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lundi 25 février 2019

Alain Finkielkraut comme alibi

Absent de moi-même pendant près d'une semaine même si j'ai réussi à faire deux ou trois choses qui constituaient mon devoir d'état, je reviens à moi et je reviens chez moi parmi les miens. Devrais-je avouer mon absence à moi-même? Oui, car je crois qu'il faut vivre à nu à la face du monde pour retrouver le paradis perdu de l'innocence de l'âme qui se doit d'être narcissique. Or donc, reprenons la part qui nous incombe du déchiffrement de ce moment où la vie, notre vie semble individuellement et collectivement indissolublement vaciller sous nous et sous notre matière grise, sous notre intelligence qui ne doit pas se complaire de se détraquer, en ce moment où tout paraît se dérober à notre compréhension et où, après nous être méfiés des Gilets jaunes (je décris ici ma propre trajectoire), nous les avons trop adorés et menaçons à présent de les brûler pour crime d'antisémitisme, cette maladie infectieuse inflammatoire qui a mis le feu au monde il y a 70 ans. Qu'est-il arrivé à Alain Finkielkraut? Rien de plus, en définitive, que la seconde agression dont il a été victime après celle de "Nuit debout", avant-hier par des gauchistes un peu bobos qui n'aimaient pas le trait de cette plume qui ne les faisait pas reluire, hier par des vociférations de Gilets jaunes musulmans qui apportaient un peu violemment à la défensive très civilisée de son identité juive voulant mouler le destin d'Israël dans l'identité française, "identité malheureuse" écrivait-il d'une "France suicidée" disait Zemmour, que sont nos intellectuels devenus? La réponse, comment dire, du berger à la bergère. Alain Finkielkraut a réagi dignement, c'est-à-dire qu'il est resté stoïque sous les lazzi et n'a pas surjoué l'indignation. Il n'a pas crié comme certains jours mémorables à la télévision ou sur "France culture" sur le plateau de son émission envahi, il est resté silencieux comme un arbre qui a mieux pris racine dans sa matière humaine, peut-être parce que le cas était plus grave. Il n'a pas porté plainte. L'Etat s'est indigné pour lui. Le parquet a diligenté une enquête. Comme le souhaitait naguère BHL, toute une frange de France s'est levée pour lui, a marché pour lui, est descendue dans la rue pour protester contre l'antisémitisme. Indignation vertueuse contre un fléau qui a fait des ravages, mais indignation de nulle utilité, qui convaincra les convaincus que l'antisémitisme est un délit et les autres que c'est une opinion inhumaine quoiqu'humaine, car faisant partie de l'esprit humain qui produit des merveilles et des monstruosités. L'antisémitisme est une espèce de chancre venimeux et reptilien, souvenir de l'antique serpent. Je ne crois pas avec Baudelaire que la pire ruse du diable soit de nous faire croire qu'il n'existe pas. Je crois au contraire que, pour ruser avec lui et conjurer sa hantise, il ne faut pas l'invoquer, il ne faut pas incanter son nom, il faut faire comme s'il n'existait pas, non pour effacer le réel, mais pour échapper à l'emprise de notre ennemi, qui n'est celui-ci qu'à raison d'icelle. Contre l'antisémitisme, nous faisons tout le contraire et ce n'est pas d'aujourd'hui. Reste la question: pourquoi l'Etat s'est-il indigné à ce point pour Alain Finkielkraut? N'y voyons pas un hommage d'Emmanuel Macron à ce philosophe qu'il traitait il y a peu de commentateur, c'était pendant la campagne présidentielle. Alain Finkielkraut avait fini par démoder à son propre esprit le réflexe de penser contre soi-même. Donc la défense de Finkielkraut n'était pas en cause dans la marche qu'il ne fallait pas faire pour élever une protestation intérieure contre l'antisémitisme. Il s'agissait pour l'Etat de faire une vulgaire diversion: inspirer pour cause d'antisémitisme la haine des Gilets jaunes, c'était faire capoter leur révolution. C'était bien joué, on verra si le stratagème paiera. Pendant ce temps, les Gilets jaunes ne sombrent pas dans "la haine du désespoir" qui ne serait rien d'autre que l'espérance, mais sont renvoyés à leur désespoir, ce qui est le pire cul-de-sac où l'Etat pouvait cyniquement pousser cette jacquerie après l'avoir matée en l'énucléant. "Vous n'avez rien vu, vous n'avez rien senti, taisez-vous, recommencez à vous taire, reprenez vos bonnes habitudes, reprenons le cours de nos vies et de nos réformes et payons notre dette aux marchés. Gilets jaunes, retombez dans le désespoir d'où vous n'auriez jamais dû sortir. Vous avez eu tort de croire qu'on vous prenait au sérieux quand on s'amusait de votre langage de mal appris et de votre instruction civique biberonnant en une nuit tout Pierre-Yves Rougeyron, Etienne Chouard et François Asselineau. " Pas sûr que le corps social puisse supporter une Nième et si poignante piqûre de mépris! Notre vie individuelle et collective a tendance à vaciller sous nous. Mais nous avons une chance, c'est que le ressort qui menace de casser ne veut pas. Profitons-en, ça ne durera peut-être pas toujours.

