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mardi 30 mai 2023

La décivilisation macronienne

Philippe Bilger écrit dans son billet intitulé "Emmanuel Macron, la valse des mots":

"En réalité ce "processus de décivilisation" est typique de cette manière - qu'il doit juger noble et qu'on a le droit de juger pompeuse - conduisant trop souvent le président de la République à essayer de recouvrir la saleté du réel par la beauté des mots ; à masquer l'absence d'une politique efficace sous la somptuosité, voire l'enflure du vocabulaire." (PB)


Si j'aime (quand même) quelque chose dans les discours d'Emmanuel Macron, c'est la manière dont il essaie d'y introduire en les surjouant des silences qui se voudraient pénétrés de la charge traumatique des événements qu'il "célèbre". Ce rôle du silence dans le discours macronien est inversement proportionnel au caractère prolixe de ce mandat qui nous promettait pourtant une "parole rare" et jupitérienne en relation avec la verticalité régalienne de l'exercice du pouvoir.


C'est peu dire qu'Emmanuel Macron aime les mots. Tout son premier quinquennat, de son premier discours au Congrès aux intarissables périodes du Grand débat, longues comme des allocutions de Fidel Castro, ont présenté des discours-programmes fleuves où tellement était promis que bien peu pouvait être appliqué. Il a récidivé au début de son second quinquennat en se moquant du Conseil national de la Résistance pour le singer avec son Conseil national de la refondation, condamné d'avance à l'impuissance puisque le secrétariat général en était confié à François Bayrou, notre inénarrable commissaire au plan, CNR dont "l'Opinion" dresse ce matin un bilan sans concession:


https://www.lopinion.fr/politique/le-grand-gachis-du-cnr


On pouvait croire qu'Emanuel Macron accordait à sa parole la vertu illocutoire du "dire, c'est faire". Mais non. La parole macronienne existe pour elle-même dans une sorte de "dire au lieu de faire".


"Il est aussi arrivé à Emmanuel Macron d'user de cet euphémisme indécent : incivilités." (PB)

Je crois que c'est encore et seulement pour regretter les incivilités qu'il parle pompeusement de "processus de décivilisation". Il faudrait que tout soit déconstruit pourvu qu'on reste civil. Mais vous-même, cher hôte, me semblez confondre civilité et civilisation quand vous écrivez:"si la civilisation est précisément dialogue, courtoisie, écoute, urbanité, démocratie paisible et refus absolu et sans nuance de toute malfaisance."La civilisation me semble avoir partie liée avec l'accumulation d'un capital à la fois matériel et culturel.


Sur "Mediapart", Edwy Plenel a perdu ses nerfs en entendant Emmanuel Macron parler de "décivilisation".


https://www.mediapart.fr/journal/politique/260523/decivilisation-la-diversion-extremement-droitiere-de-macron


J'y ai posté ce commentaire qu'on a estimé être au mieux un "fatras" et au pire un courrier des lecteurs de "Valeurs actuelles". Que l'on en juge! 


