William et Kate, surtout flanqué de Camilla. Pauvre Maxime ! Macron prend une loi contre les « fake news » et fait de la #Story news » come le story telling est devenu la règle de la vie politique et l’autofiction celle de la littérature dans une époque qui a perdu l’imaginaire. Sans emphase, Macron a été empathique avec un enfant. La presse dénonce l’un des seuls moments où Macron a été sympa, certes avec son double et sans spontanéité, pour mieux édulcorer son absence aux commémorations d’Amiens où Macron n’est pas né et où la France ne se préparait pas à gagner la guerre, car Macron est éternel (foi de transhumaniste, il faut cloner Macron !) et la France ne saurait jamais rien gagner avec Macron. Les médias ne soufflent mot de cette absence amiennoise du présidentdes Déracinés, qui n’est un « professeur d’énergie » que pour se répliquer – les Macron ont la présidence susceptible -.

 

Le chevènementisme mène à tout à condition d’en sortir. Macron était chevènementiste en 2002. Il exhibe Chevènement qui ne prend pas la mouche. Un Jean-Pierre chasse l’autre, puisque la politique est un jeu Chevènement mène à Jouyet, et le chevènementisme mène à l’intégration dans l’Aspain Institut de Lyon, nous apprend Vladimir. Chevènement incarnait le souverainisme républicain face à l’hydre européenne qu’il ne cessait de pourfendre. Macron se pose en champion de l’européisme échevelé et Chevènement n’y voit pas ombrage, ni dilapidation de l’héritage, du moment qu’il est dans les bagages de Macron.

 

Philippot ne mérite pas ces excès d’honneur et ces épanchements du Che. Le chevènementisme l’a amené à faire un parcours sinueux, qui après l’avoir installé dans le gaullisme, le lui a fait incarner dans le parti le plus anti-gaulliste de France, feu le Front national, où il commandita le parricide de Marine Le Pen, avant de quitter ce parti pour fonder ses Patriotes, où il n’y a que quatre membres influents : Philippot, son frère, son père et sa grand-mère. La dynastie des Philippot envisage de remplacer celle des Le Pen sur l’étendard du patriotisme. Mais Philippot est vierge de toute action pour la patrie. Le gaullisme de Philippot se borne à sauter comme un cabri en criant : « L’Europe, l’Europe », et en étant hystériquement contre. Philippot est un européiste en sens inverse. Je me pince, ou c’est De Gaulle qui a signé le Traité de Rome ?

 

Une « réforme constitutionnelle » s’avère-t-elle indispensable à la France ? Comme les parlementaires brûlaient de démontrer leur inutilité, ils ont sauté sur l’affaire Benalla, qui ne méritait pas que deux commissions des lois se transforment en commissions d’enquête. Mais la réforme que nous prépare Macron est en trompe-l’œil. Réduire le nombre des députés, pourquoi faire ? Réduire le nombre des mandats, pourquoi faire si on peut répartir plusieurs fois trois mandats dans son cursus honorum ? Il y aurait pourtant un moyen de renouveler – et de décentraliser – les visages : interdire à quiconque n’habiterait pas une commune de prétendre en être le maire ; interdire à quiconque de se présenter dans deux territoires pour être l’exécutif local de l’un et le législateur de l’autre (comme le fut Jacques Chirac, député de Corrèse et maire de Paris); interdire le parachutages et à un député qui n’habite pas dans sa circonscription de la représenter (Jean-Christophe Cambadélis n’a jamais habitédans le XIXème arrondissement) ; enfin, limiter à cinq le nombre des mandats d’une carrière politique. Pourquoi ces réformes ne sont-elles jamais proposées dans les débats sur la refonte de nos institutions ?

mercredi 8 août 2018

DISCUSSION SUR LA PEINE DE MORT SUR LE BLOG DE PHILIPPE BILGER APRÈS LE RESCRIT DU PAPE LA JUGEANT INADMISSIBLE

http://www.philippebilger.com/blog/2018/08/le-pape-fran%C3%A7ois-nest-pas-ordinaire-entre-provocations-et-imprudences-fulgurances-et-audaces-politisation-et-rigueur.html