jeudi 14 février 2019

Crever l'abcès de l'antisémitisme

IIl est difficile d’aborder sereinement le problème de l’antisémitisme, surtout si l’on s’efforce de dépassioner le sujet. Car l’antisémitisme, après avoir provoqué un traumatisme historique de portée métaphysique, la Shoah, relève tout à la fois du tabou social devenu infraction pénale et délit d’opinion, et de la névrose spirituelle. Commençons par elle. L’antisémitisme est la névrose spirituelle de celui, chrétien ou musulman, qui s’englue dans l’ingratitude vis-à-vis de son père dans la foi, et qui détourne contre celui-ci le commandement visant à honorer son père et sa mère pour avoir longue vie sur la terre, autrement dit pour que la religion qu’il a héritée ou fabriquée à partir de son héritage ait une longue renommée basée sur des racines sainement assumées. Ni les chrétiens ni les musulmans n’auraient jamais dûêtre antisémites, car le christianisme et l’islam sont deux histoires juives qui ont réussi sous des modalités auxquelles les juifs ne pensaient pas, ce qui a provoqué l’ire des pharisiens, car l’antichristianisme talmudique a précédé l’antisémitisme chrétien, c’est un fait historique avéré. Mais il faut aller plus loin : ou bien la Shoah est le golgotha du monde, ou bien elle est un génocide comme les autres, si l’on peut dire, en banalisant les génocides. Pour moi, elle est le Golgotha du monde, c’est-à-dire qu’elle souligne l’élection du peuple juif en général et de chaque juif en particulier, élection qui lui vaut des envieux, mais qu’elle configure aussi le peuple juif à l’histoire du Messie qu’il n’a pas reconnu, tant son messianisme de la défaite était étranger à l’idée qu’il se faisait d’un Messie sauvant temporellement le peuple et même le genre humain. Le messianisme du Christ sert de baseaux deux histoires juives qui ont réussi et que sont le christianisme et l’islam, qui dominent le monde d’aujourd’hui, la civilisation du premier semblant doucement sortir de l’histoire (mais le christianisme est anhistorique et acivilisationnel), et la civilisation islamique tendant à remplacer cette ruse de l’histoire qu’est la civilisation chrétienne, perspective terrifiante à bien des égards. Cela posé, la Shoah était-elle une catastrophe européenne ? Indéniablement oui. L’Europe a tué ses juifs dans un paroxysme d’antisémitisme dont on pourrait dire que les deux faces sont Hitler et Bernanos. Bernanos concédait bien que l’antisémitisme ne menait à rien en politique, mais ne pouvait s’en départir. Il concluait qu’Hitler avait déshonoré l’antisémitisme sans sauter le pas que l’antisémitisme avait déshonoré la politique européenne. Car les juifs participaient du même ethos et du même « monde d’hier » à l’effondrement duquel stefan Zweig refusa de survivre, et au redressement duquel les élites juives – hier un Emmanuel Levinas, aujourd’hui un Jacques Attali, un Alain Finkielkraut, un Alain Minc, un BHL (malgré ses excès de parti pris et même ses crimes de guerre), ont largement contribué. je n’ajoute pas un zemmour ou un Goldnadel à ma liste de redresseurs et je préfère ignorer Élisabeth Lévy. Non, Garry Gaspary, les membres de ces élites juives ne sont pas des idiots utiles du christianisme. Ou alors il faudrait nous dire (et votre réponse m’intéresse d’avance) comment se caractériserait l’être juif qui ne serait assujetti qu’à la spécificité de son apport dans le monde. Car il va sans dire que chacun ne vaut, outre sa dignité intrinsèque qui est l’affaire de sa conscience et doit lui attirer de bons traitements de la part de ses semblables, que par ce qu’il apporte à l’humanité, d’où l’insondable nécessité d’être utile, dont l’apparent défaut fait le vrai malheur des chômeurs et des dépressifs. Mais une question reste à élucider : quel est le caractère spécifiquement européen qui a permis la Shoah ? Le messianisme chrétien est un messianisme de la crucifixion du Messie, l’islam n’y croit pas. Le messianisme chrétien a donc sciemment, même sous une figure païenne, voulu crucifier le peuple qui lui a donné son Messie en n’étant pas insatisfait de se venger contre l’insulte que l’antichristianisme juif avait adressé à ce Messie et à la Vierge dans le Talmud, quand il accusait l’Immaculée d’avoir été engrossée par le soldat romain Pantera et traitait le Christ littéralement de « fils de pute ». La violence est réciproque : la jalousie face à l’usurpateur dans l’antichristianisme juif, l’ingratitude dans l’antisémitisme chrétien, qui a relégué les juifs dans les métiers usuraires avant de les envier quand ils gagnaient de l’argent. Pourquoi ne traite-t-on pas correctement de l’antisémitisme ? Parce que le tabou social nous fait soupçonner d’insincérité quand on en traite, mais surtout parce qu’on part d’un postulat faux : le juif n’est pas plus nécessairement innocent qu’il n’est nécessairement coupable. C’est un des aspects défectueux de la théorie de René Girard : le bouc émissaire est innocent en tant que victime, mais il peut avoir sa propre histoire ccoupable. L’affaire Dreyfus est emblématique de ce présupposé : on peut douter de l’innocence de dreyfus sans être antisémite. Et de même aujourd’hui, on peut trouver que le Likoud israélien fait de la mauvaise politique sans être antisémite. On peut même être antisioniste avec les juifs religieux de la première partie du XXème siècle et penser qu’Israël ne devait pas être arraché parle laïcisme juif aux promesses divines. On peut continuer de penser que l’existence d’Israël risque de rester pour de longs siècles un point névralgique dans ce coin du monde et ne pas voir comment la paix pourrait se faire du fait de son existence, qui réveille les vieilles guerres bibliques pour la possession de la terre. On peut craindre, en se référant aux temps bibliques, une guerre de huit cents ans. On peut, dans le même temps, accepter le fait accompli de l’existence d’Israël, non par pragmatisme, mais comme un fait providentiel, la Providence ayant permis que Ses promessent lui soient arrachées par les laïques, en signe de la responsabilité humaine dans la politique. Réfléchissant à la paix, on peut prendre acte du fait que la solution à deux États est une impasse et penser qu’un État binational, confié à deux autorités pour l’administration de leurs citoyens respectifs, reconnaissant l’une et l’autre la nécessité de la paix civile, est la solution d’avenir, ne serait-ce que parce que le cœur battant de Jérusalem est un quartier arabe, sur lequel Israël n’a pas de souveraineté, mais la Jordanie. Vous dites, cher Philippe, qu’il ne faut pas médiatiser les actes antisémites. Achille a raison : « Réduire l’information sur les comportements outranciers de certains individus qui n’hésitent plus désormais à afficher leur haine envers ceux qui ne partagent pas leurs délires, ce serait un peu comme regarder ailleurs lorsque la maison brûle. » BHL a eu le premier l’idée ahurissante et loufoque de ne pas publier le nom des terroristes sous prétexte qu’on leur donnerait « le quart d’heure de célébrité » en vue duquel ils agissaient, s’ils ne le faisaient pas pour entrer dans le paradis d’Allah avec ses houris à la virginité toujours renaissante. C’est un peu comme si l’on disait qu’il faudrait faire oublier le nom d’Hitler alors qu’on ne cesse de le faire remonter à la surface de la mémoire collective. Pourquoi trois fois par semaine à la télévision française, des programmes continuent-ils de nous entretenir de ce sinistre personnage alors qu’on fait obstinément l’impasse sur Polpot, Staline ou Paul Kagamé ? Il faut médiatiser le présent, mais il ne faut pas surmédiatiser le passé. Il est ignoble qu’on ait orné d’une croix gammée le portrait de Simone Veil et il faut médiatiser cette ignominie, car c’est assimiler la vie de celle qui fut déporté à ceux qui ont causé sa déportation. Dussé-je paraître me fendre de ma petite indignation vertueuse, c’est aussiimmonde que le fait, pour l’abbé Xavier Beauvais, curé de l’époque de Saint-Nicolas du chardonnet, de s’être entremis sur le trajet qui conduisait Simone Veil à l’Académie française en lui criant : « Repens-toi, Simone. Ton fauteuil sera entaché du sang des enfants qui n’ont pas vu le jour à cause de ta loi. » On ne devait pas faire porter le crime d’enfants non nés, un crime commis de tout temps, à une femme qui s’était contentée de le dépénaliser parce que la pénalisation n’y changeait rien et ne faisait qu’ajouter du mal au mal. En oubliant qu’elle n’était pas la seule signataire de la loi qui portait son nom même si Jacques chirac y était plutôt défavorable, on établissait le même parallèle douteux en suggérant que celle qui avait subi la déportation ne pouvait pas prendre sur elle de couvrir de son nom des avortements qui ne seraient plus pénalisés. On ne devait pas faire ce parallèle, mais on ne devait pas non plus faire de Simone Veil une icone de l’avortement en surmédiatisant l’héroïsme qui aurait été le sien de porter cette loi. Il n’y a pas d’héroïsme à légiférer sur le malheur et l’avortement n’aurait jamais dû devenir de confort. C’est pourquoi faire de Simone Veil notre nouvelle Marianne est une mauvaise idée. Simone Veil n’est pas une icone. Mon indignation n’est assortie d’aucune remarque de ce genre s’agissant du découpage de l’arbre planté en l’honneur d’Ilan Halimi. Cette recrudescence d’antisémitisme en pleine crise des Gilets jaunes est à me dégoûter, non de leurs revendications, mais de ne pas avoir fait suffisamment crédit à ma première idée lorsqu’est apparu ce mouvement, que la force dont ils étaient détenteurs à travers l’automobile qui les forçait symboliquement à posséder un gilet jaune, était potentiellement vecteur d’une violence qui devait inciter à la prudence face à ce nouveau poujadisme des classes moyennes prolétarisées. Publié sur le blog de Philippe Bilger au pied de l'article: "Marianne, Simone Veil et les antisémites": https://www.philippebilger.com/blog/2019/02/marianne-simone-veil-et-les-antis%C3%A9mites.html

