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mardi 28 juin 2022

L'intelligence de nos présidents

Inspiré par un billet de Philippe Bilger sur le même thème consultable ici:


Justice au Singulier: Un président de la République doit-il être intelligent ? (philippebilger.com)


D'accord avec  la presque totalité de votre billet, cher Philippe.


Charles De Gaulle mêlai la pensée et l'action comme un mythologue met un agir imaginaire au service de la fiction qui est son idée fixe, chez lui "la France éternelle" plus que la France universelle.


Je passe sur Pompidou sous lequel je suis né, que je ne connais pas assez et qui me paraît une incarnation aux avant-postes, presque par anticipation, des années fastes, des années 70, point culminant des Trente glorieuses, qui en profitait plus en consumériste qu'il ne cherchait à orienter la société de consommation ni ne la jugeait avec la lucidité des avant-gardes.


Giscard me paraît comme vous le dites, plus "un intellectuel de la politique" qu'un homme qui aurait surfé sur la vague du sociétalisme libertarien, comme on ne le disait pas encore, ou du libéralisme à l'américaine, un libéralisme "sociétal" à la fibre sociale.


Mitterrand a gouverné la France avec une rouerie de faux prêtre, ce qu'on a pris pour son florentinisme, mais les curés sont souvent florentins, pressés de ne pas être hypocrites et tellement pressurés par une discipline impraticable que l'absence d'hypocrisie est au-dessus de leurs forces, Larochefoucault les rassurant sur ce que "l'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu".


Chirac, "L'inconnu de l'Elysée" comme l'appelait Pierre Péan, nous reste une énigme, qui n'a pas peu aimé son pays, si l'aimer (ce qui n'est pas peu faire) a consisté pour lui, de crainte qu'ils ne vacillent, à ne pas bouleverser  ses équilibres sociaux qu'il sentait déjà fragiles.


Tony Blair définissait Nicolas Sarkozy comme un "énergéticien" et je crois qu'il avait tout dit. Son intelligence s'appliquait-elle à la résolution des crises ou était-ce celle de ses conseillers? Toujours est-il que le discours qu'il prononça au début de la crise des sub primes était lumineux et inoubliable de réactivité, même s'il acheva la mue de ce libéral en socialiste qui sauva à la fois les banques et les petits épargnants, selon l'adage reconnu par les libéraux eux-mêmes que "le capitalisme est la nationalisation des pertes et la privatisation des profits", tropisme connu des économistes, mais qui me suffoqua d'étonnement, tant il le mit vite en branle. Les tergiversations covidiennes de Macron ne peuvent que faire pâlir l'ombre de notre président actuel "par contraste" (locution servant de connecteur logique préféré de Pap Ndiaye dans sa "Condition noire"). 


François Hollande fut moins un "socialiste intelligent" (il ne fut pas même un tacticien habile) qu'un affectif, qui ne sut se séparer d'aucun éléphant trompeur du parti socialiste entre lesquels il avait  assez frétillé pour en assurer une synthèse harmonieuse, sauf lorsqu'il fut mordu aux mollets par Manuel Valls qui le pria de se priver de Montebourg et d'Hamon: ce n'est pas François Hollande qui aurait théorisé "les deux gauches irréconciliables" avant d'être provisoirement démenti par Mélenchon. Un affectif qui ne sut pas voir la nocivité d'Emmanuel Macron parce qu'il eut l'outrecuidance,  en sa candeur pusillanime et bénigne de "président normal" qui se croyait doté de "qualités exceptionnelles", de croire que "son ennemi, la Finance", l'aimait, lui qui "[aimait] les gens". 


Quant à ce dernier Macron, son intelligence qu'on croit à toute épreuve et qui n'éblouit que les rares fois où il fait des étincelles, loin d'embrasser la totalité du réel et de la complexité de ses ambiguïtés, fait avant tout de lui un homme plein de lui-même et en cela consiste son gouvernement, ambigu et manipulateur du "tout et son contraire" qu'on appelle le "en même temps" et qui, en psychologie individuelle, dessine le profil du pervers narcissique. 

jeudi 16 juin 2022

Macron, tel un soldat perdu

Ce qu'a fait Macron au cours de cette seconde semaine législative serait ridicule si ce n'était pas si grave. On dirait qu'il fonctionne en mode "De Gaulle soldat perdu".


