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jeudi 5 avril 2018

Tariq Ramadan, son moratoire et son drôle de statut




  1. Le mauvais procès fait à Tariq Ramadan sur le moratoire est typique de l’incompréhension dans laquelle l’opinion publique est alimentée en démocratie, par une presse qui l’y encourage volontairement, à ne pas faire l’effort de comprendre la logique de son interlocuteur. Il ne s’agit pas de ne pas « s’en laisser imposer par les mécréants » à propos d’une religion qui n’est pas la leur, mais en effet de « discuter entre soi », pour obtenir entre cheikh et oulémas un accord canonique visant à savoir si une loi islamique est abrogeable ou non. Tariq Ramadan avait pris soin de dire qu’à titre personnel, il était contre la lapidation des femmes. Et il proposait qu’un moratoire soit observé dans la totalité de l’oumma, de la « nation islamique » ou de la « communauté des croyants », le temps qu’ait lieu cette discussion canonique, dont l’issue n’aurait eu aucune influence sur les lois de la République française, qui s’imposent aux religions du fait de la laïcité, outre que la charia n’est intégralement appliquée dans aucun pays islamique – il faut sortir des fantasmes -.

 

Que je sache, on n’a jamais demandé au judaïsme rabbinique de se prononcer sur les lois sur la lapidation qui figurent dans la Torah, et qui restent en vigueur même si on ne les applique plus, donc à l’égard desquelles est observé une sorte de moratoire pratique, dont j’aimerais être sûr que les juifs orthodoxes n’y dérogent pas dans leurs enclaves.

 

  1. Tariq Ramadan a, dans le paysage francophone et anglophone, un statut totalement inédit : celui d’un intellectuel télé-évangéliste (ou télé-islamiste). À partir de là, plusieurs questions se posent :

 

- Qui lui a conféré ce statut ?

 

Est-ce lui qui a repris les méthodes de Khomeini pour répandre sa « bonne parole » à partir de cassettes comme celles que l’ayatollah enregistrait depuis Neauphle-le-Château sans que le shah d’Iran s’en inquiète, bien que Giscard l’ait prévenu, affirme-t-il dans le pouvoir et la vie.

 

Ou sont-ce les intellectuels ayant voix au chapitre qui l’ont reconnu pour l’un des leurs tout en l’excluant, et dont on peut se demander pourquoi ils acceptent de discuter avec un télé-évangéliste islamique, qui se place de fait dans une autre sphère du débat démocratique, serait-il par ailleurs professeur d’Université en Suisse et en Grande-Bretagne  (aux titres controuvés comme ceux de l’ex-grand rabbin Gilles Bernheim) ?

 

- La même question se pose à propos de son public.

 

Le paysage intellectuel français (PIF) le prive-t-il de penseurs de qualité pouvant se confronter aux intellectuels médiatiques, ou ce public a-t-il besoin de prêcheurs, ce qui accuserait un manque de maturité politique et religieuse ?

 

Le violentisme de cette immaturité est ici aggravé de l’incapacité où se montre ce public à envisager que les accusations dont Tariq Ramadan fait l’objet soient vraies, mais surtout des menaces et intimidations dont il fait preuve à l’égard des présumées victimes de leur télé-évangéliste préféré.

 

3. Terminons en notant que les télé-évangélistes comme les leaders charismatiques et autres gourous, ont souvent été impliqués dans des affaires de mœurs et d’agression sexuelle, comme si l’ascendant qu’ils exercent devait passer de l’esprit à la chair, par des voies dont je voudrais être une petite souris pour savoir de quel prétexte ils se servent pour convaincre leurs pratiques de manquer à la piété et de passer à la casserole…
 

1 commentaire:

  1. Transmis par le Croissant de lune.

    Mon Torrentiel, merci de rompre ton long silence.







    S'agissant du statut de Tariq Ramadan, il n'est pas reçu comme prêcheur, enfin, pas comme d'autres Musulmans ou des télé-évangélistes, il est reçu aussi comme un intellectuel. La réalité est que l'influence et la réception de Tariq Ramadan était tombée assez bas, il fut plus célèbre dans les années 90. Ou bien, plus précisément, certains ont admiré le voire donner de la tablature sur certains plateaux à d'autres orateurs adversaires, un peu comme un boxeur sur un ring. Mais d'autres dont je suis n'ont pas trouvé digne de se commettre avec des faussaires genre Erik Zemmour et valider par là même son discours anti-musulman haineux.







    Je ne suis pas sûr qu'avant les récentes affaires, on pouvait parler d'un public important de Tariq Ramadan, en France tout au moins. Il a probablement publié le plus grand nombre de livres, il a beaucoup écrit, mais dans la dernière décennie, la toile a permis une grande concurrence entre orateurs, souvent hostiles à Tariq, on se dirait bien qu'il y a un peu de jalousie, mais des concurrents parfois de faible valeur, puisque tout passe sur internet.







    Non, le public Musulman qu'il soit réellement pro-Tariq auparavant mais le public Musulman plus large, s'est réveillé lors des affaires récentes, en fait, lors de la détention préventive qu'on trouvera quand-même abusive dans ce genre de plainte sans preuves matérielles. Et le public qui soutient la libération de Ramadan et une égale médiatisation de sa défense n'est pas que de Musulmans, il ne le fut pas ainsi depuis le début et il s'élargit davantage maintenant.







    Je voudrais bien qu'il n'y ait que violentisme internautique des soutiens de Ramadan contre les plaignantes, mais hélas, il y a aussi un violentisme de Musulmans et d'autres hostiles à Tariq et sourds à tout argument. Nuance, donc. Et personellement, la troisième plainte a achevée de me convaincre de l'artificialité de ces affaires, la première déjà, celle d'Hemda Ayari était douteuse, mais la troisième alors là! Et il n'y a pas de quatrième plainte, les médias Français l'ont annoncé mais ce n'était qu'une plainte téléphonique pas encore déposée, peut-être un hoax en Amérique.







    Non, j'apréhende le sort de Tariq Ramadan gravement malade semble-t-il, hospitalisation prolongée, faut plus rigboler, là! La peur me prend qu'il ne meure en prison avant qu'au cune affaire ne soit jugée ou bien, avant que la totalité des affaires soient jugées, ce qui peut prendre du temps attendu qu'on peut en susciter de nouvelles. Attention, ça peut devenir un fâcheux précédent, et sceller avec d'autres dispositions et lois dans les tuyaux, la fin de la démocratie, la fin de la libre information et expression, voire le retour à l'arbitraire, il faut se frotter les yeux maintenant!







    Je voudrais bien me tromper, je t'assures, hélas, hélas.







    Croissant de lune.


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