"Le PIJF (paysage intellectuel et journalistique français) a le secret d'hystériser les débats et cette énième sortie en-mêm-tempsiste présidentielle ne mérite pas la charge d'Edwy Plenel écrite comme un manifeste outrancier. Nous sommes depuis Nicolas Sarkozy dans le "fourre-tout fait-diversier". Faut-il voir dans cette sortie de Conseil des ministre le remugle d'agapes avec Jérôme Fourquet, l'homme très segmentant de "l'Archipel français" qui voit des tribus partout et des "tensions dans tous les segments"? À l'autre pôle, faut-il sortir comme le fait l'auteur de ce billet de très mauvaise humeur toute l'artillerie décoloniale, car le concept de "décivilisation" serait dirigé contre les boucs émissaires qui seraient seuls à concentrer toute la haine française et  [que] seraient les migrants? Les xénophobes les haïssent et les xénophiles leur déversent plutôt qu'à leurs prochains toute la philanthropie de leur altérophilie. Macron, l'homme de l'antithèse comme son prédécesseur était celui de la synthèse, ne fait qu'une diversion dont il a le secret. Il frappe un coup à droite pour que ceux qui ne discernent pas que le goût d'un homme est dans son fond de sauce croient qu'il est [de droite]. Macron emploie ce mot provocateur de "décivilisation" au sens restreint où elle serait la perte de la "civilité française" dont parlait Claude Guéant... La décivilisation macronienne n'est que le regret feint qu'il y ait des incivilités qui ne datent certes pas de ce président, même s'il radicalise tout ce qu'il touche et si sous son règne, la décivilisation qu'il brocarde comme un innocent aux mains pleines est, bien plus qu'une perte de la "common decency" chère à Jean-Claude Michéa, le prolongement dans un faisceau de violence physique de la violence psychologique, verbale et symbolique que porte sa politique. Mais qu'a à faire Macron de la vraie civilisation, celle qui donne un tant soit peu d'assise à un être humain, lui dont le sociétalisme a remplacé le socialisme pour que la société se tienne tranquille; lui pour qui il devrait y avoir équivalence des identités; lui qui dégénère les individus dégenrés comme personne, lui, le baptisé renégat, qui est plein d'idées chrétiennes devenues folles comme "il n'y a plus ni hommes ni femmes"; lui dont le personnalisme s'est évanoui sous les algorithmes; lui qui prétend détester l'assignation à résidence native et vouloir promouvoir l'égalité des chances comme un Michel Rocard, mais qui s'entoura d'un Jean-Michel Blanquer lequel rédigea la proposition de loi portée par Valérie Pécresse et Patrick Bloche d'un repérage des élèves dès l'école maternelle déterminés parce que défavorisés à devenir délinquants (la République n'a jamais imaginé déterminisme social plus écoeurant); lui qui fit défendre son service national universel par "le jeune Gabriel Attal", un ancien de l'Ecole alsacienne (j'ai pour ce ministre anti-gréviculteur la même [aversion] qu'il inspire à Juan Branco); lui qui n'est jamais tellement dans son jus que lorsqu'il fréquente l'auteur de "la Révolte des premiers de la classe"? Ces gens-là ne craignent pas de mépriser les classes moyennes qu'ils ont infériorisées tout en caressant les minorités. Mais jamais nul n'aura le droit de faire preuve de violence, non contre les fonctionnaires ou les forces de l'ordre, mais contre l'un des leurs, par exemple ce malheureux chocolatier trentenaire dont notre freluquet quadragénaire se pose en [grand]-oncle attentionné, j'ai nommé Jean-Baptiste Trogneu? "Pas touche à ma parentelle, j'ai de la branche.""

dimanche 21 mai 2023

François Cassingéna-Trevedy et mon malaise persistant

L'émergence, pendant le confinement, de la figure de #FrançoisCassingéna-Trévedy m'a interpellé, posé problème. Figure de proue et éclaireur de personnes avec lesquelles je travaille au quotidien, j'aimais son "chant", sa façon d'écrire, mais je m'en méfiais, il écrivait trop bien. Je le lui ai dit, écrit, il risquait d'être ivre de son chant. Et pourquoi émergeait-il pendant le confinement?


Aujourd'hui, j'entends pour la première fois le son de sa voix. Le côté monastique de cette voix m'étonne, je m'attendais davantage à une voix de normalien. Mais il y a quelque chose dans cette voix qui me met mal à l'aise, je ne m'y étendrai pas. Or une voix est très parlante.


Il "aime l'Auvergne autant qu'[il] aime Dieu". Il m'est arrivé de dire que quand Jésus demande de Le préférer à la personne que l'on aime, IL demande quelque chose de surhumain. Alors pourquoi pas une terre sombre, pierreuse, dont la dureté basaltique dit quelque chose du mystère de l'amour? Il aime l'Auvergne autant que Dieu, car c'est son paysage intérieur. Mais c'est son prochain qu'il faut aimer comme soi-même et non soi-même autant que Dieu.


