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samedi 13 avril 2024

Jean-Pierre brouillaud, un globe-trotteur aveugle, voire plus si spiritualité

C'était avant-hier soir. J'y étais. À la 

    librairie 47° Nord à Mulhouse. 


Langue des signes: je suis invité à cette 

    conférence par mon amie EvelyneLamon, présidente du Raph 68, fédération d'associations et d'établissements liés au monde du handicap dans le Haut-Rhin, à l'origine de la plateforme "Handiconsulte", qui permettra de pallier s'il se peut la défaillance médicale et le moins-disant de soins que subissent les personnes "en situation de handicap" (que j'aime cette périphrase!). 


Handicap. Le premier dispositif Handiconsult du Grand Est à Mulhouse (lalsace.fr)


J'invite mon copain David au titre de la 

    retape, sans savoir ce qu'il pouvait penser de cet écrivain qu'il n'avait 

    probablement pas lu, comme moi. 


Miracle de la "langue des signes": il 

    vient de lire ses deux livres récemment rendus accessibles sur la 

    bibliothèque Eole des livres audio. 


Je m'étais comporté vis-à-vis de David 

    comme un "agent du hasard". Mais le hasard n'existe pas.


Commençons par parler de 

    l'auteur.


Qui est-il? 

    Pirouette: "Si j'étais une femme, je me draguerais; si j'étais aveugle, je m'appellerais Brouillard; si j'étais écrivain, je m'appellerais Brouillon; mais comme je suis un peu les quatre, je m'appelle Brouillaud".


Où peut-on le découvrir?


https://www.youtube.com/channel/UCe_Beg7gSXE-HtqNUEFP_iA


Il a publié trois 

    ouvrages:


Géographie mon 

    amour (c'est son opus le plus récent)


https://l-illusion-du-handicap.com/2023/02/geographie-mon-amour-une-poetique-du-voyage.html


https://www.babelio.com/livres/Brouillaud-II-Aller-voir-ailleurs--Dans-les-pas-dun-voyageur-/794903


https://www.amazon.fr/Voyages-coq-l%C3%A2me-Par-del%C3%A0-visible/dp/2919513222


Mais il met aussi en scène et en vidéo ses 

    poèmes et ce que j'ose à son insu appeler des "carnets démentiels", en 

    mémoire de mon ami de plume, Yann Guirec, qui, comme lui, écrivait ses impressions sur 

    une tablette de poche et du papier journal quand il "dépeçait" dans une 

    chambre d'hôtel une "fille de joie" qui n'a jamais été "de petite vertu". 

    Jean-Pierre Brouillaud envoyait deci delà ses impressions à des amis qui les 

    ont conservées, ce qui nous vaut son dernier opus.


Moi, les voyages, ça ne 

    m'intéresse pas plus que ça, je les fais "Autour de ma chambre", comme 

    Xavier de Maistre, le frère aveugle du grand Joseph. Je l'ai dit au 

    conférencier. Pourtant nous nous sommes immédiatement plu et reconnus, je 

    crois. Moins que n'ont été séduit, dans un coup de foudre intellectuel et 

    spirituel immédiats, d'abord mon ami David, autre voyageur aveugle solitaire qui se 

    prend parfois à regretter de "faire du tourisme" et de ne pas avoir 

    l'audace de la "belle étoile" (mais poser une comparaison, c'est vouloir 

    résoudre une équation). 


Mais le plus foudroyé est sans doute Renaud Obino, 

    directeur adjoint de l'institut pour déficients sensoriel et dysphasiques le 

    Phare à Illzach. C'est lui qui a convaincu Evelyne Lamon, d'inviter notre auteur. L'événement s'est 

    concrétisé près de trois ans après que Renaud Obino ait émis le souhait d'organiser une rencontre 

    autour de Jean-Pierre Brouillaud. 


