1. Ce devait être au début de l’année 1986. Je regarderais
sur Internet, je le trouverais tout de suite, mais je n’ai pas envie de
vérifier. Après tout, les souvenirs ont aussi leur genre de précision. A
l’époque, on croyait à la décentralisation, mais à la décentralisation qui évite
à la province de devenir un désert, pas
à la décentralisation administrative, qui rapproche les régions sous prétexte
de proximité.
Les radios délocalisées de « radio France »
commençaient à émettre 24h/24 comme les chaînes régionales de « « FR3 »
émettaient trois heures par jour. Depuis lors, Laurent boyer fait le régional
de l’étape sur « France 3 » tous les midis et à partir d’une certaine
heure, on fait le raccrochage national des radios locales de « radio
France » et de « radio bleu », qui ne donne de signe de vieillesse
que d’avoir engagé Evelyne Adam, transfuge de « radio Montmartre »,
pour parler aux anciens.
Je voulais être de ce premier matin du monde, où « radio
France Alsace » inaugurait sa matinale avec Hervé Chevalier. C’était gai, c’était
punchy. Pour un peu, moi qui avais pris l’habitude de me lever à 6h moins 8mn
pour remettre au matin la corvée des devoirs du soir en écoutant les matinales
de « France inter », j’allais être dissipé dans mon ajournement. Je ne croyais pas si
bien dire.
Pour cimenter l’auditoire segmenté de ceux qui quittaient
l’écoute assidue de la matinale de « France inter » pour devenir les
matinaux de « radio France Alsace », Hervé Chevalier avait imaginé de
lancer un jeu. En ce premier jour du lancement de « radio France
Alsace », il demandait aux auditeurs de reconnaître un chanteur. En
l’occurrence, il fallait lui dire qui était l’auteur, le compositeur et l’interprète
de « Ma demoiselle de déshonneur ». Je ne comprenais rien à cette
histoire de séchage de cours, tournant, par séchage de confesse, à une histoire
de fesses et, qui plus est, au premier « essai royal » d’un puceau.
Seul m’importait de dépuceler l’émission et d’être le premier à faire ma
proposition. Je crois que j’y réussis, mais mon coup d’essai ne fut pas un coup
de maître, je ne trouvai pas Claude Lemesle.
2. Dans les années 80, lorsqu’il
arrivait aux radios libres de repasser, trop souvent à mon goût, une émission sur les années 60 et les
« yéyés », je me demandais ce que deviendrait la musique en l’an
2000. Et je me disais que, puisqu’on était passé du bougui bougui à cette
espèce de tristesse agressive et lancinante encore plus pauvre en accord que le
bouguibougui des yéyés, on ne pourrait que régresser vers un équivalent de ce
que je ne savais pas qu’on appellerait la techno. Mais ce que je n’imaginais
pas, c’est que, comme on aurait atteint « le degré zéro de la
musique », on en rajouterait dans une tendance que je n’aimais pas dès les
années 80 : on aurait une telle nostalgie de la variété nulle d’il y a
vingt ans qu’on ne ferait plus que l’écouter. Encore, dans les années 80, les
émissions sur les années 60 étaient-elles rares. Mais dans les années 2000,
presque toutes les émissions de variété enfilent les tubes recyclés des années
80.
3.
Je ne sais pas pourquoi, moi qui me demandais au début des années 80 ce que
deviendraient les années 2000, chaque fois que Frédéric Taddeï demande à ses
invités de l’ »Europe 1 social club » ce qu’ont apporté les années
2000, cela m’agace. Pourtant, ce soir, il y eut une belle brochette de
réponses. Dominique A. a répondu : « La rétromania » ;
Jean-Pierre Daroussin a répondu : « Rien du tout ; » et un virtuose
dont je n’ai pas retenu le nom a répondu par les expériences pédagogiques, qui
consistaient à initier les élèves musiciens à devenir virtuoses par l’orchestre,
expérience qu’on fait en Allemagne tous les après-midis dans les vraies
activités d’éveil et périscolaires qu’organise ce pays depuis des lustres.
