Justice au Singulier: Marine Le Pen, les citoyens et les analystes...
"Un sondage (Fiducial-Sud Radio) fait après la motion de censure, place Marine Le Pen au premier tour de la future élection présidentielle, avec 36 % face à Édouard Philippe qui serait à 25 % ; et à 38 % devant un Gabriel Attal à 20 %." (Philippe Bilger)
Peut-être cet écart entre Édouard Philippe et Gabriel Attal est-il le principal enseignement de ce sondage. Édouard Philippe s'est montré un vrai Premier ministre de proximité après avoir été un élu de terrain, certes un peu propulsé par l'appareil de son parti à la mairie du Havre. Gabriel Attal a été un homme politique en toc qui a gravi trop vite le cursus honorum selon le bon plaisir du prince qui ne l'a engagé que pour des CDD et en a fait le plus brillant des intérimaires. À force d'être rétrogradé sans plus de raison que celles qui l'avaient fait monter avant qu'il ait fait ses preuves, Gabriel Attal a développé "un sentiment de frustration" assez légitime, qui l'a fait revenir à son tempérament atrabilaire originel et s'enférer dans de la "politicailleri" en démontrant que l'"histoire" qu'il "[avait] à vivre avec les Français" ne le transcenderait pas plus longtemps que les intrigues et les postures qu'il devrait prendre au lieu du recul nécessaire, pour exister à court terme sans avoir d'autre vocation que celle de monter toujours plus haut et plus vite sans voir plus loin que le bout de son nez et au risque de dégringoler avec le macronisme quand cette parenthèse sera refermée et signera ce qu'elle a toujours été: la dévaluation d'une bourgeoisie décadente jouant les transformistes à force de perdre ses valeurs.
"Même si [le président] a totalement exclu récemment [de démissionner], cela n'avait pas toujours été sa position." (PB)
Donc il peut se démettre comme il a dissout l'Assemblée. Il peut tout, car son essence est de se transformer toujours et son intelligence ne va pas jusqu'à résoudre les casse-têtes en dehors du tourbillon de mondanité dont témoigne la composition de ses gouvernements successifs, tourbillon qui s'accélère depuis l'impasse de la dissolution et qui fait d'Emmanuel Macron le plus grand pourvoyeur de ministres et de ministricules que la Vème République ait portés. J'aimerais connaître le nombre de ministres et de sous-ministres à qui il a donné un marocain avant de les faire changer de place ou de les jeter aux oubliettes de la politique, mais qui nous coûtent un "pognon de dingue" pour le restant de leurs jours, car il faut bien les dédommager d'avoir servi la République.
"Ce sondage semble démontrer qu'il faut davantage faire confiance aux personnalités publiques en lice pour demain qu'aux analystes et aux politologues." (PB) Il faudrait surtout en trouver de nouvelles.
"Il est clair qu'avec son intuition, MLP a mieux perçu les humeurs et les désirs de son électorat que tous ceux qui, en chambre, bâtissaient des théories et concluaient péremptoirement que le vote de la motion de censure par le Rassemblement national allait lui faire perdre sa respectabilité durement conquise et décourager une part de ses militants." (PB)
Un sondage est un instantané. Certes, la dérive de la démocratie française en pouvoir personnel donne des chances à l'opinion de ne pas se déterminer le jour J avec plus de conséquence qu'elle n'a répondu aux questions de ses sondeurs. On peut néanmoins parier que l'électorat lepéniste, qui avait longtemps nié que Marine Le Pen avait été défaite par ses deux débats un peu moins calamiteux l'un que l'autre avec Emmanuel Macron qui n'avait qu'à ramasser les morceaux de ses brisées, ne saura pas longtemps gré à sa cheffe de file, si le gouvernement des juges ne la cornérise pas, d'avoir censuré l'exécutif en toute irresponsabilité.
Car Emmanuel Macron a beau jeu de la coiffer au poteau, avec les autres censeurs, sur l'air de "j'assume toutes mes responsabilités" (on se demande comment il concrétise cette nouvelle déclaration d'intention), "mais je refuse d'assumer l'irresponsabilité des autres." Après tout, s'il a dissout, c'est à la demande du rN et si Michel Barnier est tombé sans espoir qu'un Premier ministre à l'ancrage plus solide ne le remplace, ce sera encore parce que le RN jouera l'arbitre des élégances en le soutenant d'abord pour le précipiter ensuite du haut de la roche tarpéienne où il se fracassera le crâne après avoir consacré beaucoup de jus de crâne à contenter l'héritière de Montretout et ses affidés qui, le doigt sur la couture du pantalon, sont suspendus aux humeurs de la duègne comme "l'intuition" de celle-ci devrait la faire gouverner au gré des "humeurs" de son électorat qu'elle a respectées en censurant sans lendemain le gouvernement Barnier, de quoi nous inspirer confiance pour la suite.
Et l'on aura beau protester que, si Marine Le Pen veut jouer les arbitres des élégances, Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise sont eux toujours inélégants et ne veulent qu'abroger, empêcher, forcer la main et destituer à grand renfort de hurlements. Jean-Luc Mélenchon a prétendu voler la victoire du "front républicain" qu'il n'a jamais lésiné d'animer quand il s'agissait de faire barrage ou faire tomber des têtes, mais il n'a jamais prodigué un vrai discours de la méthode, contrairement aux autres partis de gauche, qui se sont certes laissés emporter dans son application de "tout le programe du NFP et rien que le programme" et dans son exigence absurde qu'Emmanuel Macron ne nomme un Premier ministre de gauche (à quel titre puisque la gauche est minoritaire), mais ils se sont néanmoins tous mis d'accord pour sortir de cet imbroglio parlementaire en décidant, comme Marine Tondelier ou Lucie Castets l'ont toujours dit, qu'il fallait gouverner texte par texte, laisser le Parlement avoir le dernier mot et ne jamais s'imposer à coups de 49.3, au risque que la politique dont on accouche soit frappée d'incohérence, la faute à celui qui a fait couler sur son pays les eaux du déluge et qui continue de ne pas trouver où amerrir parce qu'il prétend exclure de son gouvernement des composantes du Parlement qui a de son fait adopté cette forme cahotique, comme si les uns n'avaient qu'à se contenter d'un soutien sans participation en remerciant de leur relégation quand les autres auraient si peu démérité qu'ils seraient de plein droit estampillés partis de gouvernement.
La République inclusive s'emploie à exclure ceux qui pourraient y prendre des responsabilités sous prétexte qu'ils seraient plus irresponsables que les autres, mais la France insoumise et le Rassemblement national n'ont pas grand-chose à envier en la matière au président de la République, qui préfère le soutien sans participation de quelques-uns à un gouvernement d'union nationale, la seule issue de ce casse-tête qui ne porte pas tant sur le nom du Premier ministre que sur la manière de faire coexister toutes les forces politiques dans son gouvernement en remettant les compteurs à zéro.
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