L’insistance du pape François sur l’accueil inconditionnel des migrants a le même fondement à la fois analogique et théologique que sa condamnation sans appel de la peine de mort :
le Christ a été un migrant à l’orée de sa vie et a été accueilli en Égypte comme un réfugié, donc tous les États doivent accueillir tous les migrants comme des réfugiés
- Le Christ a été un martyr à la fin de sa vie suite à la décision inique, non des juifs qui l’ont condamné, mais des Romains qui l’ont crucifié, de le mettre à mort (inversion accusatoire évidente du procès de Jésus). Donc on doit interdire la peine de mort, qui est un mémorial du martyre de Jésus.
@Philippe Bilger :
« Prenons l’exemple du général de Gaulle qui en plusieurs périodes de sa vie historique n’a pas vraiment lésiné sur les exécutions de peines capitales alors que par ailleurs sa pratique intime et revendiquée l’inscrivait dans le catholicisme. Sans doute aurait-il eu plus de mal à se sentir à l’aise comme chef d’Etat et en qualité de chrétien avec cette interdiction officielle et doctrinale de la peine de mort. » Permettez-moi d’en douter.
De Gaulle a-t-il vraiment déclaré : « Toute ma vie, j’ai fait tirer sur des Français », comme l’allègue @Hameau dans les nuages ?
Quoi qu’il en soit, s’interdisait-il de consulter mages et voyantes parce que l’Église catholique lui interdisait la pratique des arts divinatoires ?
Je crois que De Gaulle le gallican se serait assis sur la proscription de la peine de mort édictée par le pape François en plein consensus des puissances alignées et développées sur le sujet.
Comme quoi le pape François veut « une Église de pauvres pour les pauvres », mais raisonne, « en périphérie » de [son] Église, en résonnance, à tort ou à raison, avec les puissances du monde.
@Exilé,
Vous citez saint Thomas d’Aquin comme une autorité intangible, comme si l’Église d’après la religion de la loi devait tellement canoniser ses légistes, y compris le docteur angélique, à la manière dont le Conseil des oulémas, et derrière lui dont l’école coranique le fait des anciens savants de l’islam, ou dont les talmudistes le font des sages du Talmud, qu’il ne serait plus possible de réfléchir après saint Thomas d’Aquin, et encore moins d’amodier la doctrine. Or si saint Thomas envisage qu’il est nécessaire de pouvoir donner latitude à l’État de couper les « membres gangrenés » de ses peuples, que n’a-t-il constitué le peuple en corps politique ! Il s’est bien gardé de le faire, sachant que la conséquence en aurait été que le peuple souverain aurait dû pouvoir user face à Dieu du même libre arbitre qu’un individu, dont la conscience doit consentir de son plein gré au plan de Dieu sur le sujet qu’elle dirige, et doit donc aussi pouvoir refuser ce plan de Dieu sur l’individu ou sur le peuple.
@Franck Boizard :
- Le Père Bruckberger avait sans doute une principale maîtresse en la personne de Barbara, mais vous oubliez toutes les bruckbergères.
- Pour que la peine de mort prodigue un bienfait cosmique dans l’ordre juste, encore faudrait-il s’assurer que celui qui la prononce a le droit de la prononcer. Le pape de Rom déromanise l’Église catholique en estimant qu’au plan étatique, le pater familias n’a plus le droit de vie ou de mort sur ses enfants. Autrement dit, si à @Philipe Dubois estime qu’» il faut rendre à César ce qui est à César », la « politique pénale » appartient peut-être à César, mais la vie n’est pas à César. La politique pénale n’appartient donc à César que dans la limite où César ne s’en prend à la vie de personne, fût-ce d’un criminel, à l’exception d’un soldat qui consent au sacrifice de sa vie. @Philippe Bilger le formule en disant que « la peine de mort », « sanction absolue », « aurait [relevé d’] une justice absolue » et « aurait ressorti (….) plus à la métaphysique qu’à la technique. À la transcendance plus qu’à notre humanité ordinaire ». Principe que, pour ma part, j’énonce en ces termes : la société ne peut pas reprendre ce qu’elle n’a pas donné. La société n’a pas donné la vie, elle ne peut pas reprendre la vie.