Le moins qu'on puisse dire est que De Gaulle n'aimait pas les soldats perdus, au point de leur refuser sa grâce présidentielle, qu'ils aient voulu le dégauller ou non.


Et puis il y eut 1968. "Les Français sont lassés de vous", lui dit Sosthène, son propre fils, l'amiral De Gaulle, d'après son propre récit. J'imagine que le père arrogant lui a répondu: "Qu'en sais-tu, cher garçon?" (Ferais-tu une crise d'adolescence attardée?)" 


De Gaulle qui n'écoutait personne n'écouta pas son fils. La crise le cueillit en pleine impréparation et quand il fut en panique, il alla voir Massu.


Macron fit semblant de fêter 68 à l'Assemblée nationale sous l'égide de Rugy et son futur Homard-m'a-tuer.Mais tout en le fêtant, il commençait de réprimer les Gilets jaunes avec une violence inaccoutumée.


Puis il s'improvisa "chef de guerre". Il fallait absolument ne pas voter pour son adversaire xénophobe pour lui laisser faire son escalade anté Troisième guerre mondiale. Et ça a tellement bien marché que quand bien même Mélenchon (ou un thuriféraire de Nupes ou de Lfi "élu" premier ministre à sa place pour incompatibilité d'humeur avec le président) accéderait à ces hautes fonctions exécutives, il ne pourrait pas faire cesser cette escalade de guerre mondiale: il n'aurait pas la main, le président est chef des armées. Il fallait pratiquer un vote alternatif, toutes les guerres sont nées d'une escalade, mais  on a oublié. Et dans notre amnésie de mémoire immédiate, on a oublié que "le vieux Joe" avait menacé que les US allaient reprendre leur leadership sur l'ordre du monde, exactement comme Bil Clinton l'avait dit avant lui.  L'"en-même-tempsiste" qui nous sert de président anormal, avait eu beau jeu de déclarer l'Otan "en état de mort cérébrale" quand Trump ne voulut plus raquer: "Make the planete great again". Notre "génie des carpettes" se soumit au "Vieux Joe" (Robinette Bidon, le robinet est bidon, vive l'onomastique). Notre Fidel du plan détaillé corrigé par Brigitte et de la longueur des discours à l'exaltation insurmontable n'abondonna pas une rhétorique relativement pacifiste. entre la peste et le choléra, j'ai choisi la peste il fallait le choisir pour "avoir la paix", cette ambition aventureuse comme celle, pour une girouette, de ne pas être "dans le vent".


Cette semaine, notre génie des carpettes a fait plusieurs folies saluées comme issues de son génie irremplaçable:


-Il est parti en Roumanie (et même en Moldavie), comme De Gaulle en 68, désertant le champ de bataille social et national, pour la seconde fois de sa carrière de fuyard. Mais "avant de partir", il faudra bien" se souvenir que celui qui ne veut pas jouer les "Pères Noël" contre le créateur de "l'argent magique" que serait Mélenchon a dit qu'il ne fallait surtout pas voter "contre la République, c'est moi" (au nom d'une autre "République, non c'est moi" comme on dit à la récré). Il ne fallait pas se réconcilier avec la vraie gauche qui attendait depuis près de quarante ans de retrouver la vie à la faveur d'un congrès d'Epinay à l'envers. C'et le dernier coup de génie politique de Mélenchon qui, en ne se présentant pas aux législatives, perd non seulement toute probabilité d'être "élu" premier ministre, mais prépare la relève, sa relève. Sous peine, ajoute Amélie de Montchalin, que ce pays soit livré à "l'anarchie" et à "l'antisémiitisme" si on élit les adversaires d'"Ensemble" (c'est le retour des chars russes de Giscard et affidés), elle-même (la belle Amélie, agricultrice et hobereaude) ayant refusé au personnel des Ehpad avant le Covid que leurs revendications d'avoir un peu plus de temps pour laver leurs malades soient satisfaites, et surtout la dame s'affronte à un député, Jérôme Guedj, extrêmement ouvert, qui est peu soupçonnable d'antisémitisme puisque lui-même est juif, et qui à  titre privé a fait la bringue avec Jean-Luc Mélenchon et Edouard Philippe durant son stage d'énarque et du fait de ses amitiés dans le personnel parlementaire.


Macron nous fait trois mauvais coups en s'envolant pour l'Ukraine sous prétexte d'une visite dont il faudrait prouver l'urgence pour des soldats de l'an 2 campant je ne sais plus où et qui servait de faire-valoir à ce voyage impossible à différer en temps législatif.


