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lundi 5 novembre 2018

La PMA pour toutes


Commentaire posté sur le blog de Philippe Bilger au pied de l’article :

 

https://www.philippebilger.com/blog/2018/11/pma-on-a-le-droit-dh%C3%A9siter.html

 

Cher Philippe,

 

Tout d'abord et pour commencer par le PIF (le paysage intellectuel français), François-Xavier Bellamy et Jean-Claude Michéa sont-ils aux antipodes l'un de l'autre? Il ne me semble pas. L’un est un catholique qui conjugue sa morale sociale en déguisant son langage de manière que son verbe puisse être entendu dans les médias. L’autre est un intellectuel de gauche partisan de la « common decency » qui préfère une fraternité et une solidarité naturelles à un échange de gamètes sans acte sexuel.

 

« Le fait que pour l'instant un consensus assez général se dégage pour refuser la gestation pour autrui (GPA) - avec la marchandisation du corps humain qu'elle implique - ne nous aide guère pour avoir un parti clair sur la procréation médicalement assistée (PMA) », écrivez-vous. Or la gestation pour autrui implique-t-elle nécessairement "le lucre du corps"? Une "transaction parentale" ne pourrait-elle pas se négocier entre trois amis dont deux formeraient un couple gay et la troisième serait une femme habitée par un désir d'enfant ou simplement désireuse de venir en aide à ce couple d'amis homosexuels incapables d'enfanter par les voies de la biologie? Ce qui se joue dans votre remarque me paraît davantage d'agiter ce consensus que d'accepter sans discussion l'axiome de cette impllication marchande dans une homoparentalité plus naturelle ou dans une parentalité mixte, si la femme qui choisissait de venir en aide à ses amis homosexuels refusait de se retirer du jeu parental et que les parties en soient convenues dès le départ, instaurant une parentalité à trois, mais rien n'interdit, à l'heure des familles recomposées,  d'ouvrir sérieusement le débat sur le poly-amour, qui n'est pas chimérique. Rien sinon les prescriptions religieuses qu'à titre personnel je respecte tout en ne m'interdisant pas de m’interroger sur elles, et qu'il faut écarter, non pas du débat public, mais comme sources exclusives de législation démocratique. Abondance de référents parentaux ne devrait pas nuire, même pour les tenants de "la manif pour tous", qui n'ont pas faiblement contribué à la brutalité du débat sur "le mariage pour tous" et s'emploient désormais à diffuser la fiction que, si nous acceptons la PMA pour toutes, la norme deviendra la fécondation artificielle. La parentalité n'est pas condamnée à être duelle ou un duel que l’on provoque contre l'enfant à naître. Et même, à tout prendre, la mise en route d'un enfant par le concours de trois partenaires parentaux d'accord entre eux me paraît moins choquante que l'adoption d'un enfant par un couple homosexuel masculin, qui veut imposer ses rapports non pas contre nature, mais antibiologiques parce que nuisant à la reproduction de l'espèce, comme une contre-norme sociologique, au grand dam de l'enfant qui, comme s'il ne suffisait pas qu'il eût été abandonné au début de sa vie, se voit chargé de porter la légitimité et la fécondité sociale de l'inclination sexuelle de ses parents adoptifs.

 

Selon vous, la PMA pour toutes a déjà été tranchée par le mariage pour tous. Je serai plus radical et dirai pour le regretter que la PMA pour toutes a déjà été tranché par la PMA tout court, c'est-à-dire par l'acceptation qu'on puisse fabriquer un homme artificiel, indépendamment, moins de la norme biologique en tant que telle que du présupposé affectif par lequel on se représente la norme biologique, présupposé que traduit le langage courant en parlant de "faire l'amour". La PMA a fait apparaître que l'amour des parents doit être remplacé par le désir de l'enfant. Mais que se passe-il si ce désir n'existait pas? L'enfant sera-t-il condamné à en souffrir toute sa vie? La common decency d'une famille non sadique fait qu'on ne lui dira pas qu'il n'a pas été désiré. En souffrira-t-malgré tout? Cet absence de désir préalable est-elle un traumatisme irrémédiable?

 

Si la tension formulée par le comité d'éthique est l'absence du droit à l'enfant au service du droit de l'enfant, "l'appétance d'un enfant", non à soi, mais de soi, ne pourrait-elle pas se transcender dans l'adoption devenant la norme, avec une législation devenant beaucoup plus souple à cette fin, et n'interdisant pas à l'enfant de retrouver ses parents biologiques comme il y aurait triparentalité dans le cas où un couple homosexuel masculin et une femme se mettraient d'accord pour être parents ensemble et à part entière, mais parents à trois?

