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mercredi 11 septembre 2019

Une autre page d'amour

@Denis Monod-Broca | 11 septembre 2019 à 13:22 « - l'amour sublime le sexe. Quelle belle "invention" ! Encore faut-il que les mots - "amour" bien sûr, mais aussi "fidélité", "constance", "responsabilité" et quelques autres - aient un sens..."

J'avais écrit dans une chanson:

"Vivre ne laisse riein à désirer,

Aimer est une affaire de volonté."

C’était une chanson qui décrivait l'amour de ma vie que j'avais rencontré, ce qui est rare dans une vie d'homme. Je croyais être à jamais préservé du"Ne me quitte pas." "Oui le bonheur, ça n'arrive pas qu'aux autres" comme disait une publicité pour le loto. Pas plus que le malheur, comme ne le disait pas une non publicité pour l'accidentde parcours ou de voiture.

Deux de mes chansons ont raconté mon histoire avant qu'elle ne n'arrive. Tel est le mystère de la prémonition comprise dans l'écriture. J'avais écrit une chanson facile intitulée: "Des naufrages d'or", où je me félicitais d'être un naufragé. À la fin, j'avais écrit que je ne doutais pas que "d'horribles drames payent nos folies." Je pensais à une de mes ex que j'avais à peine touchée, mais dont je me souviendrai toute ma vie du soupir surle le lit en-dessous de mon lit superposé dans un studio du dix-huitième arrondissement: "Je voudrais être mère. » Soupir. « Tu ne peux pas comprendre." Elle devint mère, ne buvait pas, mois beaucoup, et elle mourut d'un cancer du foie en laissant deux orphelins. Histoire évidemment véridique, car de tels drames ne s’inventent pas.

Lorsque je commençai de me mettre au métier qui tissa l'art de Brassens, j'écrivis une autre chanson facile intitulée: "La fêlure". Je m'y dépeignais comme le romantique dont je ne sais plus quel auteur a dit: "Heureux les fêlés, ils laissent passer la lumière." J'étais fêlé, moi qui voulais emprisonner toutes les peines du monde pour les offrir à mon premier amour quiétait une grande indifférente, étant née sous une bonne étoile, et les consoler dans la musique que j'aurais écrite. Et puis je ne sais pas quelle mouche m'a piqué. J’écrivis un deuxième, puis un troisième couplet où je disais : "

« N'as-tu pas honte, quand il est tard,

Quand tout s'éteint, quand tout se pare

De l'ombre, des nuits le miroir,

Qui te fait voir

Tous ceux que tu as écrasés

Pour te trouver plus haut placé,

Tous ceux que tu as fait souffrir,

Un peu mourir ?

N’as-tu pas honte de tes méfaits,

Du reflet d'un être imparfait,

Qu’as-tu donc fait de ta beauté,

Etre à demi satanisé ?"

Je me disais que ce troisième couplet, c’était pour les autres. Et puis, à 46 ans révolus, il m'arrive ce que je ne croyais pas qu'il pouvait m'arriver. Je me retourne sur ma vie et y découvre un bilan globalement négatif, l'exact contraire de ce que j’aurais voulu faire et de ce que Georges Marchais – je fus le collaborateur musical de son dernier confesseur - croyait déceler dans le communisme, « un bilan globalement positif ». Oh certes,il m'était arrivé dans ma vie d'avoir mauvaise conscience, mais c'était une mauvaise conscience du réveil ou pour examen de conscience, une mauvaise conscience qui s’enfuyait dès le premier café, ce n’était pas une mauvaise conscience panoramique. Tout d'un coup, moi dont mon meilleur ami m’avait dit que, pour bien se connaître, il faut s'apprécier dans sa plus grande qualité, moi qui croyais bien me connaître et qui m'en piquais, moi qui croyais que, de la connaissance de soi, on pouvait déduire Dieu comme le promettait l'oracle de Delphes, moi qui avais envisagé en écrire un mémoire de maîtrise intitulé "Montaigne, platonisme et christianisme" où j'aurais montré comment l'auteur des "Essais" découvrait le Christ dans une vision optimiste et sceptique de lui-même et dans sa connaissance du monde, comme auraient dit les époux Kraft, vulcanologues, moi, le volcan, je me découvrais dans des coins où il n'aurait jamais fallu balayer.

Qu'Est-ce que le purgatoire? Selon François brune, l’auteur des « Morts nous parlent » que j’ai découvert grâce à mon ami Franck et que j’ai brièvement rencontré à la fête de « radio courtoisie » parce qu’il était un sulpicien maudit qui n’avait les faveurs que de Julien Green, selonFrançois Brune donc, ce prêtre qui a « [cartographié] l’au-delà », le purgatoire, c'est de souffrir de la manière dont on a fait souffrir. C'est donc le supplice du miroir. J'en suis au premier stade: moi, l'auteur de "La fêlure", qui n'est pas qu'un ébréchage personnel qui ouvre le cœur, j'en suis à savoir que j'ai fait souffrir et que j’ai fait du mal, bien que me croyant un homme de bonne volonté. Je connaîtrai le second stade du supplice du miroir ou le complet purgatoire le jour où je souffrirai comme j'ai fait souffrir, avant de "connaître comme je suis connu" (Saint Paul, commentant notre condition humaine d'"énigme dans le miroir"). Mais le purgatoire est l'antichambre du ciel. Lepurgatoire est un état, situé dans un temps donné? François Varillon, auteur que je sous-estimais, le Régis des "Deux étendards", complète son homonyme François Brune: "Non. Le temps quantique et relatif admet la succession encore moins que l'éternité. La lumière est toujours du passé qui nous revient. La nature du souvenir est de survenir. La mémoire est toujours involontaire. L'enfer, lepurgatoire et le paradis sont trois états simultanés qui se résoudront, pour ceux qui voudront de la lumière et que Dieu reconnaîtra, dans la Lumière de Dieu et dans la béatitude en Dieu.

"Tout ça, c'est bien joli", me disait mon père, brandissant le te-shirt qu'il m'offrait et où il était écrit: "Je sens que je vais conclure". "Mais ce qui me désole, c'est que tu ne sois pas, comme moi, porté sur le mont de Vénus. Un homme, il baise comme il fume une cigarette." et mon père fumait beaucoup. L'amour et le sexe. Je suis le fils de ce père-là et j’aime qu’il ait séparé les deux.

P.S.:

Je crois que la philosophie d'ensemble de mon père était:

-Il faut amier les gens, mais s'en méfier terriblement.

-Leur faire confiance à condition qu'ils ne mentent pas.

-Et leur mentir, mais jamais sur l'essentiel.

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