-D'abord il nous refait le coup du "bon choix" à la Giscard sur le mode "C'est moi, moi et la fin du mois, moi, ou la fin du monde.Moi ou la gauche anarchiste"


-Et puis il part comme le "soldat perdu" De Gaulle paniqué en 68. Mais   Macron, qui lui aussi a vu sa tête au bout d'une pique, sait bien qu'en l'occurrence il n'a rien à craindre, lui qui est courageux, mais non pas téméraire.


-Macron, en allant voir Zelinsky, va visiter son double, le même membre de la société du spectacle où "le vrai est un moment du faux". Il va voir Zelensky, un président tellement tenaillé par l'urgence du malheur  de son pays que l'urgent est de faire le show.  Jouer son propre rôle dans la série "Serviteur du peuple" (ou "le Cercle des poètes disparus?".  Zelensky est tellement mobile qu'il Demande desarmes après avoir été pacifiste et s'être fait élire sur ce pacifisme contre ses adversaires russophobes. 


Zelensky est un homme du Spectacle. A preuve (mais comment le sait-il? Réservons-nous), le bien informé et satirique Pierre-Yves Rougeyron  le qualifie de même "homo cocaïnofestivus" que notre poupon Macron. (Bien sûr, je ne crois pas à ces rumeurs, c'est pourquoi je les colporte.)



La Russie, alliée de la France pendant tout le XXème siècle, est notre ennemie désignée et il est urgent que l'Ukraine entre dans l'Europe, entre dans cette communauté déclinante de l'Europe occidentale en tant que peuple mal ou pas du tout occidentalisé. 


La Turquie attend la validation de sa candidature depuis 1964. Pour l'Ukraine, ça devrait passer en urgence. 


La Communauté européenne, puis l'Union européenne, s'étaient fondées pour promouvoir "la paix perpétuelle" chère à cet utopiste de Kant dont s'inspiraient Jacques Delors, Robert Schumann et dans une moindre mesure Jean Monnet, le financier. 


La nouvelle Union européenne se fonde  à la faveur de la guerre et non pas contre l'Otan, mais appuyée sur elle. L'union européenne préfère l'Otan à l'Europe de la défense, comme il faut croire que l'Otan est l'armée de l'Onu.


Du temps de maastricht, traité pour lequel j'ai voté, on nous laissait entendre que la Russie intégrerait l'Union européenne. En fin de compte, ce sera l'Ukraine.


La dernière fois que mon frère Gilles vint me voir (c'était au temps où nous étions amis, mais nous le redeviendrons peut-être, l'avenir n'est pas écrit), je lui disais dans une espèce d'implosion mentale que j'étais absolument ravi que l'Alsace appartînt à la France vu que j'étais à peu près aussi antigermanique que mon père, ma grand-mère, Jean-Luc Mélenchon ou mon arrière-grand-père, mais que je savais très bien qu'il tenait à un hasard de l'histoire que je sois devenu Français. Mon frère, qui avait analysé avec beaucoup de pertinence les raisons de Poutine, me répliqua qu'il fallait laisser faire la même expérience au peuple ukrainien. Je n'y vois pas d'inconvénient, mais je suis aux premières loges pour observer cette expérience et je prie que l'on m'en croie. 


D'abord je n'arrive pas à comprendre comment on peut nous vendre un peuple résistant alors qu'un quart de la population de ce pays en guerre a fui son le terrain  d'enjeu. Pour aller où? Pour espérer quoi? Ma réponse est que le plombier ukrainien va remplacer le plombier polonais et contribuer à appauvrir les classes moyennes rendues indigentes ou faillies par la Covid et par la politique qui y fut inexplicablement attachée. Je n'imagine pas que tout un peuple ait eu l'idée d'une exode très loin de son pays pour ne plus jamais le revoir ou le reconstruire. J'imagine un complot. 


Les Ukrainiens appartiennent aussi à ceux qui forment les mafias très dangereuses des pays de l'Est (et j'ai été le témoin indirect de l'engagement très profond de #JéromeGuedj contre ces mafias. Témoin (très soft) en est aussi l'histoire des mères porteuses ukrainiennes contre lesquelles on n'allait tout de même pas instruire un procès en trafic d'enfants, puisqu'elles venaient d'un pays qui avait beaucoup souffert.