 

"La médiatisation de Marc-Olivier Fogiel" n'aide guère à la sérénité du débat. Mais pourquoi, dans une démocratie mature, tous les débats doivent-ils être médiatisés par ce qui arrive dans le petit monde du show biz? Les idéeset les exemples "anonymes" forment-ils une matière impropre à la réflexion de tous?

 

En résumé, à mon avis:

 

-Oui à la GPA des couples homosexuels masculins trouvant une amie pour porter l'enfant, y compris dans une parentalité partagée.

 

-Non à l'adoption d'un enfant par les couples homosexuels masculins, qui font porter à un enfant qui a déjà souffert la responsabilité sociologique de l'identité de ses enfants adoptifs. Une plus grande tolérance à l'égard des couples homosexuels féminins en raison de l'instinct maternel.

 

-Si c'était à refaire, non à la PMA au nom du rôle censé être dévolu à l'amour dans l'acte d'engendrement normal.

 

-Puisqu'on ne peut plus rien y changer, oui à la PMA pour toutes, mais dans un effort législatif visant à prendre en compte l'avertissement du comité d'éthique "pas de droit à l'enfant, mais les droits de l'enfant" en favorisant l'adoption, avec moins d'adoption plénière et moins de concurrence entre les parents biologiques et les parents adoptifs dans une adoption plus facile et plus généreuse.

1 commentaire:

  1. Transmis par le Croissant de lune sous le titre: "La GPA n'est pas nouvelle".
    Mon Torrentiel, je viens de lire ton billet, peut-être tes
    contradicteurs s'inquiètent quand-même à juste titre, je ne tranche pas.
    Mais la GPA ou plus précisément, le don d'un enfant à un couple stérile
    et pas forcément pour de l'argent mais grattuittement, ça a existé dans
    les sociétés dites traditionelles hors de la vigilance de l'état civil.
    Enfin, la demande d'une femme qui n'avait pas d'enfants de prendre comme
    sien l'enfant d'une parente en ayant en nombre, cette demande était
    récurrente, le plus souvent refusée mais pas toujours, si j'en crois les
    souvenirs lointains de ma propre famille au sens large. Je ne peux pas
    l'attester, mais il y aurait eu un don d'enfant, d'un garçon à un couple
    n'en ayant pas et ne pouvant en avoir, en un temps où la PMA n'existait
    pas, ou bien eux n'en savaient rien et n'y avaient pas accès. Je suis
    presque sûr que pareille chose arrivait parfois en milieu Européen, pas
    souvent, c'est dur de donner un enfant, mais,... Je ne parle pas de
    couples hommossexuels bien entendu.

    Bonjour mon Torrentiel, d'accord, mets-le en commentaire parA y réfléchir un peu plus, je ne suis pas sûr que ce
    soit un don total, en tout cas, c'était pas à la naissance parce qu'une
    femmme stérile sauf erreur, n'a pas de lait et en ce temps-là, au tout
    premier âge, il n'y avait pas beaucoup d'alternative au lait maternel.
    Enfin, l'alaitement était long, mais si la femme manquait de lait où
    n'en avait plus, on complétait avec du lait animal, voire l'enfant
    tétait une chèvre laitière. Et ce qu'on apelle maintenant le lait
    maternisé, ben ça existait aussi, les femmes qui avaient plus de lait
    que nécessaire allaitaient un peu les enfants des autres. Mais à
    condition qu'on s'en souvienne plus tard parce qu'il est défendu de
    marier des frères et soeurs de lait. Donc pour en revenir à ce don
    d'enfant, ça ne pouvait se faire qu'après le temps d'alaitement, mais si
    la femme stérile parente de la mère était voisine, ça n'avait guère
    d'importance, l'enfant habitait dans sa maison sans que ça fasse de mal
    à personne.

    En ces temps-là, les choses étaient plus simples qu'aujourd'hui, on serait surpris de choses qui paraîtraient aujourd'hui
    révolutionaires. Y compris en milieu Européen, à part dans la petite
    enfance, l'enfant et surtout le garçon ne restait pas longtemps dans la
    maison. Pour aprendre un métier, comme on craignait de n'être pas assez
    sévère ou exigeant, on le confiait à un autre dans le monde paysan et
    artisan.

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