L'Eglise n'a pas seulement à régler un problème de gouvernance, avertit-il, la question qui la traverse est une question de foi. Sur ce point je suis bien d'accord avec lui, mais sous un double aspect: 


-"Quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre?" Ma foi est vacillante, mais je parie sur ma participation liturgique, ma participation rituelle pour la maintenir, car le rite et la liturgie sont des actions qui m'inscrivent dans une familiarité et une famille, ce que beaucoup appellent une communauté, ce que je crois être le corps du Christ et le Christ m'échappe, mais pas son Corps, pas cette famille, pas cette communauté, pas cette communion des saints. Lui-même tient compte des rythmes et des rites, qui chante son office en grégorien. 


-Nous avons à formuler du nouveau, mais ce nouveau n'a pas à plaire au monde.


"Beaucoup de choses énervent" le frère François. Nos énervements ne sont pas les mêmes. 


Il se dit inquiet de la nouvelle génération "jeunes cathos" "de la sociologie de l'Ouest parisien qui s'exporte partout en vacancess" et son "raidissement" ou le retour à des dévotions [d'un autre temps.]" De quelles peurs ces dévotions sont-elles le signe? Déjà que la peur ne se raisonne pas, à quoi bon la condamner? 


"Mais bon sang, soyons immenses", l'exhorte-t-il. La dernière fois qu'on m'a parlé de "grandeur de l'homme", c'était le Père Martelet, dans un train qui nous ramenait de Laferté-sous-Jouarre. Nous voyagions avec une peintre de ses amis. Nous lui disions elle et moi: "La grandeur de l'homme, mazette! Jusqu'à ce qu'elle déchante, car la nature humaine est bien toujours la même, et que peut l'homme sans Dieu?" Les dévotions réagissent à la peur du malin. Il est trop facile de dire qu'il y a plus de peur que de mal. De cela, frère François en convient : "Il y a toujours eu la même quantité de mal." Cela devrait nous inciter à être modestes. 


Ces jeunes chantent "le répertoire" indigent de l'Emmanuel, qui "[cache] Jésus dans un peti morceau de pain, c'est imbuvable." Mais non, c'est du pain!!! Le frère François préfère un Christ apophatique: "Jésus est grand et je ne sais même pas qui il est."  Moi aussi, quand les paroles du Christ me scandalisent, je crois avec l'Eglise au Christ apophatique dont je ne sais pas qui il est, je crois au Christ qui me brise ("car c'est le bon Dieu qui nous fait, et c'est le bon Dieu qui nous brise", chantait Raphaël), et je chante avec Jérémie et avec le psalmiste: "Le sacrifice qui plaît au Seigneur, c'est un pot brisé." Je crois en étant sur la brèche et le tour du potier. Mais pourquoi le Christ ne serait-Il pas entre les "deux infinis" de Pascal? Pourquoi notre moine se montre-t-il, contre cette jeunesse, péremptoire comme l'homme d'une génération? Pourquoi ne les aime-t-il pas comme un grand-père pourrait aimer la génération de ses petits-enfants?


Il dénonce "les démolitions, la violence dans les manifestations", "ces enfants qui tuent d'autres enfants, ces élèves qui tuent leurs professeurs" en prédisant "des violences" aussi pernicieuses qu'en Ukraine. Il fallait s'en inquiéter avant que cela ne devienne des phénomènes de masse. Je me permets de le dire, car je m'en suis inquiété, dans l'absence de notoriété de ma parole publique: je me suis inquiété entre autres de la dégénérescence de l'hôpital public dès 1995. Et que ne s'interroge-t-il sur la violence d'un monde politique qui génère ce sentiment de perdition sociale? Il n'y a pas que la violence physique ou la violence verbale, il y a la violence psychologique et la violence symbolique, on connaît bien cette dernière depuis Pierre Bourdieu.


