Écrit à mon ami Alain Heim:
"J'ai écouté la bénédiction de l'orgue de Notre-Dame (et accessoirement le résumé de sa réouverture mis en ligne par l'Élysée) pour pouvoir répondre à ta demande. Un chroniqueur de "Radio courtoisie", Arthur de Watrigan, l'a trouvé très "criard" et la seule fausse note de la cérémonie... Un autre religieux facebookien relayé par Charles-Éric Hauguel a trouvé que la cérémonie a davantage été tournée vers les froufrous de Jean-Charles de castelbaja et vers l'orgue que vers Jésus et Marie. L'appréciation me semble un peu dure, surtout que mgr Laurent Ulrich a remisouvertement Jésus, Marie et les pauvres, qui n'avaient guère droit aux entrées de la cathédrale, au centre de la cérémonie. Je l'ai entendu réactiver à Lourdes, lors du Pèlerinage national auquel j'ai participé avec le colonel il y a deux ans, le concept d'"amitié sociale" et sa prédication a démontré qu'il est resté fidèle à cette belle idée. De même, il a chanté la partie qu'il devait dialoguer avec l'orgue et j'ai aimé le timbre de sa voix. Mais je n'ai pratiquement rien aimé des improvisations des organistes, sans discuter de la réussite de la rénovation de l'orgue, je n'en ai pas la compétence. Sans doute, cette restauration est-elle très réussie, le Cavaillé-coll a été rendu à son degré d'agressivitémaximale, sous la maîtrise d'oeuvre de Christian Lutz que nous avons connu à ste-Marie et qu'un documentaire a montré se comportant en inspecteur des travaux en train de se faire, qui n'avait pas la responsabilité de mettre la main à la pâte. Très bien. Mais faire chanter Dieu le Père en un crescendo qui le montrait d'une toute-puissance tonitruante tel un Jupiter tonnant
comme on la redoutait au XIXème siècle et comme on l'a trop déconstruite au XXème ne me paraissait pas donner très envie de se tourner vers Lui. Ensuite, chanter Jésus en le rendant nasillard ne me paraissait pas non plus en donner une image très avenante. Je ne parle même pas de la vie dans l'Esprit-Saint dont l'organiste a donné l'idée la plus foudroyante et la moins rassérénante. La prière des chrétiens était incarnée par deux voix là où une seule m'aurait paru plus convenir à son unité et à une communion qui se reconstitue du fait de Jésus Lui-même "quand deux ou trois sont réunis en Son Nom". La sortie de la messe était brillantissime et avait de quoi donner des complexes à des organistes dans mon genre, mais qu'apportait-elle en dehors du sentiment de virtuosité de celui qui la jouait, s'adonnant à l'exercice académique et jubilatoire du lâcher des organistes à l'issue desmesses dominicales pour qu'ils s'éclatent à bride abattue? Je n'ai vraiment aimé que l'hommage rendu à Marie et la très brève pièce jouée à l'issue de la courte homélie qui redonnait le sens de la cérémonie.
Cérémonie dévoyée parce que, quand on récupère Marie pour la
discipliner sous les voûtes d'une cathédrale, on la reconduit au désert
au lieu de s'ouvrir au merveilleux dont toute sa vie témoigne, même dans
ses apparitions les plus catastrophistes et les plus controversées.
J'ai le même sentiment de préfabriqué à Lourdes où la lecture conjointe
des livres d'Emile Zola et d'Anne Bernet m'a donné l'impression que,
pour bien cloisonner la piété populaire, on avait choisi une apparition
où la Vierge en demandait le moins possible et dégageait une source dans
ce qui n'était que de la boue sans produire un phénomène exagérément
surnaturel, mais auquel les évêques continueraient de se montrer
tellement attachés qu'ils ne se verraient pas se réunir dans une autre
ville après que l'Eglise a commencé par y organiser le pèlerinage
national, pour entre autres y former les beaux mariages de la
bourgeoisie catholique et contrebalancer les fraternelles par la mise
en réseaux et en faisceaux du botin mondain caritatif. DostoÏevski a
toujours mis en garde contre cette logique réticulaire, quand même elle
se serait contentée de réunir la Russie par voie de chemins de fer, et
Léon Bloy n'a cessé d'affirmer une préférence qu'il ne savait guère
fonder en raison pour la Salette et contre Lourdes. L'Eglise
institutionnelle s'est toujours méfiée des révélations privées, mais la
Conférence des évêques de France seréunit dans une ville d'apparitions
pour ne pas avoir à parler de celles dont ils ne savent ou ne veulent
rien dire.
Deux questions très intéressantes ont été posées par une amie de M... La première: "Je croyais que l'Eglise était d'abord destinée au peuple. Alors comment expliquer que le peuple était sous la pluie et les chefs d'Etat dans l'église? Sans compter que je croyais aussi qu'il y avait séparation entre les Eglises et l'Etat."
Pour notre part, l'idée qui a germé en Clément d'organiser la
commémoration de la naissance de Claude Balbastre le 8 décembre 1724 en
ce 8 décembre 2024 a été un magnifique clin d'oeil à ce premier
compositeur de l'"orgue spectacle", qui n'en a pas moins sauvé sa peau
et l'orgue de Notre-Dame en y jouant la Marseillaise pendant la
Révolution.
Ne m'en veux pas si je publie la dernière partie de cette réponse, je me suis senti emporté par ma veine pamphlétaire et comme il fauttoujours que je donne mon avis sur tout...
Amitié,
Julien"
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