Ce qui repose, nous dit @Philippe Dubois, le « débat sur la perpétuité réelle », beaucoup plus facile à requérir, ajoute @Genau, que la peine de mort, puisque notre bonne conscience peut se contenter d’oublier le reclus « dans un cul de basse fosse ». Il me semble que l’individualisme peut répondre à cette objection. Le même individualisme que j’invoquais s’agissant de constituer un corps politique à partir de tous les membres du peuple. La société n’a pas le droit de priver de sa vie un membre du peuple ou du corps politique. Elle peut s’en protéger à travers une mesure d’éloignement définitif. L’individu peut ne pas supporter cette mesure d’éloignement et demander à la société de l’assister dans son suicide, à défaut d’ordonner qu’il soit mis à mort. De même que la société ne peut imposer à quelqu’un d’être à la torture parce qu’elle a peur de la mort et refuse de légiférer sur l’euthanasie. Elle doit donc timidement lui prêter main forte dans le suicide assisté s’il lui en fait la demande, attendu que c’est l’individu, membre du corps politique, qui demeure maître, libre et responsable de sa vie, libre face à Dieu, face à la société et face à lui-même. Si l’on croit que le salut de l’individu compte plus que la vie, raison pour laquelle @Xavier Nebout voulait le pendre ou le guillotiner par mesure préventive et de crainte qu’il ne récidive dans des péchés plus graves et qui mettent en danger son âme, l’individu devra répondre de l’usage qu’il fera de sa liberté s’il veut en effet mourir, la société ne pouvant l’obliger à vivre. Seule cet affranchissement de l’individu pourra prévenir l’objection d’@Elusen que la démocratie sort du polythéisme et est incompatible avec le monothéisme.
Est-ce une raison pour que @Patrice Charoulet simplifie le christianisme en affirmant que ceux qui avaient lu le nouveau Testament savaient bien que la peine de mort ne pouvait être une option, et que Jésus n’avait jamais recommandé de « tuer les méchants » … ? @Noblejoué lui a déjà rappelé la parole par laquelle la pédophilie pouvait encourir que l’on jetât « dans l’eau » « avec une meule » « ceux qui » « [scandaliseraient] des enfants ». « Quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les devant moi », ordonne le roi de la parabole (en Lc 19 :27), ce qui ne devrait pas flatter les idées girardiennes qu’@Aliocha s’est formées à propos du Royaume qui serait le strict opposé de la violence.
L’abolition de la peine de mort est-elle une préoccupation de pays riches encouragée par un christianisme qui la ventilerait comme « un robinet d’eau tiède » ? (@Franck Boizard) « @Genau :
« La mort de masse frappe à coups redoublés à la porte de notre monde et il [Bergoglio] regarde ailleurs. » Bergoglio peut-être…. Mais ce n’est pas ce que font les descendants des abolitionnistes badintériens, savoir les socialistes français qui, après l’avoir beaucoup requise contre les militants du FLN, Mitterrand étant ministre de l’Intérieur puis de la justice, n’ont jamais montré d’états d’âme – François Hollande en est un bon exemple de son propre aveu -, à assassiner froidement les terroristes au lieu de les neutraliser et de les maîtriser pour les convoquer en jugement. L’hypocrisie socialiste est badintérienne en paroles et mitterrandiste, ou molletiste, et reaganienne, puis bushiste, et néo-conservatrice, et atlantiste en actes. La gauche est plus atlantiste que la droite, ce n’est pas une découverte pour les lecteurs de ce blog.
@Elusen,
Vous êtes l’un des premiers que je lis à me mettre le doigt sur cette différence entre la peine de mort et l’avortement que le second est toujours à l’initiative d’une personne individuelle, alors que la première est présentée par ses partisans comme une expression de la violence légitime de la société qui fait justice. Et pratique la légitime défense contre ceux qui veulent lui nuire. « La justice n’est pas la vengeance », écrivez-vous.  Vous semblez toutefois oublier, contre votre interlocuteur de choix @Noblejoué, que, pour Nietzsche, la justice naît de la vengeance, et de l’illusion que la dette et la peine de celui qui a causé une injustice peuvent réparer un préjudice. Bien que la justice naisse de la vengeance, il ne faudrait pas, si je vous comprends bien, offrir une forme native de justice vengeresse dans une société développée, qui soit directement issue de la vengeance et ne soit que de la vengeance appliquée.