"Jadis, le monde était plus grand que nous et nous étions bien à l'intérieur", reconnaît-il." Aujourd'hui, nous savons que la planète est entre nos mains et qu'elle dépend de nous." Mais ne s'agit-il pas d'une erreur de perspective? Une inversion écologiste ne nous suggère-t-elle pas une conversion écologique qui nous fait mettre la terre à la place du ciel que le monde nous a volé? Ne faut-il pas retrouver "le monde plus grand que nous" et avoir l'ambition modeste de sauvegarder la Création?


"Le seul Dieu, c'est la vie, il n'y en a pas d'autre, ce Dieu-là est souverain et nous pouvons même mourir pour Lui, la vie exige que nous mourions pour elle: "Si le grain de blé ne meurt, il reste seul. Mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits."" La formule est belle dans son paradoxe. La vie doit être restaurée comme inclusive ou non exclusive. N'est pas la vie cet énoncé constatif du malheur des vivants: "Celui qui a recevra encore, et celui qui n'a rien se fera ôter même ce qu'il a."


"Le décor du christianisme" est tombé, son folklore n'est plus compris, mais "son coeur commence-t-il à peine de battre?" Illusion d'une génération, utopie d'un "monde nouveau" qui n'en finit jamais de commencer. Le coeur battant du christianisme est question de foi, mais elle est aussi question rituelle. Quel autre folklore inventer, découvrir, trouver? Quelles "outres neuves" pour le "vin nouveau" des Evangiles en dialogue avec nos âmes?


"Ce qu'il nous faut, c'est des poètes." Ce qu'il nous faut, c'est moi?


"C'est vivre en altitude que vivre en interrogation." "En philosophie, les questions sont plus essentielles que les réponses." (Karl Jaspers)


"Le Je suis" divin est très dépendant du "tu es". C'est déjà ce que disait Martin Buber dans "le Je et le tu". Et pourtant nous ne pouvons nous affranchir du "monde du cela" qui fait partie du jeu des trois personnes. Il y a aussi une "pensée magique" d'une conscience au centre de laquelle il y aurait un "je" qui ne ferait que me tutoyer. La relation à Dieu si c'est un "nom provisoire", ne peut faire l'impasse sur une certaine neutralité ontologique.


Le "chant nouveau" du frère François se veut ouvert sur l'ouvert, mais il y a en lui une fermeture qui ne me rassure pas.  Le monde a surtout besoin qu'on lui rende le ciel, le ciel ne veut pas être inhumé. La matrice est faite pour rester cachée à l'intérieur.



https://www.youtube.com/watch?v=ghTYIL99cLA 

Patrick Poivre d'Arvor est-il "un sale type"?


https://www.philippebilger.com/blog/2015/05/entretien-avec-patrick-poivre-darvor.html


Cher Philippe Bilger,


Quelle mouche m'a piqué d'écouter votre entretien de 2015 avec Patrick Poivre d'Arvor juste après avoir lu, lors d'une énième nuit d'insomnie, votre dernier billet en date (du 20 mai 2023 près du jour où j'écris): "Suis-je un sale type?", 


https://www.philippebilger.com/blog/2023/05/suis-je-un-sale-type-.html


Question qu'il m'arrive de me poser à moi-même et qui n'a d'intérêt que, non pas dans le jugement réflexif que la conscience porte sur elle-même, mais dans celui, où l'immanence est surplombée par la transcendance, et où cette conscience qui tantôt se flagelle et tantôt se justifie sera transpercée par le regard du juge objectif de cupidon-Dieu le Père qui crée en  fléchant sa créature par une espérance démesurée de ce qu'elle devra devenir, et qui en même temps la connaît de l'autre côté du miroir où chacun d'entre nous s'appréhende comme une énigme?


Est-il un sale type, celui qui a mauvaise réputation au hasard de ce coup du sort: un cadavre exhumé du placard, ses secrets qui sortent au grand jour, et dont, comme pour Patrick Poivre d'Arvor, on dit  que c'était un mufle, en oubliant qu'il a aussi subi des blessures, sans qu'on puisse démêler, non seulement ce qui l'a emporté de sa part blessée ou de sa part blessante, mais comment l'une a pu agir sur l'autre?