lundi 11 février 2019

L'endocausalité

Je dois à Agnès Robert la découverte d’Emmanuel Ransford, à l’écoute duquel je rédige les quelques remarques qui suivent : https://www.youtube.com/watch?v=kS5SNQQ6V-8&feature=youtu.be&fbclid=IwAR1THQ_VovYZSStcC6VhPEEmWVJK8D-Mu0e-WMBMSN5VsjuLdfv5SHb8dTY 1. "Einstein avait une sensibilité relativiste." Il disait: "Dites -moi en quel Dieu vous croyez et je vous dirai si j'y crois." 2. Emmanuel Ransford oppose la recherche idéologique, qui évalue les hypothèses émises à propos de la vérité selon des critères esthétiques (elles me plaisent ou elles ne me plaisent pas), et la recherche scientifique, qui dissocient l'analyse des hypothèses du plaisir qu'elles me font. C'est bien une idée de quantiste, pour qui la vérité est quantitative et non qualitative, n'est donc pas relative au beau, comme elle est considérée par la philosophie classique, qui conditionne mutuellement le bien, le beau et le vrai aux deux autres valeurs et qui en cela est relativiste sans le savoir, puisque la vérité est en relation avec la beauté et la bonté. 3. L'holomatière: le P. Gustave Martelet faisait une hypothèse qui ne s'éloignait pas beaucoup de celle d'Emmanuel Ransford. Son hypothèse était que l'esprit ne faisait pas l'objet d'une localisation cérébrale et que son contraire était la mort. Gustave Martelet ne parlait pas d'immortalité de l'âme, mais d'amortalité de l'esprit. La formule est de moi, mais résume assez bien sa pensée, me semble-t-il. Or pour Martelet, l'esprit l'emporte sur la mort, parce que ou bien qu'il ne soit pas de la même nature. 4. Lesprit dans la pensée du P. Martelet me paraît jouer le rôle de l'andocausalité dans la pensée d'Emmanuel Ransford. L'andocausalité, c'est l'esprit ou l'autocréation. Un corps est soumis au déterminisme exocausal et à une andocausalité qui le rend capable de faire des choix et de provoquer de l'aléatoire. L'exocausalité déterministe pourrait être assimilée aux lois de la nature. L'andocausalité aléatoire pourrait être assimilée à la réponse psychique de tout corps aux lois de la nature, l'holomatière étant l'ensemble formé par l'exocausalité (le déterminisme extérieur) et l'andocausalité (l'esprit, ou l'indéterminé intérieur). Par conséquent, il peut y avoir une andocausalité miraculeuse même si celle-ci ne peut pas jouer à tous les coups. Or le miracle est l'exception qui confirme la règle à laquelle la science se rend aveugle parce que sa cause fait partie de l'invisible et que la règle est inconnue. Même s'il ne vise pas à proprement parler le miracle, Emmanuel Ransford dit que l'essentiel de l'observable étant invisible pour la science, la science doit s'ouvrir à l'invisible. 5. Une idée que j'aime beaucoup dans la pensée de Teilhard dont Gustave Martelet était un disciple est que Dieu a tellement aimé la nature qu'Il a créée qu'Il a laissé la liberté aux lois de la nature. C'est pourquoi la grâce ne contrarie pas ou ne supplante pas la nature, mais lui sous-intervient ou lui sous-vient quand elle doit soustraire un autre élément qu'elle aime à l'irrévocabilité de ses lois. Mais la grâce agit aussi de manière andocausale à celui qui en bénéficie, qui doit appeler cet amour pour que cet amour s'impose à lui comme sa voie de guérison. 6. Paradoxe: le déterminisme exocausale se pare des apprêts de l'immanence, il est transcendant au corps qu'il détermine, mais est ondulatoire, tandis que le psychisme andocausal aléatoire est corpusculaire. Or dans leur être-perçu, le déterminisme nous paraît transcendant et le psychisme nous paraît immanent et loin du corps, car il a un goût de liberté. Le psychisme est du libre arbitre andocausal, qui peut être inconscient, car l'esprit ne se confond pas avec la conscience.

EUX ET NOUS

Analyse de l’incendie de l’immeuble parisien par une malade psychique, analyse motivée par un billet de Philippe Bilger sur le sujet. ô fou, mon semblable, ô pariat, mon frère! "Dans notre existence sociale, [...] des SDF parfois agressifs, des solitaires parlant très fort tout seuls, criant des propos incohérents pour nous..." Et pourtant c'est pour nous qu'ils parlent, dans l'espoir d'une écoute, où quelqu'un dise: "Ton délire n'est qu'une autre logique, rejetée parce que moins sociale, moins partagée, mais la société qui rejette ton déléire ne se montre pas sociable envers toi." D'ailleurs, faut-il établir un fossé entre Eux et Nous? Je me connais trop bien pour savoir que je suis aussi un des leurs et qu'entre la case liberté et la case prison, il n'y a que le passage à l'acte, mais qu'"on tue toujours ce que l'on aime" (Oscar Wilde), au quotidien, dans le combat dégénéré entre ero et Thanatos où nos amours sont inscrits contre notre gré, l'homme sublimant la femme puis la baffouant, la conquérant par galanterie, aimant qu'elle domine dans son lit, avant de trouver tout naturel que le couple soit plus centré sur lui que sur elle, que la femme soit sa compagne plus qu'il n'est son compagnon et de perpétuer le modèle patriarcal. Eux et nous. René Girard disait de la schizophrénie qu'elle était un jeu de rôles où l'accompagnant soi-disant saint d'un soi-disant patient peut rendre l'autre malade, par le jeu de leur rivalité mimétique, l'un et l'autre étant enfermés dans leurs rôles respectifs. Georges Canghilem se demandait quel était le seuil du normal et du pathologique. J'ai essayé delire ce livre sans être convaincu que le médecin ait répondu à sa propre question. On a souvent retenu la définition de la santé qu'il citait pour la critiquer, et quqi est de René Leriche: "La santé, c'est le silence des organes" dans une sorrte de paix du corps. Eux et nous. Notre "rationalité" trop "hératique"trace cette frontière qui ne résiste pas à l'analyse, même si le relativisme qui consiste à dire que nous sommes "tous malades" se trompe d'une autre manière. La psychiatrie est-elle en déshérence? On l'entend dire. Mes observations ne le vérifient pas quant au manque de moyens. J'ai vu des hôpitaux servir de sas de vacances pour des malades qui avaient besoin de reprendre haleine. La psychiatrie souffre d'être sectorielle et de mélanger tes pathologies parfois incompatibles dans une "nef des fous" ou une "cour des miracles". Le cas le plus incroyable que j'aie vu, dans un hôpital parisien, faisait des handicapés mentaux travaillant dans un ESAT servir le café aux malades psychiques internés là et qui pouvaient être violents. Faute de place comme vous le dites, les autistes trouvent souvent refuge dans les hôpitaux psychiatriques. Autre malaise de la psychiatrie: les psychiatres donnent des solutions chimiques immédiates aux symptômes actuels de malades dont ils ne cherchent pas les origines du mal-être.Souvent parce que, la psychanalyse s'étant plantée, on la récuse en bloc et les psychiatres veulent être des comportementalistes. Les psychiatres apposent une étiquette sur un malade et le condamnent à vie à être soulagés pour telle maladie réputée incurable. Il est pourtant vrai qu'"on ne guérit pas les malades mentaux", comme l'affirmait une aide soignante prénommée Virginie aux "Grandes gueulles" scandalisées de RMC. Quelle est la responsabilité d'Essia b? Avoir mélangé l'alcool et les médicaments en se sachant dangereuse et pyromane. Mais sans doute appartenait-elle au grand nombre des malades qui nient leur maladie pour ne pas basculer du côté du "eux" et rester dans un "nous" acceptable, avec ses disputes et ses querelles de voisinage qui dans son cas dégénéraient et cette fois tragiquement. Essia B est responsable de sa désinvolture. La psychiatrie est une médecine balbutiante. Le temps n'est pas loin où l'alcoologie disait aux alcooliques:"Arrête de boire et ton problème d'alcool sera réglé." Il y avait quelque chose d'inhumain dans cette prescription abrupte, même si le pari de l'ascèse et de la privation pouvait se révéler métaphysiquement intéressant, car il faisait entrer les abstèmes dans une communauté d'amputés ou de privés de quelque chose, qui devaient marcher sans pansement avec leur gouffre intérieur à vif; et il y a une très grande solidarité entre ceux qui souffrent d'une fragilité psychique, beaucoup plus qu'entre les handicapés souffrant d'une déficience physique. Il y a une très grande solidarité entre les schizophrènes tandis que les aveugles se tirent dans les pattes. En outre, on s'aperçoit souvent qu'on n'avait pas besoin de ce à quoi on a fait des mains et des pieds pour ne pas renoncer, comme Swann s'aperçut qu'il s'était amouraché en Odette de quelqu'un qui n'était pas son genre. L'abandon est de tous les temps. "Au nom de ceux qu'on abandonne, il est temps de vivre d'amour", ai-je écrit il y a vingt ans dans un cantique que je n'arrive pas à rendre populaire. Le récit typique de l'abandon me semble être celui de l'infirme de Bethesda que Jésus plonge dans une piscine où il se rend journellement depuis trente-huit ans sans que personne l'aide à y entrer. Nous avons compassion des malheureux, mais nous leur tendons rarement la main. Nous nous justifions de notre inaction par notre compassion qui n'est pas morte en nous. Nous croyons aimer parce que nous aimons aimer.