Mon autre réserve est pour dire que l’avortement n’est pas un simple déni de grossesse. Ce n’est pas une « pathologie médicale » de la femme qui ne veut pas que se développe en elle ce « corps étranger » dont la biologie, donc la nature, aurait prévu qu’il devienne son enfant. Ou bien l’avortement est-il un déni de grossesse qui passe à l’acte au nom d’un refus radical de la biologie, en raison d’une conception radicalement individualiste, qui pourrait demander l’assentiment de la mère à la biologie pour qu’elle échappe au déterminisme anthropologique. Cela pourrait être plaidé d’un point de vue métaphysique, au nom de la logique individualiste et libérale que j’ai défendue plus haut comme une tentative de sortie de crise de la conscience chrétienne aux prises avec l’État laïque.
@Noblejoué,
« Accessoirement, si j'ose dire, tous les humains sont mortels, condamnés à mort par dieu-qui-nous-aime tant [après avoir laissé crucifier son Fils et l’avoir ressuscité ensuite selon @Breizmabro]. Il ne faut pas tuer, dit celui qui nous tue. » - « Et c’est le bon Dieu qui nous fait, et c’est le bon Dieu qui nous brise », chante Raphael dans CARAVANE. -  Mais selon le Siracide, « c’est par l’envie du malin que la mort est entrée dans le monde. » (Sg 2, 24)
@Elusen « Cet Allah prénommé Yahvé. » Le nom arabe de Dieu, Allah, est en effet calqué sur l’Hébreu Elohim, soit le pluriel de la divinité. Ironie de l’histoire, le nom dont la religion la plus monothéiste des trois monothéistes désigne Dieu, emprunte précisément au pluriel de la divinité, donc au polythéisme ou à l’associationnisme…
En revanche, vous confondez Jésus et Christ. Jésus est un prénom qui signifie « Dieu sauve » ou « Salut », alors que Christ ou Messie signifie « l’Oint de Dieu ». Les deux termes ne recouvrent pas la même réalité.
@Philippe Dubois :
J’ai toujours été séduit par une interprétation non doloriste et non victimaire du précepte de « tendre l’autre joue ». Selon moi, il s’agissait d’une façon de désarmer la logique de l’adversaire en répondant à la violence par une provocation à la violence àrebours. Mais l’interprétation de votre curé me paraît convaincante. Elle est corroborée par l’attitude de Jésus au moment de Sa Passion qui, lorsqu’il est frappé par le serviteur du grand prêtre, lui demande : « Si j’ai mal parlé, explique-moi en quoi ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
Je ne dirai ni avec vous, @Elusen, que la connaissance est l’ennemie delà religion, ni avec @Noblejoué, que la religion se fonde à côté de la connaissance. Vouloir que la religion soit un récit asymptotique à celui de l’histoire du monde me semble accorder bien peu de crédit, donc de foi, à la religion. Selon François Varillon, déjà évoqué par moi dans un commentaire antérieur au billet de PB sur George Steiner et Lucien Rebatet, il ne fallait pas demander à la Révélation de nous raconter la genèse du monde. C’est peut-être un détour astucieux, mais qui me paraît manquer de foi. Au contraire, vous pariez avec Flaubert que ceux qui ont raison sont les ophites, de prêter à Lucifer d’avoir voulu être, loin de l’ennemi du genre humain qu’on nous représente, le libérateur de notre intelligence, en voulant nous donner la connaissance que Dieu nous refusait. Je crois plutôt que, si en effet le fruit dont il était interdit à l’homme de manger était celui de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal », ce n’était pas tant pour que nous n’ayons pas l’intelligence de la morale – qui, somme toute, n’est pas la plus formidable ni la plus libératrice des intelligences -, que pour ne pas obliger Dieu, qui « vit que cela était bon » [tout ce qu’Il avait fait] (et le bon est supérieur au bien), à entrer dans les catégorisations du bien et du mal, où Il ne pouvait nous laisser juger le monde en nous trompant, dès lors que nous aurions décidé d’acquérir ce mode de connaissance dans lequel il S’était refusé à entrer, car ce n’était pas le mode de connaissance qui convenait à la Création du monde.