Enfin et pour revenir à ma toute petite expérience ou mon "misérable tas de secrets" personnel), le "timing" était extraordinaire où on me fit entendre qu'on voulait me mettre dehors. Mon immeuble, en plein centre-ville de Mulhouse, a été vide pendant cinq ans. L'Etat le réquisitionne pour y faire arriver des Ukrainiens. mon bailleur social a essayé (et essaye encore, nous sommes dans une guerre des nerfs) de profiter de l'arriver de ces Ukrainiens pour me grand-remplacer  en m'ayant d'abord menti sur la nécessité légale que je déserte le terrain, et maintenant en ne me procurant pas, parce que, m'étant renseigné, je refuse de le déserter,  les papiers qui me permettraient de toucher  mon allocation logements.


Il ne faut jamais faire de généralités. Mais l'expérience faite par les gens qui vivent avec les réfugiés ukrainiens au jour le jour n'est pas très favorable. Elle permet de dire à ceux qui la vivent, en désespoir d'être crus, que ces Ukrainiens ne sont pas propres. Mon aide e vie a vu un Ukrainien torse nu en pleine salle des machines à laver le linge et le voit régulièrement arpenter les couloirs dans cet accoutrement conforme à la conception  de ce qu'il faut porter au temps chaud en Ukraine. une taxi rencontré ce matin me demandait si, depuis que mon immeuble  était peuplé d'Ukrainiens, n'était pas en "bordel". "C'est que j'ai une amie qui a accueilli deux Ukrainiens qui vivaient chez elle comme à l'hôtel, se levaient à 11h, ne mettaient jamais la main à la pâte, avaient pris une chambre d'une des gamines  et  regardaient tout le monde de haut. Elle a fini par les virer." Moi, on veut me virer, et on est prêt d'y arriver: mon bailleur social ne renseigne pas la Caf sur les documents attestant que je paye mon loyer, ce qui me vaut de ne plus percevoir mon allocation logements depuis six mois, cependant qu'on paye tout à mes voisins ukrainiens, donc on m'entraîne à être  xénophobe. Et on n'en voit que le début: on nous parle de famine et de ne plus avoir de pétrole ou de gaz (à l'exception du gaz de chyste américain) parce qu'on excite l'ours russe... 

samedi 11 juin 2022

Le retour d'une vraie gauche, espoirs parlementaires

Les ruptures amicales ont cela de triste qu'elles mettent fin à des dialogues décennaux,  qui néanmoins se poursuivent sur des espaces impersonnels. Le Croissant de lune, dont les habitués de ce blog se souviendront certainement et que j'aimais à appeler "mon interlocuteur islamiste" (ou islamo-frériste), ne veut plus que je publie ses contributions sur ce blog qui est mon espace personnel. Je  signale seulement son dernier billet et publie ici ma réponse à son billet:


Tu contestes la viabilité du programme de Mélenchon. Je suis plutôt d'accord avec toi sur la retraite à 60 ans qui est anachronique, et j'ai également l'impression que Mélenchon arrose à tout va et a trouvé le secret de fabriquer de l'argent magique. Je ne me sens pas qualifié à discuter ce qu'il écrivait de la dette Covidienne lorsqu'il expliquait qu'elle était irremboursable et que, pour que la réalité de son insolvabilité prenne effet, il fallait que la banque de France ou que la BCE la rachètent. 


https://groups.google.com/d/msgid/info2-12/c54a3278-addf-158d-4b9b-e7af9e26f760%40numericable.fr.


"Tu ne veux pas de la victoire de Mélenchon, en quoi tu opines comme Marine Le Pen qui, faute de s'être préparée aux législatives sans lesquelles eût-elle gagné la présidentielle, elle n'aurait pas pu gouverner, envisage de voler de défaite en défaite comme Ségolène Royal en son temps et déclare se battre pour faire de la figuration. Remarque que Mélenchon a certes réussi un coup politique remarquable en faisant un congrès d'Epinay à l'envers, mais comme si c'était son dernier baroud d'honneur, c'est-à-dire en ne se présentant pas aux législatives, ce qui n'en fera pas le chef de sa majorité si la NUPES gagne, et ce qui permettra à Emmanuel Macron de nommer quelqu'un avec qui il sera plus compatible, y compris sur le plan du caractère, la dernière fable mélenchonienne étant que les députés NUPES ne voteront pas la confiance à un gouvernement dont Mélenchon ne serait pas le premier ministre: ses partenaires seraient trop heureux de s'en débarrasser et les souvenirs du totalitarisme au ton ordurier étant bien ancrés dans la figure d'Hitler, quelqu'un qui parle mal comme le font Mélenchon ou Le Pen, passera pour plus certainement totalitaire que quelqu'un qui gouverne et agit mal comme le fait Macron. 