A l'écoute de la maïeutique par laquelle vous tentiez de révéler cette grande figure médiatique à elle-même (et il ne se laissa pas faire quand vous voulûtes aborder les intermittences de la raison maritale et du coeur libertin), il m'apparaît que ce qu'on a pu reprocher à ce boulimique d'activité dont la fille fut suicidaire par anorexie tient de l'immodestie assumée tout autant que du rapport ambigu  qu'entretient notre société judéo-chrétienne avec la vertu d'humilité, non pas que Patrick Poivre d'Arvor ne semble infusé par un substrat religieux qui le tienne au corps (il parle dans son enfance de rêves de "gloire" et ne semble pas avoir été travaillé par des questions mystiques), mais  l'appropriation des valeurs qui nous furent inoculées au berceau n'est pas optionnelle et le judéo-christianisme est au moins culturel dans la société post-moderne qui a rendu folles les idées qu'il lui a suggéré, où par exemple "il n'y a plus ni homme ni femme" devient: "nous serons tous "dégénérés"", oh pardon, "dégenrés"", mais où "la théorie du genre n'existe pas".


Victor Hugo rêvait d'être Chateaubriand ou rien comme Patrick Poivre d'Arvor rêva d'être Victor Hugo ou rien. Mais Victor Hugo devint Victor Hugo et PPDA devint PPDA. Victor Hugo eut parfaitement conscience d'être Victor Hugo et PPDA eut tout autant conscience de ne pas arriver à la cheville de Victor Hugo. 


D'abord parce que la société n'était pas la même: dans le siècle qui avait deux ans quand naquit "le plus grand poète français, hélas!", le romantisme accompagna l'avènement de l'individu sous la monarchie de juillet où Louis-Philippe fut surnommé "le roi des bourgeois", et un individu pouvait être élevé à la chambre des pairs après avoir fait un chef-d'oeuvre. Napoléon n'était pas loin, qui avait institué le compagnonage et les meilleurs ouvriers de France. Les "enfants du siècle" comme Musset confessaient souffrir de l'amollissement de la valeur militaire et trouvaient que  leur génération était inemployée. Victor Hugo fit son chef-d'oeuvre en érigeant une cathédrale littéraire, "Notre-Dame de Paris". 


Dans le siècle de PPDA qui n'était pas davantage celui de Louis XIV que de Victor Hugo, on pouvait publier soixante livres quand on était devenu une figure médiatique et loin de moi qui n'en ai pas lu un seul de présumer de la valeur de ces livres qui sont peut-être remarquables ou à tout le moins acceptables ou passables.


Les carnets de Victor Hugo révèlent qu'il voyait une ou deux femmes par jour. PPDA dit qu'il aime la vie de Victor Hugo. Lui qui ne supporta pas d'être évincé du journal de 20h,  lui enviait sans doute moins d'être le proscrit un peu surjoué de "Napoléon le petit" que ses "bonnes fortunes" et a peut-être un peu forcé les siennes sans se douter qu'à l'automne de sa vie, sous l'influence d'un puritanisme qui devait succéder à la libération sexuelle de ses vingt ans, une passade  un peu appuyée sur une relation de pouvoir serait quasiment imputée à viol, #MeTo devait passer par là. 


PPDA croyait que se perpétuerait le libertinage cher au fils du "héros au sourire si doux", dont notre icône médiatique admire qu'il ait été un brillant orateur politique, passé du légitimisme au socialisme, système lyrique dans lequel Victor Hugo trouva l'élan de son éloquence. Celle de PPDA s'appuyait sur un prompteur au bruit des téléscripteurs et ne se mesurait qu'à la capacité du présentateur impartial, érigé en magnat symbolique sans opinion, de lever les yeux du prompteur pour sortir de son texte.