vendredi 3 août 2018

Par manque de style

                               (Voici ma contribution à L'Abécédaire des écrivains publics réalisé par la promotion 2014-2015 de la licence professionnelle de la Sorbonne nouvelle formant à ce vieux métier redevenu nouveau. Je le publie ce jour pour éclairer un échange avec Ahmed Berkani sur le blog de Philippe Bilger)
 

 

 

I LE PARLER FAUX

 

 

IL y a d’abord eu le jour où j’ai compris que je ne serais jamais professeur. Bien sûr, c’était un sentiment diffus pendant toutes mes études : pourquoi étudier les lettres si c’est pour ne pas devenir professeur ? Ce n’était pas écrit au départ. On sait que l’orientation des élèves n’est malheureusement pas conditionnée par les débouchés. Je me rêvais homme de lettres, donc j’étudiais les lettres, c’était dans l’ordre.

 

Je connus ma désillusion dès mon premier cours de Sorbonne, le 22 octobre 1990. Une dame Michel - Arlette et Michel, pas Michu - parlait, dans un amphi de la vieille Sorbonne, des Contemplations du père Hugo - Hugo, pas Ubu -. Je n’avais rien contre ce proscrit contemplatif, mais me demandais à part moi pourquoi la culture, qui avait pris le pas sur la religion, panthéonisait ses morts au point de n’avoir jamais fini de les enterrer.

 

Le rejet avait commencé ce jour-là et je traînais une sourde hostilité en suivant mes cours. Mais celle-ci ne s’étendait pas à la chair des gens en toge jusqu’à ce jour où, passant un portillon de la station de métro Cluny-la-Sorbonne, je fus témoin d’une altercation entre un professeur de Sorbonne et un agent de la RATP.

 

Quel était l’objet de l’altercation ? Je ne l’ai jamais su. Je ne crois pas que le professeur ait voulu frauder, mais l’enjeu était qu’il passât bien que n’étant pas en règle, se croyant au-dessus des lois parce que professeur.

 

Comment ai-je su qu’il l’était ?  Il l’avait lâché dans la dispute, et ça lui avait valu une réplique du genre : « Si vous êtes professeur, moi, je plains vos élèves. »

 

L’agent du peuple avait parlé. Il avait dit son fait au savant, qui ne posait pas au populaire. J’aurais su qu’il était professeur rien qu’à l’entendre parler. Le timbre de sa voix le trahissait. Ce timbre aigu s’était plaqué sur son phrasé, détachant les mots comme autant d’éléments d’une phrase majuscule, ce qu’entendant, l’agent du prolétariat avait quasiment traité le savant de timbré.

 

Comme je voulais faire peuple, je récusais le savant et me jurais que, si je devenais un jour aussi érudit que lui, jamais je ne parlerais mal à un agent de la RATP. Jamais je ne détacherais mes mots au point que mon métier s’entendît au timbre de ma voix. Je n’aurais aucun mal à tenir ce serment, je n’avais pas une voix de fausset, condition pour parler en chaire, dit Nietzsche dans La généalogie de la morale. Je ne serais pas un clerc et ne pourrais pas trahir…

 

Alors une autre question me vint, comme la rame nous emportait, le savant et moi : était-ce le savant qui s’était fait à sa voix ou sa voix qui s’était faiteau savant, glissante comme un savon pour lustrer ses badins propos ? Essentialiste par instinct, j’optais pour la première hypothèse, nous étions à Sèvres-Babylone. « Mais en ce cas, relançai-je ma pensée (la rame repartait pour Vaneau), il se trouverait des hommes qui naîtraient, non seulement libres et égaux, mais avec une voix, non pas invertie, mais fausse ? » Je trouvais ça contre nature. Mais la rame arrivait, il fallait que j’en sorte.

 

La rame arrivait à Duroc où j’allais déjeuner tous les jours dans une brasserie du 7ème arrondissement fréquentée par le peuple, c’est qu’il y a des gens du peuple qui mangent dans le 7ème arrondissement : la preuve,il y avait moi, qui n’étais pas moins du peuple que Jules Michelet, qui n’a jamais su se l’incorporer…

 

« Jamais, me jurai-je, le tôlier ne saura que je suis en Sorbonne. », Je sortis du métro et je m’y tins.

 

Je me suis tenu à ma vie sans maintien, mais ça ne m’a pas mené à grand-chose. Car quand on parle comme tout le monde, on ne devient rien ni personne, on se raccroche aux branches et on se tient aux murs.

 

On ne devient pas professeur, et pas davantage écrivain. Pour devenir écrivain, il faut avoir un prénom composé, s’appeler Claude-Laurent et savoir apostropher Bernard Pivot.