Les xénophobes ou le moment populiste

J’écoute « radio courtoisie » en coupant ma barbe. Alain de Benoist est l’invité de l’émission. Il est visiblement tombé malade. Je ne sais plus qui parlait du « vieillissement d’Alain de Benoist » dont profiterait François Bousquet, ce doit être Soral. Je ne sais plus non plus quelle vieille dame disait dans un reportage de Vincent Lapierre disponible sur son site ou sur une vidéo youtube où je l’ai écoutée (car j’écoute ce genre de vidéos quand je n’arrive pas à dormir ou quand je m’ennuie) : « Jean-Marie Le Pen est à l’article de la mort, car il a une mauvaise grippe à 90 ans. » C’est bien possible. Tout un pan de la pensée nationaliste française est en train de passer l’arme à gauche, pendant que Marine Le Pen et les néofascistes italiens veulent faire ami-ami avec Netanyahou. Mais qu’ai-je affaire avec les néofascistes italiens ? Pourquoi ai-je toujours frayé avec les intellectuels infréquentables, au moins intellectuellement ? Parce que, comme moi, ce sont des pariats. « Honneur aux pariats » disait Baudelaire. Des pariats et des tueurs. M’intéresser aux intellectuels infréquentables m’a peut-être permis de canaliser ma force meurtrière, celle-là même que mon frère Gile a mise en évidence en moi, un de ses producteurs lui ayant dit que j’avais la même puissance que Depardieu, raison pour laquelle, ayant tourné avec ledit Gérard, il avait refusé dem’adresser la parole aumariage demon frère, car il avait senti cette puissance,en appréciait la densité, mais la trouvait trop épuisante pour conférer avec deux personnes qui en étaient dotées. Depardieu au moins savait quoi faire de son talent,pas moi. Pourquoi les types d’extrême droite détestent-ils tout le monde ? Ils détestent les juifs, les musulmans, et ce n’est pas seulement parce qu’ils désignent leur ennemi politique, il y a une détestation physique, affective, un racisme plus fort que la simple xénophobie politique, la xénophobie ayant été durant des siècles le paradigme ordinaire de la politique. Bernanos était antisémite, mais islamophile, dans la ligne de Soral et même du vrai Le Pen, du Le Pen le plus profond à moins qu’il ait torturé comme on l’en a accusé. Je n’aime pas le nazisme de Soral que je crois n’être pas fantasmé. Mais je trouve son islamophilie antisémite plus honnête que l’antisémitisme islamophobe ou national-sioniste dans lequel la parricide fille de Le Pen s’engage par opportunisme. L’idée schmittienne selon laquelle il faut désigner son ennemi peut-elle être mise en œuvre sans l’aspect affectif qu’est la haine politique ? « Il y a un temps pour tuer et un temps pour guérir », dit l’Ecclésiaste. Le monde de l’Après-guerre correspondait au temps de la réparation. Pourquoi le moment populiste nous refait-il entrer dans le « temps pour tuer » ? Peut-être parce que le « temps pour guérir » du monde d’Après-guerre a eu trop peur du peuple pour ne pas éviter le seul aspect positif du moment populiste qu’est la démocratie directe. Le moment populiste est potentiellement meurtrier sous couvert de démocratie directe. Pouvons-nousencore imposer la démocratie directe en préservant le monde de l’hostilité politique contenue dans le populisme meurtrier ? L’autre erreur du « temps pour guérir » qu’était le monde d’après-guerre consistait dans la volonté de la société ouverte de guérir en polarisant. Il y aurait moins de racisme s’il n’y avait pas d’antiracisme, si le racisme était considéré comme un délit d’opinion et non comme une opinion inhumaine quoiqu’humaine. Polariser, c’est diviser pour régner et désigner les pôles, c’est désigner les futurs adversaires. Les tenants de la société ouverte n’auraient jamais dû transformer la démocratie, régime de la majorité, en lutte des minorités, substitut de la lutte des classes, lutte économique naturelle qui n’avait pas non plus vocation àêtre transférée en politique pour perdre lematérialisme marxiste athée, l’autre élément destinéà faire une impasse de son application politique étant que cette philosophie de l’histoire était sans âme.