Tu dis trois choses intéressantes dans ce billet: 



    1. "Je crois que c'est lorsque la droite est aux commandes mais aux prises avec une opposition de gauche hardie et forte qu'on obtient en France les plus grandes avancées et transformations sociales". Il y a un contre-exemple: c'est Giscard, qui fut le dernier président vraiment social que connut la France. Si je voulais te provoquer, ce qui n'est jamais complètement étranger à mes joutes avec toi, je te dirais que la dernière fois que j'ai vu faire un tel pari, c'était dans une conférence donnée par Emile Choufani, "le curé de Nazareth", à laquelle j'assistai depuis la zone industrielle de Mulhouse. Emile Choufani était Palestinien, Israël était sous un gouvernement Charon. Peut-on dire que Charon fut plus favorable aux Palestiniens que ne le fut par la suite la sotte droite de Netanyahou? Ce n'est pas complètement impossible puisqu'avant de tomber malade et après avoir provoqué la troisième Intifada en se rendant sur le mont du Temple ou sur l'esplanade des mosquées, cette dernière désignation convenant mieux au caractère arabe de Jérusalem Est, Charon se recentra en créant Khadima, et proposa un programme législatif qui n'aurait pas déparié de ce qu'annonçait Ehoud Barakà ses débuts comme premier ministre. 



    2. "L'électorat fait les députés et les députés ne font pas l'électorat." Il y a sans doute un peu des deux.  Mais il est vrai que même un Mélenchon a dû revoir ses positions sur la laïcité pour que son électorat ne soit pas un repaire de barbons et agglomère autre chose que des profs aux cheveux gris, blancs ou sales, se préparant à prendre leur retraite. 



    3. "Les gens du sens qui se trouvent épars en toute formation politique pourraient converger, rien ne les oppose les uns aux autres fondamentalement." L'archevêque de Paris, le rabbin Bernheim et la communauté musulmane ont fait "le front des religions" pendant "la Manif pour tous" bien que le cal Vingt-trois s'en soit défendu, préférant marquer qu'ils se rencontraient sur un terrain anthropologique, les deux pouvant se plaider. Moi-même je n'ai pas été fâché que les catholiques puissent se compter à l'occasion de ce mouvement auquel je ne participai guère, pensant qu'une vraie séparation des Eglises (comme on dit par facilité en intégrant la synagogue ou "l'Eglise musulmane") et de l'Etat commandait que les premières ne se mêlent pas d'interdire à celui-ci d'autoriser un acte civil unissant deux personnes du même sexe, et il fallait se porter sur l'interdiction de l'homoparentalité en s'en tenant là. Mais ici s'arrête la convergence de nos vues: tu ne feras jamais assez de jérémiades quand on demandera à une femme voilée de montrer son visage et je serais prêt à la défendre avec toi si tu acceptais de laisser vivre libres les femmes voilées et les femmes qui se baignent seins nus."

vendredi 10 juin 2022

"Le monde se retourne et l'Occident regarde ailleurs"


#Pierre-YvesRougeyron est un drôle de phénomène. Entre le satiriste un peu foutraque qui carbure à on ne sait trop quoi et le géopolitologue remarquable, juvénile, potache, pas spécialement bien formé (il[n'a] fait [que] l'école de guerre), mais  merveilleusement bien informé. Pierre-Yves Rougeyron, c'est le shit et le général De Gaulle, c'est les bouquins et la baston, c'est Sylvester Stalone et le souverainisme. Au début des années 2000 (le vieil auditeur de #Radiocourtoisie que je suis s'en souvient), il créait le #CercleAristote qui promettait de ne pas aller beaucoup plus loin qu'un cercle d'étudiants désireux de se former et de refaire le monde en buvant des coups et peut-être en fumant des joints. 


