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vendredi 29 mai 2015

Scène de rue


Ce matin, un peu choqué d’avoir manqué avant-hier d’être renversé par une voiture électrique, j’appréhendais prudemment le quai du tram à destination de la gare, et une passante avait accosté pour moi une passagère qui acceptait de me dire à quel moment ce serait mon tram qui ariverait à quai, quand nous fûmes, ma mentauresse et moi, bousculée par une gamine qui nous demanda de ne pas prendre ombrage de ce qu’elle se fît une ombrelle de nos corps étant donné qu’elle se cachait. Pourquoi se cachait-elle, demanda la dame. Elle se cachait pour bleuter, répondit l’adolescente. Elle trouva ce verbe au moment où j’allais lui demander si c’était pour sécher qu’elle se cachait. Non, elle ne séchait pas, elle bleutait. Et pourquoi bleutait-elle, renchérit la dame. Elle bleutait pour ne pas aller en cours. Et pourquoi n’allait-elle pas en cours, s’enquit la dame. Elle voulait rater la cuisine, s’excusa la jeune fille. Et pourquoi voulait-elle rater la cuisine, du moment que la cuisine allait lui servir toute sa vie, prêchais-je en veine de refonder une école ménagère et des cours de maintien. Parce qu’elle était kossovare, s’abattit la petite sécheuese.

« Tu n’as pas conu la guerre ! moralisa la dame.

Si, corrigea la jeune fille.

Tu n’as pas connu la guerre. C’est pourquoi tu ne peux pas comprendre le prix d’une école. Les petites népalaises, tes payses, font des kilomètres pour aller à l’école. Et toi, tu ne saisis pas la chance d’avoir des cours de cuisine.

 

La petite Léonarda était parvenue à conjurer la leçon. Je dis à la dame que, si on n’avait pas fait une obligation de l’école, cette petite n’aurait pas conçu le désir de la transgresser. Et je regrettai que la jeune kossovare accueillie dans une république scolaire et sa professeur dans une autre école ou dans une vie future vivaient dans deux mondes étrangers.

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