lundi 4 février 2019

Les lumières d'un aveugle. Passeurs de lumière

Notes pour une intervention en ateliers faite auprès de jeunes se préparant à la profession de foi et à la Confirmation dans le bassin minier sur le thème : « Passeurs de lumière ». Comment certains peuvent-ils être lumière pour moi et comment puis-je être lumière pour les autres ? On m’a demandé de réfléchir à ces deux questions redoutables pour un aveugle de naissance, qui n’a pas l’évidence de la lumière. I QU’EST-CE QUE LA LUMIÈRE ? Mon expérience au ducher d’Uzès. Nous étions dans une pièce où s’ouvraient des meurtrières. Mon frère, mon père et moi eûmes un soudain espoir que je voyais la lumière. Nous avons fait un essai, car peu de lumièreétait filtrée par ces meurtrières, il fallait allumer l’interrupteur électrique pour que de la lumière passe. Ils allumaient et éteignaient tour à tour en me demandant si c’était allumé ou éteint. Les dix premières fois, je tombais juste et la onzième, je tombai faux. C’est un cas typique dans l’étude des probabilités. Pour avoir une chance de tomber juste, j’ouvrais les yeux et ce qui me donnait l’impression de voir de la lumière était de sentir de l’airqui entrait dans mes yeux. La lumière pour moi, c’était de l’air. Ma mère était artiste peintre, visagiste, portraitiste. Les couleurs pour moi, c’était comme ces liquides de palettes de couleur que ma mère déversait sur ses toiles. La lumière, c’était de l’air. Porphyre disait que l’air est l’élément du ciel. Élisabeth de la Trinité : « Je crois bien que j’ai trouvé le ciel sur la terre, car le ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme. » Mon ami Franck me disait que l’air était la seule chose qui donnait à l’être humain l’idée de l’inépuisable. Hormis dans l’asphyxie, on inspire en puisant des réserves dans l’air inépuisable. On peut aussi être saturé de lumière, être ébloui. Mon frère a écrit un poème intitulé « L’Autre lumière » qui traitait de l’éblouissement, mais je ne l’ai pas retrouvé. La Bible donne deux définitions de Dieu. Elle dit : « Dieu est amour » et « Dieu est Lumière ». Existe-t-il une lumière de l’amour ? Qu’est-ce que la lumière pour vous ? Avez-vous parfois été saturés de lumière ? En avez-vous manqué ? II COMMENT LES AUTRES PEUVENT-ILS ETRE LUMIERE POUR MOI ? A. Les autres peuvent être lumière pour moi s’ils me décrivent le monde qu’ils voient, si, en regardant la télé par exemple, comme le faisaient mes parents, ils ne me décrivent pas toutes les images, mais seulement les images essentielles à la compréhension du film. Cas très frustrant du film dont le dénouement se joue sur la dernière image quand on est seul à le regarder. Aujourd’hui, l’audiodescription supplée les parents ou l’entourage, car on vit de plus en plus seul. Il n’est pas toujours facile de parler le même langage que les autres. Les autres doivent me traduire le monde qu’ils voient et je dois les traduire dans la langue de mon monde, dans ma langue d’aveugle, pour qui la lumière est de l’air et les couleurs sont de la chaleur ou du liquide après « conversion lumineuse ». C’est à moi de faire l’effort de comprendre la langue majoritaire comme vous êtes en train d’essayer de comprendre la mienne. Chacun a sa représentation du monde et le décrit avec son expérience. Mais l’expérience a quelque chose d’intransmissible. Comme un avion passe quelquefois le mur du son, la lumière doit percer le mur de l’incommunicabilité. Nous avons la chance que l’Esprit-Saint nousaccorde le don des langues et nous traduise la langue des autres. Le récit de la Pentecôte se termine par cette phrase : « Chacun les entendait raconter dans sa langue les merveilles de dieu. » Vous devez certainement traduire le monde de vos parents et ils doivent traduire le vôtre, mais vous vivez dans le même monde qu’eux, malgré les apparences. B. Les autres sont lumière pour moi quand ils acceptent que je vive ddans le même monde qu’eux. Souvent les gens me disent : « Tu as de la chance, tu ne vois pas les horreurs du monde. » Je vis dans le même monde que vous, mais je me le représente différemment. Raconter comment j’ai appris que j’étais aveugle. Jusqu’à l’âge de trois ans, on medemandait : « Tu vois ? » et je répondais « oui », puisque je comprenais de quoion me parlait. Et puis un jour, on m’a répondu que je ne voyais pas et cela m’a vexé. J’ai alors essayé de m’imaginer ce qu’était le regard de ceux qui me disaient que je ne voyais pas. Dans mon imagination, regarder un arbre, c’était ressentir le choc de l’arbre qui cognait dans les yeux decelui qui le regardait. Je me suis dit que si c’était ça, voir, ça devait faire mal et je n’aimais mieux pas. Qu’est-ce que le regard pour vous ? Quelle idée vous faites-vous de ce que perçoit un aveugle ? Tout le monde ne voit pas le monde, mais tous le perçoivent. III Deux façons de ne pas être lumière A. La manipulation. Un aveugle de naissance a une très grande facilité à se faire une idée de quelqu’un rien qu’en entendant sa voix ou la musique de son prénom, qui est comme un message que va développer sa conscience. On est souvent conforme à la musique de son prénom. Jésus s’appelle « Dieu sauve » et va sauver le monde. Un aveugle de naissance a une très grande facilité à entrer directement dans la psychologie de soninterlocuteur, comme quelqu’un qui voit regarde par le corpset juge d’après le physique. Or il faut veiller à ce que cela ne devienne pas une occcasion demanipuler l’autre, tant on le connaît immédiatement, intuitivement. C’est un don très dangereux come le don de voyance. « Un voyant est un extralucide, un non-voyant est un ultralucide », me disait Nathalie. Beaucoup de voyants (médiums) disent qu’ils ont des flashs, qu’ils ne peuvent pas s’en empêcher, mais qu’il préféreraient ne pas avoir ce don. B. Le danger de la transparence. Un aveugle de naissance est très souvent un transparent sur lequel, Comme la cécité fait peur, les gens projettent beaucoup de fantasmes : « Tu es dans le noir , tu n’as jamais vu le monde , tu as le troisième œil , tu as le mauvais œil ». Raconter l’expérience de la maladie de mon père, lorsque mon frère voulait nous interdire à Nathalie et à moi d’aller le voir, de crainte que nous lui fassions attraper la mort. (En fait, je crois que l’un de nous deux avait un eczéma.) Un conseil : ne jamais vous laisser devenir le transparent des autres. Si vous tombez amoureux, essayez de ne pas aimer l’image que vous vous faaitesde l’autre, mais de rencontrer la personne qui est derrière l’image. Essayez de ne pas tomber amoureux de l’amour. IV COMMENT JE METS LE MONDE EN LUMIERE ? Il y a plusieurs manières pour un aveugle de naissance de mettre en lumière le monde dans lequel il évolue et de développer des sens pour compenser celui qui lui manque. On dit souvent qu’il y a des auditifs et des visuels. Certains aveugles de naissance seraient nés visuels, ils deviennent des manuels. D’autres comme moi auraiet de toute manière été des auditifs, ils deviennent musiciens ou sont à l’aise dans le monde de la pensée. Les aveugles tardifs, surtout les aveugles tardifs à dominante visuels, conservent ce que Nathalie appelait « la lumière du cerveau ». Voici comment, en fonction de ce don, je reçois de la lumière : intérieurement, j’entends toujours de la musique. Je sais décrire d’oreille une partition quand elle n’est pas trop difficile, trop abondante ou dissonante. Ma musique intérieure est ma lumière intérieure. C’est un son et lumière. J’ai fait énormément de rencontres. Ma vie est pleine de visages et pleine de personnages. Petit, j’avais du mal à me diriger entre deux bâtiments qui étaient pourtant en ligne droite, or à dix-sept ans, je suis allé faire des études à Paris où je vivais seul, comme si une force me guidait pour prendre le métro, le train de banlieue, trouver mes salles de cours. V COMMENT JE SUIS LUMIERE POUR LES AUTRES ? C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre. On ne sait jamais si on est rayonnant, si on a une tête sympa et un visage avenant, qui porte à la communication et donne envie d’échanger avec nous. Moi non plus je ne sais pas. Avoir du charisme ou de la présence, mettre des étoiles dans les yeux des autres, crever l’écran, être acteur, savoir faire passer ses idées, toutes ces qualités sont inégalement réparties. La différence de talent est une simple inégalité. Mais la différence de charisme pourrait me faire douter de la démocratie, moi qui suis un démocrate dans l’âme. Bref, comment est-ce que je fais passer de la lumière dans les autres ? C’est à eux de me le dire. A. La joie parfaite. Toutefois, il y a une règle que je me suis donnée : c’est de ne jamais faire la tête. On dit que les sourds sont tristes et les aveugles sont gais. C’est un cliché. J’ai souvent des tas de raisons d’être mélancolique, mais j’ai une joie intérieure qui facilite pour moi le fait de ne jamais faire latronche. Du coup, cette parole du Christ raisonne en moi : « Je suis venu pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » Le même Esprit-Saint, qui nous traduit le monde des autres dans notre propre langue, nous a fait le don de la joie. La joie est un fruit de l’Esprit, avec la paix, la bonté, l’humilité, la patience, la bienveillance, la confiance dans les autres et la maîtrise de soi. L’Esprit est feu et lumière. Si la joie est un fruit de l’Esprit, il nous accorde aussi le don des larmes. C’est un très grand malheur quand les larmes ne viennent plus. Je l’ai expérimenté à la mort de mon père. Il m’était impossible de pleurer. J’étais devenu pareil à un rocher dont on ne pouvait pas tirer de l’eau. La joie intérieure jaillit en lumière lorsque notre cœur ne connaît pas l’amertume et peut s’ouvrir au don des larmes. La joie jaillit à travers la peine. L’amertume est le contraire de la joie. C’est comme si nous avions un glaçon de larmes qui obstruerait l’entrée de notre coeur. Quand on a dégagé la porte de son cœur de cette pierre de glace, alors la joie peut rejaillir. La joie creuse en nous une trouée de lumière, mais l’amertume est ténèbres et obscurité. B. S’aimer dans sa plus grande qualité. Un ami m’a appris deux règles qui me permettent d’essayer d’être lumière pour les autres. Comme je trouvais qu’il se connaissait bien, je lui ai demandé comment il faisait. Il m’a répondu : « J’ai essayé d’identifier ma plus grande qualité et je m’apprécie en elle. » Il menait une vie très difficile. Sa grande consoolation était de jouer de la musique et parfois de tenir l’orgue d’un sanctuaire dans lequel il habitait, comme si on l’avait exilé loin du monde extérieur. Il me dit un jour : « Tu sais, quand je joue de la musique, j’essaie d’apporter aux autres la joie que je n’ai pas en moi, et je le fais en pensant à la Vierge. » Quand je suis devenu organiste à mon tour, j’ai très souvent repensé à cette parole de mon ami. Surtout quand j’ai moi-même traversé des épreuves. L’orgue qui élève l’âme et qui m’a redonné la foi m’a permis d’exprimer mon âme. Le mot exprimer veut dire que l’on presse tout ce qu’on a en soi, un peu comme une orange qui donnerait son jus. L’orgue m’a donc permis d’exprimer ma peine, moi qui voulais exprimer toutes les peines du monde. Mais j’ai toujours cherché à l’exprimer de façon que ne transparaisse pas mon chagrin quand je vivais dans le chagrin. Ma compagne me disait et me dit encore : « La lumière sort de l’orgue quand tu joues, toi et certains autres organistes, mais pas tous. Je te souhaite de faire sortir toute la lumière des orgues en tirant quelque chose de toi-même. » Alors je joue de toute mon âme en espérant que, de ma musique, il ressorte de la lumière. J’espère que quelqu’un qui m’entendra sortira de là avec un peu plus d’espérance, grâce à la lumière de l’orgue qui viendra de ma joie, et de ce que j’aurai essayé de garder une âme chaleureuse. Questions : Connaissez-vous votre plus grande qualité ? Voulez-vous la partager ou préférez-vous la garder pour vous ? De la discussion jaillit la lumière. Avez-vous vu de la lumière ? Avez-vous des questions ?