4. Il m’était arrivé de déjeuner avec le président de la
SACEM du temps que c’était Piere Delanoë, je veux dire dans le même restaurant
que lui, un restaurant de la rue Blanche, le même qu’avait fréquenté un jour en
ma présence Jean-christophe Mitterrand, pour qui sa mère avait fait la quête une
veille de Noël, afin de sortir de prison « Papa-m’a-dit », que le
juge qui « [suait] la haine » avait incarcéré pour ses malversations
africaines. Mais jamais je n’avais pu lier avec le grand parolier qui aurait pu
protéger mes droits d’auteur. Et jamais je n’ai été admis à la SACEM à cause de
mes « tercets viennois », que j’eus
la mauvaise idée d’enregistrer sur mon CD : « En franc tireur »
en ne pensant pas que, faisant un montage où figuraient divers extraits du
« concert du nouvel an », j’aurais dû m’assurer de l’autorisation de pouvoir
les faire figurer sur mon CD confidentiel, produit par une association
tiphlophile animée par une espèce d’escroc, qui faisait croire à ses artistes
que leur disque allait les lancer, alors que l’association ne faisait que les
offrir en récompense à ses généreux donateurs, stratagème imaginé par cet
escroc, mais qui ne fut pas à l’origine de sa liquidation judiciaire où
l’escroc ne fut pas inquiété, , qui avait été engagé par la fondatrice parce qu’il
avait travaillé dans une boîte américaine et savait coment faire rentrer du fric,
c’était lui-même qui me l’avait dit dans le restaurant fréquenté par
Jean-christophe, où Pierre delanoë avait aussi son rond de serviette. IL faut
dire que l’escroc était un artiste raté et qu’il en avait la dégaine un peu
râpée.
Or une nuit, le nouveau Président de la
SACEM, Claude Lemesle, qui avait remplacé Piere Delanoë et organisait dans
Paris des ateliers d’écriture pour apprendre à des auteurs de chanson à devenir
des paroliers hors paire, eut l’idée saugrenue de balancer son mail à
l’antenne. Je ne l’eus pas plus tôt entendu que je me levai de mon paddoc et
lui envoyai un mail avec mon CD en pièce jointe.
A
mon grand étonnement, il me répondit qu’il n’arrivait pas à ouvrirma pièce
jointe, mais désirait que je lui envoie mon CD par voie postale à son domicile
dont il me donnait l’adresse. Je m’exécutais sans grand espoir, et fus une fois
de plus surpris de me voir adresser un nouveau mail, m’engageant à lui donner
mon numéro de téléphone et à prendre un rendez-vous téléphonique.
Je
croyais ma carrière faite, et tâchais de me renseigner sur ce qu’avait été
celle d’un Monsieur dont je ne savais presque rien, sinon qu’il avait écrit
« La demoiselle de déshonneur » dont je n’avais pas su être « le
biquet », qu’il animait des ateliers d’écriture et qu’il avait une voix
qui avait vieilli pour 67 ans. A la réécoute, elle n’avait pas tellement
défraîchi, c’est moi qui l’entendais plus jeune qu’elle n’était lorsque j’étais
plus jeune, lorsque moi-même avais treize ans et ne trouvais pas la fente de
« la demoiselle de déshonneur » pour la détrousser en « un quart
d’heure »…
Le
président Lemesle fut ponctuel et, avec la politesse d’un roi, m’appela au jour
et à l’heure dite. Il trouvait que mes rimes étaient trop régulières et me
donna le conseil de les varier un peu et de moduler ma mélodie. Marie-véra
m’avait dit la même chose. Je commençais à me dire que ce n’était pas gagné.
C’est alors que vint son aide la plus décisive. Il me dit qu’il avait pris
l’habitude d’appeler ceux qui le contactaient parce que, s’il leur écrivait,
ils ne les croyaient pas. Et ce qu’il avait à leur dire, c’était qu’il ne
pouvait rien pour eux, car les maisons de disques avaient tout verrouillé et tellement
pris l’habitude de travailler avec les mêmes, que lui-même se trouvait en bas
de la pile. Récemment, on ne l’avait pas retenu pour le dernier album de
Johnny. S’il était en son pouvoir d’aider quelqu’un, il aurait privilégié ceux
qui participaient à ses ateliers d’écriture, payaient cher pour apprendre à
écrire de bonnes chansons et n’en tiraient aucun bénéfice.
Je
trouvais ça un peu pervers. Au téléphone, le Président de la SACEM pleurait à
mon oreille sur l’état de la création : « C’est que les maisons de
disque, ma bonne dame, ont tout verrouillé. Je l’ai dit à Jean-Jacques, mais il
ne peut rien faire. » « Toute la vie… ! »
UN
de mes premiers profs de musique, Marc Baumann, m’avait dit que je connaissais
Gounod par son intermédiaire, qui avait un élève dont le grand-père avait été
l’élève du grand Charles faustien. Et maintenant, je connaissais aussi Jean-Jacques
par le truchement de ce pauvre claude-Méphisto, que je consolais, en
l’écoutant, lui qui aurait dû protéger et promouvoir la création, se demander
pourquoi les maisons de disque, plus les supports se multipliaient qui auraient
dû diversifier la production, donnaient dans « radio nostalgie »
depuis le début des années 2000, qui n’avaient rien apporté des utopies domotiques
et robotiques qui nous en étaient promises, sinon le saignement des peuples par
les machines à calculer leur dette, nous avaient supprimé à peu près tous les
films sur la centaine de chaînes de télé du câble et du satellite alors qu’il y
en avait trois par soir quand il n’y avait que trois chaînes, et avaient réduit
la variété à « radio nostalgie », en pleurait le président impuissant
et déshonoré de la SACEM !