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jeudi 25 juillet 2024

Martin Hirsch sur l'abbé Pierre, la curée continue!

Et la curée continue. Dans "la Croix", Martin Hirsch qui, pour un peu, se poserait en "compagnon d'Emmaüs" de la base, mais dont la carrière doit tout à ce qu'Emmaüs ait confié sa direction à cet ancien directeur de cabinet de Bernard Kouchner, assure qu'il ne veut pas jeter de l'huile sur le feu dans cette période douloureuse, mais qu'il prend la parorle pour expliquer "qu’on ne peut pas comprendre le mouvement Emmaüs sans cette simultanéité dans la reconnaissance et la distanciation, dans l’admiration des forces et la crainte des faiblesses de son fondateur." 


Il avait déjà pris ses distances avec l'abbé Pierre quand celui-ci avait pris des positions favorables à son ami Roger Garaudy dont je crois moins qu'il ait été auteur d'écrits révisionnistes qu'il n'a été influencé, après beaucoup d'autres revirements qui avaient pour tronc comun  l'option préférentielle pour les damnés de la terre, par sa conversion à l'islam, qui le rendait proche des Palestiniens et peut-être de ce fait injuste avec la condition (plus qu'avec la question) juive. 


Mais revenons à Martin Hirsch et demandons-nous d'abord, à titre purement gratuit et nullement diffamatoire malgré le caractère insinuant de la question posée, si l'homme est certain qu'un jour, une secrétaire ne pourra pas dire qu'il a abusé de sa position dominante pour lui faire des avances non souhaitées ou avoir envers elle des gestes inappropriés. Je dis ça sans rien savoir, je dis que c'est le fait de pas mal de patrons dans pas mal d'entreprises, et singulièrement dans le monde médical où Martin Hirsch a évolué en tant qu'administratif.


Je note que le couple qu'il forme ou qu'il formait avec sa femme Florence (je ne sais pas ce qu'il en est de sa situation matrimoniale actuelle) est ou était un couple de gens très favorisés, ce qui l'apparente assez peu avec la condition des compagnons d'Emmaüs lors même qu'il se dépeint comme l'un d'entre eux, presque un ancien primus inter pares, pairs et compagnons qui ont cessé d'être aux avant-postes de la décision dans la confrérie, et ce apparemment depuis qu'"en 1957, peu après l’appel de 1954 qui fit de lui une légende vivante, les proches de l'abbé Pierre l’avaient envoyé dans une clinique en Suisse, à l’isolement, parce que son comportement avec les femmes posait problème."Ses proches et, on l'a vu, le cardinal Feltin, et mgr Jean Rodhain, président du Secours catholique, à qui l'abbé Pierre faisait de l'ombre. 


Entre parenthèses, en cette fin des années 50, comme le notait le rapport de la CIASE, on s'occupait des prêtres qui présentaient des troubles et des déviances et avaient "un comportement problématique" ou "un problème avec les femmes". On s'en occupait, on essayait de les soigner tant bien que mal, même si ces soins revenaient à leur administrer du bromure pour, je recite Martin Hirsch, "canaliser l’énergie débordante de l’abbé Pierre vers de justes causes. "Comme si l'énergie sexuelle et libidinale, identifiée depuis  la psychanalyse comme le ressort ultime, énergétique et érotique de l'intérêt à agir, pouvait être canalisée et sublimée au point qu'en vertu de la "misère du désir",  le désir" se tourne entièrement vers la misère, une "juste cause" aux yeux de Martin Hirsch, que lui-même a diversement servie. Il se garde bien de dresser son propre bilan en la matière, et c'est en cela que son intervention a quelque chose d'indécent, parce que cet homme "qui, d'une certaine manière, doit tout" lui aussi au fondateur d'Emmaüs veut bien prendre ses distances avec lui pour en discerner ombres et lumières, mais il ne prend aucune distance avec lui-même et sa propre carrière qui, elle aussi, présente ombres et lumières et où globalement, on peut discerner deux périodes:


-Celle où il quitte le mouvement pour, fort de son aura d'homme qui sait lutter contre la misère, devenir ministre de Nicolas sarkozy et lui proposer la création du RSA, ce qui est plutôt à mettre à son actif, même s'il va vite en besogne en disant que "les dernières décennies ont donné lieu à un important travail pour sortir de cette conception" où, "Puisque les règles sociales ne savaient pas trouver une place aux exclus, les communautés se dispenseraient des règles, l’esprit de solidarité en tenant lieu. Et l’abbé Pierre pouvait faire rempart de son mythe pour éviter que les pouvoirs publics y trouvent à redire." Sous-entendu, aujourd'hui, les règles sociales règlent le problème de la misère, mais beaucoup de ceux qui pourraient prétendre au RSA n'y recourent pas, car c'est une solidarité bureaucratique et de plus en plus stigmatisante, ce que n'a certes pas vouluMartin Hirsch en fondant et construisant le revenu de solidarité active.


-Le deuxième moment où Martin Hirsch refait parler de lui est celui où il dirige l'Assistance publique hôpitaux de Paris, et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a pas fait l'unanimité durant cette période, entre compression de personnel, gestion de la crise Covid avec suppression de lits, suspension des soignants et maîtrise d'oeuvre du Ségur de la santé. C'est pourtant là qu'il pouvait faire ses preuves: il n'était plus un militant qu'on peut toujours accuser d'être dans l'incantation, mais un gestionnaire qui pouvait mettre sa gestion à l'épreuve de son militantisme.


Bref, Martin Hirsch préfère enfoncer l'abbé Pierre que balayer devant sa porte, non sans rappeler qu'il a prononcé son éloge funèbre: "Aux obsèques de l’abbé Pierre, j’avais dit que le meilleur hommage, c’était de continuer. Aujourd’hui, ce que disent à raison les responsables du mouvement Emmaüs, c’est que le meilleur hommage à rendre aux victimes, c’est de continuer le combat contre la misère."Martin Hirsch se place naturellement dans la continuité des dirigeants actuels d'Emmaüs, non dans celle de l'abbé Pierre. À Martin Hirsch l'ingrat, les mannes de l'abbé Pierre reconnaissantes! 


Martin Hirsch sur l’abbé Pierre : « Pendant 50 ans, Emmaüs a pensé que ces comportements étaient de l’histoire ancienne » (la-croix.com)

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