Libertin, PPDA? Je me souviens d'un soir où il choqua ma famille, qui pourtant n'avait pas froid aux yeux: comme son journal se terminait par un sujet sur les métamorphoses de la drague, il conclut en nous souhaitant "bonne drague" en guise de bonsoir. 


Je me souviens de cet autre jour où "TF1" fraîchement privatisée présentait en l'interviewant le rôle prépondérant que son journaliste de tête d'affiche devait y jouer, "enchaîné à cette chaîne". PPDA conclut l'interview en disant: "Etre le premier journaliste de la première chaîne française, ça me plaît." Ma fausse modestie en fut heurtée. Comment pouvait-il ne pas déguiser une si haute opinion de lui-même? 


C'est que PPDA n'avait point de surmoi d'humilité, ce qui ne l'empêchait ni d'être timide, ni d'être pudique, s'"enfonçant dans la nuit" (dit-il un soir sur "France inter" interviewé par Pascale Clark), en personnage énigmatique qui ne voulait pas dire où il allait ni qui il allait éventuellement rejoindre, pas plus qu'il ne consentait, lui qui pourtant voulait bien parler de sa mère et de sa fille, à dresser sa "physiologie du mariage" au risque d'exposer les humiliations de son épouse légitime, à supposer qu'elle vécût ainsi ses infidélités notoires et non assumées. 


L'humilité n'étouffe pas PPDA, mais la timidité peut-être, voire la pudeur, et tout ceci n'est incompatible que pour qui n'a pas mesuré les intermittences du coeur et les inconséquences des animaux bien peu raisonnables que nous sommes. 

lundi 8 mai 2023

"Sud radio" ou la dénaturation de l'extre^me droite

Commentaire au billet de Philippe Bilger pour défendre cette radio à laquelle il appartient. 


Justice au Singulier: Libé s'égare sur Sud Radio... (philippebilger.com)


"Cher hôte, cher Philippe Bilger,

Pardonnez-moi ce commentaire désobligeant sur votre espace public et personnel qu'est ce blog, mais il faut croire que "Sud Radio" (qui ne me passionne pas) est un sujet passionnel.

Je ne sais pas si "Libération" a raison d'éreinter "Sud Radio" ou si elle en rajoute, mais vous ne pouvez pas parler vrai quand vous la défendez, vous êtes de parti pris, car vous avez un conflit d'intérêts, vous en êtes. Vous n'avez jamais pu parler vrai à propos de ce média du jour où vous en êtes devenu un invité permanent, et donc un collaborateur salarié (et à ma connaissance, vous n'en aviez jamais parlé auparavant. Vous aviez raison, il n'y avait rien à en dire.)

Vous n'en parlez pas vrai dès lors que vous ne prononcez plus le nom de Didier Maïsto depuis qu'il a été évincé de la direction de la station. Vous ne tarissiez pas d'éloges à son sujet et lui aviez entre autres consacré un entretien sur votre chaîne YouTube. Il quitte la station et il n'en est plus question, mais vous invitez le nouveau patron, Patrick Roger, et vous lui passez de la pommade en ne faisant pas preuve de vos talents de maïeuticien habituel.

Vous plaidez au pluralisme de "Sud Radio" sous prétexte qu'elle aurait sa bonne "socialiste professionnelle" en la personne de Françoise Degois, intervenant deux fois par semaine (elle n'est plus rien depuis qu'il fut avéré qu'elle couvrait à la fois la campagne de Ségolène Royal pour le service public et qu'elle conseillait l'éternelle candidate à tout - elle a certes un peu attendu pour officialiser ses conseils).

"Sud Radio" a même son "bon communiste" (Olivier Dartigolles) qui a échappé à la terrible sentence des Camelots du roi: "Un bon communiste est un communiste mort." Dans "Poulaillers' Song", Alain Souchon disait déjà en parodiant son bourgeois de jadis symbolisant l'opinion de l'ancienne droite: "Je ne suis pas raciste pour un sou. [...]Je compte parmi les gens que j'aime bien un jeune avocat africain..." (Quelle audace !)

