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vendredi 30 novembre 2018

Les gilets jaunes et la démocratie

Réaction à la charge de Patrice Charoulet sur son blog, reprenant un article de Guillaume Perraud du "Figaro", contre une prétendue origine rousseauiste du pouvoir au sein des Gilets jaunes, qui s'exercerait sur le mode de la démocratie directe. Vous êtes contre la démocratie directe, je suis archi pour. Je ne saurais donc être moins d'accord avec vous sur un sujet qui m'a toujours été cher, moi qui suis pour la démocratie directe depuis ma plus tendre enfance et qui n'ai jamais changé d'avis depuis, preuve que je dois être un imbécile, selon l'adage bien connu. Rousseau a toujours tenu (et en cela la tradition des Lumières ne se séparait pas de la tradition scolastique) pour l'égale dignité en droit des régimes aristocratique, monarchique et démocratique, le meilleur des régimes étant celui qui, à la fois convenait à la nature du pays considéré, du climat et et du peuple qui l'habitait, et constituait un mix heureux de tous les régimes, le plus équilibré des régimes étant, pour les philosophes des Lumières comme pour la tradition antique, la démocratie tempérée par l'aristocratie, en quoi ces philosophes se montraient opportunistes, car étant imbus de leurs chères études généralement faites dans le désordre comme Rousseau l'avoue à propos de sa formation d'autodidacte qui commença par être nourri au biberon des romans dont son père berça son enfance, ils se ménageaient un rôle de législateurs et se prenaient pour Solon. Mais il y a un paradoxe qui est une constante de la réputation des philosophes des Lumières: ils ont préconisé la démocratie comme le régime des petites cités et la démocratie est devenue la norme que l'Occident de tradition monarchique a voulu imposer au monde. La philosophie raffole de ce genre de contresens, qui fait par exemple du sujet, étymologiquement le plus soumis des hommes, l'individu autonome, parangon du personnalisme occidental. La nature contractualiste de l'Etat rousseauiste rend difficile de déterminer auxquels rares moments une démocratie effective joue un rôle dans les cités dont le citoyen ne doit pas chercher à être signataire du contrat qui le lie à tous. Augustin Cochin a démontré que le jeu de ppouvoir que créait la différence de savoir au sein du Tiers-Etat, comme l'élitisme des sociétés de pensée, a très vite destitué la discussion qui était censée s'être établie depuis la rédaction des cahiers de doléances au peuple au profit des Clubs comme celui des jacobins. Ces clubs firent du peuple vis-à-vis duquel ils étaient censés pratiquer une éducation populaire un enfant démocratique, c'est-à-dire littéralement un être qui n'a pas droit ou est privé de la parole. La démocratie confisquée par la tyrannie des sachants aboutit à une antienne comme celle consistant à répéter qu'il faut "faire de la pédagogie", tant le peuple est ignare. Les gilets jaunes font-ils acte de démocratie directe? Ils me semblent plutôt faire preuve de démocratie participative. Ils se cooptent par Internet sans qu'on puisse vérifier la régularité de la représentation qui s'ensuit, à moins qu'Internet n'instaure une nouvelle forme de régularité où s'exprime et prend parti, à la fois celui qui est le mieux outillé au risque de creuser une fracture numérique, et celui qui se sent le plus concerné. (Voir ici: https://blocnotesdepatricecharoulet.blogspot.com/2018/11/le-30-novembre-2018-rousseau-et-les.html?showComment=1543606146108#c1833993240968446944

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