Dialogue sur l'antimondanisme chrétien avec un juif et un antisémite sur le blog de Philippe bilger

@Garry Gaspary « La charité chrétienne n'est que l'immondice qui cherche à anéantir la justice humaine. Et oui, la justice étant une valeur essentiellement juive, par l'analyse du monde qui seule peut fonder l'autorité de la loi, fût-elle même divine, le messianisme (quel que soit le sens que l'on lui prête) n'est qu'une guerre millénaire, absolue, et à mort entre la non-pensée chrétienne et la pensée juive. » Méfiez-vous des monopoles, je vous en parle en connaissance de cause, je les ai manipulés dans le dialogue inter-religieux ou, pour être plus précis, dans mon dialogue avec un islamiste politique. Je luiproposais : « je te cède le monopole de la justice puisque tu te sens brimé et que tu m’expliques qu’y compris la conquête islamique n’était qu’une geste d’opprimés, pourvu que tu m’accordes celui de la paix. » Il torpillait mon pacifisme comme l’imposture des puissances venant circonvenir l’oumma en y excitant des guerres civiles et intestines. Voilà que vous vous arrogez celui de la pensée par opposition à « la non pensée chrétienne ». Les juifs de l’après-guerre aiment à dire (et on n’ose pas les contredire) qu’ils ont le monopole de l’éthique puisque c’est la seule façon dont ils peuvent écrire après Auschwitz. Mais alors pourquoi traiter si mal les Palestiniens et faire renaître un Etat, issu (vous avez raison) de la pensée moderne – Israël étant le seul État religieux qui soit né de la laïcitépar une ruse de l’histoire aussi contre-essentielle que la civilisation chrétienne -), qui ét engagé par essence dans une guerre biblique contre tous ses voisins, une guerre de huit cents ans si elle devait durer aussi longtemps que la première épopée juive sur la terre promise ? Vous adjoignez au monopole de l’éthique celui de la justice que vous partageriez avec l’islam opprimé, qui par rapport à la première histoire juive qui a réussi, le christianisme fédérateur de plus d’un milliard d’humains, marque un retour à la Torah. Généalogiquement vous n’avez pas tort, puisque la nation des enfants d’Israël s’est constituée sur le refus de l’esclavage en Égypte et sur l’idée jubilaire, qui remet les compteurs à zéro tous les cinquante ans pour qu’il n’y ait pas de famille si favorisée qu’elle puisse devenir une dynastiie et imposer ses privilèges en race féodale qui appelle un renversement révolutionnaire pour rétablir la balance. « La droite n’a plus rien à dire » puisque « tout ce que dit la droite a déjà été fait « et « l’avenir est à gauche, mais il est encore à construire. » Idée recevable elle aussi. Le conflit est entre ceux qui pensent qu’il y a un sens de l’histoire et ceux qui croient que l’histoire est une lutte des volontés. L’illusion que les réactionnaires reprennent des couleurs nous vient peut-être de ce que le cadavre bouge encore de leurs vieilles valeurs. Il bouge même mieux que l’évanescente bienveillance de la promesse de progrès. Reste que l’histoire n’est jamais revenue en arrière. Que ça nous plaise ou non, le monde n’a jamais renié Copernic, Descartes ou Darwin. La contre-révolution n’a pas eu lieu. Peut-elle encore réagir ? « Le christianisme nie le monde pour imposer la création », car la création est l’âme du monde, et cette âme est la notion de progrès contenue dans le mot même de création, progrès dont un Hegel, penseur chrétien (excusez les non-pensants), veut faire »lesprit de l’histoire » et en réaliser « l’avènement ». Le judaïsme n’a pas le monopole de l’histoire même si le christianisme est profondément anhistorique. Il n’en a pas le monopole, mais il en a le sens. Car comme vous le dites plus haut dans la topique des commentaires, « la plus belle page de l'Ancien Testament est celle dans laquelle il est dit que Moïse a brisé les deux tables de la loi écrites du doigt de Dieu et que Dieu lui a demandé d'en refaire deux absolument identiques mais écrites cette fois-ci du doigt de l'homme. » Elle rappelle cette histoire rabbinique où Dieu se met à l’école de rabby Akiba. @Xavier Nebout, 28 janvier 2019 à 18:17 Déjà dans un précédent commentaire sur un autre billet que je n’ai pas dû archiver ou ai « la flemme de chercher » comme dirait Noblejoué, vous m’envoyiez prier ou faire une retraite dans un monastère avant de me prononcer sur la religion. Figurez-vous que j’ai fait deux semaines de retraite à l’été de mes quinze ans au lieu, sans doute, de vivre mon adolescence ; que j’ai très amicalement connu une grande compositrice dont je suis presque sûr qu’elle a vu le Christ ; que mon meilleur ami allant à Dozulé, a été reconnu par la voyante Madeleine Aumont, qui avait certainement été avertie d’en haut de sa visite ; et que j’ai, vers la vingtaine, prié le chapelet à en avoir un grain, prié à en devenir fou, prié à croire que l’homme était déchu de tout droit au plaisir et que le monde s’effondrerait si j’avais une pensée parasite. J’ai dû me déconvertir et déprier pour me déplier et me déployer en tâchant d’ »aller vers moi ». Peut-être savez-vous prier mieux que moi ? Je ne vous le dispute pas. Maintenant vous me dites : « Le christianisme, c'est le reniement du dieu des juifs pour le dieu des Aryens amené par Alexandre, avec la dimension que lui a ajoutée le Christ et qui est la bonté. » J’en déduis que vous êtes un marcionite un peu védique, un chrétien qui a tué son père dans la foi, ce qui est un peu paradoxal et regrettable, mais vous n’êtes pas le seul.

