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jeudi 13 décembre 2012

"Pennequin remue le couteau dans la plèbe"

(réaction à l'article éponyme des "Cahiers livres" de "Libération" (consultable sur www.liberation.fr Cet article me faitpenser, pêle-mêle, à la chanson de Gilbert Lafaille, "Moi, j'ai rien à chanter", à celle de Michel Jonas sur "Les vacances" ("et nous, on regardait passer les bateaux, On mangeait des glaces à l'eau", à celle (Mais Charles Pennequin accepterait-il la comparaison ?) de Daniel Guichard, "Mon vieux " : "Papa", dit-il à son père comme ce chanteur, "pourquoi tu t'es fait avoir et pourquoi, moi, je ne t'ai pas parlé"! En filigramme bien que plus lointainement, j'entends aussi la chanson de Pierre Perret : "c'était un soir, messieurs, mesdames, Où la télé était en panne." Et tous les voisins de s'indigner qu'"Un gouvernement libéral Puise tolérer un tel scandale !" Pourtant, à l'époque de la jeunesse du poète, on n'en était pas à la situation paradoxale d'aujourd'hui, où l'offre télévisuelle s'est considérablement enrichie en termes de chaînes et appauvrie en termes de création : on a toutes les peines du monde à trouver un film par soirée sur les chaînes herziennes. Situation paradoxale qui est similaire à celle de la musique, un peu comme si les maisons de disque n'avaient plus de directeur artistique et si on s'était arrêté, en matière de création musicale, aux années quatre vingts, dont les chanteurs, en france ou dans les pays anglo-saxons, ont une longévité qui n'a rien à envier à celle de Jean-Pierre Elkabbach ou d'Yvan Levaï à la radio, qui ont tous les deux soixante-quinze ans bien sonnés, et ne passent pourtant pas la main. Voilà des gens qui ne sont pas assujettis à "la retraite à soixante ans", ni aux mêmes obligations que celles des professeursde médecine (le cas célèbre du pr Luc Montagnier est encore dans toutes les mémoires), contraints de quitter la scène (française) à soixante-dix ans, le professeur cabrol, gardant un bureau à la salpêtrière quoique né en 1925, restant une exception à ce principe inamovible, dont on se demande comment "un gouvernement libéral" peut "tolérer un tel scandale" de longévitéprofessorale... Pour autant, il y a un paradoxe entre le propos de charles Pennequin et le fait qu'il s'illustre dans un genre dont il contribue à entretenir un certain élitisme, en adoptant comme présupposé que la poésie n'a plus de lecteurs, mais aussi en ne rendant pas toujours sa lecture attrayante. C'est un peu le même paradoxe, dont j'aimerais bien avoir la clef, qui a couru tout au long de l'oeuvre de Pierre Bourdieu, qui n'a cessé de dénoncer "La distinction" et "Les héritiers", qui s'est enquis de "Ce que parler veut dire", tout en écrivant dans un langage infiniment précieux, jamais simple, abordable par ceux auprès desquels ses analyses de "sociologie prescriptive" auraient été les plus utiles : les prolétaires, précisément. Dans le film que Pierre Carl avait consacré à Pierre bourdieu, "LA SOCIOLOGIE EST UN SPORT DE COMBAT", avait lieu une scène où le sociologue voulait exporter "la bonne parole" en banlieue, mais où un membre du public avait voulu "se faire bourdieu", lequel protesta qu'il venait là pour fournir à son auditoire "un appareil critique" et scientifique et les clefs d'une insurrection, dont cet auditoire ne comprenait pas le plan, ni les soubassements idéologiques, puisqu'ils étaient expliqués en termes si obscurs, dans "la langue des dominants", sous prétexte de "complexité", insurmontable, indémontable, insimplifiable. On retrouve le même constat chez Marx qui disait à peu près que les rentiers et les oisifs étaient les seuls à pouvoir émanciper les travailleurs et que c'était là un des aspects du rôle historique qui incombait à la bourgeoisie. L'expression "travail de poésie" n'est pas sans être symptomatique. Qu'on est loin de la distinction d'Hanah Arendt (dans "LA CONDITION DE L'HOMME MODERNE", entre "travail" (dévolu plutôt aux artisans), "oeuvre" (le fait des artistes) et "action", concept plus politique et plus... complexe, résultant en partie de l'interaction et de "la division du travail". Le fait de penser "la poésie" comme un "travail" ne reprend pas seulement la célèbre distinction d'edison, selon laquelle "le génie représente 5 % d'inspiration et 95 % de transpiration", il correspond à un désoeuvrement, à un "refus de l'oeuvre" qui s'inscrit dans cette prédiction du structuralisme des multiples "morts" "du langage", "du sujet" et de l'homme". Le langage ne fait plus sens, un peu plus fait-il signe, le signe valant pour lui-même. Ce désoeuvrement de "la poésie" en "travail" est peut-être l'un des signes, justement, du "nihilisme européen" contemporain. "Vivre, c'est assumer de visiter le cimetière de nos contemporains". Un proverbe chinois dit que "nous sommes là pour pacifier nos ancêtres". Mais nous sommes là aussi pour dépasser le passé. Nous ne sommes pas là, nous que l'on considérait jadis comme des "débiteurs insolvables" à peine étions-nous nés, pour inverser unilatéralement la charge de la dette en faisant de nos parents nos "créanciers grecs", auxquels nous tiendrons rigueur de la dernière "parole malheureuse". Ma critique est-elle réactionnaire ? Il y a des moments où vivre, c'est réagir, comme d'autres où c'est choisir et risquer. Il ne faudrait pas que l'écriture ou que la poésie devienne un simple "travail de survie". si vous êtes intéressés par la poésie contemporaine, mon frère a produit un documentaire intitulé : "La poésie s'appelle reviens".

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