 

 

 

II LE GOUT DU STYLE

 

Autre chose m’empêchait d’enseigner, je n’avais pas le goût du style. Je n’aimais pas la stylistique. Je n’aimais pas que Georges Moligné nous parle de « figures macro-structurales » et de « figures micro-structurales ». Je me plaçais dans la position de Paul valéry face à l’explication de texte : « Que de belles choses on me fait dire ! » Je trouvais aussi stérilisant d’expliquer un texte que la sépulture culturelle des sépulcres blanchis qui ne savent jamais rien penser sans la référence autoritaire à un auteur autorisé.

 

Je n’avais pas de livre-culte. Sans être barrésien, j’avais « le culte du moi ». Sans être Casanova, « j’étais presque aussi saoul que moi », comme le chante l’abbé Brel au bénéfice des Bourgeois.

 

Je n’imaginais pas que les programmes scolaires, dont je n’avais pas encore dépouillé les Instructions Officielles, entendraient donner le goût de lire  aux élèves dysorthographiques par l’étude stylistique des textes littéraires, ni que l’hypersynthétique méthode globale débouchât sur le relevé hyperanalytique des textes qu’elle leur avait appris à survoler.

 

Je n’avais pas le goût du style et pas spécialement non plus le goût de lire. Je l’ai dit, j’avais le culte du moi. J’étais une espèce de paranoïaque sans délire de références. Je regrettais que l’Université, et spécialement les études de lettres, apprennent davantage à lire qu’à écrire. Ca me barbait, du passé je faisais table rase. J’entrepris le livre total, mais mon livre rasait tout le monde, il ne parlait qu’à moi.

 

Alors je décidai de raser gratis et résolus de devenir barbier de Séville à l’enseigne des écrivains publics. C’était un vieux métier en train de renaître. Mais comme on ne s’improvise pas, à l’ère des compétences et du savoir-être, je ne pouvais obtenir patente sans passer mon diplôme.

 

Je trouvais une licence professionnelle pour former à ce métier non réglementé – et anticipant sur la déréglementation des professions réglementées -, et je m’y inscrivis. Ou plutôt, la Sorbonne nouvelle (pas l’ancienne)voulut bien de moi.

 

J’entrais alors dans d’autres perspectives et d’autres perpléxités. La première fut de me demander comment se pouvaient organiser des licences professionnelles alors que, si l’on exerçait un métier, ce n’était pas pour être licencié. Mais l’Etat avait voulu que quatre-vingt-pour-cent d’une classe d’âge passent son bac. Dans ces conditions, « au gué, au gué », vous n’obtiendrez pas de licence pour être licencié, néanmoins vous occuperez un emploi précaire, la vie est insécure, et la précarité est ce que vise l’Etat quand il baisse exclusivement les charges sur les bas salaires.  

 

M’étant fait à cette idée comme un bureaucrate en perdition devenant travailleur indépendant, il me vint un malaise plus personnel en faisant le raisonnement suivant… Il faut dire que, dans cette licence, on suit des cours de rhétorique pour devenir raisonneur : pourquoi enseigne-t-on la rhétorique aux écrivains publics ? Et pourquoi enseigne-t-on aux élèves la rhétorique pendant onze classes et la philosophie seulement en phase terminale, étant admise la prémisse implicite, pour faire un bel enthimème, que la rhétorique est opposée à laphilosophie. D’où je déduis en outre, en bon rhétoricien - que je suis devenu à défaut d’être un bon rhéteur ou un bon orateur -  que, si l’on enseigne pendant onze ans la rhétorique contre une seule année de philosophie aux enfants des écoles, c’est que la rhétorique ne fait qu’un avec la littérature, tandis que la philosophie s’élève dans les sphères lumineuses de l’intelligence sans croyances. La philosophie s’élève contre les croyances que la littérature énonce comme représentations.

 

Mais je vous ai perdu dans une digression raisonnementale (à défaut de pratiquer la méditation transcendentale), qui n’était pas le raisonnement annoncé, à l’occasion duquel je me suis perdu en faisant un malaise, le malaise vient de l’égarement...