Pierre-Yves Rougeyron est souverainiste. Le souverainisme paraît une base un poil étriquée pour comprendre le monde. Mais selon le paradoxe de la pensée close dont je ne me lasse pas et qui est que, plus on le regarde par une meurtrière de son bastion et mieux on en voit les détails et on sait le comprendre et le penser, Pierre-Yves Rougeyron dément ce préjugé. A l'entendre vous le décrire et naviguer entre les diplomates et les pays, il y vogue comme un poisson dans l'eau en n'y faisant que des voyages immobiles, sauf lorsqu'il se rend au Cambodje pour visiter sa belle-famille.


Pierre-Yves Rougeyron, c'est le type qui vous dit que "l'Europe, on l'aime ou on la quitte" et que lui la connaît de l'intérieur pour avoir été (simple) assistant parlementaire de Jean-Luc Schaffauser. N'empêche que, quand il vous décrit le Parlement européen, la série "Parlement", actuellement diffusée sur #France5, a l'air d'être tout droit sortie de ses analyses. 


C'est le type qui a inspiré les #GiletsJaunes et introduit le seul élément avec lequel #MarineLePen a créé un électrochoc en 2017 quand elle popularisa sur le plateau de #LaurentRuquier la thèse de son livre sur la loi de 1973, qui révélait que Georges Pompidou régnant, il fut signé une loi interdisant à l'Etat français de recourir à la banque de France pour réaliser ses emprunts, lesquels ne devaient être souscrits qu'auprès du marché et des grandes banques où se négocient (et qui truquent) ses transactions.


Pierre-Yves Rougeyron est né en 1986, ce qui, aujourd'hui où il n'existe plus de grand corps d'Etat ni de grande école capable de former des non héritiers à une pensée complexe et complète de la réalité du monde, en fait un homme très jeune. Et pourtant, il connaît sur le bout des doigts ce qu'#AymericChauprade appelait les "constantes et les changements" de la géopolitique dans le dictionnaire sommatif qu'il rédigea en la matière avant d'être démonétisé.


Dans la vidéo que je partage, entre (environ) la 24ème et la 43ème minute, Pierre-Yves Rougeyron "repeint le Moyen-Orient", dessine un axe Tel-Aviv, Ankara et Riyad qui en assure le leadership,  fustige l'illusion occidentale que l'Iran et le Venezuela que nous avons tant maltraités vont abonder notre besoin en pétrole sans nous le faire payer très cher, note que la Chine (au pouvoir de qui il est de déclarer les US en faillite puisque la dette américaine est pour une très grande part détenue par elle)est obsédée par la souveraineté alimentaire, oppose en creux l'universalisme conquérant et sans idéologie de la Chine à notre "universalisme restreint", relate que l'Egypte libelle désormais  ses transactions en Yuan, la monnaie chinoise que ce pays voulait mettre en avant pour mettre fin à l'hégémonie du dollar. Il révèle qu'Israël est depuis l'ère Netanyahou et malgré l'occidentalisme    de Naftali Bennett tenté par le monde multipolaire et lorgne vers la Russie et la Chine. Il  conclut par cette phrase aussi péremptoire que celle par laquelle il déclarait que la guerre froide n'avait jamais été qu'une production hollywoodienne: "Le monde est en train de se retourner, mais l'Occident ne s'en rend pas compte. Il est dans un bug de la post-modernité où il ne sait faire que de la guerre froide ou des guerres de proxis. En Ukraine (où plus de la moitié de la communauté internationale et aucune puissance moyen-orientale n'approuve ses positions), il nous rejoue la guerre de Yougoslavie côté croate. C'est évident, l'Ukraine, c'est les Balkans, acte II."


https://www.youtube.com/watch?v=Egm-aptI5GY 

jeudi 2 juin 2022

Pap Ndiaye, ministre militant

Je suis en train de lire le maître-livre de Pap Ndiaye dans ses études françaises, "La condition noire", pour me faire une idée de cet intellectuel. Au vrai, il est plus proche de l'indigénisme que d'une histoire classique. Il se dit très attaché au "monde associatif" des Noirs de France qu'il fréquente "depuis quelques années", écrivait-il en 2008. Il fait de la socio-histoire à la serpe. Selon lui, "la race" n'existe pas comme catégorie biologique, mais ce concept imaginaire est très utile pour lutter contre la discrimination. Sous-entendu, les races n'existent pas, mais le racisme existe. "Les nations" sont aussi des "catégories imaginées". Elles reposent en effet sur des mythes fondateurs, mais faut-il tout démystifier? Pap Ndiaye est contre le "communautarisme", mais pour le "minoritarisme". Les Noirs sont minorés, allègue-t-il. Ils n'existent pas assez, Georges Dilinger aurait dit qu'"ils sont naturellement (sic) réduits en mminorité" (au sens ils seraient comme des enfants mineurs, à l'instar des femmes (esic)).

