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mercredi 11 avril 2018

Les territoires perdus de la République


Le blogueur que je suis vit dans une  niche de commentateur. J’essaied’en prendre mon parti. Voici le second commentaire posté sur le blog de Philippe Bilger  au pied de son article : « Un ministre peut tout, un ministre ne peut rien » :

 


 

D’habitude, je n’aime pas mes textes féroces. Celui-ci l’est bien plus que mon premier commentaire. Mais j’ai si souvent traité ici de ma théorie du « peueple parlementaire » ou législateur que je trouve inutile d’y revenir. Je me sens à l’aise dans le monde des abstractions, mais il est des constats qu’il faut savoir dresser.

 

« Il manque un volet concret à mon commentaire d'hier soir.

 

Je me rappelle comme si c'était hier cette première professeur dépressive rencontrée il y a vingt ans dans une abbaye où elle venait se reposer, qui disait se faire molester tous les jours et que son principal ne défendait pas, car il ne s'agissait pas que son collège fût déclassé, ni qu'on pût laisser dire que l'Éducation nationale souffrait violence des élèves, ce qu'on peut résumer par boutade en disant qu'après que les profs ont tapé les élèves, depuis l'interdiction des châtiments corporels aux écolâtres, ce sont les élèves qui tapent les profs.

 

Cela a été évoqué par @Achille : en banlieue sont envoyés les professeurs les moins chevronnés, et les commissariats sont en sous-effectif. La République en marche marche sur la tête ou la tête à l'envers : il faudrait à l’évidence que le maximum d'effectif de police se concentre sur les quartiers qu'on appelle "sensibles" pour ne pas avouer qu'on y mène une vie bien plus sauvage que celle de Vendredi, de même qu'il faudrait que s'y concentrent les professeurs les plus chevronnés. On cache qu'on n'organise pas ces nominations par cette rustine qu'est le dédoublement des classes primaires en réseau d'éducation prioritaire, qui permet d'opposer la France rurale dans laquelle on ferme des classes (et qui n'est rien pour notre président de la République puisqu'elle n'a souvent pas le haut débit) à la France des banlieues qu'on va bientôt rapprocher des métropoles pour que "les loups entrent dans la ville", ce qui ne serait pas anormal si on commençait par les domestiquer, qu’ils soient solitaires ou en bandes&meutes, excès de langage mis à part: la banlieue est le territoire d'Al-Qaïda, des bandes et des caïds, d'où cet autre rapprochement sémantique. "Al nostra" fera du « bon boulot », cependant que Georges Bensoussan nous parlera des "territoires perdus de la République" et ne sera pas soupçonné d'importer le conflit israélo-palestinien dans la République parce qu'il n'est pas par position du côté des importateurs ou des importuns dont on dit qu'ils importent, bien qu'il ait écrit une remarquable histoire du sionisme en deux volumes à ce qu'on dit (je n'ai pas vérifié, n'ayant lu que celle de Denis Charbit).

 

Il arrive qu'au sommet de l'État on reprenne la rhétorique des territoires perdus de la République, rhétorique qui décrit une réalité bien que ceux qui la poussent le fassent dans une intention de "concurrence victimaire et communautaire" qu'ils dénoncent par ailleurs. Je précise que l'exode des juifs hors de la Seine Saint-Denis est des plus préoccupantes. Mais l'exécutif préfère se regorger de déclarations martiales que de rendre des sanctions exécutives. L'administration ne protège plus ni les administrés ni ceux qui travaillent pour elles comme ma professeure de collège déprimée rencontrée il y a vingt ans, c'est dire depuis combien de temps dure le phénomène. Il n'y a qu'à voir comme les professeurs sont envoyés dans n'importe quelle académie ou coin de France. Le site du Sial les balade comme des pions.  Les lois sont de plus en plus déclaratives, comme la prochaine amende dont seront passibles les frotteurs ou les siffleurs de filles qu'on ne prendra jamais sur le fait. À tout prendre, la loi préférera importuner les femmes voilées qui ne font de mal à personne. Elle acceptera, au retour du bled, de légitimer les mariages forcés qui y auront été contractés, tandis que des catholiques qui voudraient se marier religieusement sans contracter de mariage civil ne le pourront pas. Après avoir commenté en amont l'opportunité des lois votées par le pouvoir législatif, l'autorité judiciaire décidera en pratique lesquelles seront appliquées, ce qui n'ira pas sans un certain arbitraire puisque, selon que le juge sur lequel vous tomberez sera de gauche ou de droite, vous serez puni ou relaxé, et le délit pour lequel vous serez prévenu sera reconnu ou non.

 

La première division de la République est l'insécurité. La première indivision d'une République est l'unité dans la sécurité. Celui qui exerce le monopole de la violence légitime doit être le même sur tout le territoire. Sous prétexte que les caïds n'aiment pas la police, on ne doit pas déléguer aux caïds les pouvoirs de police. Quand mettra-t-on fin à tout ce bordel,  à ce terrorisme du quotidien, à cette anarchie rampante, à cette impuissance étatique drapée derrière le ministère de la parole de ministres qui parlent beaucoup, mais ne font rien ? Pour retrouver les territoires perdus de la République, il faut commencer par le vouloir. »

 

Mon amie Nathalie Haddadi demandait l’autre soir, sur « France 2 », dans l’émission « Questions directes » dont elle participait à essuyer les plâtres : « Comment des enfants de la République en arrivent-ils à vouloir détruire la République ? » Ils ne sont pas respectés, ni quand la République est aimante, ni quand elle est sévère. Aimante, elle ne veut pas qu’ils reviennent de s’être battu, non pas du mauvais côté, c’est à croire -puisque la République préfère combattre Bachar que Daech et combattre Bachar aux côtés de Daech-, mais dans la proximité des mauvaises personnes. Elle ne porte pas le deuil des djihadistes français, qu’ils se sentent effectivement Français, que la République leur ait accordé  la nationalité française ou qu’elle leur ait fait croire qu’ils étaient Français sansleur demander s’ils le souhaitaient. Sévère dans son laxisme, elle libère sa petite délinquance qu’elle enferme dans sa condition de voyou, et elle ne fait pas savoir à la pègre qu’elle ne sera jamais une police parallèle.

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