 

« Le style, c’est l’homme », me dis-je. Tu n’es pas devenu professeur parce que tu n’avais pas le goût du style. Tu n’es pas devenu écrivain parce que tu n’avais pas de style. N’étant ni professeur, ni écrivain, tu n’as pas de public. Pourtant tu veux devenir écrivain public alors que tu n’as ni public ni style. Or prétendre à devenir écrivain public, c’est supposément savoir écrire dans tous les styles. Comment peut-on écrire dans tous les styles quand on n’a pas trouvé le sien ? Tu n’es pas un homme, tu n’as pas de style, tu n’es donc personne. OU du moins si tu es quelqu’un, tu es une personne privée, pas un homme générique.

 

Tu es une personne privée qui choisit le service public en plein replie sur la vie privé et en pleine privatisation du service public. Or tu n’as jamais su être un homme public. Mais c’est vrai, tu n’es pas un homme puisque tu n’as pas de style.

 

Change de genre. Je ne dis pas de genre littéraire : si tu écris pour tous, le genre administratif a aussi son style. Non, change de genre, sois plus radical, c’est en vogue, sois en phase avec les gender studies ».

 

« Je prêterai donc ma plume à tous les styles, changeons de genre, il y a quelqu’un qui veut que j’écrive pour lui une lettre d’amour. Je peux bien faire ça, maintenant que je suis une femme publique. Ben oui, j’ai changé de genre et je n’ai pas de style, donc je ne suis plus un homme, je suis une femme publique.

 

Or c’est pire. Maintenant que je suis une femme publique, on va me traiter de pute, ou on va dire que j’ai une langue de pute. Je n’aurais pas dû m’émasculer. Mais si je suis un écrivain public de genre masculin, on va me traiter de nègre. J’ai donc le choix entre être un nègre ou être une pute. C’est cornélien, je ne sais plus quoi faire…

 

Vite, vite, à ma bibliothèque, moi qui n’aimais pas lire de crainte de me reproduire… Il me faut un moyen de contraception. Jean-Paul Sartre à la rescousse, sa femme a écrit le deuxième sexe et signé le manifeste des 343. Je tire donc La putain respectueuse de mes rayonnages.   Elle au moins feignait de respecter les Blancs et cachait les nègres.

 

Moi aussi, je respecte les visages pâles, ces silences de la conversation ou ces angoisses de la page blanche.

 

Par la grâce de Jean-Paul Sartre, je me cache dans le sein de ma putain, ça manque de classe. Ca manque de classe en lutte, mais par mon sexe en rut, ça ne manque pas de style. Toutes les putains sont respectables.

 

Je suis une femme publique, je suis une putain respectable, je suis un écrivain public en exercice, je veux faire du chiffre, donnez-moi un cachet » ! 

 

mercredi 1 août 2018

La non affaire Benalla

L'anti-macroniste que je suis reconnaît bien volontiers que cettte affaire Benalla n'a rien d'une affaire d'Etat et tout d'une "affaire d'été", et surtout d'une affaire de corne-cul, qui pose plus largement la question de savoir pourquoi la politique est devenue séquentielle.
Si c'est la vengeance de Fillon, quel est le rapport entre l'illustre inconnu Benalla et le ténébreux candidat de droite qui portait une part d'autodestruction dans sa communication politique?
Pourquoi accorder à Alexandre Benalla, dont personne ne connaissait l'existence, la même attention qu'à Strauss-Kahn, que ses écarts de conduite privèrent de postuler à la présidence de la République qu'il n'aurait politiquement pas mérité de remporter?
Si Alexandre Benalla est le barbouse de Macron, les gaullistes comme #ChristianJacob sont mal inspirés de le faire remarquer, eux qui sont d'un parti à qui le SAC servait de police parallèle. Mais surtout il y a une baisse de la qualité de la barbouserie, puisque le barbouse de Macron  agit à découvert.
Après la victoire inespérée de la France à la coupe du monde de football, on ne voulait pas du retour de la France black-blanc-beur. Alors on a mis en cause la frénésie un peu datée contre les black-blocks, d'un rebeu à qui le fait d'être responsable de la sécurité présidentielle ne suffisait pas, et qui se vivait mois comme un "prince de Paris" ainsi que Cécilia Sarkozy nommait les sarko-boys, que  comme un flic frustré de ne pouvoir en découdre plus souvent sur le terrain.
Le roi n'est pas nu et la barbouserie n'est plus ce qu'elle était.
Qui a diligenté cette manipulation et pourquoi refuser à la société française une cohésion dont elle aurait eu besoin plus que jamais et plus qu'en 1998?