J'en suis au chapitre 3, qui dresse une histoire synthétique et pas assez fouillée des Noirs en France. Sous des dehors très scientifiques, on s'aperçoit qu'il n'y avait que peu de Noirs affranchis présents dans les ports négriers de la métropole, qui se rendaient souvent coupable de "rixes"; que certains entraient dans la domesticité de nobles dames où ils avaient remplacé les singes; mais que l'esclavage était interdit dans la France métropolitaine, ce qui a donné un désir de France aux Noirs américains qui découvraient au début de l'entre-deux-guerres cette absence de ségrégation.

En revanche, il y a toujours eu un peu les mêmes a priori contre les Noirs: on a souvent tenté de soumettre leur présence à une autorisation de l'amirauté; il y avait une police des Noirs dont on ignore quand elle a été abolie, car le XIXème siècle documente très peu la présence des Noirs en France: Pap Ndiaye ne cite pas Maupassant qui parle beaucoup des Tombouctou ou dont les héros de la nouvelle "Boitel" refusent la fiancée de leur fils parce que "tout de même, elle est trop noire", en quoi ils ne se distinguent guère des  "Noirs coloriste" que Pap Ndiaye étudie au chapitre précédent,  où les Noirs établissent entre eux une hiérarchie sociale, qui valorise les plus clairs et dévalorise les plus sombres.

Dès l'Ancien Régime, on ne permettait pas aux Noirs d'épouser une Française par crainte d'abâtardissement de "la race française". Plus de constantes que de changements dans une société qui craignait déjà l'hétérogénéité alors que les Noirs ne représentaient qu'"une part infime" de la population, comme le souhaitait De Gaulle.

Le wokisme me paraît un phénomène aussi naturel que le communautarisme, lequel est dangereux parce que "les sociétés multiculturelles sont multiconflictuelles" dans leurs "combinaisons identitaires" où les identités doubles ou triples priment les identités simples des mononationaux, qui n'ont qu'une voix dans leur pays, ce qui est une discrimination démocratique, et pas un endroit où se retirer. Quand j'étais petit, je m'étais imaginé un héros ancien esclave (je l'avais appelé Garmand Alain) qui avait réduit en esclavage tous les Blancs qui tombaient sous sa juridiction. Je jouais le rôle de cet ancien esclave, mais J'avais intériorisé la vengeance  que valait aux opprimés des générations précédentes ma culpabilité de Blanc (dire qu'on met maintenant des majuscules à Blancs et Noirs comme si ces noms de couleur désignaient des nationaux). On chercherait en vain un "privilège blanc" dans notre société.  

L'histoire de Pap Ndiaye n'importe-t-elle pas une "machine ressentimenteuse" au sein d'une Education nationale qui n'a pas besoin de ça? Et une histoire imaginaire où tout est socialement construit et où "le fait d'être noir" comme s'intitule le premier chapitre de son livre, se réduit au "fait d'être considéré comme noir", car il y a une limite à la négation du visible: c'est la couleur de la pigmentation. Pigmentation et segmentation doivent-elles devenir les deux nouvelles mammelles de l'école? Mais ma métaphore mammère est suspecte, car le lait est blanc...

En tout cas, Emmanuel Macron a bien su tirer la leçon de sa réélection. Il a moins nommé l'anti-Blanquer (je me garderais de dire l'anti-blanc) que celui qui réaliserait le contraire du modèle zemmourien de scolarisation. Pap Ndiaye s'inscrit dans la lignée des ministres militants à la Vincent Peillon. Moi qui n'aime pas des concepts comme l'"islamo-gauchisme", je crains avec Pap Ndiaye l'efflorescence tribale dans la République indivisible, qui a autant tort d'imposer son universalisme abstrait que de naturaliser des minorités avant qu'elles ne se sentent françaises et que ce sentiment ne soit leur plus petit dénominateur commun, ce qu'Eric Zemmour appellerait l'assimilation, pas moi, car je ne suis pas cannibale, je ne désire pas m'assimiler autrui.