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lundi 2 septembre 2019

La tourmente de Moix ou la chute d'un Proust

Je ne suis pas chic, n'appartiens pas au "tout Paris mondain" et pourtant je savais pour Moix. Mais quelque chose me gêne dans tout ce déballage. C'est que peu importe aux yeux des médias que l'histoire familiale de Moix, sur laquelle il a récemment bâti sa réputation de grand écrivain victimaire, soit vraie ou fausse. Il peut à l'envi cracher sur sa famille, tout le monde s'en fout, ça ne défrise pas la presse parisienne ni le service public, à peine cela fait-il les choux gras dans l'Orléanais où habite la famille de l'écrivain qui la perd de réputation, à tort ou à raison. Mais ce qui est impardonnable, même aux yeux de Moix et sauf aux yeux de BHL pour qui l'antisémitisme est impardonnable à la seule exception de Moix, ce sont les "abjections" et les "erreurs de jeunesse" d'un jeune homme de 21 ans qui a continué à fréquenter des écrivains antisémites jusqu'en 2013 pour "failloter" et qui a complètement retourné sa veste au point de défendre inconditionnellement l'Etat d'Israël sur le service public, ou encore de parler d'"universel juif" après avoir éténégationniste et accusé les juifs de nécrophilie.

Moix évacue son frère de son roman, qu'à cela ne tienne, c'est une licence autofictionnelle. Pour défendre son ami dans la panade et à qui BHL ne veut pas qu'on réserve le sort de Brasillach car c'est lui qui l'a fait, Ruquier donnera une leçon de journaliste au rubricard de la PQR et des "chiens écrasés" de "La Nouvelle République du Centre" (le Centre, qu'Est-ce que c'est?): il n'aurait pas dû prendre la parole du père de Moix pour argent comptant. Pas faux. Mais ledit José Moix avance deux faits. "Si j'avais été un père aussi horrible que mon fils le raconte depuis quelques années pour lancer sa carrière, je ne lui aurais pas payé des études jusqu'à trente ans." Cela ne prouve rien. Ruquier ne vérifie pas. "Et Yann ne m'aurait pas demandé de venir lui faire des travaux dans son appartement parisien il y a cinq ans avant, du jour au lendemain, de refuser de me parler." Cela prouve quelque chose et Ruquier ne vérifie pas.Il ne demande pas à Yann Moix si la chose est exacte. Pourtant si elle est avérée, elle est révélatrice.

Yann Moix nous a expliqué dans un livre précédent combien les djihadistes étaient des nihilistes, des ratés et des impuissants. Le négationniste de 20 ans qu'il était et dont il a faitun procès sans appel dans "On n'est pas couché" n'avait rien à leur envier. Pour que sa leçon porte, il aurait dû en parler à l'époque dans son livre et nous présenter ce contre-exemple.

Moix n'écrit pas sans talent. "Orléans" est le deuxième livre censé être "La recherche" de l'enfant battu de ce Marcel Proust en herbe et qui prenait pour modèle le poursuivant de la mémoire involontaire, même si le chemin de Moixcomme écrivain se voulait entièrement chronologique au contraire de celui de Proust, bâti sur les réminiscences. Si Moix n'a pas été battu, il a beaucoup d'imagination dans une époque qui n'en a plus du tout. Quoi qu'il en soit, la valeur du roman de Moix est démonétisée par rapport à celle du roman mondain à clefs de Proust, car les personnages du roman sont sortis du bois et en ont appelé à la justice, sous l'égide d'Emanuel Pierrat, grand avocat littéraire qui joue ici le rôle d'Ernest Pinard poursuivant "Madame Bovary". (Le victimisme est un bovarysme.) Christine Angot n'est pas Marguerite Duras. Mais que se serait-il passé si Pierre Angot, l'incestueux présumé, ou bien son fils Philippe éclaboussé par l'écrivain, avait ainsi crié au loup? Le genre autofictionnel aurait rempli les colonnes d'un "Paris match" d'un nouveau genre qui reste encore à inventer et dans lequel les happy few auraient étalé leurs blessures d'enfance, tellement plus scabreuses et irrémissibles que nos bobos si banals d'anonymes en mal de reconnaissance.

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