Le pluralisme selon "CNews" ou selon "Sud Radio" a quelque chose à envier au pluralisme imposé à "France Inter" par le mouvement dextrogyre: c'est qu'il est né avec son antenne pour ne pas la marginaliser, quand l'autre est devenu inévitable à la radio de service public qui méconnaissait tout un pan de l'opinion publique en ne permettant pas aux éditorialistes "mal-pensants" de faire partie du débat public. Mais on n'a pas poussé le courage jusqu'à provoquer des débats deux contre deux chez ces parangons autoproclamés de la liberté d'expression que sont "CNews" ou "Sud Radio". Ce sont toujours des débats à trois (ou plus) contre un (et rarement plus).

André Bercoff n'a guère de puissance intellectuelle ou inquisitive et encore moins de culture. C'est surtout un agitateur et un agité du bocal qui, même bien avant "le Temps de se parler" sur "France 3" la "vétérante", a toujours su garder un pied dans la fange et un pied dans la soupière: ce trumpiste de nouvelle souche et vieux client de "Chez Denise", c'est lui qui s'est étalé là-dessus et n'aime pas qu'on le lui rappelle, j'en ai fait les frais sur Twitter, raconte encore aujourd'hui comment il a été et est resté (un peu comme Patrick Sébastien, donc comme Cyril Hanouna avec Emmanuel Macron) l'ami de François Mitterrand et de François Hollande. "Mon fils, garde-toi à ta droite et à ta gauche" pour être toujours sûr qu'on te serve un repas chaud."

"Sud Radio" et la bande à "Causeur" ont dénaturé l'extrême droite en beaufisme contre le wokisme. Dommage que vous tombiez dans ce panneau en étant rarement allé chez les "affreux" de "Radio Courtoisie" !

Quant à cette dernière station, l'esprit de la droite du XVIe n'est plus au boulevard Murat depuis que Pierre-Alexandre Bouclay, avant même d'en prendre la direction laissée vacante par la mort de Dominique Paoli, s'est cru obligé de créer une Matinale qui imite l'esprit de "Sud Radio".

L'extrême droite n'est plus ce qu'elle était. Dommage, elle m'aidait à penser.

Observant la vie municipale de Mulhouse, mon père me disait que tous les maires, d'Emile Muller à Jean-Marie Bockel, avaient évolué de la gauche à la droite. Pour ma part, je n'ai jamais jugé utile de rallier le panache blanc de l'extrême droite qui m'a toujours indiqué les bornes d'une pensée à éviter ou à développer pour la faire mienne. Je ne l'ai jamais rallié comme l'a fait Élisabeth Lévy qui est passée de la revendication de pouvoir parler à tout le monde y compris Le Pen (évoquée dans "les Maîtres censeurs"), ou "les Français qui ont pété à table" (son commentaire élégant - à défaut d'être rabelaisien - de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002) à la création, à travers "Causeur", d'un organe "nationo-sioniste" (selon l'heureuse expression d'Alain Soral) d'une vulgarité et d'une islamophobie sans pareilles. '"Causeur", c'est le magazine beauf anti-woke.

Je ne goûte pas davantage le parcours de Michel Onfray qui est passé d'un respect tout à son honneur d'Alain de Benoist et de la philosophie de droite à une espèce de ralliement pratique à ladite philosophie. Car entre le directeur de la rédaction de "Front populaire" et le directeur d'"Eléments" ou celui du "Nouveau conservateur" (Paul-Marie Coûteaux), il n'y a que l'encyclopédisme du premier auquel le second n'arrivera jamais à la cheville et, chez le même, le reliquat d'incises devenant toujours plus rares destinées à rappeler que notre contre-historien de la philosophie athéiste et athéologiste devenu le phare des chrétiens identitaires a toujours appartenu à la gauche communaliste, laquelle n'ayant plus de réalité politique, mieux vaut faire front avec les ennemis de l'inévitable "décadence", et Patrick Buisson peut lui emprunter le titre du deuxième tome de sa fresque de civilisation sans qu'entre gens de bonne compagnie, on ne crie au plagiat.