dimanche 3 février 2019

Enthoven versus Étienne Chouard, la déception et la bonne surprise

Enthoven m’a déçu et tienne Chouard me surprend favorablement. La déception que me cause Enthoven ne date pas d'hier, et le fait qu'il m'ait bloqué sur Twitter n'en est pas la raison. J'avais d'abord été subjugué par ce jeune homme à la voix de gorge timbrée à la façon d'un dandy, à l'élocution facile, capable,la première fois que je l'ai entendu, d'exprimer le meilleur de Marx, une pépinière de citations, m'initiant à Cioran dans une émission mémorable, interviewant des professeurs qui avaient été les miens comme Nicolas Grimaldi, qui chez lui se livrait, plein d'âge et de raison, mais avec un peu plus de mélancolie que ce jubilatoire goûteur de Proust, de Descartes et des sentiers de l'imaginaire ne le laissait entrevoir dans ses cours. Le fils de Jean-Paul Enthoven animait sur "France culture" "Le rendez-vous des politiques" en y laissant parler ses invités. Il était socialiste, mais respectait les adversaires de cette pensée tranquillement dominante, faisant étalage d'un snobisme de bon aloi chez lui, couroné par une vraie connaissance de la philosophie, si ce « people » ne menait pas une vie philosophique, sur laquelle Justine Lévy et Carla Bruni avaient levé le voile, mais qui ne me regardait pas, et dont je ne crois pas qu'elles l'aient fait devenir le philosophe du spectacle dans la peau duquel il pontifie désormais comme un coq ayant quitté "France culture" et l'émission philosophique qu'il y dirigeait pour passer d’abord à "Europe 1", où il livrait "la morale de l'actu", comme si ce présent sélectionné qu’est l’information soumise au commérage de l’opinion était une fable. Dans la rencontre organisée par « Sud radio » entre Étienne chouard et lui, Enthoven profite de l'ascendant qu'il a sur le professeur d'économie qui lui a d'emblée signifié leplaisir qu'il avait de s'entretenir avec lui, et de la maîtrise des médias que n'a pas ou n'a plus l'ancienne icône du net embourbée dans les eaux soraliennes et qui se râcle la gorge, pour l'humilier en restant parfaitement courtois sur la forme pour ne le mépriser que plus insolemment. J'ai beaucoup reproché à Étienne Chouard d'avoir commis ma chère démocratie directe aux hasards du tirage au sort. Or j'apprends récemment que tel était la méfiance envers la représentation au Vème siècle hellénistique que le tirage au sort était l'essence de la démocratie athénienne. Quand elle s’applique à nous donner des représentants pour exécuter les décisions du peuple, la règle du tirage au sort me paraît aussi inconséquente que de livrer un royaume héréditairement dévolu à une dynastie à la défaillance ou à la folie éventuelle du prince légitime. J’observe non sans surprise, là encore, la fibre démocratique de certains de mes amis royalistes, dont je lis sous la plume de l'un d'entre eux qu'il votera le jour où il y aura un référendum, c'est-à-dire le jour où il sera question d'idées et non plus de personnes, sans que les médias puissent nous abuser en faisant confondre aux enfants démocratiques que nous sommes (un enfant est celui qui n’a pas l’usage de la parole) la politique avec des intrigues d'appareil destinées à obtenir le pouvoir personnel. Mais Étienne Chouard est pour le RIC, ça me va mieux. Entendons-nous: je suis défavorable au RIC abrogatif tout comme au RIC révocatoire, car je ne cautionne pas l'instabilité politique que cela engendrerait, mais je suis favorable au RIC constituant et au RIC législatif. Étienne Chouard dépersonnalise la démocratie jusqu'au tirage au sort et au référendum d'initiative populaire ou civique, deux adjectifs que je préfère àl'adjectivation du substantif "citoyen". En quoi il connaît mieux la nature de la démocratie athénienne que moi, j'en prends acte d'autant plus volontiers que je croyais le contraire. Je me découvre moins référendaire que lui, car aux réserves déjà exprimées, je dois ajouter que si, dans ma modeste histoire politique qui n'intéresse personne, j'avais voté Le Pen en 2002 parce qu'il portait la promesse d'une "République référendaire", il m'a toujours semblé (j'en reviens aujourd’hui par esprit grégaire devant l'audace des gilets jaunes) que le pouvoir exécutif devait conserver le monopole de la question référendaire, pour que la politique du pays conserve une direction. Je note ce dernier trait qu'Étienne Chouard est un curieux rousseauiste. Il s'est déclaré tel sur le plateau de "TVLibertés". Or il me semble que Rousseau ne demande pas que l'on signe le contrat social et préfère l'assentiment unanimiste de la cité à la loi comme expression de la volonté générale à soumettre celle-ci au vote qui pourrait faire sortir la cité des gongs de sa religion civile et de ce que Jean-Jacques n'appelait pas encore le "pacte républicain". Or Étienne Chouard souffre comme je le souhaite que la démocratie directe puisse poser toutes les questions, y compris celle de la peine de mort ou de l'avortement, ce qui va à l'encontre de l'idée que se font les progressistes du sens de l'histoire, idée qui continue d'être celle de la France insoumise qui, pour se prémunir de ces questions réactionnaires, que l'on inscrive ces acquis sociétaux dans le socle constituant. Les gens trop brillants nous déçoivent souvent et il faut quelquefois se fier à ceux qui se râclent la gorge.