Le directeur adjoint du Phare et le collaborateur du Raph68, Elvis Cordier, ont fait chorus pour poser à l'auteur des 

    questions plus intelligentes les unes que les autres, dont la question 

    "incipit", que l'auteur refusait de se voir soumettre. Ne me demandez 

    pas ce qu'elle était, mais elle nous a immédiatement emmenés dans le voyage 

    intérieur.


Je n'étais pas 

    en reste. Jean-Pierre trouvait qu'on devait faire pièce au mot de "handicap" 

    pour lui substituer celui de "différent". Je ne suis pas contre. Mais j'ai 

    rappelé que l'ANPEA (association nationale des parents d'enfants aveugles) 

    avait également préconisé cela au plan national. Tout en éditant une revue 

    qui s'appelait "Comme les autres" sans voir l'oxymore. 


Selon moi, le droit à la différence masque une 

    indifférence au droit des autres, mais ça n'engage que 

    moi.


Que nous a dit 

    Jean-Pierre? Qu'il ne s'est pas rendu compte qu'il était devenu aveugle, 

    jusqu'au jour où, après un premier passage en école spécialisée d'où on 

    l'exfiltre pour "réunion en baisodrome", il "atterrit" à l'Institution 

    nationale des jeunes aveugles (INJA). Là, ce sont les élèves qui se servent 

    eux-mêmes à la cantine. Partout ailleurs on le servait, et on masquait ainsi 

    son passage de l'autonomie à l'infirmité. Un gars veut lui servir sa soupe: 

    "Puisque tu es miraud, je te sers." Il aurait pu lui tendre son assiette, il 

    lui a tendu son poing pour le lui mettre dans sa gueule, car c'est une 

    révélation qu'il lui fait. 




Jean-Pierre ne savait pas nommer sa cécité. Moi non plus. J'ai appris vers mes trois ans que j'étais aveugle, quand on refusa de faire droit à ma réponse affirmative à la question: "Tu vois?" J'en ressortis vexé, car j'avais l'impression de parfaitement comprendre à quoi se référaient ceux qui voulaient me montrer quelque chose, raison pour laquelle je répondais "oui" à la question "tu vois". 


Jean-Pierre  refuse cette révélation, il se cabre, il se braque, 

    il casse tout, et il fera une énième fugue pour aller dépasser ça avec les 

    hippys dans le vaste monde, au début en revendiquant une sorte de 

    marginalité, jusqu'au jour où il découvre...


qu'il est tout, que tout est lui, qu'il est 

    un dans la conscience universelle. Que celui qui refuse la différence refuse 

    l'autre en lui-même et donc se refuse à lui-même. Même si des fachos sont 

    venus un jour demander à cet homme aux cheveux longs issu de la beat 

    generation: "Qu'est-ce que tu penses d'Hitler?" "Rien, mais c'est 

    une honte pour l'humanité" et ils lui ont "niqué" son deuxième oeil!" Bravo, 

    les gars!


La révélation de 

    cette conscience unitive lui est arrivée une fois, et puis elle s'est 

    retirée, un peu comme le Dieu des transports peut devenir assez rapidement 

    le Dieu des sécheresses. Des va-et-vient qui sont aussi ceux du pénis ou de 

    la vulve. Ceux de l'avant et de l'après l'amour. L'amour n'est-il pas une 

    mystique? 


"Lorsque vos 

    yeux regardent, vous ne regardez pas avec vos yeux, car vous ne faites pas 

    attention à vos yeux qui regardent, donc vous faites attention à votre 

    attention, et c'est avec votre attention que vous regardez." ON dirait du 

    Simone Weil. 

Variante 

    personnelle d'hypermnésique: la mémoire n'est pas une qualité d'affection, 

    mais seulement une tension d'attention.

Pour Jean-Pierre, "la mémoire est un palais 

    déformant."Pour moi aussi.


Le reste, je 

    vous le laisse découvrir auprès de Jean-Pierre, sur ses blogs, sa chaîne YouTube, 

    dans ses livres et ses spectacles. Merci à lui pour sa 

tant de  générosité! 

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