"Sud Radio" est un organe de dénaturation de l'extrême droite, je préfère les originaux à la copie et qu'on reste soi-même. Assumez d'appartenir à cette mouvance peu respectée, cher Philippe Bilger. Votre réputation en pâtira, mais vous n'en vaudrez que davantage."

jeudi 4 mai 2023

Apprentissage ou filière pro?

Lycées pro: retour à l'essence du macronisme - l'Opinion (lopinion.fr)

 

"l'Opinion" cherche l'essence du macronisme et croit la trouver dans la réforme à venir de la filière professionnelle, qui engendre aujourd’hui un décrochage record (1/3 des élèves, nous dit "la Croix"), alors qu'elle concerne 1/3 des élèves du second cycle.

 

La filière pro ressemble au "bac général" comme le Canada Dry à l’alcool, mais est une cote mal taillée entre l'apprentissage et l'entrée dans l'université dont le baccalauréat se veut l'examen éliminatoire, parce que l'Education nationale ne veut pas que les ados lui soient confisqués par les "maîtres d'apprentissage » et a tout fait pour détricoter cette entrée souvent heureuse dans le monde du travail : elle a encadré la relation d’un apprenti à son maître en la bordant d’ »alternance », puis elle a œuvré pour que la filière pro soit préférée à l’apprentissage avant de paraître se rétracter en « transformant » l’ »apprentissage » en filière magique de la « formation » continue, indispensable au « plein emploi » (puisqu’on le sait bien, les chômeurs n’entrent pas dans l’emploi faute de formation, même si celle-ci est encouragée depuis les TUC (travaux d’utilité collective) de Laurent Fabius. En la matière, la politique d’Emmanuel Macron n’a comme d’habitude rien de nouveau…).

 

Le décrochage scolaire dans la filière pro n’est pas de nature à ce que l’institution scolaire se remette en cause et reconnaisse que le modèle de l’école est traversé par une crise de l’orientation qui ne permet pas que le travail soit majoritairement perçu comme une source d’épanouissement ou d’émancipation : la réaction à l’allongement de l’âge légal du départ en retraite est un signal fort de ce malaise et Parcoursup est la honte de l’orientation scolaire qui non seulement n’est pas faite en amont, mais ne tient pas compte du désir des élèves quant à l’exercice d’un métier, celui-ci relevant d’une loterie, pourvu que le maximum d’une classe d’âge puisse intégrer l’enseignement supérieur.

 

L’orientation scolaire devrait tenir le milieu entre l’intérêt des élèves pour un métier et les besoins de la nation, mais elle préfère adapter les élèves au marché du travail tout en ne donnant pas à leurs parents le sentiment qu’ils seront déclassés s’ils quittent l’école trop tôt. (L’ »école inclusive » relève d’une flatterie similaire).

 

L’adaptation au marché du travail, voilà à quoi le macronisme a réduit l’ »égalité des chances » chère à Michel Rocard. C’était clair pour qui voulait bien se pencher sur la carrière de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation qui le demeura pendant tout le premier quinquennat et qui, après une scolarité dans un milieu ultraprivilégié (à Stan),  « alterna » (entre autres) la direction d’une prestigieuse école de commerce (l’ESSEC) avec des fonctions de recteur d’académie ou de directeur de l’Enseignement scolaire de Luc Chatel, lutant certes infructueusement contre le décrochage scolaire, mais inspirant aussi le repérage des élèves de maternelle susceptibles de devenir délinquants…

 

Jean-Michel Blanquer — Wikipédia (wikipedia.org)

 

Le macronisme, c’est l’assignation à résidence des élèves dès la maternelle, la montée dans le cursus honorum des anciens élèves des collèges et lycées du VIème arrondissement (comme Jean-Michel Blanquer et Gabriel Attal, chargé de mettre en œuvre le service civique semi-obligatoire), et l’adaptation des autres au marché du travail sous couvert d’émancipation.