Macron est un affreux jojo

Commentaire au billet de Philippe Bilger: "Macron: président double". https://www.philippebilger.com/blog/20 « J'avoue modestement ne pas comprendre sa stratégie de communication et ses séquences successives et contradictoires. » C’est pourtant simple, cher Philippe : Macron pratique le gouvernement de l’injonction paradoxale, c’est-à-dire le gouvernement du pervers narcissique. Quand cet OVNI est apparu en politique, quelques jours à peine après sa nomination comme ministre de l’économie, « L’émission politique » l’avait invité pour nous présenter le prodige. Je me souviens de m’être dit : « On en fait beaucoup pour un homme qui n’est pas étincelant, mais surtout qui n’a rien à dire. J’ai rarement vu un philosophe que la pensée laisse aussi sec. « Puis Macron s’est mis en scène en tandem rivalitaire avec Valls, c’était particulièrement flagrant le jour où les deux hommes ont présenté cet inventaire à la Prévert qu’était la loi Macron, et qui n’a abouti qu’à fermer les premières petites lignes de la SNCF pour rendre impossible le ferroutage, en mettant en faillite les compagnies de « cars Macron » qui les desservaient à la place des chemins de fer. Le seul fait que Macron soit l’homme qui ait fait le contraire du ferroutage aurait dû interdire à Hulot de devenir son ministre. On n’aurait pas dû croire non plus, au vu du catalogue fourre-tout qu’était la loi Macron, que cet homme pourrait, devenu président, réécrire en le condensant le code du travail dont l’obésité était dénoncée, chose incompréhensible, par le pénaliste robert badinter. À son poste, Macron a multiplié les provocations contre l’exécutif sans être en rien efficace, sinon à se présenter comme une alternative à Hollande qui dut déclarer forfait. Macron démissionnaire, on l’invita, on le sonda, et il emberlificota tellement le monde que les médias le traitèrent de bulle et que ceux qui prenaient la peine d’écouter cette légende sophistique en laquelle on nous assurait qu’il y avait du génie, tirèrent une conclusion voisine de celle-ci : « Quand, en 2012, Hollande a supplanté tous les impétrants de la primaire socialiste par construction médiatique, Claude Allègre nous avait prévenus (aux « Grandes gueules » de RMC) : « Hollande ne sait pas trancher, car c’est l’homme de la synthèse. » Macron dit tout et son contraire, car c’est l’homme de l’antithèse. Tout se passe comme si on voulait le hisser à la tête de notre État, mais Il gouvernera très dangereusement. Le quinquennat de Hollande a tenu, car Hollande passait pour avoir de la bonhommie bien qu’il fût un tueur, un néocon et un guerrier. Le gouvernement Macron ne tiendra pas, car il fera une politique illisible. Macron bourdoie comme la Royal, mais on ne le lui fait pas remarquer. Celle-ci avait naguère complété l’appréciation de Claude Allègre touchant Hollande : « Le bilan de François Hollande, c’est l’inaction », avait-elle averti. » Macron se signalait par un mépris de classe contre les illettrés et les alcooliques de la classe ouvrière. Je me souviens d’avoir tweeté : « Macron veut être le président d’un pays qu’il ne connaît pas et d’un peuple qu’il n’aime pas. » Et aussi, par plaisanterie, parce qu’il faisait déjà « des siennes » : « Brigitte, dis à Emmanuel d’arrêter de crier. » J’avais un cousin à qui ma tante devait constamment répéter : « Emanuel, calme-toi. » J’aurais voulu qu’elle soit encore là pour le dire à Macron. Car Brigitte le laissait nous casser les oreilles, énamourée devant son prodige « déchaîné », ainsi le décrivait-elle jouant au piano, de retour du Parlement, qu’il parvint si peu à « convaincre » du bien-fondé de sa loi (Macron veut faire la loi, mais ne veut pas convaincre), qu’il fallut la faire passer au forceps du 49.3. À « la Rotonde » où le couple avait ses habitudes, « Madame Macron » avait téléphoné à « Monsieur Serge » au matin du premier tour : « Emmanuel mangera des asperges et du jambon, il ne faut pas qu’il dîne davantage. » Brigitte veillait sur son régime. À l’acte N des Gilets jaunes, le régime de son petit mari se portait si mal qu’il a fallu la bunkériser. Vous avez été victime d’une fascination collective plus ou moins orchestrée. Il faut vous désintoxiquer. Macron parle beaucoup plus qu’Hollande et pour joindre la parole à l’inaction d’une manière inversement proportionnelle à l’abondance castrice d’un verbe sans contrôle. Macron, c’est Hollande en pire et sa dernière saillie leprouve. À l’origine des « Sans dents », expression par laquelle Valérie Trierweiler accusait Hollande de désigner les pauvres, il y avait cette appréciation jetée par l’ancien président sur la famille de sa compagne d’alors, qui n’était pas châtelaine comme celle de Julie Gayet : « C’est pas Jojo, les Massoneau. » « C’est pas jojo les sans dents » est devenu « Jojo, le gilet jaune. » C’est pas jojo, les socialistes tendance Terra nova, qui ont théorisé de devoir abandonner la classe ouvrière, qui leur faisait électoralement défaut, au profit de la classe moyenne et de ses luttes des minorités. Emmanuel Macron a théorisé quant à lui, auprès du groupe Bilderberg (Michel geoffroy l’a affirmé sans être démenti et encore moins repris) qu’on ne pouvait plus gouverner en fonction des classes moyennes dont il ne fallait plus tenir compte. Monique et Michel Charlot ont supposé que Sarkozy était le Président des riches. L’ »ennemi de la finance » le confirme, « Macron est le président des super riches », c’est officiel. Hors de là, tout, à commencer par les discours indigestes de Macron, est de la mauvaise littérature. Macron « restaure la dignité du politique… » sur le dos de l’affreux Jojo. C’est plutôt Macron qui est indigne.

samedi 2 février 2019

Misanthropie

Depuis quelques jours, je suis traversé par des accès de mysanthropie et des vagues de lassitude devant le renouvellement des générations et des typologies humaines, marées indifférentes d’individus interchangeables, qui ne se tendent pas la main, ne s’accompagnent pas dans la vie, se filtrent au téléphone, s’ignorent, sont indifférents et parlent de fraternité, entrent dans la catégorie des personnages ignobles qui, il y a deux mille ans et trente-huit années durant, ne plongèrent pas l’infirme qui s’y rendait tous les jours dans la piscine de Béthesda, se reproduisent pour perpétuer des enfants qui croient que tout leur est dû, cadeaux comme éducation, forment les mêmes masses pleines d’aspirations, qui vont toujours se soulevant et retombant sous la force d’inertie, les mêmes étudiants faussement romantiques pleins de rêves d’amour, d’ambition et d’idéal, les mêmes jeunes qu’on flatte par démagogie dégoûtante et jeuniste, les mêmes bêtes à concours hésitant entre camaraderie et compétition,les mêmes membres de corps politiques et de sociétés spirituels quis’entre-mordent, s’envient, se jalousent, les mêmes travailleurs qui exercent sans vocation des métiers sans intérêt et sans utilité sociale, par esclavage du besoin matériel qu’on dit fondamental, produisent inutilement et consomment sans besoin, et sont de mauvais prêtres, de mauvais maris, de mauvais pères et de mauvais chrétiens sans que le flot netarisse. Or je suis de ces inconvertis, mais non de ces médiocres, qui, quand je n’en rencontre pas sur un carrefour, voudrais pouvoir faire surgir des passants du néant pour qu’ils m’aident ou que nous échangions. Dans Mes accès de mysanthropie, pris dans la nasse sans être en lice, comme diogène le cynique, je désespère de rencontrer des hommes et cherche mon humanité.